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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/24528/2023

ACPR/577/2024 du 06.08.2024 sur OTMC/2104/2024 ( TMC ) , REFUS

Descripteurs : ACTE D'ORDRE SEXUEL SUR UN INCAPABLE DE DISCERNEMENT;DÉTENTION PROVISOIRE;RISQUE DE RÉCIDIVE;RETARD INJUSTIFIÉ
Normes : CPP.221; CPP.5; CP.191

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/24528/2023 ACPR/577/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mardi 6 août 2024

 

Entre

A______, actuellement détenu à la prison de B______, représenté par Me C______, avocate,

recourant,

 

contre l'ordonnance de refus de mise en liberté rendue le 11 juillet 2024 par le Tribunal des mesures de contrainte,

 

et

LE TRIBUNAL DES MESURES DE CONTRAINTE, rue des Chaudronniers 9,
1204 Genève - case postale 3715, 1211 Genève 3,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A.           Par acte déposé le 22 juillet 2024, A______ recourt contre l'ordonnance du 11 juillet 2024, notifiée sur-le-champ, par laquelle le Tribunal des mesures de contrainte (ci-après : TMC) a refusé d'ordonner sa mise en liberté.

Le recourant conclut au constat de la violation du principe de la célérité, à l'annulation de l'ordonnance susmentionnée et à sa mise en liberté avec des mesures de substitution, qu'il énumère.

B.            Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a.        A______, ressortissant égyptien né en 1988, a été condamné, par jugement du Tribunal correctionnel du 6 septembre 2011, pour tentative de viol avec désistement (art. 23 et 190 ch. 1 CP), tentative d'actes d'ordre sexuel sur un enfant (art. 22 et 187 ch. 4 CP), tentative d'actes d'ordre sexuel commis sur une personne incapable de discernement ou de résistance (art. 22 et 191 CP), actes d'ordre sexuel sur un enfant (art. 187 CP) et actes d'ordre sexuel commis sur une personne incapable de discernement ou de résistance (art. 191 CP).

Son placement dans un établissement pour jeunes adultes (art. 61 CP) a été ordonné, mesure devant primer la peine privative de liberté de 4 ans. Un traitement ambulatoire a également été ordonné.

b.        Selon l'expertise psychiatrique rendue le 4 février 2011 dans le cadre de cette procédure pénale, l'expert a conclu que A______ présentait un trouble de la personnalité de type immature, de sévérité peu élevée. Ce trouble était assimilable à un grave trouble du développement de la personnalité. Sa responsabilité au moment des faits était entière. Les actes reprochés n'étaient pas en rapport avec un état mental pathologique. Il y avait un risque de récidive, notamment s'agissant d'infractions de nature sexuelle, lequel pouvait être réduit par un placement dans un établissement pour jeunes adultes. Un traitement psychothérapeutique ambulatoire était de nature à diminuer le risque de réitération.

Lors de son audition, l'expert a précisé que, bien que les actes reprochés ne fussent pas en lien de causalité directe avec le trouble dont souffrait le prévenu, son comportement sexuel général était en lien avec son peu de maturité psychique, qui constituait le trouble mental.

c.         A______ a, par la suite, été condamné, par ordonnances pénales du Ministère public, à des amendes pour désagréments causés par la confrontation à un acte d'ordre sexuel (art. 198 al. 2 CPP), les 21 août 2017 et 17 mai 2018.

Il a, en outre, été condamné le 6 septembre 2023, par le Ministère public de la Confédération, à une peine pécuniaire et une amende, pour violence ou menace contre les autorités ou les fonctionnaires, et injure.

L'extrait du casier judiciaire français est vide.

d.        Dans la présente procédure, A______ a, le 26 novembre 2023, été placé en détention provisoire, régulièrement prolongée, en dernier lieu au 24 septembre 2024.

e. Il est prévenu de contrainte sexuelle (art. 189 CP), viol (art. 190 CP), voire actes d'ordre sexuel commis sur une personne incapable de discernement ou de résistance (art. 191 CP), infraction à la loi sur les stupéfiants (art. 19 LStup) et consommation de stupéfiants (art. 19a LStup).

