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Décisions | Chambre pénale de recours

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PM/720/2024

ACPR/590/2024 du 09.08.2024 sur JTPM/480/2024 ( TPM ) , REJETE

Descripteurs : LIBÉRATION CONDITIONNELLE;PRONOSTIC
Normes : CP.86

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

PM/720/2024 ACPR/590/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du vendredi 9 août 2024

 

Entre

A______, actuellement détenu à l'établissement fermé de B______, représenté par Me C______, avocat,

recourant,

contre le jugement rendu le 22 juillet 2024 par le Tribunal d'application des peines et des mesures,

et

LE TRIBUNAL D'APPLICATION DES PEINES ET DES MESURES, rue des Chaudronniers 9, 1204 Genève,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. Par acte déposé le 2 août 2024, A______ recourt contre la décision du 22 juillet 2024, notifiée le lendemain, par laquelle le Tribunal d'application des peines et des mesures (ci-après : le TAPEM) a refusé sa libération conditionnelle.

Le recourant conclut à l'annulation de cette décision et à l'octroi de sa libération conditionnelle avec effet au jour de son renvoi effectif de Suisse, subsidiairement au renvoi de la cause au TAPEM pour nouvelle décision.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Par jugement du 25 mai 2023, le Tribunal correctionnel a condamné A______, ressortissant albanais né le ______ 1978, dans le cadre d'une procédure simplifiée, à une peine privative de liberté de 30 mois, sous déduction de 198 jours de détention avant jugement, pour infraction grave à la loi sur les stupéfiants (avec mise en danger de la santé de nombreuses personnes), rupture de ban et exercice d'une activité lucrative sans autorisation. Le Tribunal a également ordonné son expulsion de Suisse pour une durée de 20 ans, avec signalement dans le système d'information Schengen (SIS).

b. Par ordonnance pénale du 3 août 2023, le Ministère public a condamné A______ à une peine privative de liberté de 40 jours pour rixe, au sein de la prison de D______ le 28 janvier 2023. A______ a aussi été sanctionné par l'établissement pénitentiaire à trois jours de cellule forte pour ces faits.

c.A______ a été incarcéré à la prison de D______ du 10 novembre 2022 au 8 mai 2023, date de son transfert à l'établissement de B______, où il demeure encore à ce jour.

d. Les deux tiers des peines que A______ exécute actuellement ont été atteints le 3 août 2024, leur terme étant fixé au 17 juin 2025.

e. À teneur de l'extrait du casier judiciaire suisse du 4 juillet 2024, A______ a préalablement été condamné à trois reprises :

-          le 16 mai 2017, par le Ministère public, à une peine pécuniaire de 60 jours-amende, avec sursis (délai d'épreuve de trois ans), pour opposition à des actes de l'autorité, séjour illégal et entrée illégale ;

-          le 15 juillet 2017, par le Ministère public, à une peine privative de liberté de 6 mois, pour délit à la loi sur les stupéfiants et séjour illégal ;

-          le 18 juin 2019, par la Chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice, à une peine privative de liberté de 36 mois, avec sursis partiel (délai d'épreuve de 5 ans), pour crime à la loi sur les stupéfiants (avec mise en danger de la santé de nombreuses personnes) et séjour illégal. Son expulsion a également été ordonnée pour une durée de 10 ans.

Il a bénéficié d'une libération conditionnelle par jugement du TAPEM le 6 avril 2020, avec un délai d'épreuve d'une année. Le pronostic était réservé. A______ s'était bien comporté en détention, mais il avait été condamné à une autre reprise pour des infractions en lien avec sa situation administrative en Suisse. Il n'avait jamais bénéficié de libération conditionnelle préalable.

f. Selon le plan d'exécution de la sanction pénale (ci-après : le PES) du 31 août 2023, A______ avait pris le risque de revenir en Suisse malgré son expulsion du territoire en juin 2019, car il faisait face à des difficultés économiques dans son pays et la Suisse offrait, à l'inverse, des salaires avantageux dans son domaine d'activité (soudure). Il contestait avoir pris part à un trafic de stupéfiants. Il s'était compromis en voulant déplacer l'héroïne qu'il avait fortuitement découverte dans le logement qu'il louait, ignorant par ailleurs que l'argent de la drogue y était également dissimulé. Il était conscient de ne plus avoir d'avenir en Europe où il était certain qu'il serait remis en prison en cas de retour. Il ne voulait pas s'y risquer, ajoutant qu'il prenait de l'âge, tout comme ses enfants, dont il était éloigné. Il ne voulait plus gaspiller son temps.

