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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/17780/2023

ACPR/803/2024 du 31.10.2024 sur ONMMP/459/2024 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : ORDONNANCE DE NON-ENTRÉE EN MATIÈRE;TENTATIVE(DROIT PÉNAL);CONTRAINTE(DROIT PÉNAL);MOTIVATION DE LA DÉCISION
Normes : Cst; CPP.3.al2; CPP.107; CPP.310; CP.181; CP.22

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/17780/2023 ACPR/803/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du jeudi 31 octobre 2024

 

Entre

A______ INC., représentée par Me Nicolas JEANDIN, avocat, FONTANET & ASSOCIES, Grand-Rue 25, case postale 3200, 1211 Genève 3,

recourante,

 

contre l'ordonnance de non-entrée en matière rendue le 31 janvier 2024 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. Par acte déposé le 12 février 2024, A______ INC. recourt contre l'ordonnance du 31 janvier 2024, notifiée le 2 février 2024, par laquelle le Ministère public a décidé de ne pas entrer en matière sur sa plainte pour contrainte, subsidiairement tentative de contrainte, à l'encontre de B______.

La recourante conclut à l'annulation de ladite ordonnance et au renvoi du dossier au Ministère public pour instruction.

b. La recourante a versé les sûretés en CHF 1'500.- qui lui étaient réclamées par la Direction de la procédure.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Le 19 juillet 2023, C______ et D______ ont déposé plainte pénale pour le compte de A______ INC. contre B______ au motif que la position défendue par ce dernier dans le cadre d'une procédure civile en séquestre des avoirs de A______ INC. était insoutenable, abusive et illicite, et n'avait comme unique but que de contraindre cette dernière à lui verser des montants de manière indue, en l'empêchant de disposer de ses avoirs, quand bien même un montant de EUR 7'030'602.67 lui avait déjà été versé durant la procédure d'opposition au séquestre. L'infraction de contrainte était ainsi réalisée, dans la mesure où la société avait été durablement entravée dans sa liberté économique et plus particulièrement dans son droit de disposer d'avoirs dont elle était l'unique propriétaire et sur lesquels l'hoirie n'avait aucune prétention.

C______ et D______ ainsi que feu leur père, E______, frère du mis en cause, étaient les uniques actionnaires de A______ INC., chacun pour 1/3. La société était titulaire d'un compte bancaire auprès de la banque F______ à Genève. Selon un formulaire A signé par E______ le 27 juin 2014, ce dernier était le seul ayant droit économique de ce compte.

Dans le cadre d'un litige successoral opposant feu E______ à B______ en lien avec l'héritage du père de ces derniers, la Cour d'appel de G______ [Grèce] avait rendu un arrêt le 7 juin 2021 [contre lequel un recours par-devant la Cour suprême grecque était actuellement pendant, mais déclaré exécutoire par le Tribunal de district de H______ [ZH]] condamnant le premier à verser au second EUR 8'723'088.70 et constatant que E______ lui devait le montant de EUR 72'114'802.62.

b. Le 8 février 2023, B______, après avoir agi sans succès à deux reprises auprès des autorités zurichoises, a requis auprès des autorités genevoises le séquestre immédiat, en mains de la Banque F______, de tous avoirs, espèces et biens de quelque forme que ce soit, qu'ils soient sous nom propre ou pseudonyme ou au nom de toute société en particulier A______ INC. et I______ INC., au motif qu'ils appartenaient à l'hoirie de feu E______ ou que celle-ci en était en réalité ayant droit économique.

c. Ce séquestre a été prononcé le 9 février 2023 par le Tribunal de première instance de Genève. A______ INC. y a formé opposition en faisant notamment valoir qu'elle n'était pas partie au conflit qui opposait les héritiers de feu E______ et B______, et que ses avoirs appartenaient à ses actionnaires, à raison d'un tiers chacun.

d. Selon acte notarié du 17 février 2023, un montant de EUR 7'085'868.75 a été versé à B______ à la suite de la vente aux enchères forcée d'immeubles sis en Grèce, ce dont il a fait part à l'Office des poursuites du Canton de Genève.

e. Par jugement du Tribunal de première instance du 10 juillet 2023, statuant sur opposition, le séquestre a été levé s'agissant des avoirs appartenant à A______ INC., mais maintenu sur les avoirs de I______ INC. à hauteur de CHF 3'097'979.87. B______ a formé appel.