Il lui est reproché d'avoir, aux environs du 10 septembre 2023, dans les toilettes publiques à proximité de la place de Saint-Gervais, après qu'il eut fourni du crack et de l'alcool à D______, alors âgée de 17 ans, touché celle-ci, à même la peau, sur le corps et la poitrine, tandis qu'elle lui disait "non", et de l'avoir ensuite pénétrée vaginalement, sans son consentement, passant outre son refus, profitant de ce qu'elle avait eu une absence et exploitant son jeune âge, sa toxicomanie, son incapacité de discernement due à l'absorption de drogue et d'alcool.

f. D______, entendue le 26 septembre 2023 selon le protocole NICHD, a expliqué en substance les faits susmentionnés. Elle a décrit l'auteur comme s'appelant "A______", âgé entre 34 ou 38 ans mais en paraissant 28, métis aux cheveux bruns, ayant un frère jumeau et ayant effectué un CFC en bâtiment. Elle l'a reconnu d'emblée sur la planche photographique que lui a présentée la police.

g. Entendu par la police le 24 novembre 2023 et par le Ministère public le lendemain, A______ a contesté avoir commis une infraction au préjudice de D______. Le jour des faits, il avait passé du temps avec la précitée, qu'il connaissait sous le prénom de "D______" et qu'il pensait majeure. Elle était en manque et voulait consommer de l'héroïne. Lui-même ne lui en avait pas proposé. C'est elle qui lui avait dit d'entrer dans les toilettes. Il ne s'était rien passé entre eux. Elle lui avait raconté sa vie, notamment qu'elle préférait les filles.

h. Le 1er février 2024, le Ministère public a procédé aux auditions du frère (jumeau) de A______ et de la mère de D______.

i. Selon l'attestation médicale de la Clinique de Belmont, du 9 avril 2024, l'état de santé de D______ était incompatible avec un témoignage ou une confrontation.

j. Le 10 avril 2024, le Ministère public a procédé à la nouvelle audition [qui a duré 30 minutes] de A______, la plaignante étant excusée par le certificat médical susmentionné. Le prévenu s'attendait à une confrontation avec cette dernière, pour qu'ils puissent s'expliquer. Il était d'accord de se soumettre à une expertise psychiatrique. Il maintenait les réquisitions de preuve mentionnées dans ses précédents courriers (cf. B.o. infra).

k. Le même jour, le Ministère public a requis de la police l'analyse des données du téléphone du prévenu, notamment ses éventuels contacts avec la plaignante.

l. La première audition de D______, en confrontation, a eu lieu le 3 juin 2024. Elle a maintenu ses déclarations. A______ lui avait été présenté par une connaissance prénommée E______, avec laquelle elle avait depuis lors coupé tout contact. Elle avait vu le prévenu deux fois au G______ [espace d'accueil et de consommation], où elle se faisait appeler "D______" et disait avoir 21 ans pour pouvoir se procurer plus facilement de la drogue. Elle n'avait jamais parlé avec A______ avant les faits. Ce jour-là elle lui avait dit qu'elle préférait les filles. Elle était ivre et n'avait plus conscience ni du temps ni de son corps. Dans les toilettes, tout était flou et lorsqu'elle était revenue à elle, elle était contre le mur et il la pénétrait. Le lendemain matin, elle l'avait appelé au numéro qu'il lui avait donné, dans l'espoir qu'il ait du crack.

L'audience a débuté à 14 heures 29, et à 17 heures 05, D______ a déclaré ne pas être en état de continuer, de sorte que les questions préparées par le prévenu n'ont pas pu lui être posées.

A______ a persisté à requérir l'audition du prénommé E______, ainsi qu'une nouvelle audition de la mère de la plaignante. Il a, derechef, accepté de se soumettre à expertise psychiatrique.

m. Lors de cette audience, une infirmière du centre F______ (ci-après, l'infirmière) et une amie de D______ ont été entendues en qualité de témoin.

n. Le 6 juin 2024, le Ministère public a requis du Centre universitaire romand de médecine légale (ci-après, CURML) le nom d'un expert psychiatre. Il a transmis aux parties le projet d'expertise, avec le nom des experts, le 5 juillet suivant, avec un délai au 15 juillet 2024 pour qu'elles se prononcent sur les questions posées.

o. Le conseil de A______ a écrit au Ministère public les 17 janvier, 5 février, 1er juin et 4 juillet 2024 pour lui demander de procéder aux actes d'instruction requis, en particulier la nouvelle audition de la mère de la plaignante, l'analyse des données du téléphone portable de la plaignante dans le but de recueillir ses échanges avec le dénommé E______, et les notes évoquées par l'infirmière lors de l'audience susmentionnée.

p. Le 5 juillet 2024, D______ a à nouveau été confrontée au prévenu, les questions selon la liste du précité lui ont été posées. Elle a confirmé les faits, précisant qu'elle n'aurait pas pu confondre A______ avec un autre homme. Après sa cure de désintoxication, elle avait effacé tous les contacts et échanges eus avec "les personnes qui consomment". A______ fréquentait des consommateurs de crack et avait sur lui une pipe à crack. Il voulait en outre acheter une "galette".

