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Décisions | Chambre pénale de recours

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PS/72/2024

ACPR/788/2024 du 30.10.2024 ( PSPECI ) , REJETE

Descripteurs : EXPULSION(DROIT DES ÉTRANGERS);EXPULSION(DROIT PÉNAL);REPORT(DÉPLACEMENT)
Normes : CP.66a; CP.66d

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

PS/72/2024 ACPR/788/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mercredi 30 octobre 2024

 

Entre

A______, sans domicile connu, agissant en personne,

recourant,

 

contre la décision de non-report d'expulsion rendue le 6 septembre 2024 par l'Office cantonal de la population et des migrations,

et

L'OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS, case
postale 2652, 1211 Genève 3,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.

 


EN FAIT :

A. Par acte expédié le 13 septembre 2024, A______ recourt contre la décision de non-report de son expulsion judiciaire, prononcée par l'Office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) le 6 septembre 2024, communiquée le lendemain.

Le recourant ne prend pas de conclusions mais déclare former recours contre ladite décision.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Par jugement non motivé rendu le 2 juillet 2019, définitif et exécutoire, le Tribunal de police a déclaré A______, né le ______ 1968, coupable de rupture de ban et de contravention à la LStup, et l'a principalement condamné à une peine privative de liberté de 9 mois, sous déduction de 56 jours de détention avant jugement. Il a également ordonné son expulsion de Suisse pour une durée de 8 ans (art. 66abis CP).

b. Par jugement non motivé rendu le 6 septembre 2022, définitif et exécutoire, le Tribunal de police a déclaré le précité coupable de vol et rupture de ban et l'a condamné à une peine privative de liberté de 7 mois, sous déduction de 78 jours de détention avant jugement. Il a également ordonné son expulsion de Suisse pour une durée de 8 ans (art. 66abis CP).

c. Au dossier figurent également :

- un certificat médical du 29 avril 2024 des HUG, selon lequel A______ est suivi aux HUG depuis 2015 pour des maladies chroniques, à savoir une polydépendance aux opiacés, benzodiazépines et tabac, un syndrome métabolique avec obésité, hypercholestérolémie et diabète de type 2 non insulino-requérant et une insuffisance artérielle du membre inférieur droit ayant nécessité une angioplastie avec pose d'un stent en 2016, le dernier contrôle de 2023 montrant une stabilité; un suivi angiologique annuel était recommandé. Suivait la médication prescrite. Le patient étant fragile dans sa santé physique et psychique, un suivi régulier au sein des HUG et durablement à l'extérieur était préconisé;

- un courrier du Secrétariat d'État aux migrations (SEM) du 13 mai 2024, à teneur duquel un laissez-passer pouvait dorénavant être établi par les autorités algériennes et un vol en partance pour ce pays être réservé.

d. Invité par l'OCPM à se déterminer sur l'exécution de son expulsion, A______ a indiqué, le 30 août 2024, sur le formulaire ad hoc qui lui avait été adressé, être malade et avoir besoin d'un suivi médical.

C. Dans sa décision attaquée, l'OCPM considère qu'il n'existait aucun obstacle à l'exécution de l'expulsion de A______.

D. a. Dans son recours, A______ dit être gravement malade et avoir des opérations en cours. Il n'était dès lors pas d'accord d'être expulsé.

b. À réception, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures ni débats.

EN DROIT :

1.             1.1. Conformément à l'art. 128 al. 2 let. a et al. 3 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ; RS E 2 05), la Chambre de céans exerce les compétences que le CPP et la loi d'application du Code pénal suisse et d'autres lois fédérales en matière pénale du 27 août 2009 (LaCP; RS E 4 10) lui attribuent.

En vertu de la délégation figurant à l'art. 439 CPP, le législateur genevois a attribué à la Chambre pénale de recours la compétence de statuer sur les recours dirigés contre les décisions rendues par le Département des institutions et du numérique, ses offices et ses services, les art. 379 à 397 s'appliquant par analogie (art. 42 al. 1 let. a LaCP).

1.2. La procédure devant la Chambre de céans est régie par le CPP, applicable au titre de droit cantonal supplétif (art. 42 al. 2 LaCP).

1.3. En l'espèce, le recours est recevable pour être dirigé contre une décision rendue par l'OCPM (art. 18 al. 1 du règlement genevois sur l'exécution des peines et mesures [REPM; RS E 4 55.05], art. 40 al. 1 et 5 al. 2 let. c LaCP), avoir été déposé dans la forme – s'agissant d'un justiciable recourant en personne – et le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP) et émaner du condamné visé par la décision querellée, qui a a priori un intérêt juridiquement protégé à son annulation (art. 382 al. 1 CPP).

