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Décisions | Chambre pénale de recours

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PM/490/2024

ACPR/433/2024 du 11.06.2024 sur JTPM/331/2024 ( TPM ) , REJETE

Descripteurs : LIBÉRATION CONDITIONNELLE
Normes : CP.86.al1

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

PM/490/2024 ACPR/433/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mardi 11 juin 2024

 

Entre

A______, actuellement détenu à la prison de B______, ______, agissant en personne,

recourant,

 

contre le jugement rendu le 15 mai 2024 par le Tribunal d'application des peines et des mesures

et

LE TRIBUNAL D'APPLICATION DES PEINES ET DES MESURES, rue des Chaudronniers 9, 1204 Genève,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. Par acte expédié le 18 mai 2024 au Tribunal d'application des peines et des mesures (ci-après, TAPEM), transmis à la Chambre de céans et confirmé par courrier du 31 mai 2024, A______ recourt contre le jugement du 15 mai 2024 par lequel le TAPEM a refusé sa libération conditionnelle.

Le recourant demande qu'une nouvelle chance lui soit accordée.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. A______, né le ______ 1993 au Maroc, ressortissant algérien, connu sous sept alias, exécute, selon ordonnance pénale du Ministère public du 10 juin 2022, une peine privative de liberté de 150 jours, dont à déduire un jour de détention avant jugement, pour vol, dommages à la propriété, entrée et séjour illégaux au sens de la LEI.

b. Il a été arrêté dans le canton de Berne le 20 février 2024 et est incarcéré à la prison de B______ depuis le lendemain.

c. Les deux tiers de la peine que A______ exécute actuellement sont intervenus le 29 mai 2024, tandis que la fin de la peine est fixée au 18 juillet 2024.

d. Selon l'extrait du casier judiciaire suisse, dans son état au 29 avril 2024, A______ été condamné à neuf autres reprises, entre le 22 janvier 2020 et le 15 janvier 2021, pour diverses infractions – commises dans les cantons de Berne, Lucerne, Vaud et Genève – contre le patrimoine (dommages à la propriété, vols, tentatives de vol, utilisation frauduleuse d'un ordinateur, violation de domicile et recel), opposition aux actes de l'autorité, diverses infractions aux art. 115 et 119 LEI, injure, violence ou menace contre les autorités ou les fonctionnaires et usage illicite d'un véhicule, à des peines pécuniaires avec sursis (cumulées pour certaines avec des amendes) – trois, dont deux ont été révoqués – puis sans sursis, ainsi qu'à des peines privatives de liberté fermes.

Une enquête pénale est en cours d'instruction depuis le 14 mars 2024 auprès du Ministère public [de] C______ [BE], pour séjour illégal.

e. Selon le courriel de l’Office cantonal de la population et des migrations (OCPM) du 23 février 2024, A______ avait été renvoyé sous la contrainte dans son pays d'origine en 2022. Il n'avait jamais collaboré avec les autorités et avait pénétré, une nouvelle fois, sans droit sur le territoire helvétique, malgré l'interdiction d'entrée qui lui avait été signifiée en Suisse et dans l'espace Schengen.

Au terme de l'exécution de sa peine, il serait placé en détention administrative et son renvoi vers l'Algérie serait organisé rapidement, son identité étant connue.

f. Dans le formulaire qu'il a rempli en vue de l'examen de sa libération conditionnelle, réceptionné par le Service de l'application des peines et mesures (ci-après, SAPEM) le 29 février 2024, A______ a indiqué être célibataire et sans enfants. À sa libération, il souhaitait aller vivre et travailler à D______ [France], avec son frère. Il ne resterait pas en Suisse.

g. Selon le préavis – favorable – de la direction de la prison de B______ du 14 mars 2024, A______ se comportait correctement. Il avait toutefois fait l'objet d'une sanction le 21 février 2024 ayant entraîné son placement en cellule forte pour avoir refusé d'être fouillé pour la douche, insulté l'agent de détention présent et lui avoir donné un coup sur la main, comportement qui avait contraint des agents à l'amener au sol pour le maîtriser avec une clé de coude.

Il était occupé au sein de l'atelier "cuisine" depuis le 9 mars 2024, où il donnait satisfaction. Il n'avait pas été suivi par le secteur socioéducatif du service de probation et d'insertion (SPI).

Il disposait de CHF 96.15 sur son compte libre, de CHF 82.55 sur son compte réservé et de CHF 61.90 sur son compte bloqué.

