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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/25071/2022

ACPR/497/2024 du 04.07.2024 sur ONMMP/4184/2023 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : ORDONNANCE DE NON-ENTRÉE EN MATIÈRE;VOIES DE FAIT;CONTRAINTE(DROIT PÉNAL);DOMMAGES À LA PROPRIÉTÉ(DROIT PÉNAL)
Normes : CPP.310; Cst.29; CP.126; CP.181; CP.144

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/25071/2022 ACPR/497/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du jeudi 4 juillet 2024

 

Entre

A______, représentée par Me Toni KERELEZOV, avocat, BÜRGISSER AVOCATS, avenue de Frontenex 5, 1207 Genève,

recourante,

 

contre l'ordonnance de non-entrée en matière rendue le 24 octobre 2023 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. Par acte déposé le 6 novembre 2023, A______ recourt contre l'ordonnance du 24 octobre 2023, notifiée le 26 suivant, par laquelle le Ministère public a refusé d'entrer en matière sur sa plainte du 21 novembre 2022.

La recourante conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de l'ordonnance querellée et au renvoi de la cause au Ministère public pour instruction.

b. La recourante a versé les sûretés en CHF 1'000.- qui lui étaient réclamées par la Direction de la procédure.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Le 21 novembre 2022 à la police, A______ a déposé plainte contre B______.

En substance, elle a expliqué avoir rencontré le prénommé durant l'été 2019. Fin février 2020, elle avait emménagé dans l'appartement de ce dernier sis no. ______, chemin 1______ à C______ (Genève). Le 30 mars 2021, elle avait déposé plainte contre son compagnon pour des violences conjugales, plainte qu'elle avait toutefois retirée par la suite.

Le 18 novembre 2022 vers 16 heures, alors qu'elle rentrait du travail, elle avait constaté que B______ avait changé la serrure de la porte de l'appartement et que son sac se trouvait devant la porte palière. Le prénommé lui avait envoyé un SMS lui expliquant qu'elle devait quitter le domicile, prendre ses affaires et qu'il ne voulait plus la voir. Elle avait donc fait appel à un serrurier qui, après avoir vérifié qu'elle habitait dans l'appartement, avait forcé la serrure. Un voisin, entendant du bruit, avec contacté B______ par téléphone, lequel avait prévenu la police, lui indiquant qu'elle s'était introduite chez lui. Sur place, la police avait expliqué à ce dernier, arrivé entre-temps, qu'il ne pouvait pas l'"expulser" de l'appartement car elle y habitait. Il avait donc été convenu que chacun dorme de son côté. Plus tard, B______ avait à nouveau appelé la police, prétextant qu'elle l'avait mis dehors. Or, il avait un double des clés. Elle avait passé la nuit dans la chambre et B______ sur le canapé.

Le 19 novembre 2022 vers 6h25, B______ était entré dans la chambre en hurlant et l'avait attrapée par le bras gauche afin de la sortir du lit. Elle s'était défendue en ôtant la main de ce dernier, avant qu'il ne la griffe au doigt de la main droite. Il l'avait également agrippée par la nuque puis jetée sur le lit. Il lui avait dit qu'il ferait tout pour lui "mettre la misère" et qu'elle ne possède plus rien. Elle l'avait menacé d'appeler la police s'il ne quittait pas la chambre, de sorte qu'il s'était exécuté. Elle s'était rendue chez le médecin. Elle n'avait plus de nouvelles de B______ et ne savait pas quand il allait revenir. Elle précisait qu'il pouvait être violent lorsqu'il prenait de la cocaïne ou buvait de l'alcool.

Elle déposait plainte pour ces faits et se constituait partie plaignante au pénal et au civil.

À l'appui, elle a produit un constat de lésions traumatiques du 19 novembre 2022 établi par le [centre médical] D______. Il en ressort qu'elle a rapporté au médecin qu'à la suite d'une altercation verbale à propos d'une somme d'argent, son compagnon l'avait saisie par l'avant-bras gauche puis par l'arrière de la région cervicale. Elle avait fait appel à la police.