C. Dans la décision querellée, le Ministère public a pris acte du jugement précité. Il apparaissait ainsi que le litige était de nature essentiellement civile et que la protection offerte par les dispositions de droit civil était suffisante, ce qui justifiait qu'il n'entre pas en matière.

D. a. Dans son recours, A______ INC. reproche au Ministère public d'avoir violé son droit d'être entendue en se contentant d'indiquer que les éléments dénoncés étaient de nature purement civile, sans les instruire plus avant. À cela s'ajoutait que les références à des décisions rendues en matière de commandement de payer n'étaient pas applicables, puisqu'il s'agissait en l'espèce d'un séquestre. Or, le caractère incisif du séquestre, qui revenait à bloquer des actifs, était plus marqué que celui d'un commandement de payer.

Elle invoque en outre une violation du principe in dubio pro duriore, les éléments constitutifs de l'infraction de contrainte (art. 181 CP), voire sous la forme de la tentative, étant selon elle réalisés. En effet, les prétentions de B______ étaient abusives et illicites et avaient été écartées à deux reprises par les tribunaux zurichois, puis par le Tribunal civil de Genève, à la suite de l'opposition. Le précité avait de plus omis d'informer le juge du séquestre qu'une partie des montants sollicités avait été payée durant la procédure d'opposition, bien qu'il en ait informé l'Office des poursuites. Le fait de vouloir augmenter l'assiette du séquestre en se fondant sur la partie constatatoire du jugement grec relevait de la machination et entrait dans la définition de la contrainte, puisqu'elle se voyait empêchée de disposer des actifs séquestrés et ainsi forcée de verser des montants indus.

Enfin, le Ministère public ne pouvait faire application du principe de subsidiarité du droit pénal. En effet, malgré le jugement du Tribunal civil, les fonds étaient toujours bloqués à la suite de l'appel formé par B______, ce qui créait une pression supplémentaire pour obtenir le versement de montants indus.

b. À réception des sûretés, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner de la plaignante qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP).

Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

3.             La recourante se plaint d'une motivation insuffisante de la décision attaquée.

3.1.       L'obligation de motiver, telle qu'elle découle du droit d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst.; cf. aussi art. 3 al. 2 let. c et 107 CPP), est respectée lorsque le juge mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels il a fondé sa décision (ATF 147 IV 409 consid. 5.3.4; 146 II 335 consid. 5.1), de manière à ce que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause (ATF 143 IV 40 consid. 3.4.3; 141 IV 249 consid. 1.3.1; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1127/2023 du 10 juin 2024 consid. 1.1). Il n'a toutefois pas l'obligation d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties, mais peut au contraire se limiter à ceux qui lui paraissent pertinents (ATF 147 IV 249 consid. 2.4; 142 II 154 consid. 4.2). La motivation peut être implicite et résulter des différents considérants de la décision (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1).

3.2.       En l'espèce, l'ordonnance querellée expose que les dispositions du droit civil étaient de nature à assurer une protection suffisante à la recourante, cette dernière ayant obtenu la levée du séquestre, étant rappelée la subsidiarité du droit pénal.

La motivation du Ministère public, bien que succincte, permettait ainsi à la recourante de contester la décision dans le cadre de son recours en toute connaissance de cause, ce qu'elle a au demeurant fait.

Le Ministère public a indiqué clairement les faits sur lesquels il s'était fondé pour prendre sa décision. Il ne peut en effet être exigé de ce dernier qu'il reprenne les faits allégués dans leur entièreté.