Durant son incarcération, il n'avait reçu aucune visite.

h. Dans son préavis – défavorable – du 30 avril 2024, le SAPEM relève que A______ se comportait correctement en détention et n'avait jamais bénéficié d'une libération conditionnelle. Son casier judiciaire totalisait dix condamnations qui ne se limitaient pas à des infractions au droit des étrangers, ce qui dénotait un ancrage dans la délinquance. Par ailleurs, ni les peines prononcées avec sursis, ni les peines subséquentes ne l'avaient dissuadé de récidiver. Son projet était peu élaboré et incompatible avec son statut administratif.

Le risque de commission de nouvelles infractions demeurait donc élevé.

i. Par requête du 6 mai 2024, le Ministère public a fait siens le préavis et les conclusions du SAPEM.

j. Lors de son audition devant le TAPEM, A______ a déclaré que son séjour à B______ se passait bien. Il travaillait tous les jours à la bibliothèque. Il appelait régulièrement son frère, à D______, ainsi qu'un ami vivant à C______. Il reconnaissait avoir commis des erreurs, mais ne comprenait pas ses condamnations, dans la mesure où il ne parlait pas l'allemand.

Après son renvoi en Algérie, il était revenu à D______ vivre auprès de son frère et avait travaillé pour E______ [service de taxis privés gérés via internet]. Il était revenu en Suisse uniquement pour récupérer son passeport, laissé à C______, mais qu'il n'avait pas retrouvé. Sa famille vivait essentiellement au Maroc. Seule sa sœur vivait en Algérie. Il voulait retourner en France auprès de son frère mais n'avait en l'état pas l'autorisation d'y vivre. Il entreprendrait des démarches pour régulariser sa situation. Il avait compris qu'il n'avait pas le droit d'être en Suisse.

C. Dans la décision querellée, le TAPEM a retenu que le pronostic se présentait sous un jour fort défavorable au vu des nombreux antécédents du recourant depuis 2020, pour toutes sortes d'infractions. Il n'avait pas su tirer profit des premières peines pécuniaires prononcées, dont certaines avec sursis, et les courtes peines privatives de liberté ne l'avaient pas dissuadé de récidiver. Son renvoi en Algérie en 2022 ne l'avait pas empêché de revenir en Suisse, prétendument pour y retrouver des papiers d'identité.

Son projet, abstrait et en contradiction avec sa situation administrative, d'aller vivre à D______, ne saurait être considéré comme protecteur de la récidive. Sa situation semblait ainsi inchangée par rapport à celle qui prévalait avant son arrestation, à savoir, en situation illégale en Suisse, sans travail, ni logement. Le risque qu'il commette de nouvelles infractions apparaissait très élevé.

D. a. À l'appui de son recours et dans sa lettre subséquente du 31 mai 2024, le recourant expose être en mesure de changer son comportement, prêt à tourner la page et à vivre loin de la délinquance. Il avait "pleinement droit" à une libération conditionnelle. Il n'était plus la même personne.

b. À réception du recours, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

EN DROIT :

1.             1.1. La décision rendue en matière de libération conditionnelle (art. 86 CP) constitue une "autre décision ultérieure" indépendante au sens de l'art. 363 al. 3 CPP (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1136/2015 du 18 juillet 2016 consid. 4.3 et 6B_158/2013 du 25 avril 2013 consid. 2.1; Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 30 ad art. 363).

1.2. Le recours au sens de l'art. 393 CPP est la voie de droit ouverte contre les prononcés rendus par le TAPEM en matière de libération conditionnelle (art. 42 al. 1 let. b LaCP cum ATF 141 IV 187 consid. 1.1 et les références citées).

1.3. La procédure devant la Chambre de céans est régie par le CPP, applicable au titre de droit cantonal supplétif (art. 42 al. 2 LaCP).

1.4. En l'espèce, le recours est recevable, pour avoir été déposé selon les forme et délai prescrits (art. 385 al. 1, 390 al. 1 et 396 al. 1 CPP), par le condamné, qui a un intérêt juridiquement protégé à l'annulation ou à la modification de la décision attaquée (art. 382 al. 1 CPP).

On comprend de ses deux écrits qu'il n'est pas d'accord avec le refus de sa libération conditionnelle par le TAPEM.

