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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/1478/2022

ACPR/706/2024 du 01.10.2024 sur OMP/15403/2024 ( MP ) , ADMIS

Descripteurs : ORDONNANCE PÉNALE;CITATION À COMPARAÎTRE;ENVOI SOUS PLI SIMPLE
Normes : CPP.87.al1; CPP.87.al4; CPP.85.al2

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/1478/2022 ACPR/706/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mardi 1er octobre 2024

 

Entre

A______, représenté par Me B______, avocat,

recourant,

 

contre l'ordonnance sur défaut après opposition rendue le 22 juillet 2024 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. Par acte expédié au Ministère public le 30 juillet 2024, transmis à la Chambre de céans pour raison de compétence, A______ recourt contre l'ordonnance du 22 juillet 2024, par laquelle le Ministère public a constaté le retrait de son opposition à l'ordonnance pénale du 5 octobre 2023.

Le recourant conclut à l'annulation de cette ordonnance et à ce qu'une nouvelle audience soit appointée.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Le 19 janvier 2022, C______ a déposé une plainte pénale contre D______ et A______, pour calomnie (art. 173 CP), subsidiairement diffamation (art. 174 CP).

Dans le cadre d'une procédure de divorce l'opposant à E______, cette dernière avait produit des attestations écrites de D______, son employée de maison, et de A______, conjoint de la précitée, travaillant également pour son épouse, attestations qui contenaient des affirmations diffamatoires, voire calomnieuses, à son égard.

b. Le 24 janvier 2022, le Ministère public a rendu une ordonnance de non-entrée en matière s'agissant des faits reprochés à D______, au motif que l'intéressée était décédée le ______ 2021, circonstance qui éteignait l'action pénale.

c. Auditionné par la police le 10 mars 2022 avec l'aide d'un interprète, A______ a déclaré avoir rédigé l'attestation du 18 octobre 2021 de sa propre initiative, dans le but de soutenir E______, qui vivait mal la procédure de divorce. Il n'avait commencé à travailler pour cette dernière qu'après le départ de C______ du domicile, de sorte qu'il ne le connaissait pas.

Il reconnaissait avoir séjourné et travaillé en Suisse sans les autorisations nécessaires.

Il vivait chez des amis résidant en France, à proximité de la douane de Moillesulaz, et à Genève.

A______ a donné à la police pour "Adresse principale": "C/o F______, rue 1______ no. ______ – [code postal] G______/Suisse".

d. Par ordonnance du 17 juin 2022, notifiée notamment à A______, à l'adresse précitée, le Ministère public a décidé de ne pas entrer en matière sur la plainte de C______.

e. La Chambre de céans a, par arrêt ACPR/754/ 2022 du 3 novembre 2022, admis le recours formé par C______ contre cette ordonnance, qu'il a annulée, renvoyant la cause au Ministère public pour nouvelle décision. Sa plainte pénale du 19 janvier 2022 devait être interprétée comme visant toute personne ayant participé à l'éventuelle infraction dénoncée, sans exclusion de son épouse E______.

f. Par ordonnance pénale du 5 octobre 2023, le Ministère public a condamné A______ à une peine pécuniaire de 60 jours-amende à CHF 30.-, assortie du sursis, délai d'épreuve de 3 ans, pour diffamation et infractions à l'art. 115 al. 1 let. b et c LEI.

g. Par courrier recommandé expédié le 17 octobre 2023, A______ a formé opposition. Au dos de l'enveloppe ayant contenu cette opposition il a indiqué comme adresse: "F______, rue 1______ no. ______ – [code postal] G______".

h. Les 21 octobre 2023 et 5 février 2024, A______, agissant toujours seul, a indiqué par écrit au Ministère public, en espagnol, avec l'aide d'une traduction faite par Google, pièces à l'appui, les raisons pour lesquelles il contestait l'ordonnance pénale du 5 octobre 2023.