Enfin, selon la recourante, le Ministère public aurait dû se référer, dans sa motivation, à des décisions relatives à des séquestres et non à des commandements de payer. Or, dans la mesure où la notification d'un commandement de payer peut constituer la menace d'un dommage sérieux, il doit en aller de même, a fortiori, d'une requête de séquestre, laquelle constitue un moyen de pression psychologique encore plus élevé et incisif.

Le grief est dès lors infondé.

4.             La recourante reproche au Ministère public de ne pas être entré en matière sur sa plainte.

4.1.       Selon l'art. 310 al. 1 CPP, le ministère public rend immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière s'il ressort de la dénonciation ou du rapport de police que les éléments constitutifs de l'infraction ou les conditions à l'ouverture de l'action pénale ne sont manifestement pas réunis (let. a) ou qu'il existe des empêchements de procéder (let. b).

Conformément à cette disposition, la non-entrée en matière est justifiée lorsque la situation est claire sur le plan factuel et juridique. Tel est le cas lorsque les faits visés ne sont manifestement pas punissables, faute, de manière certaine, de réaliser les éléments constitutifs d'une infraction, ou encore lorsque les conditions à l'ouverture de l'action pénale font clairement défaut. Au stade de la non-entrée en matière, on ne peut admettre que les éléments constitutifs d'une infraction ne sont manifestement pas réalisés que lorsqu'il n'existe pas de soupçon suffisant conduisant à considérer un comportement punissable ou lorsqu'un éventuel soupçon initial s'est entièrement dissipé. En revanche, si le rapport de police, la dénonciation ou les propres constatations du ministère public amènent à retenir l'existence d'un soupçon suffisant, il incombe en principe à ce dernier d'ouvrir une instruction (art. 309 al. 1 let. a CPP). Cela implique que les indices de la commission d'une infraction soient importants et de nature concrète, ce qui n'est pas le cas de rumeurs ou de suppositions. Le soupçon initial doit reposer sur une base factuelle plausible, laissant apparaître la possibilité concrète qu'une infraction ait été commise (ATF 141 IV 87 consid. 1.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_196/2020 du 14 octobre 2020 consid. 3.1). Dans le doute, lorsque les conditions d'une non-entrée en matière ne sont pas réalisées avec une certitude absolue, l'instruction doit être ouverte (arrêt 6B_196/2020 précité ; ATF 143 IV 241 consid. 2.2.1 ; ATF 138 IV 86 consid. 4.1 ; ATF 137 IV 219 consid. 7).

4.2.       Se rend coupable de contrainte, au sens de l'art. 181 CP, quiconque, en usant de violence envers une personne ou en la menaçant d'un dommage sérieux, ou en l'entravant de quelque autre manière dans sa liberté d'action, l'oblige à faire, à ne pas faire ou à laisser faire un acte.

Selon cette disposition, les moyens de contrainte utilisés à l’endroit d’une personne doivent avoir obligé cette dernière à faire, à ne pas faire ou à laisser faire un acte, et cela, contre sa volonté (ATF 101 IV 167 ; A. MACALUSO / L. MOREILLON / N. QUELOZ (éds), Commentaire romand, Code pénal II, vol. II, Partie spéciale : art. 111-392 CP, Bâle 2017, n. 22 ad art. 181).