Le Service de probation et d'insertion (ci-après : le SPI) a relevé que A______ présentait un discours similaire à celui de son précédent séjour en détention en 2019, puisqu'il avait alors assuré que la prison lui avait ouvert les yeux et fait réaliser qu'il ne souhaitait plus s'éloigner de sa famille, qui lui manquait. Il s'agissait toutefois de sa troisième récidive en lien avec les stupéfiants, la gravité des faits ayant augmenté au fil des passages devant la justice. La commission des infractions apparaissait motivée par un besoin financier, l'appât du gain conduisant l'intéressé à opter à nouveau pour des méthodes illégales. En outre, considérant son retour dans le commerce de la drogue, il semblait clair que l'intéressé entretenait des liens avec un réseau de connaissances aux mœurs antisociales. Il était ainsi invité à réfléchir sur la nature de ses fréquentations et leur impact sur sa vie, étant relevé qu'il présentait sinon une attitude générale globalement adéquate en détention, où il démontrait une bonne implication dans le travail en atelier. Sa condamnation pour le comportement violent sanctionné en janvier 2023 à la prison de D______ apparaissait comme un événement isolé au cours des différentes détentions vécues par l'intéressé en Suisse.

A______ faisait l'objet d'un suivi somatique épisodique et d'un suivi psychologique volontaire pour discuter principalement de sa famille. Il tentait de reconstruire, avec le soutien du secteur social, un projet de réinsertion professionnelle en vue de créer une entreprise de soudure sur ses terres en Albanie, avec l'espoir de bénéficier du soutien du programme E______.

Un milieu ouvert était envisageable dès l'été 2024 en cas de refus de sa libération conditionnelle, un tel élargissement pouvant favoriser la bonne occupation de l'intéressé par un accès à davantage de travail et la possibilité pour lui de thésauriser en vue d'investir dans son projet futur, dont la réalisation constituait l'espoir principal de le voir s'écarter de son parcours délictuel. Des inquiétudes étaient formulées à plus long terme s'agissant du risque de récidive, risque qui serait amoindri si l'intéressé voyait ses projets se concrétiser favorablement et sa situation financière se stabiliser.

g. Dans son rapport socio-judiciaire du 8 mai 2024, le SPI a précisé que A______, bien que perclus de regrets quant à sa nouvelle condamnation et l'effet qu'elle avait eu sur sa famille et lui-même, peinait à expliquer sa récidive et continuait de jurer n'avoir pas participé volontairement à un trafic de drogue, la seule infraction qu'il reconnaissait étant la rupture de ban. Très attaché à sa famille, il s'agissait du principal sujet d'échanges en entretiens avec le SPI. Il ne souhaitait plus s'exposer à une condamnation "n'ayant, plus de temps à perdre". Le travail semblait être une valeur phare pour le concerné, qui aimait son activité et relatait une très bonne relation avec son maître d'atelier.

h. Dans sa demande de libération conditionnelle du 14 mai 2024, A______ a indiqué être marié, père de quatre enfants, disposer de papiers d'identité albanais, ne pas être autorisé à séjourner en Suisse et avoir CHF 10'560.- de dettes et CHF 200.- de ressources. À sa libération, il disait pouvoir bénéficier de l'aide de sa femme, F______, de ses enfants qui étudiaient et travaillaient, et de ses frères G______, H______ et I______. Il résiderait avec sa famille en Albanie. Avec un emploi sûr, il était certain de ne jamais revenir en Suisse, précisant que l'aide financière et logistique apportée par le programme E______ pour son projet de réinsertion constituait sa porte de sortie de la criminalité.

