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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/21482/2023

ACPR/814/2024 du 05.11.2024 sur OMP/21994/2024 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : ORDONNANCE PÉNALE;OPPOSITION TARDIVE;RESTITUTION DU DÉLAI
Normes : CPP.94.al1

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/21482/2023 ACPR/814/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mardi 5 novembre 2024

 

Entre

A______, domiciliée ______ [GE], agissant en personne,

recourante,

 

contre l'ordonnance de refus de restitution de délai rendue le 18 octobre 2024 par le Ministère public,

 

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


Vu:

-        l'audition par la police de A______ en qualité de prévenue le 2 octobre 2023 à la suite de la plainte déposée par B______ pour avoir tenu des propos diffamatoires à son encontre ;

-        l'ordonnance pénale rendue le 7 décembre 2023 par le Ministère public, condamnant A______ à une peine pécuniaire de 40 jours-amende, à CHF 100.- l'unité, assortie du sursis, délai d'épreuve de 3 ans, et à une amende de CHF 800.- à titre de sanction immédiate, pour diffamation (art. 173 ch. 1 CP) ;

-        l'opposition formée par A______ à l'ordonnance pénale précitée par courrier électronique du 15 mai 2024, puis plis des 28 mai et 7 juin 2024 ;

-        l'ordonnance du 25 septembre 2024 du Tribunal de police constatant, après avoir recueilli les déterminations de A______, l'irrecevabilité de l'opposition pour cause de tardiveté et renvoyant la cause au Ministère public pour examiner si la prévenue avait demandé une restitution de délai ;

-        la lettre de A______ au Ministère public du 4 octobre 2024 aux termes de laquelle elle explique vouloir ne pas être pénalisée et pouvoir dénoncer l'attaque au couteau ainsi que les autres "méfaits hautement illicites" ayant porté atteinte à sa dignité ;

-      l'ordonnance de refus de restitution de délai du Ministère public du 18 octobre 2024, notifiée le 22 suivant ;

-        le recours expédié le 25 octobre 2024 par A______ contre cette décision.

 

Attendu que :

-     le pli recommandé contenant l'ordonnance pénale du 7 décembre 2023 a été envoyé le lendemain, à l'adresse de A______, no.______, route 1______, [code postal] C______ [GE]; selon le suivi de la Poste, sa destinataire a été avisée pour retrait le 11 décembre 2023 ;

-     ce pli été retourné le 19 décembre 2023 à son expéditeur, à l'échéance du délai de garde postale de sept jours, avec la mention "Non réclamé" ;

-        dans son courriel du 15 mai 2024 et ses courriers des 28 mai et 15 juin 2024, A______ a fait valoir qu'elle n'était "plus" à Genève le 19 décembre 2023, qu'elle avait eu de gros soucis avec la Poste de C______, qui ne lui délivrait pas son courrier ou le mettait par terre, les colis disparaissant. Elle n'avait jamais reçu le "jugement" et en substance refusait de payer la somme de CHF 1'340.- pour quelque chose qu'elle n'avait pas fait alors qu'elle-même était une victime. Elle s'est pour le reste exprimée sur le fond de l'affaire ;

-        dans son ordonnance attaquée, le Ministère public a rejeté toute restitution de délai, considérant que la recourante n'avait, dans son courrier du 4 octobre 2024, pas allégué, ni a fortiori rendu vraisemblable, avoir été empêchée d'observer le délai d'opposition ;

-        à l'appui de son recours, A______, qui ne prend pas de conclusions, revient uniquement sur le fond de la cause et dénonce "l'immoralité au sein du travail" et qu'il importe de "prévenir les abus". La Chambre de céans se devait de protéger les plus faibles ;

-     à réception, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures ni débats.

Considérant en droit que :

-        le recours a été déposé dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerne une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émane de la prévenue qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP). Même en l'absence de conclusions formelles, le recours, formé par une justiciable en personne, sera ici considéré comme suffisamment motivé, au sens de l'art. 385 CPP ;

-        partant, le recours est recevable ;

-     la Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement irrecevables ou mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent ;

-     à teneur de l'art. 354 al. 1 CPP, le délai pour former opposition contre une ordonnance pénale est de dix jours ;

-        selon l'art. 85 CPP, les autorités pénales notifient leurs prononcés par lettre signature ou par tout autre mode de communication impliquant un accusé de réception, notamment par l'entremise de la police (al. 1). Le prononcé est réputé notifié lorsque, expédié par lettre signature, il n'a pas été retiré dans les sept jours à compter de la tentative infructueuse de remise du pli, si la personne concernée devait s'attendre à une telle remise (al. 4 lit. a) ;

-        toute communication doit être notifiée au domicile, au lieu de résidence habituelle ou au siège du destinataire (art. 87 al. 1 CP) ;

