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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/26787/2024

ACPR/929/2024 du 11.12.2024 sur OTMC/3570/2024 ( TMC ) , REFUS

Descripteurs : DÉTENTION PROVISOIRE;RISQUE DE COLLUSION
Normes : CPP.222; CPP.237

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/26787/2024 ACPR/929/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mercredi 11 décembre 2024

 

Entre

A______, actuellement détenu à la prison de B______, représenté par Me C______, avocat,

recourant,

 

contre l'ordonnance de mise en détention provisoire rendue le 22 novembre 2024 par le Tribunal des mesures de contrainte,

 

et

LE TRIBUNAL DES MESURES DE CONTRAINTE, rue des Chaudronniers 9, 1204 Genève - case postale 3715, 1211 Genève 3,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A.           Par acte expédié le 25 novembre 2024, A______ recourt contre l'ordonnance du 22 novembre 2024, notifiée le 25 suivant, par laquelle le Tribunal des mesures de contrainte (ci-après, TMC) a ordonné sa détention provisoire jusqu'au 20 février 2025.

Le recourant conclut, sous suite de frais, à l'annulation de cette ordonnance et à sa mise en liberté immédiate; subsidiairement à ce que la durée de la détention soit limitée à deux semaines.

B.            Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a. Le 20 novembre 2024, D______, né en 1946, a déposé plainte pénale après avoir reçu, le jour même, un SMS selon lequel un paiement [de la société] E______ s'élevant à CHF 305.50 avait été validé et qu'il pouvait y faire opposition par téléphone. Son interlocuteur lui demandait ses coordonnées bancaires [numéro de cartes de crédit et codes de vérification], l'informant qu'un coursier viendrait chercher sa carte bancaire. Il avait fait appel à la police, laquelle a interpellé un individu, identifié ultérieurement comme étant F______, né en 2006, après que celui-ci eut pris contact avec ledit coursier.

b. A______, né en 2005, de nationalité française, a été arrêté peu après, alors qu'il sortait de l'hôtel dans lequel il logeait avec F______, étant souligné qu'il avait été observé précédemment sur les lieux de l'interpellation de celui-ci.

Il détenait cinq téléphones portables, dont deux lui appartenaient, et trois cartes SIM.

c. Le Ministère public a prévenu A______ notamment de tentative d'escroquerie (art. 22 cum 146 CP) et de tentative d'utilisation frauduleuse d'un ordinateur (art. 22 cum 147 CP).

d. L'intéressé conteste l'intégralité des faits reprochés. Il soutient, en substance, que son ami, F______, lui avait proposé de le rejoindre à Genève. Il l'avait entendu téléphoner à des tiers et, comme "ce n'était pas net", il avait décidé de retourner en France pour ne pas avoir d'ennui.

e. À teneur du rapport de renseignements du 26 novembre 2024, d'autres escroqueries de type "E______" au préjudice de personnes âgées ont été commises, selon le même mode opératoire, dans les cantons de Vaud, Neuchâtel, Valais, Jura et Fribourg, portant sur un préjudice total de plusieurs dizaines de milliers de francs. Selon la police, une seule et même bande organisée – dont feraient partie A______ et F______ – serait à l'origine de ces escroqueries. L'enquête se poursuivait afin de déterminer leurs liens avec les téléphones saisis et d'identifier d'autres complices.

f. Selon ses dires, A______ est célibataire, en formation et sans revenu. Il vivrait à G______, en France, avec ses parents et son frère.

g. Aucune inscription ne figure à l'extrait de son casier judiciaire suisse. En revanche, selon les indications du Centre de coopération policière et douanière, il est connu, en France, pour vol aggravé, vol de véhicule et meurtre (22.06.2022), dégradation ou destruction du bien d'autrui (29.09.2020), circulation sans assurance (28.01.2024), occupation en réunion d'espace commun d'habitation collective (02.10.2024), usage de contrefaçons (09.12.2020), et refus d'obtempérer (20.09.2022).

C.           Dans l'ordonnance querellée, le TMC retient que les charges sont graves et suffisantes pour justifier la mise en détention provisoire de A______, eu égard notamment aux constatations de police, aux déclarations du coursier et aux aveux partiels de son comparse. Il y avait un risque de fuite concret, compte tenu de sa nationalité étrangère et son absence d'attache en Suisse. Ce risque était renforcé par la peine-menace et concrètement encourue ainsi que la perspective d'une expulsion. Le risque de collusion devait être retenu vis-à-vis de F______ et du dénommé "H______" qui aurait chargé ce dernier de récupérer des enveloppes contre rémunération. Aucune mesure de substitution n'était susceptible d'atteindre les mêmes buts que la détention. L'instruction ne faisait que commencer. La durée ordonnée était nécessaire pour déterminer l'ampleur de son activité délictueuse, rechercher "H______", confronter les prévenus, analyser les images de vidéosurveillance de l'hôtel et les téléphones portables.