i. Dans son préavis favorable du 29 mai 2024, la direction de l'établissement fermé de B______ a considéré que A______ respectait les conditions de progression de son PES, son comportement étant exempt de tout reproche et son attitude en atelier étant qualifiée de positive. Il remboursait les frais de justice depuis le 15 juin 2023 et les tests toxicologiques effectués le 28 mai 2024 s'étaient avérés négatifs.

j. Par courriel du 11 juin 2024, A______ a, par le biais de son conseil, transmis quatre photos de ses réalisations en fer, effectuées au sein de l'atelier dédié de l'établissement fermé de B______, une déclaration d'engagement dans le cadre du programme E______ datée du 6 juin 2024, trois certificats de travail établis dans le cadre du travail en détention, ainsi qu'une attestation de suivi psychothérapeutique datée du 13 mai 2024. Cette dernière précise que A______ y fait part de sa tristesse engendrée par la distance qui le sépare de sa famille et y prépare son projet de retour en Albanie avec le concours de J______ [association caritative].

k. Le 5 juillet 2024, le Service de l'application des peines et mesures (ci-après : le SAPEM) a préavisé favorablement la libération conditionnelle de A______.

Ses regrets semblaient avoir bien plus trait aux conséquences de sa nouvelle détention pour lui-même et sa famille, plutôt qu'aux actes commis, qu'il continuait de nier. Le manque de prise de conscience, tout comme la persistance du même narratif qu'en 2019-2020, en ce qui concernait tant ses projets que sa situation personnelle, faisait craindre qu'il ne s'adonne à des activités illicites dans un futur proche. Il adoptait en détention un comportement globalement bon et ses aptitudes au travail étaient particulièrement mises en avant. Il présentait ainsi, d'une part, le visage d'un "bosseur", investi dans un projet de travail concret et réaliste, se languissant de l'éloignement de ses proches et abstinent aux toxiques, mais également celui d'un récidiviste qui avait fait fi de la confiance octroyée lors de ses précédents allégements, tout comme des différentes injonctions de l'autorité, prompt à s'adonner au trafic de stupéfiants lorsque ses objectifs économiques n'étaient pas réalisés. Dans ce contexte, le pronostic pénal apparaissait à tout le moins réservé.

Toutefois, comme le rappelait son PES, la réalisation de ses projets devrait permettre de réduire le risque de récidive à plus long terme. Le risque de récidive n'apparaissait donc pas définitivement défavorable, dans la mesure où A______ – au-delà des paroles et de l'obtention du soutien matériel d'institutions de réinsertion – devrait, à l'avenir, pleinement s'investir dans une activité économique licite, ce qui semblait a priori être le cas.

l. Par requête du 9 juillet 2024, le Ministère public a fait siens le préavis et les conclusions du SAPEM.

m. Dans ses observations écrites devant le TAPEM, A______ a estimé remplir les conditions de la libération conditionnelle, dès lors qu'il avait atteint les objectifs fixés dans son PES et entièrement admis sa culpabilité, vu sa condamnation par le Tribunal correctionnel le 25 mai 2023 dans le cadre d'une procédure simplifiée. Il avait honte de sa récidive, qu'il peinait à expliquer et sur laquelle il lui était difficile de s'exprimer. S'agissant des réserves exprimées par le SAPEM, il affirmait qu'il n'était plus le même qu'en 2019-2020, puisqu'il avait 46 ans et n'avait plus le profil d'un détenu. Il avait beaucoup souffert de la détention et de l'éloignement de sa famille, le poussant à solliciter un soutien psychologique, ce qui n'avait pas été le cas lors de son précédent séjour en prison. La souffrance liée à la détention avait nécessairement contribué à une prise de conscience. En raison de l'inscription de son expulsion au SIS, il ne pourrait plus quitter légalement l'Albanie, ce qui constituait un facteur atténuant du risque de récidive. Il avait enfin développé, depuis septembre 2023, un projet concret de réinsertion professionnelle, qui le détournerait assurément de toute rechute dans la délinquance. Il n'avait pas présenté de projet comparable lors de sa première libération conditionnelle en 2020 et n'avait alors pas non plus obtenu le soutien de J______ pour y parvenir.

