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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/7786/2024

ACPR/719/2024 du 09.10.2024 sur OCL/1259/2024 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : CLASSEMENT DE LA PROCÉDURE;TORT MORAL;INDEMNITÉ(EN GÉNÉRAL)
Normes : CPP.429; CPP.431; CP.51

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/7786/2024 ACPR/719/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mercredi 9 octobre 2024

 

Entre

A______, représenté par Me B______, avocat,

recourant,

 

contre l'ordonnance de classement partiel rendue le 9 septembre 2024 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. Par acte déposé le 20 septembre 2024, A______ recourt contre l'ordonnance du 9 septembre 2024, notifiée le lendemain, par laquelle le Ministère public, après avoir classé partiellement la procédure dirigée contre lui, a refusé de lui allouer une indemnité pour réparation du tort moral (chiffre 3).

Le recourant conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation du chiffre 3 de cette ordonnance en tant qu'il refuse de lui allouer une indemnité à titre de réparation de son tort moral.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. A______ a été arrêté par la police genevoise le 26 mars 2024 à 17h45, à la suite de la plainte pénale déposée le même jour à son encontre par son frère, C______.

b. Le 27 mars 2024, le Ministère public a ouvert une instruction contre A______ en raison des faits visés par la plainte de C______ des chefs de menaces (art. 180 CP), voies de fait (art. 126 CP) et contrainte (art. 181 CP).

Il était à cet égard reproché à A______ d'avoir, à Genève, le 26 mars 2024, à la route 1______ no. ______, (i) menacé C______ en lui disant "je vais te finir avec mon couteau", après lui avoir reproché de lui avoir jeté un mauvais sort, l'effrayant dans cette mesure en l'amenant à penser qu'il allait le poignarder, (ii) mordu C______ au niveau d'un doigt de la main et (iii) ceinturé C______, l'encerclant avec ses bras, ce dernier s'étant alors débattu pour se défaire de l'emprise et blessé à la main.

Il lui était également reproché d'avoir, à Genève, entre le 26 juillet 2018, lendemain de sa libération conditionnelle, et le 26 mars 2024, date de son interpellation, intentionnellement séjourné sur le territoire suisse sans être au bénéfice des autorisations nécessaires, en étant démuni de documents d'identité ainsi que de moyens de subsistance légaux et alors qu'il faisait l'objet d'une interdiction d'entrée sur le territoire valable jusqu'au 22 mars 2025, dûment notifiée, faits susceptibles d'être constitutifs de séjour illégal (art. 115 al. 1 let. b LEI).

c. Le 28 mars 2024, le Tribunal des mesures de contrainte (ci-après: TMC) a ordonné la mise en détention provisoire de A______ jusqu'au 26 avril 2024, laquelle a été prolongée à deux reprises, la dernière fois jusqu'au 26 août 2024.

d. À l'audience du 11 juillet 2024 devant le Ministère public, C______ a retiré sa plainte pénale.

e. Par ordonnance du 15 juillet 2024, le TMC a refusé la mise en liberté de A______ nonobstant le retrait de la plainte de son frère, considérant que les charges, en particulier l'infraction de contrainte – poursuivie d'office – restaient suffisantes.

f. Le 22 août 2024, le Ministère public a ordonné la libération immédiate de A______, au motif que les conditions de la détention provisoire n'étaient plus réunies.

g. Par avis de prochaine clôture de l'instruction du 22 août 2024, le Ministère public a informé le prévenu qu'il entendait rendre une ordonnance de classement partiel s'agissant des faits que lui reprochait C______ et une ordonnance pénale pour le surplus, s'agissant des faits susceptibles d'être constitutifs de séjour illégal. Il lui a imparti un délai au 3 septembre 2024 pour présenter ses éventuelles réquisitions de preuve, de même que pour faire valoir ses prétentions en indemnisation.

h. Par courrier du 2 septembre 2024, A______ a sollicité son indemnisation au sens de l'art. 429 al. 1 let. c CPP pour la détention qu'il estimait avoir injustement subie, à hauteur de CHF 29'800.-, avec intérêts à 5% dès le 26 mars 2024.

i. Par ordonnance pénale du 9 septembre 2024, notifiée le 12 suivant, le Ministère public a déclaré A______ coupable de séjour illégal (art. 115 al. 1 let. b LEI) et l'a condamné à une peine pécuniaire de 150 jours-amende à CHF 10.- l'unité, sous déduction de 150 jours-amende correspondant à autant de jours de détention avant jugement. Il a renoncé à révoquer la libération conditionnelle ayant été accordée par l'Office des juges d'application des peines de Lausanne dès le 25 juillet 2018. Il a refusé d'allouer à A______ une indemnité et/ou un montant à titre de réparation du tort moral en raison de la détention subie.

j. Par suite de l'opposition formée par le prévenu à l'encontre de cette décision, le 19 septembre 2024, cette procédure est toujours en cours.