La menace est un moyen de pression psychologique consistant à annoncer un dommage futur dont la réalisation est présentée comme dépendante de la volonté de l'auteur, sans toutefois qu'il soit nécessaire que cette dépendance soit effective (ATF 117 IV 445 consid. 2b; 106 IV 125 consid. 2a) ni que l'auteur ait réellement la volonté de réaliser sa menace (ATF 105 IV 120 consid. 2a). La loi exige un dommage sérieux, c'est-à-dire que la perspective de l'inconvénient présenté comme dépendant de la volonté de l'auteur soit propre à entraver le destinataire dans sa liberté de décision ou d'action. La question doit être tranchée en fonction de critères objectifs, en se plaçant du point de vue d'une personne de sensibilité moyenne (ATF 122 IV 322 consid. 1a; 120 IV 17 consid. 2a/aa). Cette exigence vise à fixer un degré minimum pour qu'un dommage soit sérieux, étant entendu que tout dommage n'atteignant pas ce degré de sérieux serait sans pertinence pour une contrainte. Il est, en effet, très difficile d'évaluer le degré de sensibilité d'une personne au cas par cas, raison pour laquelle la fixation d'un critère objectif le rend valable pour tous, quel que soit le degré de sensibilité effectif (arrêt du Tribunal fédéral 6B_378/2016 du 15 décembre 2016 consid. 2.2). On admet ainsi que la menace du dépôt d'une plainte pénale (ATF 120 IV 17 consid. 2aa) ou l'envoi d'un commandement de payer d'une importante somme d'argent (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1188/2017 du 5 juin 2018 consid. 3.1) constituent la menace d'un dommage sérieux.

La contrainte n'est contraire au droit que si elle est illicite (ATF 120 IV 17 consid. 2a et les arrêts cités), soit parce que le moyen utilisé ou le but poursuivi est contraire au droit, soit parce que le moyen est disproportionné pour atteindre le but visé, soit encore parce qu'un moyen conforme au droit utilisé pour atteindre un but légitime constitue, au vu des circonstances, un moyen de pression abusif ou contraire aux mœurs (ATF 137 IV 326 consid. 3.3.1 ; 134 IV 216 consid. 4.1).

Savoir si la restriction de la liberté d'action constitue une contrainte illicite dépend ainsi de l'ampleur de l'entrave, de la nature des moyens employés à la réaliser et des objectifs visés par l'auteur (ATF 129 IV 262 consid 2.1 ; 129 IV 6 consid 3.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_191/2022 du 21 septembre 2022 consid. 5.1.3). Un moyen de contrainte doit être taxé d'abusif ou de contraire aux mœurs lorsqu'il permet d'obtenir un avantage indu (ATF 120 IV 17 consid. 2a/bb; 106 IV 125 consid 3a ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_191/2022 du 21 septembre 2022 consid. 5.1.3).

Sur le plan subjectif, il faut que l'auteur ait agi intentionnellement, c'est-à-dire qu'il ait voulu contraindre la victime à adopter le comportement visé en étant conscient de l'illicéité de son comportement ; le dol éventuel suffit (ATF 120 IV 17 consid. 2c).

Conformément à l'art. 22 al. 1 CP, le juge peut atténuer la peine si l'exécution d'un crime ou d'un délit n'est pas poursuivie jusqu'à son terme ou que le résultat nécessaire à la consommation de l'infraction ne se produit pas ou ne pouvait pas se produire.

4.3.       En l'espèce, il n'est pas contesté que le mis en cause a initié une procédure de séquestre d'une partie des biens de la recourante, laquelle a abouti, avant que le séquestre ne soit levé sur opposition.

La recourante reproche dans un premier temps au Ministère public de ne pas avoir instruit la cause suffisamment avant de rendre l'ordonnance litigieuse, violant ainsi le principe in dubio pro duriore.

Or, il ressort du dossier et des pièces de procédure qu'aucune mesure d'instruction supplémentaire n'aurait été de nature à apporter d'élément nouveau, ce que la recourante ne soutient au demeurant pas. Le dossier comporte notamment l'apport de la procédure civile qui a conduit à un jugement du Tribunal civil, de sorte que les faits étaient suffisamment établis pour que le Ministère public puisse se forger une conviction et décider s'il entendait entrer en matière ou non.

La recourante considère que la requête de séquestre déposée devant le Tribunal civil constitue un moyen de contrainte illicite visant à lui faire payer une somme d'argent qu'elle ne doit pas, mais son raisonnement ne peut être suivi.

En effet, le moyen utilisé par le mis en cause - soit le dépôt d'une requête de séquestre - est conforme à la Loi fédérale sur la poursuite pour dettes et faillites (LP; RS 281.1).