Il était possible qu'il n'ait pas parfaitement compris la portée et les conséquences du sursis partiel accordé le 18 juin 2019 (AARP/251/2019), qui ne lui avait pas été notifié en audience, ni traduit dans sa langue, mais remis "sur le trottoir", en pleine période de pandémie de Covid-19, lors de sa libération conditionnelle. Sa précédente avocate d'office ne lui avait pas expliqué la teneur de l'arrêt. Il avait indiqué, par courrier du 3 mars 2023 au Ministère public, que son sursis partiel ne pouvait pas lui être opposable dans ces conditions.

C. Dans la décision querellée, le TAPEM a retenu que le pronostic se présentait sous un jour fort défavorable au vu des antécédents spécifiques de A______, qui n'avait pas su tirer profit de ses premières condamnations, notamment la peine pécuniaire prononcée avec sursis, ni de sa libération conditionnelle, accordée dès le 13 avril 2020. Il avait récidivé "quatre mois" après l'octroi de cet allégement, alors qu'il était sous le coup d'une expulsion judiciaire d'une durée de 5 ans prononcée en 2017, ce par quoi il fallait comprendre qu'il était ancré dans la délinquance et imperméable à la sanction, ne tirant aucune leçon de son expulsion. Le préavis favorable de l'établissement fermé de B______ n'était pas, à lui seul, déterminant en termes de risque de récidive, étant relevé que A______ avait été condamné pour une rixe à la prison de D______.

Son projet en Albanie ressemblait à celui qu'il avait exposé lors de sa dernière demande de libération conditionnelle, ce qui ne l'avait toutefois pas empêché de revenir en Suisse et d'y commettre de nouvelles infractions. Il n'était étayé par aucun document relatif aux conditions de vie et de travail en Albanie, de sorte qu'il apparaissait manifeste que A______ se retrouverait à sa sortie dans la même situation personnelle que celle ayant mené à ses dernières condamnations, à savoir endetté, sans emploi, ni possibilité de subvenir légalement à ses besoins en Suisse, où il ne cessait de revenir alors même qu'il n'en avait pas le droit.

En l'état, rien n'indiquait que A______ saurait mettre davantage à profit une nouvelle libération conditionnelle et le risque qu'il commette de nouvelles infractions apparaissait donc très élevé, étant précisé qu'à teneur des dernières condamnations figurant à son casier judiciaire, ce risque ne se limitait pas à des infractions au droit des étrangers.

D. a. Dans son recours, A______ reproche au TAPEM d'avoir retenu des faits inexacts. S'il admettait avoir récidivé après sa libération conditionnelle du 13 avril 2020, cette récidive n'avait pas eu lieu "quatre mois" mais près de deux et demi après sa libération, en octobre 2022. Il n'était alors pas non plus sous le coup d'une "expulsion juridique d'une durée de 5 ans prononcée en 2017", se demandant si la motivation du jugement querellé le concernait vraiment, tant elle s'éloignait de sa situation.

Le TAPEM avait considéré à tort qu'il était "ancré dans la délinquance", alors qu'il avait atteint les objectifs fixés dans son PES et que son comportement en détention avait été décrit comme étant "exempt de tout reproche". Il n'avait fait l'objet d'aucune sanction disciplinaire, hormis celle concernant sa participation à une rixe le 28 janvier 2023, laquelle n'était toutefois pas représentative, vu son caractère isolé et le comportement globalement bon qu'il s'était efforcé de conserver ensuite, à satisfaction. Il n'était pas non plus "imperméable à la sanction", sa nouvelle détention ayant eu des conséquences significatives pour lui-même et sa famille, au point de devoir solliciter un soutien psychologique.

