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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/709/2022

ACPR/210/2024 du 21.03.2024 sur OCL/49/2024 ( MP ) , IRRECEVABLE

Descripteurs : PARTIE À LA PROCÉDURE;PERSONNE PROCHE;PARTIE CIVILE;REPRÉSENTATION LÉGALE;QUALITÉ POUR AGIR ET RECOURIR
Normes : CPP.382; CPP.115; CPP.116; CPP.117; CPP.122

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/709/2022 ACPR/210/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du jeudi 21 mars 2024

 

Entre

A______, domiciliée ______, représentée par Me B______, avocate,

recourante,

 

contre l'ordonnance de classement et de refus de réquisitions de preuves rendue le 22 janvier 2024 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. Par acte expédié par messagerie sécurisée le 9 février 2024, A______ recourt contre l'ordonnance du 22 janvier 2024, notifiée le 30 suivant, par laquelle le Ministère public a classé la procédure ouverte contre C______.

La recourante conclut, préalablement, à l'octroi de l'assistance judiciaire pour la procédure de recours et, principalement, à l'annulation de l'ordonnance querellée et au renvoi de la cause au Ministère public pour qu'il complète l'instruction, puis renvoie C______ en jugement.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. La mineure D______ est née le ______ 2017 de la relation hors mariage entretenue par A______ et C______.

b. Le couple s'est séparé fin 2017. Le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (ci-après, TPAE) a confié la garde de la mineure à la mère et réservé un droit aux relations personnelles au père. Les précités sont titulaires de l'autorité parentale conjointe sur leur fille.

Procédure pénale

c.a. Le 13 décembre 2021, A______ s'est présentée à la police pour porter plainte contre C______.

La mineure lui avait déclaré, ainsi qu'à une de ses clientes, E______, que son père l'avait frappée à deux reprises durant les vacances d'octobre 2021 et qu'en outre il avait mis deux doigts dans ses fesses durant le week-end du 7-8 décembre 2021.

A______ a requis de participer à la procédure comme partie plaignante au pénal.

c.b. Par pli du 19 janvier 2022, elle a joint un signalement des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après, HUG) adressé au Service de protection des mineurs (ci-après, SPMi) faisant état des déclarations de la mineure.

d. Entendu par la police le 14 décembre 2021, C______ a contesté ces accusations et déposé plainte contre A______ pour dénonciation calomnieuse (art. 303 CP).

e. Par pli du 3 février 2022, A______ a informé le Ministère public que de nouveaux abus avaient été commis par le père de l'enfant lors de l'exercice du droit de visite du 1er février précédent, ce qui avait donné lieu à un constat médical des HUG du 2 suivant qui retenait que la mineure présentait un érythème du vestibule, de la vulve et des grandes lèvres sans saignement ni lésion cutanée ou de plaie, sans lésion de l'hymen visualisé et sans écoulement, ainsi que sans hématome et sans lésion cutanée visualisée sur le reste du corps.

L'intéressée a en outre joint des témoignages écrits décrivant divers propos et gestes de l'enfant en lien avec son père et avec les actes que celle-ci aurait subis de la part de ce dernier.

f.a. Le 4 février 2022, le Ministère public a ouvert une instruction contre C______ et A______ pour actes d'ordre sexuel avec des enfants (art. 187 CP) et voies de fait (art. 126 CP), respectivement pour dénonciation calomnieuse (art. 303 CP).

f.b. Par ordonnance du 31 mai 2022, A______ a été mise au bénéfice de la défense d'office (art. 132 CPP).

f.c. À la suite d'une plainte de A______ du 17 avril 2023 – [dans laquelle celle-ci s'est constituée partie plaignante au pénal et au civil] –, C______ s'est également vu reprocher d'avoir, le 5 précédent dans les toilettes du Point Rencontre F______, montré son sexe à sa fille, ainsi que d'avoir, à des dates indéterminées, frappée à plusieurs reprises cette dernière.

g. Le 23 février 2022, le TPAE a désigné Me G______ en qualité de curateur de D______, afin de la représenter dans la procédure pénale, au vu du conflit d'intérêts pouvant exister à l'égard de ses parents.

h. Au cours de l'instruction, le Ministère public a tenu plusieurs audiences, les 2 mars et 21 décembre 2022, ainsi que les 1er, 15 février et 4 octobre 2023, lors desquelles A______, C______, le curateur de l'enfant et divers témoins ont été entendus.

h.a. Le curateur a constitué la mineure partie plaignante tant au civil qu'au pénal.

h.b. A______ a demandé à être dispensée de comparaître lors des trois dernières audiences, lors desquelles elle a été représentée par son conseil. Elle a joint des certificats médicaux des 23 janvier et 28 septembre 2023 de la Dresse H______ desquels il ressort qu'elle présentait un état dépressif et anxieux actuellement en "acutisation". Elle n'était pas apte à être entendue, pour des raisons médicales.

