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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/13842/2022

ACPR/272/2024 du 22.04.2024 sur OTMC/922/2024 ( TMC ) , REFUS

Descripteurs : DÉTENTION PROVISOIRE;RISQUE DE RÉCIDIVE;PRINCIPE DE LA CÉLÉRITÉ
Normes : CPP.221; PPMin.3; CPP.5

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/13842/2022 ACPR/272/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du lundi 22 avril 2024

 

Entre

A______, actuellement détenu à l'Établissement B______, ______ [VD], représenté par Me C______, avocate,

recourant,

contre l'ordonnance de prolongation de la détention provisoire rendue le 26 mars 2024 par le Tribunal des mesures de contrainte,

et

LE TRIBUNAL DES MESURES DE CONTRAINTE, rue des Chaudronniers 9, 1204 Genève,

LE TRIBUNAL DES MINEURS, rue des Chaudronniers 7, 1204 Genève,

intimés.


EN FAIT :

A.           Par acte expédié le 8 avril 2024, A______ recourt contre l'ordonnance du 26 mars 2024, notifiée le surlendemain, par laquelle le Tribunal des mesures de contrainte (ci-après : TMC) a prolongé sa détention provisoire jusqu'au 22 avril 2024.

Le recourant conclut à l'annulation de l'ordonnance précitée et à sa libération immédiate, assortie de l'obligation de résider chez son père et à se soumettre au traitement psychiatrique préconisé par l'expertise psychiatrique.

B.            Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a. A______, né le ______ 2006, a, dans un premier temps, été prévenu de voies de fait (art. 126 CP), injures (art. 177 CP) et menaces (art. 180 CP).

Il lui est reproché d'avoir, le 20 mars 2022, dans le train entre Genève et D______ [VS], en compagnie de trois autres jeunes, injurié une mineure en la traitant notamment de "pute", craché sur un autre mineur et tenu des propos homophobes contre ce dernier ; le 22 mars 2022, au foyer E______, en Valais, donné deux coups de pied au visage du mineur précité, le blessant à la lèvre et à la gencive, proféré une insulte à caractère homophobe contre lui et de l'avoir menacé de mort ; le 26 août 2022, au foyer E______, dit à un éducateur, "je t'emmerde, fils de pute" ; le 31 octobre 2022, au foyer E______, asséné des coups de pied au ventre et au mollet d'un autre éducateur ; le 14 décembre 2022, au foyer F______, à Genève, poussé fortement deux éducateurs et injurié l'un d'entre eux.

En raison de ces faits, plaintes pénales ont été déposées, que la Juge des mineurs envisage de classer, la prescription étant atteinte (cf. B.l. infra).

b. Dès le 10 janvier 2023, A______ a été placé en observation en milieu fermé au centre pour mineurs G______.

c. A______ est désormais aussi prévenu de tentative de lésions corporelles graves (art. 22 et 122 CP), voire tentative de meurtre (art. 22 et 111 CP), lésions corporelles simples (art. 123 CP), voies de fait (art. 126 CP), dommages à la propriété (art  144 CP), injure (art. 177 CP) et violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires (art. 285 CP) pour avoir :

- le 22 mars 2023, donné un coup de pied dans une porte palière de l'étage d'observation, endommageant ainsi le cadre de celle-ci, puis fissuré la vitre de la fenêtre de la cellule 9 (montant total des dégâts : CHF 1'544.40);

- le 25 avril 2023, après avoir refusé de regagner sa cellule, donné un coup de pied au visage et à l'épaule d'un agent de détention, puis de lui avoir craché au visage et l'avoir traité à plusieurs reprises de "fils de pute";

- le 24 mai 2023, décroché en partie la porte de la cellule 11 en la claquant fortement (montant des dégâts indéterminé);

- le 25 mai 2023, brisé la vitre de la fenêtre de la cellule 8 (montant des dégâts indéterminé);

- le 15 juin 2023, dans l'enceinte de G______, donné un coup de coude suivi d'un coup de poing au visage d'un mineur, qui est tombé au sol, et lui avoir écrasé très violemment la nuque avec son pied à trois ou quatre reprises, étant précisé que la victime a perdu connaissance et a été transférée en ambulance aux Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG);

- le 30 juin 2023, après avoir refusé de suivre son programme individuel, refusé de regagner sa cellule et repoussé violemment les agents de détention en leur donnant des coups de pied et de genou, blessant l'un d'eux au bras droit;