-       une personne ne doit s'attendre à la remise d'un prononcé que lorsqu'il y a une procédure en cours, la concernant, qui impose aux parties de se comporter conformément aux règles de la bonne foi, à savoir de faire en sorte, entre autres, que les décisions relatives à la procédure puissent leur être notifiées. Le devoir procédural d'avoir à s'attendre avec une certaine vraisemblance à recevoir la notification d'un acte officiel naît avec l'ouverture d'un procès et vaut pendant toute la durée de la procédure (ATF 134 V 49 consid. 4 p. 51, 130 III 396 consid. 1.2.3 p. 399; arrêt du Tribunal fédéral 6B_314/2012 du 18 février 2013 consid. 1.3.1) ;

-        en l'espèce, il est établi, et nullement remis en cause par la recourante, que le pli recommandé contenant l'ordonnance pénale a été expédié à son adresse effective ;

-        la recourante, qui se savait faire l'objet d'une procédure pénale, puisqu'elle a été entendue comme prévenue par la police le 2 octobre 2023, devait s'attendre à recevoir une notification des autorités pénales – ce qu'elle ne conteste au demeurant pas – et donc prendre ses dispositions pour recevoir son courrier ;

-        partant, la notification de l'ordonnance pénale est réputée avoir eu lieu à l'échéance du délai de garde postale de sept jours, soit le 18 décembre 2023, conformément à la fiction de notification prévue à l'art. 85 al. 4 let. a CPP. Le délai pour former opposition venait ainsi à échéance le 28 décembre suivant ;

-        son opposition formée, par écrit [son courriel du 15 mai 2024 ne pouvant valoir comme telle, faute d'observer les prescriptions de l'art. 110 al. 2 CPP], le 28 mai 2024 est en conséquence manifestement tardive, ce qu'a constaté à bon droit le Tribunal de police ;

-        selon la loi, la restitution d'un délai peut être demandée si la partie qui la requiert a été empêchée sans sa faute de procéder et qu'elle est ainsi exposée à un préjudice irréparable; elle doit toutefois rendre vraisemblable que le défaut n'est imputable à aucune faute de sa part (art. 94 al. 1 CPP) ;

-        la restitution de délai ne peut intervenir que lorsqu'un événement, par exemple une maladie ou un accident, met la partie objectivement ou subjectivement dans l'impossibilité d'agir par elle-même ou de charger une tierce personne d'agir en son nom dans le délai (arrêts du Tribunal fédéral 6B_401/2019 du 1er juillet 2019 consid. 2.3 et 6B_365/2016 du 29 juillet 2016 consid. 2.1). Elle ne doit être accordée qu'en cas d'absence claire de faute (arrêt du Tribunal fédéral 6B_125/2011 du 7 juillet 2011 consid. 1) ;

-        par empêchement non fautif, il faut comprendre toute circonstance qui aurait empêché une partie consciencieuse d’agir dans le délai fixé (ACPR/196/2014 du 8 avril 2014). Il s'agit non seulement de l’impossibilité objective, comme la force majeure, mais également l’impossibilité subjective due à des circonstances personnelles ou à l’erreur (Y. JEANNERET/ A. KUHN/ C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 10 ad art. 94 CPP) ;

-        en l'occurrence, la recourante a exposé dans son courrier du 4 octobre 2024 uniquement vouloir ne pas être pénalisée et pouvoir dénoncer l'attaque au couteau ainsi que les autres "méfaits hautement illicites" ayant porté atteinte à sa dignité ;

-        elle n'a en revanche pas allégué un quelconque empêchement au sens de l'art. 94 CPP ;

-        la recourante n'a ainsi pas rendu vraisemblable avoir été empêchée, en raison d'un événement l'ayant objectivement ou subjectivement mise dans l'impossibilité d'agir par elle-même ou par l'intermédiaire d'une tierce personne, de recevoir le pli du 8 décembre 2023, contenant l'ordonnance pénale du jour précédent, et former opposition dans le délai légal ;

-      il ne saurait dès lors y avoir place pour une quelconque restitution de délai ;

-      le recours dirigé contre l'ordonnance refusant la restitution de délai est rejeté ;

-      dans la mesure où elle succombe, la recourante sera condamnée aux frais de la procédure de recours, fixés en totalité à CHF 500.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP; E 4 10.03).

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 500.-.

Notifie le présent arrêt ce jour, en copie, à la recourante, au Tribunal de police et au Ministère public.

Siégeant :

Monsieur Christian COQUOZ, président ; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Valérie LAUBER, juges ; Monsieur Julien CASEYS, greffier.

 

Le greffier :

Julien CASEYS

 

Le président :

Christian COQUOZ

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/21482/2023

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

415.00

Total

CHF

500.00