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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/16260/2021

ACPR/616/2024 du 21.08.2024 sur OTMC/2048/2024 ( TMC ) , REJETE

Descripteurs : MESURE DE SUBSTITUTION À LA DÉTENTION;RISQUE DE FUITE
Normes : CPP.237.al5

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/16260/2021 ACPR/616/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mercredi 21 août 2024

 

Entre

A______, représentée par Me B______, avocat,

recourante,

contre l'ordonnance de refus de levée partielle des mesures de substitution rendue le 5 juillet 2024 par le Tribunal des mesures de contrainte,

et

LE TRIBUNAL DES MESURES DE CONTRAINTE, rue des Chaudronniers 9, 1204 Genève,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


Vu :

-          l'arrestation provisoire de A______ le 16 juin 2023 et sa mise en détention provisoire ordonnée par le Tribunal des mesures de contrainte (ci-après : TMC);

-          la demande de mise en liberté formée par la prévenue le 12 mars 2024;

-          l'ordonnance de maintien en détention (avec mesures de substitution) rendue par le TMC le 18 mars 2024, ordonnant que la détention provisoire de A______ se poursuive, jusqu'à sa mise en liberté après paiement de la caution, et ordonnant à la précitée de se soumettre aux mesures de substitution suivantes :

a) dépôt de sûretés d'un montant de CHF 90'000.-, en mains des services financiers du Pouvoir judiciaire,

b) interdiction de quitter la Suisse,

c) dépôt de son passeport et de sa carte d'identité roumains en mains du Ministère public,

d) obligation de déférer à toute convocation du Pouvoir judiciaire,

e) interdiction d'entretenir des rapports directs ou indirects avec : les plaignants; les anciens employés, clients, mandataires (comptables, banques, etc) d'elle-même ou de ses sociétés; ainsi que toutes les autres personnes dont l'audition dans la procédure est prévue ou pourrait s'avérer utile à la manifestation de la vérité;

-          le recours formé par A______ contre cette ordonnance;

-          l'arrêt de la Chambre de céans du 23 avril 2024 (ACPR/284/2024) admettant partiellement le recours et ordonnant la libération immédiate de A______, si elle n'était retenue pour une autre cause, sous les mêmes mesures de substitution que susvisées, sous réserve que le montant des sûretés était fixé à CHF 50'000.-;

-          le versement de la caution par la prévenue et sa remise en liberté le 23 avril 2024;

-          la demande de la prévenue du 25 juin 2024 tendant à ce que les mesures de substitution soient modifiées en ces termes :

·      levée de l'interdiction de quitter le territoire suisse,

·      obligation de résider auprès de ses parents en Roumanie,

·      obligation de prendre un emploi auprès de C______ (laquelle était disposée à l'engager comme aide-ménagère journalière dès son arrivée en Roumanie),

·      restitution de ses documents d'identité,

·      confirmation des mesures de substitution en vigueur à ce jour;

-          l'ordonnance du 5 juillet 2024, notifiée le 8 suivant, par laquelle le TMC a refusé de lever partiellement les mesures de substitution ordonnées le 18 mars 2024 et dit que celles-ci demeuraient en vigueur jusqu'au 18 septembre 2024;

-          le recours expédié le 18 juillet 2024 par A______.

Attendu que :

-          A______ est prévenue de traite d'êtres humains par métier (art. 182 al. 1 et 2 CP), d'escroquerie (art. 146 CP), de tentative de chantage et extorsion (art. 156 ch. 1 cum 22 al. 1 CP), d'usure par métier (art. 157 ch. 1 et 2 CP), d'emploi d'étrangers sans autorisation (art. 117 LEI), de faux dans les titres (art. 251 ch. 1 CP), d'infraction à l'art. 87 LAVS et d'infraction à l'art. 76 LPP;

-          dans sa décision querellée, le TMC a rappelé que les charges étaient toujours suffisantes pour justifier les mesures de substitution prononcées, ce dont la prévenue ne disconvenait pas, renvoyant à sa précédente décision et à l'arrêt de la Chambre de céans du 23 avril 2024. Il existait, notamment, toujours un important risque de fuite, la prévenue étant de nationalité roumaine et sans attache avec la Suisse, toute sa famille vivant en Roumanie. Ce risque ne s'était aucunement amoindri. Il était trop important pour être pallié uniquement par le dépôt de la caution. Si tel avait été le cas, seule une caution aurait été exigée, étant précisé que la prévenue avait elle-même proposé les mesures dont elle sollicitait aujourd'hui la levée, plaidant même son intention de rester en Suisse au-delà de la durée de la procédure. Si la prévenue avait besoin de ses papiers d'identité pour obtenir un permis de travail, rien ne l'empêchait d'en faire la demande à la Direction de la procédure;

-          dans son recours, A______ conclut, sous suite de frais, principalement à l'annulation de l'ordonnance querellée et à ce que les mesures de substitution soient modifiées en ces termes :

·      levée de l'interdiction de quitter le territoire suisse,

·      obligation de résider auprès de ses parents en Roumanie,

·      obligation de prendre un emploi auprès de C______,

·      restitution de ses documents d'identité,

·      confirmation des mesures de substitution en vigueur à ce jour;

-          elle réitère les motifs à l'appui de sa demande du 25 juin 2004. Depuis sa libération, elle n'avait pas pu retrouver d'emploi, l'Office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) refusant de lui délivrer une autorisation de travailler en Suisse, faute de documents d'identité originaux et de contrat de travail. Elle ne pouvait compter que sur l'aide financière de ses proches, laquelle représentait une charge importante pour eux et obérait leurs ressources financières. L'importance de l'engagement financier s'en trouvait ainsi renforcée, et donc, l'assurance qu'elle se représentera aux actes de la procédure. Or, le TMC n'avait nullement tenu compte de ces éléments dans sa décision pour apprécier le risque de fuite, constatant ainsi de manière incomplète et erronée les faits. En outre, dans son arrêt du 23 avril 2024, la Chambre de céans avait considéré que le versement d'une caution ramenée à CHF 50'000.- était suffisante pour pallier le risque de fuite.