Le TAPEM s'était trompé en retenant qu'il se trouverait, à sa sortie, dans la même situation personnelle que celle l'ayant conduit à ses dernières condamnations. Il avait 46 ans, n'avait plus le profil d'un habitué des prisons et avait été durement affecté par sa dernière peine privative de liberté, relevant que son expulsion inscrite dans le système SIS l'empêcherait de pénétrer à nouveau dans l'espace Schengen, atténuant d'autant le risque de récidive. Son projet de réinsertion professionnelle était concret et réaliste et avait le soutien du programme E______ et de l'encadrement du K______ [organisme humanitaire]. Était joint à son recours, un courrier rédigé le 25 juillet 2024 par ce service attestant de ses dires.

Sa précédente condamnation et la libération conditionnelle accordée le 13 avril 2020, en lien avec une peine privative de liberté de six mois, n'étaient pas décisives, dans la mesure où il ne les avait pas parfaitement comprises. Il était toutefois aujourd'hui parfaitement au clair de sa condamnation, de son expulsion et de leurs effets, rappelant qu'il était volontaire à son renvoi et au prononcé d'une expulsion d'une durée de 20 ans. Le prolongement du sursis assortissant sa condamnation du 18 juin 2019 au 29 janvier 2027 constituait également un facteur de dissuasion.

b. À réception du recours, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

EN DROIT :

1.             1.1. Le recours au sens de l'art. 393 CPP est la voie de droit ouverte contre les prononcés rendus en matière de libération conditionnelle par le TAPEM (art. 42 al. 1 let. b LaCP cum ATF 141 IV 187 consid. 1.1), dont le jugement constitue une "autre décision ultérieure" indépendante au sens de l'art. 363 al. 3 CPP (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1136/2015 du 18 juillet 2016 consid. 4.3 ; 6B_158/2013 du 25 avril 2013 consid. 2.1 ; Y. JEANNERET/A. KUHN/C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 30 ad art. 363 CPP).

1.2.       La procédure devant la Chambre de céans est régie par le CPP, applicable au titre de droit cantonal supplétif (art. 42 al. 2 LaCP).

1.3.  En l'espèce, le recours est recevable, pour avoir été déposé selon les forme et délai prescrits (art. 385 al. 1, 390 al. 1 et 396 al. 1 CPP) par le condamné, qui a un intérêt juridiquement protégé à l'annulation ou à la modification de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

1.4.  La pièce nouvelle produite est également recevable (arrêts du Tribunal fédéral 7B_1011/2023 du 11 janvier 2024 consid. 3.4 ; 1B_550/2022 du 17 novembre 2022 consid. 2.1).

2.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement irrecevables ou mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

3.             Le recourant reproche au TAPEM d'avoir constaté les faits de manière erronée.

Dès lors que la Chambre de céans jouit d'un plein pouvoir de cognition en droit et en fait (art. 393 al. 2 CPP ; ATF 137 I 195 consid. 2.3.2), les éventuelles constatations incomplètes ou inexactes du TAPEM auront été corrigées dans l'état de fait établi ci-devant.

Il est cependant précisé que les affirmations visées, exposées dans la partie en droit de la décision, font partie du raisonnement de l'autorité précédente, qui consistait à évaluer la valeur qu'avait donné le recourant à sa première libération conditionnelle au regard des éléments objectifs du dossier. Quoi qu'il en soit, il apparaît que les affirmations contestées ont correctement été constatées dans la partie en fait de la décision, le TAPEM ayant bien indiqué que le recourant avait récidivé en octobre 2022 et qu'il était alors sous le coup d'une expulsion judiciaire d'une durée de 10 ans.

Partant, ce grief sera rejeté.

4.             Le recourant estime remplir les conditions d'une libération conditionnelle.

4.1.       Aux termes de l'art. 86 al. 1 CP, l'autorité compétente libère conditionnellement le détenu qui a subi les deux tiers de sa peine, mais au moins trois mois de détention, si son comportement durant l'exécution de la peine ne s'y oppose pas et s'il n'y a pas lieu de craindre qu'il commette de nouveaux crimes ou de nouveaux délits.