Il a derechef indiqué sur ces courriers l'adresse précitée.

i. Par mandat du 25 juin 2024, lequel ne figure pas au dossier, communiqué par pli simple à A______, ce dernier a été cité à comparaître pour l'audience du 16 juillet 2024.

j. A______ n'y a pas comparu ni ne s'est préalablement excusé.

C. L'ordonnance querellée retient que, dûment convoqué à l'adresse précitée, A______ n'avait pas comparu à l'audience du 16 juillet 2024, sans excuse. Conformément à l'art. 355 al. 2 CPP, l'opposition était réputée retirée.

D. a. À l'appui de son recours, A______, par la voix de son conseil, fait valoir que la convocation à l'audience n'avait été portée à sa connaissance que le 28 juillet 2024. La personne travaillant à F______, où il résidait, ne lui avait pas transmis ce document à réception. Il n'avait donc pas pu en prendre connaissance à temps. Il n'était ainsi pas responsable de son défaut à l'audience. À la suite de cette erreur de transmission, il avait été privé de son droit à la défense et subissait un préjudice irréparable.

b. Il ressort du document manuscrit produit par le recourant, signé par un dénommé H______ le 29 juillet 2024, que "les lettres du Ministère public de la Justice, datées des enveloppes du 25 Juin et 22 Julliet 2024 n'ont pas été livrées à M. A______ jusqu'au 28 Julliet 2024 [sic]".

c. Le Ministère public conclut au rejet du recours.

d. Dans une très brève réplique, A______ demande à la Chambre de céans de ne pas faire preuve de formalisme excessif qui le priverait de ses droits de procédure.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             Le recourant reproche au Ministère public d'avoir considéré que son défaut à l'audience valait retrait de l'opposition à l'ordonnance pénale.

2.1. En cas d'opposition à l'ordonnance pénale, si l'opposant, sans excuse, fait défaut à une audition malgré une citation, son opposition est réputée retirée (art. 355 al. 2 CPP).

2.2. Le mandat de comparution est décerné par écrit (art. 201 al. 1 CPP). Il contient, en particulier, les conséquences juridiques d'une absence non excusée (al. 2 let. f).

2.3.1. En vertu de l'art. 87 al. 1 CPP, toute communication doit être notifiée au domicile du destinataire.

Cette disposition n'empêche pas les parties de communiquer à l'autorité pénale une autre adresse de notification que celle indiquée par cette norme. Si elles le font, la notification doit, en principe, être effectuée en cet autre endroit, sous peine d'être jugée irrégulière (arrêt du Tribunal fédéral 6B_730/2021 du 20 août 2021 consid. 1.1).

2.3.2. Selon l'art. 87 al. 4 CPP, lorsqu'une partie est tenue de comparaître personnellement à une audience ou d'accomplir elle-même un acte de procédure, la communication lui est notifiée directement. En pareil cas, une copie est adressée à son conseil juridique.

2.4.1. Les autorités pénales notifient leurs prononcés par lettre signature ou par tout autre mode de communication impliquant un accusé de réception, notamment par l'entremise de la police (art. 85 al. 2 CPP). Le prononcé est réputé notifié si son destinataire ne l'a pas retiré dans les sept jours à compter d'une tentative de remise infructueuse, à condition qu'il ait dû s'attendre à une telle remise (art. 85 al. 4 let. a CPP).

2.4.2. Une notification irrégulière ne doit entraîner aucun préjudice pour son destinataire (arrêt du Tribunal fédéral 6B_552/2015 du 3 août 2016 consid. 2.5).

2.4.3. De jurisprudence constante, le fardeau de la preuve de la notification et de la date de celle-ci incombe en principe à l'autorité qui entend en tirer une conséquence juridique. L'autorité supporte donc les conséquences de l'absence de preuve en ce sens que si la notification ou sa date sont contestées et qu'il existe effectivement un doute à ce sujet, il y a lieu de se fonder sur les déclarations du destinataire de l'envoi. La preuve de la notification peut néanmoins résulter d'autres indices ou de l'ensemble des circonstances, par exemple un échange de correspondance ultérieur ou le comportement du destinataire (ATF 142 IV 125 consid. 4.3; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1212/2020 du 9 février 2021 consid. 1.1).