Considérant en droit que :

-          le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 222 et 393 al. 1 let. c CPP) et émaner de la prévenue qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP);

-          la Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement irrecevables ou mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent;

-          en tant que la Chambre de céans jouit d'un plein pouvoir de cognition en fait et en droit (art. 393 al. 2 CPP ; ATF 137 I 195 consid. 2.3.2), les éventuelles constatations incomplètes ou inexactes du TMC auront été corrigées dans l'état de fait établi ci-devant, de sorte que le grief de la recourante à cet égard est infondé;

-          conformément à l'art. 237 al. 5 CPP, le tribunal peut en tout temps révoquer les mesures de substitution, en ordonner d'autres ou prononcer la détention provisoire si des faits nouveaux l'exigent ou si le prévenu ne respecte pas les obligations qui lui ont été imposées. Le tribunal compétent dispose dans ce cadre d'un large pouvoir d'appréciation, comme cela ressort de la formulation potestative de la loi (arrêt du Tribunal fédéral 1B_485/2019 du 12 novembre 2019 consid. 3.1);

-          en l'espèce, la recourante ne critique pas le risque de fuite mais considère qu'il est désormais pallié par les sûretés versées. Elle sollicite ainsi la levée des mesures de substitution consistant en l'interdiction de quitter la Suisse et au dépôt de ses documents d'identité roumains. Elle s'engage en outre à résider auprès de ses parents en Roumanie et à prendre un emploi d'aide-ménagère auprès de C______ dans ce pays;

-          or, la Chambre de céans, dans son précédent arrêt, tout comme le TMC avant elle, ont considéré que l'interdiction de quitter la Suisse et le dépôt des pièces d'identité constituaient, en sus du versement d'une caution, des mesures de substitution adéquates pour pallier un risque de fuite qualifié de concret. La prévenue n'a du reste pas contesté cette appréciation ni recouru contre l'arrêt en question;

-          force est en outre de constater, à l'instar du premier juge, que le risque de fuite évalué alors ne s'est aucunement amoindri;

-          l'engagement de la recourante de résider auprès de ses parents en Roumanie et de prendre un emploi d'aide-ménagère auprès de C______ dans ce pays, outre qu'il serait difficilement contrôlable, n'apparaît pas suffisant pour garantir sa présence aux actes de la procédure;

-          la recourante prétend n'avoir pas les moyens financiers de vivre en Suisse;

-          on rappellera cependant qu'il a été statué qu'il n'était pas exclu qu'elle ait pu se constituer un "butin" et le mettre à l'abri, ni qu'elle possédât ou louât un ou plusieurs biens immobiliers, eu égard au versement reçu de [la plateforme de location de logement] D______ identifié par la police. Elle avait en outre décrit à la police que la situation personnelle et financière de sa famille en Roumanie était très favorable avant d'affirmer que ses parents vivaient modestement. Enfin, elle avait indiqué vivre en couple à E______ [Roumanie] avec son compagnon, qui était anciennement consul de F______ à la Mission suisse à Berne et l'aidait financièrement;

-          rien ne permet ainsi d'affirmer qu'elle ne pourrait plus compter sur ses propres ressources ou sur le soutien financier de ses proches, nonobstant le versement par eux de la caution;

-          quant au refus de l'OCPM de lui délivrer un permis de travail, il ne serait dû qu'à l'absence d'un contrat de travail et de documents d'identité originaux. Or, on ne voit pas ce qui empêcherait la recourante de chercher en Suisse un emploi à tout le moins équivalent à celui qu'elle est disposée à occuper auprès de C______ en Roumanie et à solliciter du Ministère public qu'il remettre provisoirement ses pièces d'identité originales à l'autorité administrative compétente pour lui permettre de finaliser ses démarches en vue de l'octroi d'un permis de travail;

-          partant, c'est à juste titre que le TMC a refusé la levée partielle des mesures de substitution dont la recourante fait l'objet;

-          le recours s'avère ainsi infondé et doit être rejeté;

-          la recourante, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 900.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03);

-          la recourante plaide au bénéfice d'une défense d'office;

-          selon la jurisprudence, le mandat de défense d'office conféré à l'avocat du prévenu pour la procédure principale ne s'étend pas aux procédures de recours contre les décisions prises par la direction de la procédure en matière de détention avant jugement, dans la mesure où l'exigence des chances de succès de telles démarches peut être opposée au détenu dans ce cadre, même si cette question ne peut être examinée qu'avec une certaine retenue. La désignation d'un conseil d'office pour la procédure pénale principale n'est pas un blanc-seing pour introduire des recours aux frais de l'État, notamment contre des décisions de détention provisoire (arrêt du Tribunal fédéral 1B_516/2020 du 3 novembre 2020 consid. 5.1);

-          en l'occurrence, quand bien même la recourant succombe, on peut admettre que l'exercice du présent recours ne procède pas d'un abus;

-          l'indemnité du défenseur d'office sera fixée à la fin de la procédure (art. 135 al. 2 CPP).

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Admet l'assistance judiciaire pour le recours.

Met à la charge de A______ les frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 900.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, à la recourante (soit, pour elle, son défenseur), au Ministère public et au Tribunal des mesures de contrainte.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Monsieur Selim AMMANN, greffier.

 

Le greffier :

Selim AMMANN

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/16260/2021

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

815.00

Total

CHF

900.00