2.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement irrecevables ou mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

3.             3.1. L'art. 66abis CP (expulsion non obligatoire) prévoit que le juge peut expulser un étranger du territoire suisse pour une durée de trois à quinze ans si, pour un crime ou un délit non visé à l’art. 66a, celui-ci a été condamné à une peine ou a fait l’objet d’une mesure au sens des art. 59 à 61 ou 64.

Le juge peut toutefois exceptionnellement renoncer à une expulsion lorsque celle-ci mettrait l’étranger dans une situation personnelle grave et que les intérêts publics à l’expulsion ne l’emportent pas sur l’intérêt privé de l’étranger à demeurer en Suisse. À cet égard, il tiendra compte de la situation particulière de l’étranger qui est né ou qui a grandi en Suisse (art. 66a al. 2 CP).

3.2. Selon l'art. 66d al. 1 CP (applicable par analogie à l'expulsion non obligatoire cf. ACPR/201/2021 et les références citées), l'exécution de l'expulsion obligatoire ne peut être reportée que lorsque la vie ou la liberté de la personne concernée dont le statut de réfugié a été reconnu par la Suisse serait menacée en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques (let. a) ou lorsque d'autres règles impératives du droit international s'opposent à l'expulsion (let. b).

Cette disposition réserve la possibilité d'un ultime contrôle, dans un cadre strictement délimité, afin d'éviter que l'expulsion entrée en force ne soit exécutée au mépris du principe de non-refoulement ou d'une autre règle impérative du droit international (ATF 147 IV 453 consid. 1.4.5 p. 460).

Il appartient au juge de l'expulsion d'examiner si les conditions de la clause dite "de rigueur" de l'art. 66a al. 2 CP sont réalisées et de renoncer à ordonner l'expulsion dans cette hypothèse. La loi ne définissant pas ce qui constitue une "situation personnelle grave", il convient de se référer aux critères qui président à l'octroi d'une autorisation de séjour dans les cas d'extrême gravité (cf. art. 31 OASA; ATF
144 IV 332 consid. 3.3.1 p. 340 s.). Le juge pénal doit ainsi notamment prendre en compte l'intégration de l'intéressé, le respect qu'il a manifesté de l'ordre juridique suisse, sa situation familiale, singulièrement la période de scolarisation et la durée de la scolarité des enfants, sa situation financière ainsi que sa volonté de prendre part à la vie économique et d'acquérir une formation, la durée de sa présence en Suisse, son état de santé ainsi que ses possibilités de réintégration dans l'État de provenance. À cette liste non exhaustive s'ajoutent, dans l'optique pénale, les perspectives de réinsertion sociale du condamné (cf. ATF 144 IV 332 consid. 3.3.3 p. 341 s.). Par ailleurs, une situation personnelle grave, ou une violation de l'art. 8 CEDH, peut aussi résulter d'une expulsion ordonnée malgré un état de santé déficient, en fonction des prestations médicales à disposition dans l'État d'origine et des conséquences négatives que cela peut engendrer pour la personne concernée (ATF 145 IV 455 consid. 9.1 p. 459). En règle générale, il convient d'admettre l'existence d'un cas de rigueur au sens de l'art. 66a al. 2 CP lorsque l'expulsion constituerait, pour l'intéressé, une ingérence d'une certaine importance dans son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par la Constitution fédérale (art. 13 Cst.) et par le droit international, en particulier l'art. 8 CEDH (arrêts du Tribunal fédéral 6B_818/2020 du 19 janvier 2021 consid. 6.1; 6B_397/2020 du 24 juillet 2020 consid. 6.1; 6B_344/2020 du 9 juillet 2020 consid. 3.1).

Il en résulte ainsi que toutes les questions relatives à l'existence d'une situation personnelle grave, à une violation des garanties offertes par l'art. 8 CEDH, à une ingérence d'une certaine importance dans le droit du condamné au respect de sa vie privée et familiale garanti par la Constitution fédérale (art. 13 Cst.) et par le droit international, à une violation des garanties du droit international, notamment le principe de non-refoulement, ou encore au problème de la conformité de l'expulsion avec les obligations découlant de l'Accord sur la libre circulation des personnes ne peuvent en principe plus être soulevées dans le cadre d'une demande de report de l'expulsion au sens de l'art. 66d CP.

La personne dont la décision d'expulsion est entrée en force n'a, dans cette mesure, pas d'intérêt à recourir contre une simple décision de mise en œuvre de son expulsion (ATF 147 IV 453 consid. 1.4.6 p. 462).