Les lésions suivantes ont été mises en évidence: avant-bras gauche: "dermabrasion fraiche oblique de la face antérieure proximale de l'avant-bras mesurant 6 cm de long dans le grand axe, sur 2 cm de large dans le petit axe, oblique de la face interne à la face externe de l'avant-bras et de la partie proximale à la partie distale. Une dermabrasion ligniforme en forme de griffure fine de la face postérieure de l'avant-bras gauche. Pas d'autre lésions objectivée". "Les allégations de la patiente sont compatibles avec les lésions objectivées".

Elle a aussi produit un "avis d'accident" établi par ledit Centre le même jour, à remettre à son employeur.

b. Par pli du 24 novembre 2022 adressé au Ministère public, B______ a déposé plainte contre A______.

Il était seul locataire de l'appartement depuis 2015, appartement dont il s'acquittait lui-même de l'intégralité du loyer et des charges. Depuis le mois de juillet 2022, la situation s'était dégradée. Il avait demandé à A______ de quitter son appartement à plusieurs reprises, en vain. En juillet 2022, il avait tenté de déposer plainte contre elle pour violation de domicile au poste de police de E______ mais les policiers étaient "débordés". Il s'était alors renseigné auprès d'un huissier et d'un policier dudit poste, lesquels lui avaient confirmé que, en tant que seul locataire de l'appartement, il était en droit de changer les serrures.

Le 18 novembre 2022, il s'était rendu une nouvelle fois au poste de police de E______ pour déposer plainte, en vain. Puis, il avait procédé au changement des serrures et en avait informé A______, laquelle lui avait répondu "tu vas perdre cet appartement, je te le garantis et tout le reste". Il avait ensuite reçu un appel de son voisin l'informant que quelqu'un était en train d'ouvrir la porte de son appartement. Il était donc retourné à son domicile et avait appelé la police. Sur place, il avait constaté que A______ avait procédé au changement de la serrure à son insu. Le soir-même, il s'était à nouveau rendu au poste de police de E______ pour déposer plainte. Le policier lui avait dit qu'il devait se rendre au poste de police de C______, lieu de son domicile. Puis, il n'avait pu regagner son appartement, A______ ayant laissé la clé dans la serrure. Il avait sonné à plusieurs reprises, en vain. Une patrouille de police était intervenue à sa demande et A______ avait ouvert la porte.

Durant la soirée, A______ avait enlevé ses affaires de la salle de bain et remis les siennes à elle en place, disant que l'appartement lui serait attribué. Elle lui avait également empêché l'accès à la salle de bain et à la chambre en fermant ces pièces à clé. Durant la nuit, elle n'avait cessé de venir vers lui pour lui dire qu'elle se comportait de la sorte afin qu'il lève la main sur elle pour qu'elle puisse déposer plainte contre lui. Le lendemain matin, il s'était aperçu qu'elle avait laissé la porte de la chambre ouverte. Il avait donc tenté de récupérer la clé mais elle l'en avait empêché. Elle lui avait dit qu'en faisant ce geste, il l'avait griffée au bras, de sorte qu'elle allait déposer plainte. Il avait quitté l'appartement durant trois jours pour éviter tout conflit avec elle.

Le 24 novembre 2022, il avait déposé une action en cessation de trouble avec mesures superprovisionnelles et provisionnelles auprès du Tribunal de première instance afin de récupérer son appartement.

Il reprochait en outre à A______ de l'avoir menacé régulièrement afin de le contraindre à abandonner son appartement, de l'avoir insulté à de nombreuses reprises et de l'avoir giflé et menacé de mort en octobre 2022.

c.a. Par ordonnance sur mesures superprovisionnelle du 24 novembre 2022 (C/2______/2022), le Tribunal de première instance a ordonné l'évacuation de A______ de l'appartement à compter du 27 novembre suivant (ch. 1). B______ était autorisé à faire appel à la force public en vue de l'exécution du chiffre 1 du dispositif si A______ ne s'exécutait pas spontanément.

c.b. Le 27 novembre 2022, B______ a fait appel à la police pour ce faire.

d. Entendue le 6 décembre 2022 par la police en qualité de prévenue, A______ a expliqué qu'elle entendait quitter l'appartement mais souhaitait, au préalable, que B______ lui rende son argent.