- le 2 août 2023, endommagé la serrure d'un bureau et celle de la porte de la cage d'escalier sud (montant total des dégâts CHF 710.80);

- le 19 août 2023, cassé le lavabo de la cellule 33 (montant total des dégâts CHF 1'724.15).

d. A______ admet partiellement les faits reprochés, en minimise la gravité et n'exprime aucun regret.

e. Il a été placé en détention provisoire par ordonnance du TMC du 16 juin 2023, régulièrement prolongée depuis.

f. Sur le plan civil, il est suivi depuis de nombreuses années par le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (ci-après : TPAE), ainsi que par le Service de protection des mineurs (SPMi). Une demande de rente AI est en cours, en raison de son incapacité de s'insérer professionnellement. Une fois la majorité atteinte, il devrait bénéficier d'une curatelle de portée générale.

g. Sur le plan pénal, A______ a été condamné à trois reprises, par ordonnances pénales du Juge des mineurs, pour voies de fait et injures (29 juin 2020), voies de fait (31 mars 2020) ainsi que lésions corporelles simples, voies de fait et injures (22 juin 2021).

h. À teneur de l'expertise psychiatrique rendue le 15 novembre 2023 par le Centre universitaire romand de médecine légale (CURML) – ordonnée par la Juge des mineurs –, les experts ont conclu que A______ souffre d'un trouble psychotique de type schizophrénique (probablement une schizophrénie hébéphrénique), d'un trouble mixte des acquisitions scolaires et d'un trouble épileptique. Son intelligence est cliniquement dans les normes.

Selon les experts, A______ présentait un risque de récidive de "délinquance générale", qualifié de moyen en tenant compte qu'il évoluait en milieu fermé depuis une longue période (plus de neuf mois). Il présentait de nombreux facteurs d'augmentation du risque de récidive de passage à l'acte violent. Ce risque était augmenté en détention, en raison de sa forte réactivité aux éléments extérieurs. Aucun facteur permettant de modérer significativement le risque de récidive (facteurs protecteurs) n'ont été relevés.

Le trouble schizophrénique nécessitait la prise d'un traitement médicamenteux antipsychotique et les traits de la personnalité dyssociale justifiaient une prise en charge psychothérapeutique. L'objectif visé était la réduction du risque de récidive et de prévenir l'installation d'un trouble de la personnalité caractérisé. Une obligation de soins était nécessaire, compte tenu de la résistance du mineur.

Les soins pouvaient être fournis en milieu ouvert. Le niveau de dangerosité justifiait la mise en place immédiate d'un traitement antipsychotique sous la forme injectable (neuroleptique). Si un tel traitement était instauré et un environnement adapté à son trouble psychotique mis en place en milieu ouvert, A______ ne représenterait pas de grave menace pour des tiers. Un placement en foyer n'était pas indiqué, en raison d'un plus grand risque de passage à l'acte violent. La solution la plus appropriée serait un appartement protégé, avec la présence quotidienne de l'IMAD et un accompagnement éducatif intensif, sans toutefois pouvoir exclure un nouveau passage à l'acte violent ; par exemple, s'il sortait en promenade ou pour faire des achats, un événement d'apparence bénin mais interprété comme persécutant par A______ pourrait survenir. Les experts ont relevé qu'un placement à l'Unité H______ pourrait lui permettre de bénéficier d'une prise en charge adaptée, mais cette structure refusait de l'accueillir en raison de l'intensité et la fréquence de ses troubles du comportement.

Le début du traitement antipsychotique injectable pendant qu'il était encore en milieu fermé permettrait d'en constater les effets bénéfiques sur ses passages à l'acte et envisager son évolution en milieu ouvert de manière plus sereine. En cas de non-respect des conditions ou de récidive d'actes de violence grave malgré le traitement, la protection d'autrui et la sienne justifieraient un placement en milieu fermé.

i. Lors de leur audition par la Juge des mineurs, le 15 décembre 2023, les experts ont confirmé leur rapport. Le fait que A______ soit empêché d'intégrer le programme à l'Unité H______ n'était pas un obstacle. Celui de I______, aux HUG, spécifique aux jeunes gens présentant des symptômes de psychose émergente, était adéquat. La proposition de la tutrice de A______, d'un encadrement par la Consultation J______, l'équipe I______, l'équipe K______ et le service L______ (tous réunis aux HUG), était adéquate.