2. La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement irrecevables ou mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

3. Le recourant estime remplir les conditions d'une libération conditionnelle.

3.1. Aux termes de l'art. 86 al. 1 CP, l'autorité compétente libère conditionnellement le détenu qui a subi les deux tiers de sa peine, mais au moins trois mois de détention, si son comportement durant l'exécution de la peine ne s'y oppose pas et s'il n'y a pas lieu de craindre qu'il ne commette de nouveaux crimes ou de nouveaux délits. La libération conditionnelle constitue la dernière étape de l'exécution de la sanction pénale. Elle est la règle et son refus l'exception, dans la mesure où il n'est plus exigé qu'il soit à prévoir que le condamné se conduira bien en liberté (cf. art. 38 ch. 1 al. 1 aCP), mais seulement qu'il ne soit pas à craindre qu'il commette de nouveaux crimes ou délits. Autrement dit, il n'est plus nécessaire pour l'octroi de la libération conditionnelle qu'un pronostic favorable puisse être posé. Il suffit que le pronostic ne soit pas défavorable (ATF 133 IV 201 consid. 2.2). Le pronostic à émettre doit être posé sur la base d'une appréciation globale, prenant en considération les antécédents de l'intéressé, sa personnalité, son comportement en général et dans le cadre des délits qui sont à l'origine de sa condamnation, le degré de son éventuel amendement, ainsi que les conditions dans lesquelles il est à prévoir qu'il vivra (ATF 133 IV 201 consid. 2.3 et les références citées).

3.2. Un risque de récidive étant inhérent à toute libération, qu'elle soit conditionnelle ou définitive, pour déterminer si l'on peut courir ce risque, il faut, non seulement, prendre en considération le degré de probabilité qu'une nouvelle infraction soit commise, mais également l'importance du bien qui serait alors menacé (ATF
125 IV 113 consid. 2a). Ainsi, le risque de récidive que l'on peut admettre est moindre si l'auteur s'en est pris à la vie ou à l'intégrité corporelle de ses victimes que s'il a commis, par exemple, des infractions contre le patrimoine (ATF 133 IV 201 consid. 2.3). Il y a également lieu de rechercher si la libération conditionnelle, éventuellement assortie de règles de conduite et d'un patronage, ne favoriserait pas mieux la resocialisation de l'auteur que l'exécution complète de la peine (ATF
124 IV 193 consid. 4d/aa/bb).

3.3. En l'espèce, la condition objective d'une libération conditionnelle est réalisée depuis le 29 mai 2024. Seul le préavis de la prison est favorable. Ceux du SAPEM et du Ministère public sont défavorables.

Il ne peut être dit que le comportement du recourant en détention a donné entière satisfaction, puisque ce dernier a été sanctionné le 21 février 2024 pour avoir refusé d'être fouillé pour la douche, avoir insulté l'agent de détention présent et lui avoir donné un coup sur la main, comportement qui a contraint des agents à l'amener au sol pour le maîtriser.

Il cumule, du 22 janvier 2020 au 10 juin 2022, pas moins de dix condamnations, essentiellement pour des infractions contre le patrimoine (dommages à la propriété, vols, tentatives de vol, utilisation frauduleuse d'un ordinateur, violation de domicile et recel), mais également violence ou menace contre les autorités ou les fonctionnaires, opposition aux actes de l'autorité, injure, ainsi que diverses infractions aux art. 115 et 119 LEI. Il n'a pas su tirer profit de peines pécuniaires, assorties du sursis dans un premier temps, ni n'a appris de courtes peines privatives de liberté.

Ses projets à sa sortie de prison sont des plus vagues et nullement étayés. Celui d'aller vivre à D______, où il aurait déjà vécu auprès de son frère, et travaillé pour E______, n'est pas sérieusement concevable, vu l'absence de statut administratif du recourant en France. Ce dernier se retrouvera à sa sortie de prison – étant toutefois relevé que l'OCPM annonce une mise en détention administrative le moment venu, en vue de son renvoi vers l'Algérie, comme cela a été le cas en 2022 – sans domicile fixe, sans revenu avéré, ni proche à même de le soutenir et, en tout état, en situation illégale en Suisse.

Il ressort de ces éléments que le recourant n'est pas à même de proposer un projet de vie suffisant à renverser le pronostic qui doit être qualifié de clairement défavorable, vu le risque concret de réitération. Dans cette configuration, le fait que le recourant dise vouloir changer de vie n'y change rien et n'est pas suffisant.

Les conditions d'une mise en liberté conditionnelle ne sont ainsi pas réalisées.

Justifié, le jugement querellé sera donc confirmé.

4.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 900.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 900.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, au Ministère public et au Tribunal d'application des peines et des mesures.

Le communique, pour information, au Service de l'application des peines et mesures.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Mesdames Valérie LAUBER et
Françoise SAILLEN AGAD, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

PM/490/2024

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

815.00

-

CHF

Total

CHF

900.00