2.5. Un prévenu informé par la police d'une procédure préliminaire le concernant, de sa qualité de prévenu et des infractions reprochées, doit se rendre compte qu'il est partie à une procédure pénale et donc s'attendre à recevoir, dans ce cadre-là, des communications de la part des autorités, y compris un prononcé (arrêt du Tribunal fédéral 6B_880/2022 du 30 janvier 2023 consid. 2.1. et la jurisprudence citée).

2.6. En l'espèce, le mandat de comparution a été adressé par le Ministère public au lieu habituel de résidence du prévenu, ce qui ressort du recours. L'intéressé ne soutient pas que le pli ne serait pas parvenu à l'adresse qu'il a lui-même donnée à plusieurs occasions au cours de la procédure, la première fois lors de son audition à la police le 10 mars 2022, puis dans son opposition du 17 octobre 2023 à l'ordonnance pénale du 5 précédent – dûment notifiée à ladite adresse –, et dans ses deux écrits au Ministère public des 21 octobre 2023 et 5 février 2024.

En revanche, dans la mesure où cette convocation à l'audience du 16 juillet 2024 a été adressée par pli simple, on ignore à quel moment elle est entrée dans la sphère de connaissance du recourant. H______ ne le dit pas non plus dans son écrit du 29 juillet 2024.

Le vice dans la notification de la citation, qui ne respecte pas les réquisits de l'art. 85 al. 2 CPP, doit conduire à l'annulation de l'ordonnance querellée et à l'admission du recours.

3. Les frais de recours seront laissés à la charge de l'État (art. 428 al. 1 CPP).

4. 4.1. Le recourant, prévenu, qui obtient gain de cause, a droit à une juste indemnité pour ses frais d'avocat, conformément à l'art. 429 al. 1 let. a CPP, applicable en instance de recours (art. 436 al. 1 CPP).

4.2. Lors de la fixation de l'indemnité, le juge ne doit pas avaliser purement et simplement les notes d'honoraires qui lui sont le cas échéant soumises, mais, au contraire, examiner si l'assistance d'un conseil était nécessaire puis, dans l'affirmative, apprécier objectivement la pertinence et l'adéquation des activités facturées, par rapport à la complexité juridique et factuelle de l'affaire et, enfin, dire si le montant des honoraires réclamés, même conforme au tarif pratiqué, est proportionné à la difficulté et à l'importance de la cause, c'est-à-dire raisonnable au sens de la loi (cf. ACPR/140/2013 du 12 avril 2013).

En application de l'art. 429 al. 2 CPP, l'autorité pénale examine donc d'office celles-ci et peut enjoindre l'intéressé de les chiffrer et de les justifier.

4.3. En l'occurrence, le prévenu, recourant, n'a pas produit d'état de frais pour la procédure de recours, ni chiffré ses prétentions.

Au vu du travail accompli, à savoir la rédaction de deux pages de recours (page de garde et conclusions comprises, et d'une très brève réplique dénuée d'argumentation juridique), de l'absence de complexité de la question litigieuse, et de l'issue du recours, l'indemnité pour les frais de défense sera arrêtée, ex aequo et bono, à CHF 432.40 TVA à 8.1% incluse, correspondant à 1h00 d'activité au tarif appliqué par la Cour de justice au chef d'étude de CHF 400.- de l'heure (ACPR/282/2014 du 30 mai 2014).

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Admet le recours.

Annule l'ordonnance rendue le 22 juillet 2024 par le Ministère public et lui retourne la cause pour nouvelle citation à la suite de l'opposition formée par A______ à l'ordonnance pénale du 5 octobre 2023.

Laisse les frais de la procédure à la charge de l'État.

Alloue à A______, à la charge de l'État, une indemnité de CHF 432.40, TVA à 8.1% incluse pour la procédure de recours (art. 429 al. 1 let. a CPP).

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Monsieur Christian COQUOZ, président; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Valérie LAUBER, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

Le président :

Christian COQUOZ

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).