Présent à l'audience, A______ a déclaré ne pas avoir confiance en l'équipe médicale de B______, avant de se dire d'accord de prendre le traitement médicamenteux.

La tutrice a fait part du projet pour sa sortie, à mettre en place, consistant en sa prise en charge intensive au quotidien par M______ [un groupe d'éducateurs], qui pourrait s'inscrire dans le cadre d'une assistance personnelle, un logement dans un appart-hôtel ainsi qu'un suivi médical auprès du programme I______ et de J______. Selon les documents produits ultérieurement, le coût de l'accompagnement intensif par M______ s'est avéré être de CHF 25'000.- par mois.

j.a. Lors de l'audience du 11 janvier 2024, la tutrice de A______ a expliqué que la psychiatre de B______ avait souhaité entrer en contact avec celle de G______ et avec le neurologue des HUG, mais le mineur s'était violemment énervé et la première ne voulait plus le voir. Un entretien "chez le neurologue" à l'hôpital était prévu le 26 janvier 2024, à la suite duquel un point de situation pourrait être fait.

j.b. Le 23 février 2024, la tutrice de A______ a informé la Juge des mineurs que le précité n'avait pas pu bénéficier d'un rendez-vous auprès de J______ le 26 janvier 2024, contrairement à ce qu'elle avait espéré, de sorte que sa situation "stagn[ait] complètement".

k. Le 21 février 2024, A______ a requis l'audition des témoins des faits du 15 juin 2023 – réquisitions qu'il a motivées par lettre de son conseil du 1er mars 2024 –, puis la clôture rapide de l'instruction.

l. Par avis de prochaine clôture de l'instruction du 29 février 2024, la Juge des mineurs a informé les parties de son intention de classer les faits survenus entre le 20 mars et 14 décembre 2022, au vu de la prescription (art. 36 al. 1 let. c DPMin).

m. Lors de l'audience du 6 mars 2024 devant la Juge des mineurs la tutrice a fait savoir que les médecins de J______ et I______ estimaient que le traitement préconisé ne pouvait pas être mis en place avant que A______ soit transféré à Genève. À B______, le service de psychiatrie n'entrait pas en matière, et A______ ne voulait de toute façon pas collaborer. En outre, aucun foyer n'était disposé à l'héberger. Le père de A______ était toutefois désormais d'accord de l'accueillir chez lui.

La Juge des mineurs s'est déclarée d'accord d'envisager la mise en liberté pour autant qu'un rendez-vous médical pour la mise en place du traitement neuroleptique soit fixé à très brève échéance et que A______ accepte d'aller vivre chez son père.

n. L'audience fixée au 9 avril 2024 au cours de laquelle la mise en liberté de A______ devait être prononcée sera finalement annulée, dans les circonstances décrites ci-après (sous D.).

C.           Dans l'ordonnance querellée, le TMC a retenu l'existence de charges suffisantes et graves. L'instruction se poursuivait quant au cadre à mettre en place pour la mise en liberté de A______. Le risque de réitération demeurait très concret au vu des antécédents du prévenu et des conclusions des experts. Aucune mesure de substitution n'était susceptible d'atteindre le but de la détention, au vu dudit risque.

D.           a. Le 2 avril 2024, la J______ a annulé le rendez-vous de prise en charge somatique de A______, faute de suivi psychiatrique destiné à prévenir le risque hétéro-agressif. Dans ces conditions, le suivi IMAD pour la prise en charge du traitement antipsychotique en milieu ouvert ne pouvait pas être organisé.

Précédemment, la consultation pédiatrique des HUG avait également annulé le rendez-vous avec A______, et l'Office médico-pédagogique (OMP) en a fait de même.

b. Dans ces circonstances, la Juge des mineurs a, le 8 avril 2024, annulé l'audience prévue le lendemain.

E.            a. À l'appui de son recours, A______ conteste l'existence d'un risque de réitération s'agissant d'infractions graves, invoque la violation des principes de la proportionnalité et de la célérité. Il ne présentait aucun antécédent spécifique en lien avec la tentative de meurtre, ni pour des lésions corporelles graves. Le risque qu'il réitère des actes de cette nature n'était donc pas concret, et les experts psychiatres avaient expressément mentionné que le risque de récidive apparaissait augmenté en détention. Autrement dit, une mise en liberté était de nature à pallier, ou du moins à réduire, ce risque.