A______ a répété qu'il avait arrêté la consommation de cocaïne trois ou quatre mois avant son arrestation, ainsi que le cannabis. Il a pris note que, pour déterminer sa consommation de stupéfiants, des recherches allaient être entreprises pour retrouver ses auditions par les autorités pénales en qualité de témoin lors de transactions de drogue, et auprès du Service des contraventions pour des contraventions à la loi sur les stupéfiants.

q. S'agissant de sa situation personnelle, A______ est né en Egypte, où il a vécu, avec son frère jumeau, jusqu'à l'âge de 17 ans, date à laquelle ils sont venus en Suisse pour y rejoindre leur mère. Titulaire d'un permis de séjour en Suisse, A______ a obtenu un CFC de peintre en bâtiment en 2016, puis a travaillé jusqu'à l'épidémie de Covid, à la suite de laquelle il a perdu son emploi. Depuis, et jusqu'à son arrestation, il était assisté par l'Hospice général, qui lui fournissait le logement et une allocation. En mai 2024, il a été mis au bénéfice d'une rente AI. Il est suivi, par suite d'un diagnostic de schizophrénie, dans un Centre ambulatoire de psychiatrie et de psychothérapie intégrée (CAPPI), où il se rend pour des injections et discussions.

r.a. La détention provisoire de A______ a été ordonnée par le TMC, en premier lieu, le 26 novembre 2023, en raison des risques de collusion, fuite et réitération, pour deux mois, soit jusqu'au 26 janvier 2024. Cette durée devait permettre au Ministère public d'identifier la personne [soit le dénommé E______] qui accompagnait la victime selon les déclarations du prévenu, auditionner le frère du prévenu [ce qui sera fait le 1er février 2024], et l'amie d'enfance et l'infirmière auxquels la victime disait s'être confiée [qui seront entendues le 3 juin 2024]. Dans sa demande de mise en détention, le Ministère public avait – déjà – annoncé son intention d'ordonner une éventuelle expertise psychiatrique du prévenu.

r.b. Par ordonnance du 22 janvier 2024, le TMC a prolongé la détention provisoire pour une nouvelle durée de deux mois. Le Ministère public annonçait devoir : identifier "le gars costaud" [soit le dénommé E______], procéder à l'audition du frère du prévenu, faire procéder à une nouvelle audition EVIG de la partie plaignante [il y sera finalement renoncé, la plaignante ayant été entendue en confrontation les 3 juin et 5 juillet 2024], ordonner l'expertise psychiatrique du prévenu [cela sera fait en juillet 2024], et obtenir les casiers judiciaires étrangers du prévenu.

r.c. Le 22 mars 2024, le TMC a prolongé la détention provisoire pour trois mois. Des mesures devaient être prises pour procéder à la confrontation des parties. Le juge a pris acte de l'engagement du Procureur qu'il allait, dans le délai octroyé, accomplir les actes d'instruction annoncés.

r.d. Le 11 juin 2024, le TMC a refusé la demande de mise en liberté présentée par le prévenu. Le Ministère public a annoncé qu'une nouvelle audience de confrontation allait être fixée pour la suite de l'audition de la partie plaignante. Il entendait mettre en œuvre l'expertise psychiatrique du prévenu et était dans l'attente de l'analyse du contenu du téléphone de ce dernier [ordonnée le 10 avril 2024].