S'agissant du but poursuivi, il apparaît que le mis en cause, au bénéfice d'un titre exécutoire – soit l'arrêt grec et le jugement du Tribunal de district de H______ [GE] –, a cherché à obtenir le paiement du montant de EUR 8'723'088.70, à titre de liquidation de la succession de son père, qu'il estimait lui être dû. Il a en effet requis le séquestre sur les biens de la recourante auprès de la banque F______ en se fondant notamment sur un document signé en 2014 par feu E______, selon lequel il était le seul ayant droit économique du compte auprès de cette banque.

Il ressort, en outre, du dossier que ce n'est qu'à la suite d'une procédure de poursuite et de deux procédures de séquestre infructueuses à Zurich, que le mis en cause a déposé la requête de séquestre à Genève. Ainsi, en initiant la procédure usuelle de recouvrement d'une prétention pécuniaire, même éventuellement infondée, le mis en cause a agi de manière proportionnée et licite. Aussi, et compte tenu des circonstances qui précèdent, on ne décèle, de la part de ce dernier, aucune intention caractérisée de nuire à la recourante, en portant atteinte à sa liberté d'action.

Pour le surplus, on ignore quelle proportion du patrimoine de la recourante est concernée par la mise sous séquestre et cette dernière ne démontre pas qu'un tel séquestre, notamment par son importance, l'aurait entravée dans sa liberté d'action. Elle ne produit en effet aucune pièce relative à sa situation financière qui permettrait de retenir que les montants bloqués sont si importants que leur indisposition soudaine, durant une certaine période, aurait été de nature à l'empêcher de poursuivre son activité ou de faire face à ses charges.

Le fait que la recourante conteste le montant de la créance n'est pas déterminant. Toute autre réponse aurait en effet pour conséquence d'entraver, voire de paralyser, sous couvert de contrainte pénalement qualifiée, le recouvrement forcé d'une créance au motif qu'elle est contestée. Tel ne peut être le but de l'art. 181 CP. 

En tout état de cause, il ressort du dossier que le mis en cause a reçu, postérieurement au dépôt de la requête de séquestre, le versement de EUR 7'085'868.75, ce qui tend à démontrer que la démarche entreprise par ce dernier ne constituait pas un moyen de pression abusif, que la recourante ait ou non eu connaissance de ladite requête à ce stade. Il n'est également pas relevant que le mis en cause ait averti personnellement ou non le juge du séquestre qu'il avait reçu ce versement, puisqu'il en a informé l'Office des poursuites et que le Tribunal civil en a tenu compte dans son jugement sur opposition du 10 juillet 2023.

Il existe donc, sur le plan pénal, un lien suffisant entre la créance invoquée par le mis en cause et le montant réclamé, sans qu'il n'appartienne aux autorités pénales de décider si ladite créance est fondée ou non, cette question relevant exclusivement de la compétence des juridictions civiles.

Le fait que le Tribunal civil, dans son jugement du 10 juillet 2023, soit parvenu à la conclusion que la dualité juridique entre feu E______ et la recourante n'était pas suffisante pour constituer un abus de droit ne signifie pas pour autant que la démarche du mis en cause était illicite au sens du droit pénal.

Ainsi, faute de prévention pénale suffisante, c'est à bon droit que le Ministère public a renoncé à entrer en matière sur les infractions dénoncées et aucune mesure d'instruction ne paraît être à même de modifier ce constat.

5.             Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée et le recours rejeté.

6.             La recourante, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 1'500.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP; E 4 10.03).

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Condamne A______ INC. aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 1'500.-.

Dit que ce montant sera prélevé sur les sûretés versées.

Notifie le présent arrêt, en copie, à A______ INC., soit pour elle son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Monsieur Christian COQUOZ, Président; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Madame Olivia SOBRINO, greffière.

 

La greffière :

Olivia SOBRINO

 

Le président :

Christian COQUOZ

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/17780/2023

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

1'415.00

- demande sur récusation (let. b)

CHF

Total

CHF

1'500.00