Même en présence d'un risque de récidive d'infractions de moindre importance, la prolongation de la détention violait le principe de la proportionnalité. Selon les art. 3 §1 et 37 let. b de la Convention relative aux droits de l'enfant, ainsi que 27 al. 1 PPMin, la détention provisoire d'un mineur ne devait être prononcée qu'à titre exceptionnel et seulement si aucune mesure de substitution n'était envisageable. Or, en l'espèce, les autres infractions reprochées ne justifiaient pas une détention provisoire de plus de 9 mois. Et la gravité des faits du 15 juin 2023 était quoi qu'il en soit modérée, la victime n'ayant que brièvement perdu connaissance et n'ayant aucune séquelle. La prison n'avait pas pour but de remplacer le défaut de solutions de prise en charge socio-éducatives. Le dossier était en l'état d'être jugé depuis la remise du rapport des experts, fin 2023. L'instruction actuelle ne portait que sur la forme que devraient prendre les mesures de substitution, lesquelles ne devraient déjà plus avoir cours, car il aurait déjà dû être jugé.

b. La Juge des mineurs conclut au rejet du recours. Le comportement de A______ s'était dégradé de manière significative fin 2022, avec une répétition d'actes de violence physique et verbale envers autrui, ce qui avait justifié son placement en observation institutionnelle en milieu fermé. La prise en charge de A______ auprès de l'Unité H______ n'avait finalement pas eu lieu, l'établissement refusant de l'accueillir. Le premier projet proposé par la tutrice, le 15 décembre 2023 (logement, prise en charge sociale et médicale) n'avait pas été retenu, en raison de l'absence de mise en œuvre du traitement neuroleptique et du coût du suivi social. Un second projet était sur le point d'aboutir début avril 2024, avec la mise en place du suivi médical et psychiatrique, ainsi que l'hébergement chez le père. Toutefois, les divers intervenants médicaux s'étant désistés, elle avait dû renoncer à libérer le prévenu le 9 avril 2024. Le corps médical opposait désormais un refus, aux motifs que A______ n'était ni majeur ni sous traitement antipsychotique. La peur suscitée par le profil du jeune prévalait sur toute forme de prise en charge.

Compte tenu de l'absence de structure hospitalière ouverte ou fermée susceptible d'accueillir un mineur pour lui administrer sous la contrainte des soins sur décision pénale, le TPAE avait été saisi. Les démarches se poursuivaient en outre après des HUG et de J______.

Il ressort de la lettre que la tutrice a adressée au TPAE, le 9 avril 2024, que A______ avait commencé volontairement, le 8 avril 2024, le traitement antipsychotique prescrit en août 2023 (sans mise à jour médicale); il était toujours d'accord de se rendre à un suivi psychothérapeutique et psychiatrique à Genève; il était prêt à accepter la médication antipsychotique par injection; aucune structure du réseau des HUG n'avait répondu favorablement à une prise en charge rapide du mineur; la clinique N______ était prête à entrer en matière sur un suivi psychothérapeutique; sur le long terme, le père de A______ ne pouvait pas gérer son fils; A______ devrait quitter B______ au 22 avril 2024, ayant déjà dépassé "ce que l'on peut ordonner au vu des actes commis".

c. Le TMC maintient les termes de son ordonnance, sans formuler d'observations.

d. Le recourant a répliqué.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 3 al. 1 PPMin cum 90 al. 2, 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 39 al. 1 et 3 PPMin cum 222 et 393 al. 1 let. c CPP) et émaner du prévenu mineur qui, partie à la procédure (art. 38 al. 1 let. a PPMin cum art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 38 al. 3 PPMin cum art. 382 al. 1 CPP).

2.             Le recourant ne conteste pas les charges. Il peut donc être renvoyé, en tant que de besoin, à la motivation adoptée par le premier juge sur ce point (art 82 al. 4 CPP; ACPR/747/2020 du 22 octobre 2020 consid. 2 et les références), laquelle expose les indices graves et concordants pesant sur le prévenu.