L'appréciation d'un cas de rigueur supposant la prise en considération de nombreux facteurs susceptibles de se modifier plus ou moins rapidement (ex : l'état de santé, les relations personnelles ou la situation politique dans l'État de destination), tout intérêt juridique à contester le refus de son report n'est cependant pas exclu a priori. Il incombe au recourant, pour justifier son intérêt juridique au recours, de rendre vraisemblable au moins prima facie que les circonstances déterminantes se sont modifiées si profondément depuis le prononcé du jugement qu'il s'imposerait exceptionnellement de reconnaître l'existence de considérations humanitaires impérieuses exigeant désormais de renoncer à exécuter l'expulsion (ATF 147 IV 453 consid. 1.4.8).

3.3. Lors de l'examen de l'exécution de l'expulsion obligatoire, l'autorité cantonale compétente doit tenir compte d'office des obstacles qui sont portés à sa connaissance par l'étranger condamné ou dont elle apprend l'existence par d'autres sources (Message du Conseil fédéral concernant une modification du code pénal et du code pénal militaire [Mise en oeuvre de l'art. 121, al. 3 à 6, Cst. relatif au renvoi des étrangers criminels] du 26 juin 2013, FF 2013 5373 ss, 5429). Elle présume, au moment de prendre sa décision, qu'une expulsion vers un État que le Conseil fédéral a désigné comme un État sûr au sens de l'art. 6a al. 2 de la loi sur l'asile (LAsi) ne contrevient pas à l'art. 25 al. 2 et 3 Cst. (al. 2).

3.4. Selon l'art. 83 al. 1 LEI, le SEM décide d'admettre à titre provisoire l'étranger si l'exécution du renvoi ou de l'expulsion est impossible, illicite ou inexigible.

Il y a ainsi lieu de vérifier si cette exécution ne contrevient pas, notamment, au principe du non-refoulement prévu par le droit des réfugiés (art. 5 al. 1 LAsi) ou applicable au regard des droits de l'homme (art. 3 CEDH) (SEM, Manuel Asile et retour, Article E3 - Le renvoi, l'exécution du renvoi et l'octroi de l'admission provisoire, 2014, p. 8 ss).

Enfin, l'exécution ne peut être raisonnablement exigée si le renvoi ou l'expulsion de l'étranger dans son pays d'origine ou de provenance le met concrètement en danger (ex. : en cas de guerre [civile], de violence généralisée, de nécessité médicale ; al. 4). Il faut donc qu'en cas de retour, l'étranger soit plongé dans une situation de détresse grave mettant en péril son existence. Une situation économique et des conditions de vie générales difficiles dans le pays d'origine ou de provenance ne suffisent pas à conclure à une mise en danger concrète (SEM, op. cit., p. 13 ss).

3.5. En l'espèce, le recourant s'oppose à l'exécution de son expulsion de Suisse au motif qu'il serait gravement malade.

Or, il ressort de la procédure que les pathologies dont il souffre, décrites dans le certificat médical figurant au dossier, étaient déjà présentes au moment du prononcé de son expulsion, en 2019, puis en 2022. L'intérêt juridique à recourir de l'intéressé contre la mise en œuvre de la mesure doit ainsi être dénié.

Quand bien même il disposerait d'un tel intérêt, force est de constater que les motifs avancés ne justifient pas de renoncer à exécuter son expulsion.

Si les maladies chroniques l'affectant nécessitent certes un suivi médical, il n'apparaît pas impératif que celui-ci doive avoir lieu en Suisse, l'Algérie disposant de structures hospitalières.

Le recourant ne démontre par ailleurs pas qu'il devrait subir d'autres opérations, ni qu'il serait privé de tout traitement médical, y compris médicamenteux, en cas de retour dans son pays d'origine.

On relèvera enfin que les autorités algériennes sont désormais disposées à délivrer un laissez-passer, de sorte qu'il n'y plus aucun obstacle au renvoi du recourant vers ce pays.

L'expulsion du recourant n'étant pas impossible, au sens de l'art. 83 al. 1 LEI, la mesure n’avait pas à être différée. L’OCPM a ainsi statué à bon droit.

4.             Justifiée, la décision querellée sera donc confirmée.

5.             Le recourant succombe dans ses conclusions. Il supportera les frais de la procédure de recours (art. 428 al. 1 CPP), qui seront fixés en totalité à CHF 600.- (art. 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP; E 4 10.0)

* * * * *


 

¨

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 600.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, à l'Office cantonal de la population et des migrations ainsi qu'au Ministère public.

Le communique pour information à la police (Brigade migration et retour) et au Secrétariat d’État aux migrations.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et
Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

PS/72/2024

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

20.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

505.00

Total

CHF

600.00