Le 18 novembre 2022, elle reconnaissait avoir dit à B______ "tu vas perdre cet appartement, je te le garantis et tout le reste", dans la mesure où ce dernier n'avait jamais déclaré auprès de l'Office du logement qu'elle y habitait. Il était donc logique qu'il perde le logement. Après avoir tenté de le joindre, en vain, elle avait fait appel à un serrurier pour rentrer, étant précisé que toutes ses affaires se trouvaient dans l'appartement. Elle contestait, pour le surplus, les autres faits reprochés.

e. Entendu le 3 janvier 2023 en qualité de prévenu, B______ a déclaré que la soirée du 18 novembre 2022 avait été particulièrement conflictuelle. Cette situation perdurait depuis des mois. Le lendemain matin, il avait ouvert la porte de la chambre à coucher où A______ avait passé la nuit. Cette dernière s'était jetée sur lui et avait essayé de récupérer la clé de la chambre. Ce faisant, il admettait l'avoir "peut-être" griffée à la main, de manière involontaire et accidentelle. Voyant la situation s'envenimer, il avait laissé la clé et quitté son domicile. Il contestait avoir saisie la précitée par la nuque et jetée sur le lit.

f. Par ordonnance pénale et ordonnance de non-entrée en matière partielle du 24 octobre 2023, le Ministère public a décidé de ne pas entrer en matière sur les faits en tant qu'ils concernent les infractions de voies de fait, injures, menaces, contrainte et violation du domaine secret ou du domaine privé au moyen d'un appareil de prise de vue reprochés à A______ (art. 310 al. 1 let. a CPP).

Le Ministère public a déclaré A______ coupable de dommage à la propriété et l'a condamnée à une peine pécuniaire de 30 jours-amende à CHF 100.- avec sursis, le délai d'épreuve étant fixé à trois ans.

A______ y a formé opposition.

C. Dans l'ordonnance querellée, le Ministère public retient que les déclarations des parties sont contradictoires et qu'il n'est pas possible de faire la lumière sur le déroulement de l'altercation ni privilégier l'une ou l'autre des versions. Faute de prévention pénale suffisante, il n'était pas entré en matière sur les lésions corporelles simples ou voies de fait reprochées à B______.

D. a. À l'appui de son recours, A______ se plaint d'un déni de justice. Le Ministère public ne s'était pas prononcé sur la contrainte qu'elle avait subie du fait de ne pas avoir pu accéder à son logement ensuite du changement de serrure pratiqué par B______. Elle considère que cet acte serait aussi constitutif de dommage à la propriété.

En outre, le comportement du prénommé, qui avait admis l'avoir griffée, était constitutif de voies de fait, voire de lésions corporelles simples, ce qui excluait une non-entrée en matière. Le Ministère public avait ignoré le constat de lésions traumatiques et l'avis d'accident produits. Il pouvait d'autant moins être considéré que les faits n'étaient pas punissables, qu'il s'agissait de violences conjugales et qu'il n'avait été procédé à aucun acte d'instruction, tel qu'une audience de confrontation.

b. Le Ministère public conclut au rejet du recours, sous suite de frais, s'en tenant à la motivation développée dans l'ordonnance querellée.

c. La recourante réplique.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner de la partie plaignante qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             La recourante estime que c'est à tort que l'autorité précédente a retenu l'absence de prévention pénale suffisante contre le mis en cause des chefs de voies de fait, voire lésions corporelles simples.

2.1. À teneur des art. 310 al. 1 let. a CPP, une ordonnance de non-entrée en matière est immédiatement rendue s’il ressort de la dénonciation ou du rapport de police que les éléments constitutifs d’une infraction ou les conditions à l’ouverture de l’action pénale ne sont manifestement pas réunis.