i. Par ailleurs, D______ a été entendue par la police le 17 avril 2023 selon le protocole NICHD.

j. Par avis de prochaine clôture du 6 octobre 2023, le Ministère public a annoncé son intention de rendre une ordonnance de classement à l'égard de C______.

j.a. Le précité et le curateur n'ont pas formulé de réquisitions de preuves.

j.b. A______ a requis l'établissement d'une expertise de crédibilité, la production de toute main courante à l'encontre de C______ et l'audition de plusieurs personnes – qu'elle énumère – en lien avec un message vocal de la mineure adressé à sa mère, lequel comportait les passages suivants: "il a mis le zizi sur moi, vraiment je te jure" et "je te jure c'est le plus méchant du monde C______".

Procédure civile

k. Par décision superprovisionnelle du 4 février 2022, le TPAE a limité le droit de visite de C______ à 1h30 à quinzaine au Point rencontre.

l. Dans son rapport d'expertise du 21 juillet 2022, le Centre universitaire romand de médecine légale (CURML) a recommandé que l'enfant puisse vivre auprès de son père, la mère devant bénéficier d'un droit de visite, dans un premier temps dans un lieu médiatisé, le passage à un droit de visite usuel pouvant être envisagé une fois que l'intéressée serait parvenue à se dégager de ses angoisses; si toutefois elle venait à élaborer des accusations ou des allégations portant sur des maltraitances sexuelles ou physiques, son droit de visite devrait être "médiatisé". Les experts ont par ailleurs considéré que, alors que les compétences parentales du père étaient intactes, celles de la mère étaient fortement altérées par son fonctionnement psychologique singulier, la limitation de son efficience intellectuelle et par la "massivité" des angoisses quant à la relation père-fille et ses projections sur cette dernière, cette manière d'agir impactant lourdement son rôle de mère et compromettant une relation sereine, rassurante et contenante avec l'enfant.

m. Entendus le 27 septembre 2022 en présence des parties, les experts ont confirmé la teneur du rapport précité.

n. Sur préavis du SPMi du 6 mars 2023, le TPAE a, par ordonnance du 29 juin 2023 (DTAE/4990/2023), confirmé par arrêt de la Chambre de surveillance de la Cour de justice du 2 octobre 2023 (DAS/229/2023), notamment accordé à C______ la garde exclusive de sa fille et réservé à A______ un droit de visite médiatisé.

La précitée a formé recours devant le Tribunal fédéral.

C. Dans la décision querellée, le Ministère public a considéré que les faits dénoncés ne suffisaient pas à établir la culpabilité du prévenu. En effet, les déclarations des parties étaient contradictoires, le père de la mineure contestant l'intégralité des faits reprochés. Par ailleurs, les différents examens médicaux effectués sur l'enfant n'avaient pas permis d'établir de lésions ou de blessures permettant de corroborer les allégations à l'encontre du prévenu. De surcroit, les experts amenés à se pencher sur la situation de la mineure avaient préconisé que celle-ci puisse vivre auprès de son père, précisant que la mère présentait des compétences parentales fortement altérées par la "massivité" de ses angoisses quant à la relation père-fille. Compte tenu de ce qui précédait, les déclarations de la mineure devaient être considérées comme faiblement crédibles. Les actes d'instruction sollicités n'étaient pas de nature à modifier sa conviction.

D. a. À l'appui de son recours – qui ne comporte pas de développement sur son intérêt juridiquement protégé à contester l'ordonnance attaquée – A______ reproche au Ministère public d'avoir constaté les faits de manière erronée, ainsi qu'une violation des art. 318 al. 2 CPP et du principe in dubio pro duriore. L'instruction ayant fait l'économie d'une expertise de crédibilité, rien ne permettait de conclure que les déclarations de l'enfant n'étaient pas crédibles. Au contraire, les allégations de celle-ci étaient corroborées par plusieurs éléments du dossier. Par ailleurs, en se basant essentiellement sur la procédure diligentée par le TPAE pour classer les faits reprochés à C______, le Ministère public n'avait pas tenu compte des règles régissant les procédures civile et pénale.

b. À réception du recours, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

EN DROIT :

1.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement irrecevables ou mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

2.             2.1. Le recours a été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP) à l'encontre d'une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP).

2.2.1. La partie dont émane le recours doit pouvoir se prévaloir d'un intérêt juridiquement protégé à l'annulation ou à la modification de la décision (art. 382 al. 1 CPP).

Revêt la qualité de partie, le lésé qui déclare expressément vouloir participer à la procédure comme demandeur au civil ou au pénal (art. 104 al. 1 let. b et 118 al. 1 CPP). Le lésé est celui dont les droits sont directement touchés par une infraction (art. 115 al. 1 CPP).