C. Dans son ordonnance querellée, le Ministère public a considéré, s'agissant des infractions de menaces et de voies de fait, qu'il y avait désormais un empêchement de procéder au vu du retrait de plainte et, s'agissant de l'infraction de contrainte, qu'il n'existait pas de soupçons suffisants justifiant une mise en accusation. Il a par ailleurs rejeté la demande en indemnisation du prévenu pour tort moral au motif qu'il était condamné, par ordonnance pénale séparée, à une peine pécuniaire dont la durée équivalait à celle de la détention provisoire qu'il avait subie (art. 431 al. 2 et 3 let. b CPP).

D. a. À l'appui de son recours, A______ allègue que son maintien en détention provisoire était infondé et ses conclusions en indemnisation justifiées dans la mesure où, d'une part, les faits susceptibles d'être constitutifs de menaces, voies de fait et contrainte avaient été classés et où, d'autre part, le séjour illégal ne revêtait pas une gravité suffisante justifiant un tel maintien en détention. Une telle conclusion s'imposait d'autant plus que le Ministère public avait sollicité la prolongation de sa détention pour une durée de deux mois en raison de l'expertise à venir, que celle-ci avait été sollicitée uniquement en raison des infractions reprochées par C______ et que ces faits étaient désormais classés. Le Ministère public avait traité la question des conclusions en indemnisation en se fondant sur une condamnation prononcée par ordonnance pénale qui ne lui avait pas encore été notifiée au moment où l'ordonnance de classement partiel l'avait été. La question de la réparation de son tort moral aurait dû être examinée après sa condamnation effective. En statuant prématurément sur l'indemnité en réparation de son tort moral, le Ministère public avait préjugé de sa condamnation et ne pouvait, à ce stade, se prévaloir de l'art. 431 al. 2 et 3 CPP pour refuser de lui allouer une indemnité et encore moins de l'art. 430 al. 1 let. c CPP.

b. À réception du recours, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner un point d'une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement irrecevables ou mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

3.             Le recourant reproche au Ministère public d'avoir refusé de l'indemniser pour le tort moral qu'il estime avoir subi du fait de sa détention injustifiée.

3.1.1. Conformément à l'art. 429 al. 1 let. c CPP, si le prévenu est acquitté totalement ou en partie ou s'il bénéficie d'une ordonnance de classement, il a droit à une réparation du tort moral subi en raison d'une atteinte particulièrement grave à sa personnalité, notamment en cas de privation de liberté.

3.1.2. Selon l'art. 431 al. 2 CPP, en cas de détention provisoire et de détention pour des motifs de sûreté, le prévenu a droit à une indemnité ou à une réparation du tort moral lorsque la détention a excédé la durée autorisée et que la privation de liberté excessive ne peut être imputée sur les sanctions prononcées à raison d’autres infractions. Conformément à l'al. 3 de cette disposition, le prévenu n’a pas droit aux prestations mentionnées à l’al. 2 s’il (a) est condamné à une peine pécuniaire, à un travail d’intérêt général ou à une amende, dont la conversion donnerait lieu à une peine privative de liberté qui ne serait pas notablement plus courte que la détention provisoire ou la détention pour des motifs de sûreté; (b) est condamné à une peine privative de liberté assortie du sursis, dont la durée dépasse celle de la détention provisoire ou de la détention pour des motifs de sûreté qu’il a subie.

3.1.3. À teneur de l'art. 51 CP, le juge impute sur la peine la détention avant jugement subie par l'auteur dans le cadre de l'affaire qui vient d'être jugée ou d'une autre procédure. Un jour de détention correspond à un jour-amende.