Conformément à cette disposition, la non-entrée en matière est justifiée lorsque la situation est claire sur le plan factuel et juridique. Tel est le cas lorsque les faits visés ne sont manifestement pas punissables, faute, de manière certaine, de réaliser les éléments constitutifs d'une infraction, ou encore lorsque les conditions à l'ouverture de l'action pénale font clairement défaut. Au stade de la non-entrée en matière, on ne peut admettre que les éléments constitutifs d'une infraction ne sont manifestement pas réalisés que lorsqu'il n'existe pas de soupçon suffisant conduisant à considérer un comportement punissable ou lorsqu'un éventuel soupçon initial s'est entièrement dissipé. En revanche, si le rapport de police, la dénonciation ou les propres constatations du ministère public amènent à retenir l'existence d'un soupçon suffisant, il incombe en principe à ce dernier d'ouvrir une instruction (art. 309 al. 1 let. a CPP). Cela implique que les indices de la commission d'une infraction soient importants et de nature concrète, ce qui n'est pas le cas de rumeurs ou de suppositions. Le soupçon initial doit reposer sur une base factuelle plausible, laissant apparaître la possibilité concrète qu'une infraction ait été commise (ATF 141 IV 87 consid. 1.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_196/2020 du 14 octobre 2020 consid. 3.1). Dans le doute, lorsque les conditions d'une non-entrée en matière ne sont pas réalisées avec une certitude absolue, l'instruction doit être ouverte (arrêt 6B_196/2020 précité ; ATF 143 IV 241 consid. 2.2.1 ; ATF 138 IV 86 consid. 4.1 ; ATF 137 IV 219 consid. 7).

2.2. Aux termes de l'art. 123 al. 1 CP est punissable quiconque, intentionnellement, fait subir à une personne une atteinte à l'intégrité corporelle ou à la santé, tels que des blessures, meurtrissures, hématomes, écorchures ou des griffures, sauf si ces lésions n'ont pas d'autres conséquences qu'un trouble passager et sans importance du sentiment de bien-être (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1283/2018 du 14 février 2019 consid. 2.1).

2.3. Les voies de fait, réprimées par l'art. 126 CP, se définissent comme des atteintes physiques qui excèdent ce qui est socialement toléré et qui ne causent ni lésions corporelles, ni dommage à la santé; il s'agit généralement de contusions, de meurtrissures, d'écorchures ou de griffures (ATF 134 IV 189 consid. 1.2).

2.4. La distinction entre lésions corporelles et voies de fait peut s'avérer délicate, notamment lorsque l'atteinte s'est limitée à des meurtrissures, des écorchures, des griffures ou des contusions. Ainsi, une éraflure au nez avec contusion a été considérée comme une voie de fait; de même une meurtrissure au bras et une douleur à la mâchoire sans contusion (ATF 134 IV 189 consid. 1.3 p. 191 et les références citées) ont également été qualifiées de voies de fait : une gifle, un coup de poing ou de pied, de fortes bourrades avec les mains ou les coudes (arrêt du Tribunal fédéral 6B_525/2011 du 7 février 2012 consid. 4.1).

En revanche, un coup de poing au visage donné avec une violence brutale propre à provoquer d'importantes meurtrissures, voire une fracture de la mâchoire, des dents ou de l'os nasal, a été qualifié de lésion corporelle; de même de nombreux coups de poing et de pied provoquant chez l'une des victimes des marques dans la région de l'œil et une meurtrissure de la lèvre inférieure et chez l'autre une meurtrissure de la mâchoire inférieure, une contusion des côtes, des écorchures de l'avant-bras et de la main (ATF 134 IV 189 consid. 1.3 p. 191 s. ; 119 IV 25 consid. 2a p. 26/27).

Dans les cas limites, il faut tenir compte de l'importance de la douleur provoquée, afin de déterminer s'il s'agit de lésions corporelles simples ou de voies de fait. Les contusions, meurtrissures, écorchures ou griffures constituent des lésions corporelles simples si le trouble qu'elles apportent, même passager, équivaut à un état maladif, notamment si viennent s'ajouter au trouble du bien-être de la victime un choc nerveux, des douleurs importantes, des difficultés respiratoires ou une perte de connaissance. Par contre, si les contusions, meurtrissures, écorchures ou griffures en cause ne portent qu'une atteinte inoffensive et passagère au bien-être du lésé, les coups, pressions ou heurts dont elles résultent ne constituent que des voies de fait (ATF 119 IV 25 consid. 2a p. 26 ; 107 IV 40 consid. 5c p. 42 ; 103 IV 65 consid. II/2c p. 70 et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 6S.474/2005 du 27 février 2006 consid. 7.1.).