r.e. Le 21 juin 2024, le TMC a prolongé la détention provisoire jusqu'au 24 septembre 2024. Le Ministère public a annoncé devoir : auditionner à nouveau la partie plaignante, obtenir l'analyse des données du téléphone portable du prévenu, obtenir les décisions rendues par le Service des contraventions à l'encontre du prévenu et mettre en œuvre l'expertise psychiatrique. Le TMC a "incit[é]" le Ministère public à faire désormais preuve de diligence dans la suite de son instruction, de manière à ce que "tous les actes à accomplir [aient été] exécutés au moment de la réception du rapport d'expertise [psychiatrique]". L'examen du dossier permettait en effet de constater qu'entre chacun des actes d'instruction, il s'était écoulé des délais difficilement compatibles avec la détention provisoire [69 jours entre la seconde audition du prévenu et l'audience de confrontation ; 54 jours entre celle-ci et l'audience suivante du 3 juin 2024]. Un délai de plus de six mois entre la mention d'une éventuelle expertise psychiatrique du prévenu [dans la demande de mise en détention du 25 novembre 2023] et la demande faite au CURML pour obtenir une proposition de nom d'expert [le 6 juin 2024], n'était pas admissible.

r.f. À l'issue de l'audience du 5 juillet 2024, A______ a, à nouveau, requis sa mise en liberté. Le Ministère public l'a refusée, le 8 juillet 2024, précisant que des actes d'instruction étaient "actuellement en cours, à savoir [qu'il] a[vait] mis en œuvre une expertise psychiatrique du prévenu". La suite de la procédure serait ensuite déterminée.

s. Le 17 juillet 2024, A______ a, derechef, requis la production d'éventuelles images de vidéosurveillance, notamment du G______ [espace d'accueil et de consommation], le jour des faits ; les notes de l'infirmière ; l'analyse du téléphone de la plaignante sur ses échanges avec le dénommé E______ et le numéro de ce dernier ; l'identification du précité ; une nouvelle audition de la mère de la plaignante.

C.           Dans l'ordonnance querellée, le TMC a retenu l'existence de charges suffisantes et graves. Les risques de fuite et de collusion, concrets, pourraient être palliés par des mesures de substitution. Le risque de réitération était tangible, au regard de la condamnation de 2011 pour des actes similaires commis en 2007 (soit un an après son arrivée en Suisse) et en 2010, au préjudice de deux victimes distinctes. Les experts avaient d'ailleurs considéré, en 2011, que le prévenu risquait de commettre à nouveau des infractions contre l'intégrité sexuelle. Les deux condamnations, par ordonnances pénales de 2017 et 2018, pour de nouvelles infractions contre l'intégrité sexuelle (art. 198 CP), corroboraient ce constat. A______ avait été mis au bénéfice d'un traitement pour jeunes adultes, puis ambulatoire, afin de réduire ce risque, qui était accru par la consommation de certaines drogues – même s'il disait ne plus consommer, ce qui était contredit par les déclarations de la plaignante –, voire par ses troubles psychiatriques. Un diagnostic de schizophrénie avait en effet récemment été posé et un traitement mis en place.

Une obligation de prendre ce traitement et de produire des attestations dans ce sens, ainsi qu'une obligation de se soumettre à des tests toxicologiques et de continuer un suivi psychologique, même plus fréquent, ne contiendrait pas efficacement le risque de réitération retenu, tant que le nouvel expert ne se serait pas prononcé sur l'état psychologique du prévenu, sa dangerosité et les mesures susceptibles de la contenir. A______ suivait déjà son traitement au moment des faits reprochés, et un traitement institutionnel ne pouvait être exclu à ce stade.

D.           a. Dans son recours, A______ reproche au Ministère public une violation du principe de la célérité. Il avait relancé maintes fois la Procureure, qui n'avait pas donné suite à ses demandes d'actes d'instruction et tardé à ordonner l'expertise psychiatrique. Le dénommé E______ n'avait toujours pas été identifié, la mère de la plaignante n'avait pas été réentendue, les extraits de ses casiers judiciaires étrangers n'avaient pas été requis, les images de vidéosurveillance n'avaient pas été recherchées, l'analyse de son téléphone portable n'avait été requise que le 10 avril 2024, celle du téléphone de la plaignante n'avait toujours pas été ordonnée et les notes de l'infirmière n'étaient pas versées à la procédure.