La libération conditionnelle constitue la dernière étape de l'exécution de la sanction pénale. Elle est la règle et son refus l'exception, dans la mesure où il n'est plus exigé qu'il soit à prévoir que le condamné se conduira bien en liberté (cf. art. 38 ch. 1 al. 1 aCP), mais seulement qu'il ne soit pas à craindre qu'il commette de nouveaux crimes ou délits. Autrement dit, il n'est pas nécessaire pour l'octroi de la libération conditionnelle qu'un pronostic favorable puisse être posé. Il suffit que le pronostic ne soit pas défavorable (ATF 133 IV 201 consid. 2.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 7B_678/2023 du 27 octobre 2023 consid. 2.2.2 ; 7B_388/2023 du 29 septembre 2023 consid. 2.2 ; 7B_308/2023 du 28 juillet 2023 consid. 2.2).

Le pronostic à émettre doit être posé sur la base d'une appréciation globale, prenant en considération les antécédents de l'intéressé, sa personnalité, son comportement en général et dans le cadre des délits qui sont à l'origine de sa condamnation, le degré de son éventuel amendement ainsi que les conditions dans lesquelles il est à prévoir qu'il vivra (ATF 133 IV 201 consid. 2.2 et 2.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 7B_678/2023 du 27 octobre 2023 précité consid. 2.2.2). Par sa nature même, le pronostic ne saurait être tout à fait sûr ; force est de se contenter d'une certaine probabilité ; un risque de récidive est inhérent à toute libération, conditionnelle ou définitive (ATF 119 IV 5 consid. 1b). Pour déterminer si l'on peut courir le risque de récidive, il faut non seulement prendre en considération le degré de probabilité qu'une nouvelle infraction soit commise, mais également l'importance du bien qui serait alors menacé (ATF 125 IV 113 consid. 2a). Ainsi, le risque de récidive que l'on peut admettre est moindre si l'auteur s'en est pris à la vie ou à l'intégrité corporelle ou sexuelle de ses victimes que s'il a commis par exemple des infractions – même graves – à la loi fédérale sur les stupéfiants, lesquelles menacent de manière abstraite la santé publique (ATF 133 IV 201 consid. 3.2 ; 124 IV 97 consid. 2c ; arrêts du Tribunal fédéral 7B_678/2023 du 27 octobre 2023 précité consid. 2.2.2 ; 7B_388/2023 du 29 septembre 2023 précité consid. 2.2).

4.2.       En l'espèce, les préavis favorables de l'établissement pénitentiaire de B______ et du SAPEM font état du comportement globalement bon du recourant en détention et des efforts déployés pour planifier sa réinsertion professionnelle, qui semble effectivement bien avancée en l'état.

Si le SAPEM voit dans le projet de réinsertion du recourant la seule possibilité de réduire le risque de récidive à long terme, il a aussi émis des réserves s'agissant du pronostic, vu ses antécédents spécifiques et sa propension à s'adonner au trafic de stupéfiants, lorsque ses objectifs économiques ne sont pas réalisés. Le pronostic avait déjà été réservé par le TAPEM au moment de sa première libération conditionnelle, vu ses antécédents ; il avait toutefois décidé de lui octroyer une chance, en l'absence de libération conditionnelle préexistante. Logiquement, le TAPEM a estimé que le pronostic était aujourd'hui nettement défavorable, la première libération conditionnelle et l'expulsion – ordonnées après une condamnation à une lourde peine privative de liberté pour, notamment, infraction à la loi sur les étrangers (LEI) et infraction grave à la LStup –, n'ayant pas permis de dissuader le recourant de récidiver dans ces domaines, qui plus est en s'adonnant à des activités d'une plus grande gravité.