Comme les notions de voies de fait et d'atteinte à l'intégrité corporelle, qui sont décisives pour l'application des art. 123 et 126 CP, sont des notions juridiques indéterminées, une certaine marge d'appréciation est reconnue au juge du fait car l'établissement des faits et l'interprétation de la notion juridique indéterminée sont étroitement liés (ATF 134 IV 189 consid. 1.3. p. 191-192 ; ATF 119 IV 25 consid. 2a p. 27 et les arrêts cités).

2.5. En l'espèce, si les parties s'accordent sur le fait qu'une dispute est survenue le 19 novembre 2022 au matin, elles divergent sur le déroulement de celle-ci. D'après la recourante, le mis en cause l'avait attrapée par le bras, lui avait griffé la main droite puis l'avait saisie par la nuque pour la jeter sur le lit. Pour sa part, le mis en cause reconnait uniquement l'avoir griffée, de manière involontaire et accidentelle, en tentant de récupérer la clé de la chambre.

À l'appui de ses déclarations, la recourante a produit un constat médical faisant état de deux dermabrasions – l'une de 6 cm de long sur 2 cm de large et l'autre en forme de griffure fine –, à l'avant-bras gauche. Conformément à la jurisprudence, ces blessures, superficielles, peuvent être qualifiées d'atteintes passagères et sans importance sur le sentiment de bien-être, faute d'état maladif en résultant. Partant, les atteintes susmentionnées sont constitutives de voies de fait.

S'agissant dudit constat médical, il permet certes d'attester de blessures sur l'avant-bras de la recourante, compatibles avec les faits qu'elle dit avoir subis. Cela étant, il ne peut être exclu que la recourante, qui admet s'être défendue et avoir ôté la main du mis en cause, se soit elle-même blessée à cette occasion. En tout état, même à considérer que le mis en cause aurait saisi le bras de la recourante, aucun élément au dossier ne permet de retenir que ce dernier aurait eu la volonté de la blesser. En effet, ce dernier a expliqué qu'il entendait uniquement récupérer la clé de la chambre de sorte que le caractère intentionnel du geste incriminé devrait être nié.

Pour le surplus, aucun élément objectif ne permet de corroborer la version de la recourante, en particulier s'agissant du fait que le mis en cause l'aurait saisie par la nuque pour la jeter sur le lit, ce d'autant que le document médical produit ne fait état d'aucune autre lésion que celles précitées. L'avis d'accident n'apporte aucun élément supplémentaire.

Dans ce contexte, on ne voit pas quel acte d'instruction permettrait au Ministère public de parvenir à une autre conclusion, dès lors que les déclarations des parties sont contradictoires et qu'une confrontation n'apparait pas utile, la vraisemblance que les parties maintiennent leurs déclarations étant pratiquement certaine.

Un des éléments constitutifs de l'infraction fait ainsi manifestement défaut (art. 310 al. 1 let. a CPP) et l'analyse du Ministère public sur ce point ne prête pas le flanc à la critique.

3.             La recourante reproche au Ministère public de ne pas avoir traité les faits relatifs à la contrainte et au dommage à la propriété, commettant ainsi un déni de justice.

3.1. L'autorité qui ne traite pas un grief relevant de sa compétence, motivé de façon suffisante et pertinent pour l'issue du litige, commet un déni de justice formel proscrit par l'art. 29 al. 1 Cst féd. De même, la jurisprudence a déduit du droit d'être entendu ancré à l'art. 29 al. 2 Cst féd. l'obligation pour l'autorité de motiver sa décision, afin que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et exercer son droit de recours à bon escient (arrêt du Tribunal fédéral 1B_539/2019 du 19 mars 2020 consid. 3.1 et les références citées).

Une violation de ces droits peut toutefois être réparée. En effet, le Tribunal fédéral admet la guérison – devant l'autorité supérieure qui dispose d'un plein pouvoir d'examen – de l'absence de motivation, pour autant que l'autorité intimée ait justifié et expliqué sa décision dans un mémoire de réponse et que le recourant ait eu la possibilité de s’exprimer sur ces points dans une écriture complémentaire; il ne doit toutefois en résulter aucun préjudice pour ce dernier (ATF 125 I 209 consid. 9a et 107 Ia 1 consid. 1; arrêt du Tribunal pénal fédéral R.R.2019.70 du 3 septembre 2019, consid. 3.1 in fine). La Haute Cour admet également la réparation d’une violation du droit d’être entendu, y compris en présence d'un vice grave, lorsqu’un renvoi à l'instance inférieure constituerait une vaine formalité, respectivement aboutirait à un allongement inutile de la procédure, incompatible avec l'intérêt de la partie concernée à ce que sa cause soit tranchée dans un délai raisonnable (ATF 145 I 167 consid. 4.4; arrêt du Tribunal fédéral 1B_539/2019 précité).