Il conteste en outre le risque de réitération. Les faits pour lesquels il avait été condamné en 2011 remontaient à 2007 et 2010, soit plus de 17 et 14 ans. Durant ces périodes, il n'avait pas récidivé, ni en Suisse ni à l'étranger. Il s'était par ailleurs plié au traitement ambulatoire ordonné, et était prêt à augmenter la fréquence de la prise en charge. Il propose à nouveau les mesures de substitution évoquées devant le TMC. Compte tenu de l'extrême ancienneté des antécédents et de son suivi régulier, cet éventuel risque pouvait être pallié par celles-ci. Il était disproportionné d'attendre le résultat de l'expertise psychiatrique, au vu de la violation du principe de la célérité.

Le recourant produit un échange de courriels, en mai 2024, entre son conseil et le psychiatre du CAPPI, lequel confirme qu'il était présent à tous ses rendez-vous [sans précision de dates], calme et collaborant, et compliant à son traitement injectable.

b. Le Ministère public conclut au rejet du recours et conteste toute violation du principe de la célérité. Au surplus, il se réfère à sa prise de position du 8 juillet 2024 devant le TMC.

c. Le TMC maintient les termes de son ordonnance, sans formuler d'observations.

d. Le recourant persiste dans ses conclusions.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 222 et 393 al. 1 let. c CPP) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             Le recourant ne discute pas l'existence de charges suffisantes et graves, de sorte qu'il n'y a pas à s'attarder sur ce point, sauf à renvoyer aux développements du premier juge à ce sujet (art. 82 al. 4 CPP ; ACPR/18/2022 du 13 janvier 2022 consid. 2 et les références), qui expose les indices graves et concordants pesant sur lui.

3.             L'ordonnance querellée retient des risques de collusion et fuite pouvant être palliés par les mesures de substitution proposées par le prévenu, conclusion qui satisfait le recourant. Il n'y a donc pas lieu de revenir sur ce point.

4.             Le recourant conteste le risque de récidive retenu par l'ordonnance querellée.

4.1. L'art. 221 al. 1 let. c CPP, relatif au risque de récidive, dans sa nouvelle teneur au 1er janvier 2024 (RO 2023 468), présuppose désormais que l'auteur compromette sérieusement et de manière imminente la sécurité d'autrui en commettant des crimes ou des délits graves après avoir déjà commis des infractions du même genre.

Selon la jurisprudence relative à l'art. 221 al. 1 let. c aCPP (dans sa teneur en vigueur jusqu'au 31 décembre 2023 [RO 2010 1881]) – transposable au nouveau droit (cf. arrêt du Tribunal fédéral 7B_155/2024 du 5 mars 2024, destiné à la publication, consid. 3.1 s.) –, trois éléments doivent être réalisés pour admettre le risque de récidive : en premier lieu, le prévenu doit en principe déjà avoir commis des infractions du même genre, et il doit s'agir de crimes ou de délits graves; deuxièmement, la sécurité d'autrui doit être sérieusement compromise; troisièmement, une réitération doit, sur la base d'un pronostic, être sérieusement à craindre (ATF 146 IV 136 consid. 2.2 ; 143 IV 9 consid. 2.5).

Bien qu'une application littérale de l'art. 221 al. 1 let. c CPP suppose l'existence d'antécédents, le risque de réitération peut être également admis dans des cas particuliers alors qu'il n'existe qu'un antécédent, voire aucun dans les cas les plus graves. La prévention du risque de récidive doit en effet permettre de faire prévaloir l'intérêt à la sécurité publique sur la liberté personnelle du prévenu (ATF 137 IV 13 consid. 3 et 4).

4.2. En l'espèce, le recourant a été condamné, en 2011, pour des actes – commis à deux reprises sur des victimes différentes, en 2007 et 2010 – similaires à ceux qui lui sont ici reprochés. Par la suite, malgré le traitement ambulatoire mis en place, il a commis des actes d'ordre sexuel, en 2017 et 2018, certes de moindre gravité puisqu'il s'est agi de deux contraventions (art. 198 CP), mais néanmoins à prendre en compte dans le cadre de l'examen du risque de réitération. Enfin, le recourant est ici fortement soupçonné d'avoir imposé à la plaignante, âgée de 17 ans, un acte sexuel complet, en profitant de ce qu'elle n'était pas capable de discernement ou de résistance. Les soupçons reposent sur des indices concrets et crédibles, ce que le recourant ne conteste d'ailleurs pas. À cela s'ajoute que l'expertise psychiatrique avait, en 2011, conclu à l'existence d'un risque de récidive d'infractions de nature sexuelle, risque qui s'est ici – en l'état – concrétisé au vu des soupçons sérieux qui pèsent sur le recourant.