D.           a. Dans son recours, A______ soutient qu'aucune preuve ne permettait de retenir son implication dans les infractions reprochées. S'il avait paniqué lors de l'arrestation de son ami, il ne pouvait être dit, pour autant, qu'il fut son complice ou coauteur. Il était "naturel" qu'il ait emporté ses affaires et celles de son ami [y compris les téléphones portables] pour éviter que l'hôtelier ne les débarrasse après leur départ. Par ailleurs, au vu du mode opératoire "grossier", il était probable qu'aucune astuce ne fût retenue. En tout état, "la prétendue escroquerie n'a[vait] pas réussi alors qu'elle visait une personne âgée" et était, de surcroit de faible importance (art. 172ter CP), puisque le montant en cause dépassait seulement de CHF 5.50 le seuil fixé par la jurisprudence [CHF 300.-]. Dans ces circonstances, aucun risque de collusion concret ne pouvait être retenu, ni un risque de fuite. Il n'avait en effet aucune raison de se soustraire à la procédure, dès lors qu'il ne s'exposait pas à une peine ferme et s'était engagé à se présenter aux convocations. Le risque de réitération invoqué par le Ministère public n'avait aucun fondement en l'absence d'antécédent spécifique. Enfin, la durée de la détention ordonnée était excessive, l'instruction pouvant avancer rapidement puisqu'il avait communiqué ses codes de téléphone.

b. Le TMC maintient les termes de son ordonnance, sans autre observation.

c. Le Ministère public conclut au rejet du recours, sous suite de frais.

d. Le recourant renonce à répliquer.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 222 et 393 al. 1 let. c CPP) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             Le recourant conteste l'existence de charges suffisantes à son encontre.

2.1. Pour qu'une personne soit placée en détention provisoire ou pour des motifs de sûreté, il doit exister à son égard des charges suffisantes ou des indices sérieux de culpabilité, susceptibles de fonder de forts soupçons d'avoir commis une infraction (art. 221 al. 1 CPP). L'intensité de ces charges n'est pas la même aux divers stades de l'instruction pénale; si des soupçons, même encore peu précis, peuvent être suffisants dans les premiers temps de l'enquête, la perspective d'une condamnation doit apparaître avec une certaine vraisemblance après l'accomplissement des actes d'instruction envisageables. Au contraire du juge du fond, le juge de la détention n'a pas à procéder à une pesée complète des éléments à charge et à décharge ni à apprécier la crédibilité des personnes qui mettent en cause le prévenu. Il doit uniquement examiner s'il existe des indices sérieux de culpabilité justifiant une telle mesure (ATF 143 IV 330 consid. 2.1; 143 IV 316 consid. 3.1 et 3.2).

2.2. En l'occurrence, quoi qu'en dise le recourant, il existe, à ce stade initial de la procédure, des soupçons suffisants de la commission des infractions en cause. Outre ses explications confuses sur sa présence à Genève, les charges reposent sur son départ précipité de l'hôtel à la suite de l'interpellation de F______, en emportant les cartes SIM et cinq téléphones [dont seulement deux lui appartiendraient], susceptibles de contenir des éléments de preuve de son éventuelle participation aux agissements "pas nets" de son ami.

Les charges doivent être qualifiées de graves. Il importe peu que les actes reprochés ne soient demeurés qu'au stade de la tentative et que le recourant aurait agi comme co-auteur ou complice. Le recourant ne saurait être suivi lorsqu'il soutient que seule une infraction d'importance mineure pourrait être retenue compte tenu du montant [CHF 305.50] mentionné dans le message E______, celui-ci n'étant, pour rappel, pas destiné à se faire remettre un tel montant, mais à obtenir la carte et les coordonnées bancaires du plaignant afin d'effectuer des prélèvements frauduleux d'un montant indéterminé. Par ailleurs, selon les éléments figurant à la procédure, les actes reprochés ne seraient pas isolés puisque le recourant et son coprévenu sont soupçonnés de faire partie d'une bande organisée sévissant en Suisse romande et utilisant le même mode opératoire au préjudice de personnes âgées.

Le grief d'absence de charges suffisantes et graves doit ainsi être rejeté.