3.2. L'art. 181 CP vise, du chef de contrainte, quiconque, en usant de violence envers une personne ou en la menaçant d'un dommage sérieux, ou en l'entravant de quelque autre manière dans sa liberté d'action, l'oblige à faire, à ne pas faire ou à laisser faire un acte.

La menace est un moyen de pression psychologique consistant à annoncer un dommage futur dont la réalisation est présentée comme dépendante de la volonté de l'auteur, sans toutefois qu'il soit nécessaire que cette dépendance soit effective (ATF 117 IV 445 consid. 2b; 106 IV 125 consid. 2a) ni que l'auteur ait réellement la volonté de réaliser sa menace (ATF 105 IV 120 consid. 2a). La loi exige un dommage sérieux, c'est-à-dire que la perspective de l'inconvénient présenté comme dépendant de la volonté de l'auteur soit propre à entraver le destinataire dans sa liberté de décision ou d'action. On vise ici non la simple mise en garde ou l’avertissement, mais une forme de pression psychologique qui peut, par exemple, consister en la perspective de porter atteinte à un bien particulier, comme la santé. La question doit être tranchée en fonction de critères objectifs en se plaçant du point de vue d'une personne de sensibilité moyenne (ATF 122 IV 322 consid. 1a; 120 IV 17 consid. 2a/aa).

3.3. L'art. 144 al. 1 CP punit, sur plainte, celui qui aura endommagé, détruit ou mis hors d'usage une chose appartenant à autrui ou frappée d'un droit d'usage ou d'usufruit au bénéfice d'autrui.

L'art. 144 CP vise la protection du patrimoine (A. MACALUSO/ L. MOREILLON/ N. QUELOZ (éds.), Commentaire romand, Code pénal II, Bâle 2017, n. 1 ad. Rem. Prél. aux art. 137 ss).

En matière de dommages à la propriété, seuls le propriétaire, au sens du droit civil, et l'ayant droit privé de l'usage de la chose sont protégés et ont le droit de déposer plainte (M. DUPUIS / L. MOREILLON / C. PIGUET / S. BERGER / M. MAZOU / V. RODIGARI (éds), Code pénal - Petit commentaire, 2e éd., Bâle 2017, n 9 ad art. 144).

3.4. Le Ministère public en ne traitant pas le grief sus-énoncé, clair et précis, a commis un déni de justice formel.

Un renvoi de la cause ne se justifie cependant pas dès lors qu'il constituerait une vaine formalité et aboutirait à un allongement de la procédure. En effet, il suffit de constater que les éléments constitutifs des infractions dénoncées ne sont pas réunis.

Le mis en cause a procédé au changement de la serrure de l'appartement dont il est le seul locataire. Il était donc autorisé à procéder de la sorte ce qui exclut un éventuel dommage à la propriété. Il n'a pas non plus, par cet acte, entravé la liberté d'action de la recourante, ce d'autant que cette dernière a été dans la possibilité de réintégrer l'appartement en faisant appel à un serrurier. En tout état, le comportement reproché n'est pas propre à atteindre la gravité requise par l'art. 181 CP. Partant, l'infraction de contrainte doit être écartée.

Ce grief sera donc rejeté.

4.             Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée et le recours rejeté.

5.             La recourante, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité CHF 1'000.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 1'000.-.

Dit que ce montant sera prélevé sur les sûretés versées.

Notifie le présent arrêt, en copie, à la recourante, soit pour elle son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Monsieur Christian COQUOZ, président; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et
Françoise SAILLEN AGAD, juges; Monsieur Julien CASEYS, greffier.

 

Le greffier :

Julien CASEYS

 

Le président :

Christian COQUOZ

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/25071/2022

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

915.00

Total

CHF

1'000.00