Il découle de cette disposition qu'une peine privative de liberté doit, si possible, être compensée avec la privation de liberté déjà intervenue, même dans une autre procédure (ATF 133 IV 150 consid. 5.1). La détention avant jugement doit être imputée sur la peine, indépendamment du fait que celle-ci soit assortie du sursis ou non et qu'il s'agisse d'une peine pécuniaire ou privative de liberté (ATF 135 IV 126 consid. 1.3.6). En présence de peines de types différents, l'imputation de la détention avant jugement s'opère en premier lieu sur la peine privative de liberté, puis en cas d'excédent sur la peine pécuniaire, cela indépendamment d'une identité entre cette dernière et la détention avant jugement subie (arrêt du Tribunal fédéral 6B_983/2013 du 24 février 2014 consid. 6.2). La question de l'indemnisation d'une détention injustifiée ne se pose donc en principe que si une imputation suffisante de cette détention sur une autre sanction au sens de l'art. 51 CP n'est plus possible; l'indemnisation financière est ainsi subsidiaire à l'imputation (ATF 141 IV 236 consid. 3.3 et les références). Tel est le cas lorsque le nombre de jours de détention dépasse celui des jours-amende prononcés (arrêt du Tribunal fédéral 6B_558/2013 du 13 décembre 2013 consid. 1.6 in fine). L'intéressé n'a pas le droit de choisir entre ces deux voies (arrêt 6B_84/2014 du 13 août 2014 consid. 5.1).

3.1.4. Selon l'art. 51 al. 1 2ème phrase CP, en cas d'imputation de la détention sur une peine pécuniaire, seul le nombre de jours-amende, et non leur montant ou le produit des deux, est déterminant. Cela correspond au principe selon lequel la peine doit être calculée en fonction de la culpabilité de l'auteur (art. 47 al. 1 CP). Une indemnité à cet égard n'entre donc en ligne de compte que si le nombre de jours de détention est supérieur à celui des jours-amende (arrêt du Tribunal fédéral 6B_558/2013 précité, consid. 1.6 in fine).

3.2.  En l'espèce, le recourant, détenu du 26 mars au 22 août 2024, l'a été licitement, sur la base d'ordonnances du TMC, contre lesquelles il n'a pas interjeté recours. Il ne saurait à cet égard soutenir avoir subi une détention injustifiée à la suite du retrait de plainte de son frère, le 11 juillet 2024, le TMC ayant constaté, dans son ordonnance du 15 juillet 2024, que les charges demeuraient néanmoins suffisantes, l'infraction de contrainte étant poursuivie d'office.

Dans l'ordonnance querellée, le Ministère public a considéré, après avoir classé les infractions de menaces, contrainte et voies de fait, qu'aucune indemnité ne devait être allouée au recourant. Un tel refus ne prête pas le flanc à la critique dans la mesure où la détention avant jugement subie par le recourant a été entièrement imputée sur la peine prononcée dans l'ordonnance pénale rendue simultanément le 9 septembre 2024. Le fait qu'un décalage ait pu survenir dans la notification de l'ordonnance querellée et de l'ordonnance pénale – la première ayant été notifiée avant la seconde – n'y change rien.

Si l'ordonnance pénale du 9 septembre 2024 n'est pas encore définitive, puisque le recourant y a fait opposition, il appartiendra au Ministère public (dans sa décision sur opposition) ou au juge du fond (en cas de maintien de celle-ci) de se prononcer sur le sort de ladite détention avant jugement, le cas échéant d'allouer au prévenu une indemnité dans l'éventualité où la quotité de la peine ultimement prononcée devait être inférieure au nombre de jours de détention avant jugement subis.

Partant, le Ministère public était fondé, dans l'ordonnance entreprise, à rejeter la demande d'indemnisation du recourant pour le tort moral subi en relation avec sa détention provisoire.

4.             Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée et le recours rejeté.

5.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 1'000.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03). L'autorité de recours est en effet tenue de dresser un état de frais pour la procédure de deuxième instance, sans égard à l'obtention de l'assistance judiciaire (arrêts du Tribunal fédéral 1B_372/2014 du 8 avril 2015 consid. 4.6 et 1B_203/2011 du 18 mai 2011 consid. 4).

6.             Il n'y a pas lieu d'indemniser, à ce stade, le défenseur d'office (art. 135 al. 2 CPP), la procédure suivant son cours.

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Met à la charge de A______ les frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 1'000.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, à A______, soit pour lui son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Madame Valérie LAUBER et Monsieur Vincent DELALOYE, juges; Monsieur Julien CASEYS, greffier.

 

Le Greffier :

Julien CASEYS

 

La Présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/7786/2024

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

915.00

Total

CHF

1'000.00