3.             Le recourant conteste un risque de collusion.

3.1. Conformément à l'art. 221 al. 1 let. b CPP, la détention provisoire ne peut être ordonnée que lorsqu'il y a sérieusement lieu de craindre que le prévenu compromette la recherche de la vérité en exerçant une influence sur des personnes ou en altérant des moyens de preuve. L'autorité doit démontrer que les circonstances particulières du cas d'espèce font apparaître un danger concret et sérieux de manœuvres propres à entraver la manifestation de la vérité, en indiquant, au moins dans les grandes lignes et sous réserve des opérations à conserver secrètes, quels actes d'instruction doivent être encore effectués et en quoi la libération du prévenu en compromettrait l'accomplissement. Dans cet examen, entrent en ligne de compte les caractéristiques personnelles du détenu, son rôle dans l'infraction ainsi que ses relations avec les personnes qui l'accusent. Entrent aussi en considération la nature et l'importance des déclarations, respectivement des moyens de preuve susceptibles d'être menacés, la gravité des infractions en cause et le stade de la procédure. Plus l'instruction se trouve à un stade avancé et les faits sont établis avec précision, plus les exigences relatives à la preuve de l'existence d'un risque de collusion sont élevées (ATF 137 IV 122 consid. 4.2; 132 I 21 consid. 3.2; arrêt du Tribunal fédéral 1B_577/2020 du 2 décembre 2020 consid. 3.1).

3.2. En l'espèce, l'instruction ne fait que commencer. Le recourant, qui nie toute implication dans les faits reprochés, malgré les éléments au dossier, devra être confronté à son coprévenu et aux résultats d'analyse des téléphones saisis. Comme relevé, il y a aussi lieu d'enquêter sur les liens de la cause avec les agissements de la bande organisée à laquelle il est soupçonné d'appartenir et d'identifier notamment le dénommé "H______".

Le risque de collusion est ainsi très élevé et ne saurait être pallié par une éventuelle interdiction de contact, étant relevé que celle-ci serait en l'état impossible à ordonner, les autres personnes impliquées n'étant, à ce stade, pas identifiées.

Partant, la détention provisoire demeure nécessaire pour pallier ce risque.

4. L'admission du risque, clair, de collusion dispense d'examiner s'il s'y ajouteraient les risques de fuite et de réitération (arrêts du Tribunal fédéral 1B_34/2023 du 13 février 2023 consid. 3.3.; 1B_51/2021 du 31 mars 2021 consid. 3.1.; 1B_322/2019 du 17 juillet 2019 consid. 3.3).

5. Le recourant se plaint de la durée de la détention prononcée.

5.1. Selon le principe de la proportionnalité (art. 36 al. 3 Cst., concrétisé par l'art. 237 al. 1 CPP), le tribunal compétent ordonne une ou plusieurs mesures moins sévères en lieu et place de la détention si elles permettent d'atteindre le même but que la détention.

5.2. En l'occurrence, la durée de la détention, telle qu'ordonnée jusqu'au 20 février 2025, ne paraît pas, à ce stade, excéder la peine concrètement encourue par le recourant (art. 212 al. 3 CPP), s’il était reconnu coupable des infractions reprochées. Le fait que la peine qui, pour rappel, ne saurait être de nature contraventionnelle, puisse être assortie du sursis n'est pas pertinent.

Le grief est ainsi rejeté.

6. Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée.

7. Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 900.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03). La défense d'office n’empêche, en effet, pas que les frais de l’instance doivent être fixés (arrêts du Tribunal fédéral 1B_372/2014 du 8 avril 2015 consid. 4.6 et 1B_203/2011 du 18 mai 2011 consid. 4).

8.             Le recourant plaide au bénéfice d'une défense d'office.

8.1. Le mandat de défense d'office conféré à l'avocat du prévenu pour la procédure principale ne s'étend pas aux procédures de recours contre les décisions prises par la direction de la procédure en matière de détention avant jugement, dans la mesure où l'exigence des chances de succès de telles démarches peut être opposée au détenu dans ce cadre, même si cette question ne peut être examinée qu'avec une certaine retenue. La désignation d'un conseil d'office pour la procédure pénale principale n'est pas un blanc-seing pour introduire des recours aux frais de l'État, notamment contre des décisions de détention provisoire (arrêt du Tribunal fédéral 1B_516/2020 du 3 novembre 2020 consid. 5.1).

8.2. En l'occurrence, quand bien même le recourant succombe, on peut admettre que l'exercice de ce premier recours ne procède pas d'un abus.

L'indemnité du défenseur d'office sera fixée à la fin de la procédure (art. 135 al. 2 CPP).

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 900.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant (soit, pour lui son défenseur), au Ministère public, et au Tribunal des mesures de contrainte.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Mesdames Valérie LAUBER et
Françoise SAILLEN AGAD, juges; Monsieur Julien CASEYS, greffier.

 

Le greffier :

Julien CASEYS

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.


 

P/26787/2024

ÉTAT DE FRAIS

 

ACPR/

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

30.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

795.00

 

Total

CHF

900.00