3.             Le recourant invoque une violation du principe de la célérité.

3.1. À teneur de l'art. 5 al. 1 CPP, les autorités pénales engagent les procédures pénales sans délai et les mènent à terme sans retard injustifié. Lorsque le prévenu est détenu, la procédure est conduite en priorité (art. 5 al. 2 CPP). Le grief de violation du principe de la célérité ne doit être examiné, lors du contrôle judiciaire de la détention, que pour autant que le retard dans la procédure soit propre à mettre en cause la légalité de la détention provisoire et donc à justifier un élargissement. N'importe quel retard n'est cependant pas suffisant. Il doit s'agir d'un manquement particulièrement grave, faisant au surplus apparaître que l'autorité de poursuite n'est plus en mesure de conduire la procédure à chef dans un délai raisonnable (ATF 140 IV 74 consid. 3.2; 137 IV 118 consid. 2.1; 137 IV 92 consid. 3.1 et les arrêts cités). La violation éventuelle du principe de la célérité n'entraîne pas la libération immédiate du détenu lorsque la détention demeure matériellement justifiée (cf. arrêts du Tribunal fédéral 1B_150/2012 du 30 mars 2012 consid. 3.3; 1B_44/2012 consid. 4 et 5).

3.2. En l'espèce, l'audition des experts, le 15 décembre 2023, n'a, contrairement aux affirmations du recourant, nullement marqué le terme de l'instruction, le recourant ayant lui-même, le 1er février 2024, requis l'audition de témoins, qu'il a motivée le 1er mars suivant. La Juge des mineurs a, par ailleurs, clôturé l'instruction sur les faits survenus en 2022. Le rythme auquel avance l'instruction n'est donc pas critiquable, étant relevé que la magistrate a été occupée, ces dernières semaines, de manière soutenue, avec la tutrice, à trouver une solution pour préparer la libération du recourant.

Le principe de la célérité n'est donc pas violé. Il conviendra toutefois que la Juge des mineurs se prononce à brève échéance sur les réquisitions de preuve du recourant.

4.             Le recourant conteste l'existence d'un risque de réitération d'infractions graves, les autres faits pour lesquels il est prévenu ne justifiant selon lui pas son maintien en détention provisoire.

4.1. Le nouvel al. 1bis de l'art. 221 CPP – entré en vigueur le 1er janvier 2024 – prévoit le risque de récidive qualifié comme motif de mise en détention. Selon cette disposition, la détention provisoire peut exceptionnellement être ordonnée si le prévenu est fortement soupçonné d’avoir porté gravement atteinte à l’intégrité physique, psychique ou sexuelle d’autrui en commettant un crime ou un délit grave (let. a) et s'il y a un danger sérieux et imminent qu’il commette un crime grave du même genre (let. b).

Comme il est renoncé à toute infraction préalable (le seul indice fiable permettant d’établir un pronostic légal), il semble justifié de restreindre les infractions soupçonnées aux crimes et délits graves contre des biens juridiques particulièrement importants (par ex., la vie, l’intégrité physique ou l’intégrité sexuelle). L’exigence supplémentaire de l’atteinte grave a pour objectif de garantir que lors de l’examen de la mise en détention, on prendra en considération non seulement les peines encourues, mais aussi les circonstances de chaque cas. Ces restrictions sont de plus requises en ce qui concerne le risque de crime grave du même genre. En effet, la détention préventive ne paraît justifiée que si le prévenu risque de mettre gravement en danger les biens juridiques des victimes potentielles (comme lorsque le motif de mise en détention est le passage à l’acte). Enfin, ces restrictions ont pour objectif d’exclure que ce motif de mise en détention soit avancé en cas de dommages purement matériels ou de comportements socialement nuisibles (Message du Conseil fédéral du 28 août 2019 [19.048] concernant la modification du code de procédure pénale (mise en œuvre de la motion 14.3383 de la Commission des affaires juridiques du Conseil des États « Adaptation du code de procédure pénale »), FF 2019 6351, p. 6395).

4.2. En l'espèce, le recourant est prévenu de tentative de lésions corporelles graves, voire de tentative de meurtre, pour les faits survenus le 15 juin 2023, de sorte que la première condition est remplie.

La seconde l'est également, car il résulte de l'expertise psychiatrique que le risque de récidive de "délinquance générale" est de niveau moyen, en tenant compte que le recourant évolue en milieu fermé depuis une longue période. Il présente en outre de nombreux facteurs associés à une augmentation du risque de récidive de passage à l'acte violent. Ce n'est que si le traitement préconisé par les experts (traitement médicamenteux antipsychotique – par injection – et prise en charge psychothérapeutique) était instauré et qu'un environnement adapté à son trouble psychotique était mis en place en milieu ouvert, qu'il ne présenterait pas de grave menace pour des tiers. Les experts ont même précisé qu'on ne pourrait, même dans ce cas, exclure un nouveau passage à l'acte violent, lors d'un événement d'apparence bénin interprété par lui comme persécutant.