Partant, c'est à bon droit que le TMC a retenu un risque de réitération.

5.             Le recourant propose des mesures de substitution pour pallier le risque de réitération.

5.1. Conformément au principe de la proportionnalité (art. 36 al. 3 Cst., concrétisé par l'art. 237 al. 1 CPP), le tribunal compétent ordonne une ou plusieurs mesures moins sévères en lieu et place de la détention si elles permettent d'atteindre le même but que la détention, par exemple l'obligation de se soumettre à un traitement médical ou à des contrôles (al. 2 let. f). La liste des mesures de substitution énoncée à l'art. 237 CPP n'est pas exhaustive (arrêt du Tribunal fédéral 1B_654/2011 du 7 décembre 2011 consid. 4.2).

5.2. En l'espèce, lors de l'expertise du recourant, en 2011, l'expert avait conclu que le précité présentait une personnalité de type immature et que son comportement sexuel général était en lien avec son peu de maturité psychique, raison pour laquelle un risque de réitération d'actes de nature sexuelle a été posé, et un traitement ambulatoire, préconisé. Depuis lors, un diagnostic de schizophrénie a été posé, un traitement spécifique mis en place et une rente d'invalidité, obtenue ; le recourant a – jusqu'à une date non (encore) déterminée – consommé des stupéfiants, en particulier du cannabis et de la cocaïne ; et il a commis de nouveaux actes de nature sexuelle, comme cela a été discuté ci-dessus.

Dans ce contexte, et au vu du bien juridiquement protégé ici (l'intégrité sexuelle d'autrui, en particulier de mineures), il est nécessaire d'attendre que de nouveaux experts s'expriment sur le ou les éventuels troubles mental/aux dont souffrirait le recourant, sur l'incidence de l'absorption de drogue(s) sur son comportement et l'éventuel risque de réitération.

Les mesures proposées par le recourant ne sont, en l'absence de ces diagnostic et évaluation, pas de nature à pallier le risque, en l'état trop élevé, de réitération.

Sa demande de libération a donc été refusée à bon droit.

6.             Le recourant invoque une violation du principe de la célérité et, à bien le comprendre, de la proportionnalité.

6.1. À teneur de l'art. 5 al. 1 CPP, les autorités pénales engagent les procédures pénales sans délai et les mènent à terme sans retard injustifié. Lorsque le prévenu est détenu, la procédure est conduite en priorité (art. 5 al. 2 CPP). Il doit s'agir d'un manquement particulièrement grave, faisant au surplus apparaître que l'autorité de poursuite n'est plus en mesure de conduire la procédure à chef dans un délai raisonnable (ATF 140 IV 74 consid. 3.2; 137 IV 118 consid. 2.1; 137 IV 92 consid. 3.1 et les arrêts cités). La violation éventuelle du principe de la célérité n'entraîne pas la libération immédiate du détenu lorsque la détention demeure matériellement justifiée (cf. arrêts du Tribunal fédéral 1B_150/2012 du 30 mars 2012 consid. 3.3; 1B_44/2012 consid. 4 et 5).

Le caractère raisonnable de la durée d'une procédure pénale s'apprécie selon les circonstances particulières de la cause, soit en particulier par rapport à la complexité de l'affaire, au comportement du requérant et à celui des autorités compétentes, ainsi qu'à l'enjeu du litige pour l'intéressé (ATF 133 I 270 consid. 3.4.2; arrêt du Tribunal fédéral 7B_43/2024 du 4 mars 2024 consid. 3.2.).

Comme on ne peut pas exiger de l'autorité pénale qu'elle s'occupe constamment d'une seule et unique affaire, il est inévitable qu'une procédure comporte quelques temps morts. Lorsqu’aucun d'eux n'est d'une durée vraiment choquante, c'est l'appréciation d'ensemble qui prévaut ; des périodes d'activités intenses peuvent donc compenser le fait que le dossier a été laissé momentanément de côté en raison d'autres affaires. La violation du principe de la célérité peut avoir pour conséquence la diminution de la peine, parfois l'exemption de toute peine ou encore une ordonnance de classement en tant qu'ultima ratio dans les cas les plus extrêmes (ATF 143 IV 373 consid. 1.4.1).