2.2.2. Lorsqu'un curateur ad litem a été désigné à un mineur incapable de discernement, au motif que ses intérêts entrent en conflit avec ceux de ses parents (art. 306 al. 2 CC), seul celui-là est habilité à le représenter dans la procédure pénale (art. 106 al. 2 CPP), à l'exclusion de ceux-ci (art. 306 al. 3 CC).

2.2.3. Selon l'art. 116 CPP, on entend par victime, le lésé qui, du fait d'une infraction, a subi une atteinte directe à son intégrité physique, psychique ou sexuelle (al. 1). Le proche de la victime est défini à l'art. 116 al. 2 CPP. Il s'agit notamment des parents de celle-ci.

Le droit d'un proche au sens de l'art. 116 al. 2 CPP de se constituer partie plaignante implique, ce que confirme la combinaison des art. 117 al. 3 et 122 al. 2 CPP, qu'il fasse valoir des prétentions civiles propres. Pour bénéficier des droits procéduraux conférés par le CPP, ces prétentions doivent paraître crédibles au vu des allégués. Sans qu'une preuve stricte ne soit exigée, il ne suffit cependant pas d'articuler des conclusions civiles sans aucun fondement, voire fantaisistes; il faut une certaine vraisemblance que les prétentions invoquées soient fondées (ATF 139 IV 89 consid. 2.2; arrêt du Tribunal fédéral 1B_512/2022 du 17 novembre 2022 consid. 3.1). À défaut, la qualité de partie lui est déniée (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1105/2016 du 14 juin 2017 consid. 2.1 et 2.2). La jurisprudence est restrictive quant à l'allocation d'une indemnité pour tort moral (art. 49 CO) aux parents d'un enfant lésé, exigeant qu'ils soient touchés avec la même intensité qu'en cas de décès de ce dernier (ATF 139 IV 89 précité, consid. 2.4; ACPR/272/2019 du 9 avril 2019).

2.3. En l'espèce, la recourante est la mère de D______, laquelle, victime, est directement lésée par les infractions reprochées à son père. Or, la mineure est représentée par un curateur dans la procédure pénale depuis le 23 février 2022. Dans ce contexte, si la recourante, détentrice de l'autorité parentale, était habilitée à agir au nom de sa fille mineure et à la représenter, en tant que plaignante, en début de procédure (cf. art. 304 CC), elle n'est, depuis la nomination du curateur de représentation, plus légitimée à intervenir au nom et pour le compte de celle-ci et ses droits sont exercés exclusivement par le curateur. Elle ne saurait ainsi se prévaloir de la qualité de lésée en raison des infractions qui auraient été commises sur sa fille.

Par ailleurs, la recourante ne détaille nullement, dans son acte, les motifs pour lesquels elle s'estime fondée à quereller, en son nom propre, le classement des faits litigieux. À supposer que ce soit en raison de sa qualité de proche de la victime au sens de l'art. 116 al. 2 CPP, encore faudrait-il qu'elle ait déposé des conclusions civiles dans le cadre de la procédure pénale, ce qu'elle n'a pas fait. De surcroit, les certificats médicaux produits à l'appui d'une demande de dispense de comparution n'apportent aucun élément sur l'origine des troubles constatés. Quoi qu'il en soit, la recourante ne rend pas vraisemblable que les souffrances explicitées dans lesdits certificats revêtiraient un caractère exceptionnel, assimilable à la souffrance qui aurait été la sienne en cas de décès de l'enfant.

Partant, la qualité pour recourir doit lui être déniée et le recours sera déclaré irrecevable. Il n'y a pas lieu d'analyser plus amplement le bien-fondé de l'ordonnance querellée.

3. La recourante sollicite l'assistance judiciaire pour le recours.

3.1. À teneur de l'art. 136 al. 1 CPP, la direction de la procédure accorde entièrement ou partiellement l'assistance judiciaire à la partie plaignante pour lui permettre de faire valoir ses prétentions civiles lorsqu'elle est indigente et que l'action civile ne paraît pas vouée à l'échec (let. a). L'assistance judiciaire comprend, notamment, l'exonération des frais de procédure (art. 136 al. 2 let. b CPP).

3.2. En l'occurrence, au vu de l'issue du recours, celui-ci était voué à l'échec, de sorte qu'il ne sera pas entré en matière sur la requête.

4. La recourante, qui succombe, supportera les frais de la procédure, qui seront fixés en totalité à CHF 300.- pour tenir compte de sa situation financière qui n'apparaît pas favorable (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Déclare le recours irrecevable.

Rejette la demande d'assistance judiciaire pour l'instance de recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 300.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, à la recourante, soit pour elle son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Alix FRANCOTTE CONUS, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/709/2022

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

215.00

-

CHF

Total

CHF

300.00