Ainsi, peu importe que les faits du 15 juin 2023 se soient produits en détention et que la victime n'ait – selon le recourant – pas gardé de séquelles. Le recourant présente bel et bien un danger sérieux et imminent de commettre un crime grave du même genre que celui-là, en milieu ouvert.

Or, les mesures recommandées par les experts, destinées à contenir au maximum ce risque, n'ont en l'état pas pu être mises en place, de sorte que, sans celles-ci, une sortie ne saurait être envisagée.

5.             Le recourant invoque une violation du principe de la proportionnalité.

5.1.       Conformément au principe de la proportionnalité (art. 36 al. 3 Cst., concrétisé par l'art. 237 al. 1 CPP), le tribunal compétent ordonne une ou plusieurs mesures moins sévères en lieu et place de la détention si elles permettent d'atteindre le même but que la détention.

5.2.       De plus, à teneur des art. 197 al. 1 et 212 al. 3 CPP, les autorités pénales doivent respecter le principe de la proportionnalité lorsqu'elles appliquent des mesures de contrainte, afin que la détention provisoire ne dure pas plus longtemps que la peine privative de liberté prévisible. Selon une jurisprudence constante, la possibilité d'un sursis, voire d'un sursis partiel, n'a en principe pas à être prise en considération dans l'examen de la proportionnalité de la détention préventive (ATF 133 I 270 consid. 3.4.2 p. 281-282 ; 125 I 60 ; arrêts du Tribunal fédéral 1B_750/2012 du 16 janvier 2013 consid. 2, 1B_624/2011 du 29 novembre 2011 consid. 3.1 et 1B_9/2011 du 7 février 2011 consid. 7.2).

5.3.       En l'espèce, si la détention provisoire du recourant est effectivement longue, et paraît difficile à supporter, elle n'est pas disproportionnée pour autant, au vu de la peine concrètement encourue par le cumul – s'il devait être reconnu coupable des faits reprochés – des infractions retenues en l'état (art. 34 DPMin), en particulier à la suite des événements intervenus le 15 juin 2023, alors qu'il était âgé de plus de 17 ans (art. 25 al. 2 DPMin).

Il a été retenu ci-dessus qu'une sortie sans l'accompagnement des traitements et de l'environnement préconisés par les experts psychiatres n'est pas envisageable. Dans son recours, le recourant propose, comme mesures de substitution, de résider chez son père et de se soumettre au traitement psychiatrique, mais il perd de vue que la mise en œuvre de cette solution a échoué, faute pour les intervenants médicaux, à Genève, d'accepter de le prendre en charge. Que le recourant semble désormais prendre volontairement, depuis le 8 avril 2024, des neuroleptiques n'apparaît en l'état pas suffisant – même si l'on peut saluer cette adhésion au traitement –, faute d'encadrement médical stable, puisqu'il doit semble-t-il quitter prochainement B______. Il y a lieu de mettre en place un cadre médical et psychiatrique durable avant de pouvoir envisager la sortie du recourant, étant relevé que tant la Juge des mineurs que la tutrice s'affairent à trouver une solution en vue de son retour en milieu ouvert.

Dans ce contexte, la prolongation de la détention, ordonnée jusqu'au au 22 avril 2024, ne viole pas le principe de la proportionnalité.

6.             Le recours s'avère ainsi infondé et doit être rejeté.

7.             Il n'y a pas de raison de s'écarter de la règle selon laquelle les frais de procédure sont en principe supportés par le canton (art. 44 al. 1 PPMin).

8.             Il n'y a pas lieu d'indemniser, à ce stade (cf. art. 135 al. 2 CPP), le défenseur d'office.

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Rejette le recours.

Laisse les frais de la procédure de recours à la charge de l'État.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant (soit, pour lui, son défenseur), au Juge des mineurs et au Tribunal des mesures de contrainte.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Valérie LAUBER, juges; Madame Olivia SOBRINO, greffière.

 

La greffière :

Olivia SOBRINO

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.