6.2. À teneur des art. 197 al. 1 et 212 al. 3 CPP, les autorités pénales doivent respecter le principe de la proportionnalité lorsqu'elles appliquent des mesures de contrainte, afin que la détention provisoire ne dure pas plus longtemps que la peine privative de liberté prévisible. Selon une jurisprudence constante, la possibilité d'un sursis, voire d'un sursis partiel, n'a en principe pas à être prise en considération dans l'examen de la proportionnalité de la détention préventive (ATF 133 I 270 consid. 3.4.2 p. 281-282 ; 125 I 60 ; arrêts du Tribunal fédéral 1B_750/2012 du 16 janvier 2013 consid. 2, 1B_624/2011 du 29 novembre 2011 consid. 3.1 et 1B_9/2011 du 7 février 2011 consid. 7.2).

6.3. En l'espèce, la Chambre de céans partage l'avis du TMC sur la longueur inaccoutumée et inadéquate, au regard de la détention du prévenu, des délais séparant certains actes d'instruction, en particulier les six mois employés pour mettre en œuvre l'expertise psychiatrique – annoncée à plusieurs reprises au prévenu et lors des demandes de prolongation de la détention –, acte qui ne nécessite pourtant pas une activité particulièrement soutenue. Il n'est pas non plus admissible de motiver plusieurs demandes de prolongation de la détention, à la suite, sur les mêmes actes d'instruction, sans même expliquer pour quels motifs ils n'ont pas pu être réalisés dans l'intervalle.

Ce nonobstant, le prévenu ayant été arrêté fin novembre 2023 et l'audition de la partie plaignante ayant été retardée en raison de son état de santé, la conduite de l'instruction durant sept mois ne laisse, dans son ensemble, pas paraître de retard choquant, ni que le Ministère public ne serait plus en mesure de conduire la procédure à chef dans un délai raisonnable. De même, le principe de la proportionnalité n'est pas violé par la détention ordonnée à ce jour, au vu de la peine concrètement encourue, au regard des antécédents du prévenu, si les charges devaient être confirmées.

Le Procureur chargé de l'instruction n'en est pas moins exhorté à procéder sans délai aux actes d'instruction annoncés, ainsi qu'à ceux suggérés par le prévenu qu'il entend accepter, afin qu'à réception du rapport d'expertise psychiatrique, l'instruction soit, pour le reste, menée à terme.

7.             Pour les raisons susmentionnées, le recours s'avère infondé et doit être rejeté.

8.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, qui comprendront un émolument de CHF 800.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03). En effet, l'autorité de recours est tenue de dresser un état de frais pour la procédure de deuxième instance, sans égard à l'obtention de l'assistance judiciaire (arrêts du Tribunal fédéral 1B_372/2014 du 8 avril 2015 consid. 4.6 et 1B_203/2011 du 18 mai 2011 consid. 4).

9.             Le recourant plaide au bénéfice d'une défense d'office.

9.1. Selon la jurisprudence, le mandat de défense d'office conféré à l'avocat du prévenu pour la procédure principale ne s'étend pas aux procédures de recours contre les décisions prises par la direction de la procédure en matière de détention avant jugement, dans la mesure où l'exigence des chances de succès de telles démarches peut être opposée au détenu dans ce cadre, même si cette question ne peut être examinée qu'avec une certaine retenue. La désignation d'un conseil d'office pour la procédure pénale principale n'est pas un blanc-seing pour introduire des recours aux frais de l'État, notamment contre des décisions de détention provisoire (arrêt du Tribunal fédéral 1B_516/2020 du 3 novembre 2020 consid. 5.1).

9.2. En l'occurrence, quand bien même le recourant succombe, l'exercice du présent recours ne procède pas d'un abus.

L'indemnité du défenseur d'office sera fixée à la fin de la procédure (art. 135 al. 2 CPP).

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Met à la charge de A______ les frais de la procédure de recours, qui comprennent un émolument de CHF 800.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant (soit, pour lui, son défenseur), au Ministère public et au Tribunal des mesures de contrainte.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Valérie LAUBER, juges; Monsieur Julien CASEYS, greffier.

 

Le greffier :

Julien CASEYS

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.


 

P/24528/2023

ÉTAT DE FRAIS

 

ACPR/

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

 

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

 

- délivrance de copies (let. b)

CHF

 

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

 

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

800.00

 

Total

CHF

885.00