Il ne peut ainsi qu'être constaté que le recourant a fait fi des décisions administratives et judiciaires prononcées à son encontre et qu'il n'a pas su tirer les leçons de ses précédentes condamnations, puisqu'il a récidivé durant le délai d'épreuve en commettant des infractions graves, qu'il savait pourtant parfaitement illicites. L'affirmation selon laquelle il n'aurait pas compris les conditions de sa première libération conditionnelle n'apparaît à cet égard pas crédible, le recourant ayant expressément expliqué, dans son PES, qu'il avait sciemment pris le risque de revenir en Suisse en 2022 pour y trouver du travail. Il n'avait déjà pas su mettre à profit le sursis octroyé le 16 mai 2017 par le Ministère public dans le cadre de l'infraction à la LEI, puisqu'il a persisté à revenir en Suisse trois fois de suite, ce qui dénote, là encore, le profond mépris qu'il porte aux autorités suisses et à leurs injonctions.

Le recourant n'a par ailleurs fait preuve d'aucun amendement, ni d'une réelle prise de conscience quant à la gravité de ses actes. Alors qu'il se prévaut, à l'appui de son recours, d'avoir été condamné dans le cadre d'une procédure simplifiée – qui nécessite pourtant d'avoir reconnu les faits –, il a, de manière totalement contradictoire, persisté tout au long de sa détention à nier toute implication dans un trafic de stupéfiants, minimisant de la sorte la gravité de ses actes, ainsi que sa responsabilité. Les regrets et atermoiements qu'il s'évertue à formuler ne concernent que les conséquences personnelles que la détention a pour lui et sa famille, sans aucun égard pour les personnes qu'il a mises en danger par ses activités illicites. Le fait qu'il ait profité d'un soutien psychologique en détention ne démontre aucunement une quelconque prise de conscience de ses actes, contrairement à ce qu'il tente de faire croire, ce soutien ayant manifestement été commandé par le mal-être engendré par la détention et l'éloignement d'avec ses proches, à l'instar de ce que vivent bien d'autres détenus.

Ce tableau rend le risque de réitération élevé pour des infractions, notamment à la LStup, qui ne sont pas à minimiser en termes de sécurité publique, étant encore une fois relevé que les deux dernières condamnations du recourant l'ont notamment été pour crime contre la LStup, avec mise en danger de la santé de nombreuses personnes. Le recourant a ainsi démontré une tendance certaine à la délinquance lorsque ses projets ne vont pas dans le sens souhaité, et une très faible sensibilité à la sanction.

Sa situation personnelle demeure au surplus identique à celle l'ayant conduit à commettre les infractions pour lesquelles il purge actuellement sa peine, puisqu'il bénéficiait déjà d'une situation familiale stable – étant en couple avec sa compagne, mère de ses enfants – et de la nationalité albanaise, pays où il pouvait travailler. Le fait qu'il accepte de collaborer à son expulsion en Albanie, où il serait accompagné dans la création de son entreprise, ne suffisent pas à contrebalancer l'ensemble des éléments précités faisant concrètement craindre la réitération d'infractions, qui conduisent nécessairement à un pronostic défavorable.

Les conditions d'une mise en liberté conditionnelle ne sont, dès lors, pas réalisées.

5.             Justifié, le jugement querellé sera donc confirmé et le recours rejeté.

6.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à
CHF 600.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

7.             Le conseil du recourant, nommé d'office par l'instance précédente, sera confirmé en cette qualité et indemnisé pour son activité devant l'autorité de recours. Faute pour l'avocat d'avoir chiffré ses prétentions, une indemnité ex aequo et bono de CHF 432.40 (TVA à 8.1% comprise) lui sera octroyée, à la charge de l'État, correspondant à deux heures d'activité au tarif de chef d'étude (art. 16 al. 1 let. c RAJ).

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 600.-.

Alloue à Me C______, à la charge de l'État, une indemnité de CHF 432.40 (TVA 8.1% incluse).

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant (soit pour lui son conseil), au Tribunal d'application des peines et des mesures et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Valérie LAUBER, juges; Monsieur Selim AMMANN, greffier.

 

Le greffier :

Selim AMMANN

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

PM/720/2024

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

30.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

- demande sur récusation (let. b)

CHF

495.00

Total

CHF

600.00