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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/17609/2022

ACPR/131/2024 du 20.02.2024 sur ONMMP/5102/2023 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : DÉCISION D'IRRECEVABILITÉ;AVOCAT;HONORAIRES;COMPLEXITÉ DE LA PROCÉDURE
Normes : CPP.310; CPP.429

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/17609/2022 ACPR/131/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mardi 20 février 2024

 

Entre

 

A______, domicilié ______, représenté par Me B______, avocat,

recourant,

 

contre l'ordonnance de non-entrée en matière rendue le 18 décembre 2023 par le Ministère public,

 

et

 

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. Par acte expédié le 27 décembre 2023, A______ recourt contre l'ordonnance de non-entrée en matière rendue par le Ministère public le 18 précédent, notifiée le 21 décembre 2023, laquelle est muette sur la question de son indemnisation au sens de l'art. 429 al. 1 let. a CPP.

Le recourant conclut, sous suite de frais et dépens, au paiement de CHF 3'213.05 TTC, pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits pour la procédure préliminaire.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Les 22 et 29 août 2022, C______ a déposé plainte contre A______, administrateur de la société D______ SA, pour des faits susceptibles d'être constitutifs d'escroquerie, menaces et injure.

En substance, il lui reprochait de ne pas avoir payé ses honoraires et l'avoir empêché d'exercer correctement son mandat. A______ avait contacté directement ses partenaires, sans l'en informer, et avait suspendu l'accès à sa boîte e-mail. En outre, au cours d'un entretien, le dernier nommé l'avait traité de "connard" et menacé.

b. Entendu par la police le 10 mai 2023, en qualité de prévenu, A______, assisté de son avocate de choix, a contesté les faits reprochés, reconnaissant tout au plus avoir traité C______ de "loser" après que ce dernier l'avait menacé et intimidé. Pour un salaire forfaitaire mensuel, il avait engagé C______ afin qu'il l'assiste dans le développement de sa société. Celui-là devait être présent au sein de la société, mais il n'était jamais là, et avait sous-traité son travail à d'autres sociétés. Il avait bloqué la messagerie électronique D______ SA du prénommé afin de protéger sa société. Quant aux partenaires, il s'agissait de son réseau à lui.

À teneur du procès-verbal dressé à cette occasion, l'avocate du prévenu ne semble pas être intervenue durant l'audition.

C. Dans sa décision querellée, le Ministère public a décidé de ne pas entrer en matière sur la plainte au motif que les faits dénoncés n'étaient constitutifs d'aucune infraction pénale. Aucun élément au dossier ne permettait de retenir que l'infraction d'escroquerie avait été commise, en particulier, en l'absence d'une astuce et d'un dessein d'enrichissement.

Les frais de la procédure étaient laissés à la charge de l'État en application des art. 422 et 423 al. 1 CPP. Aucune mention n'était faite d'une indemnisation au sens de l'art. 429 CPP.

D. a. Dans son recours, A______ reproche au Ministère public d'avoir omis, involontairement, de l'avertir qu'il entendait rendre une ordonnance de non-entrée en matière afin de lui permettre de produire un état de frais.

Au stade du recours, il produit des notes d'honoraires pour un coût total d'activité de de son conseil de CHF 3'213.05 TTC pour la défense de ses intérêts lors de la procédure préliminaire.

b. Dans ses observations, le Ministère public conclut au rejet du recours, avec suite de frais, considérant que l'assistance d'un avocat n'était pas nécessaire et prématurée. La cause ne revêtait aucune difficulté en fait et en droit. Quand bien même A______ avait été entendu pour escroquerie, il était évident que certains éléments constitutifs faisaient défaut. En ce qui concernait les infractions de menaces et d'injures, rien au dossier ne permettait d'établir que de tels actes avaient été commis.

c. Dans sa réplique, A______ relève que l'infraction d'escroquerie était l'une des plus complexes du code pénal et la notion d'astuce l'une des plus difficiles à appréhender et qu'il était en outre prévenu de menaces. Le Ministère public ne pouvait, a posteriori, considérer que le dossier n'était pas d'une complexité particulière. D'ailleurs, a priori, l'autorité précédente ne considérait pas l'affaire simple ni évidente dans la mesure où elle avait voulu l'entendre en qualité de prévenu et non de témoin. L'absence d'intervention du conseil lors de son audition ne modifiait pas ce constat.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner un point d'une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 310 al. 2, 81 cum 320 al. 1 et 393 al. 1 let. a CPP; 128 LOJ/GE) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 115 cum 382 al. 1 CPP).

2.        2.1. La garantie du droit d'être entendu, déduite de l'art. 29 al. 2 Cst., impose à l'autorité de motiver ses décisions, afin que les parties puissent les comprendre et apprécier l'opportunité de les attaquer, et que les autorités de recours soient en mesure d'exercer leur contrôle (ATF 141 III 28 consid. 3.2.4; 136 I 229 consid. 5.2 et 135 I 265 consid. 4.3).

Une violation du droit d’être entendu peut être réparée lorsque la partie lésée a la possibilité de s'exprimer devant une autorité de recours qui jouit d'un plein pouvoir d'examen. Cela vaut également en présence d'un vice grave lorsqu’un renvoi à l’instance précédente constituerait une vaine formalité et aboutirait à un allongement inutile de la procédure, incompatible avec l'intérêt de ladite partie à ce que sa cause soit tranchée dans un délai raisonnable (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1135/2021 du 9 mai 2022 consid. 1.1).

2.2. En l'occurrence, le Ministère public ne fait aucune mention d'une indemnisation au sens de l'art. 429 CPP dans son ordonnance querellée.

Cela étant, dans le cadre de ses observations, l'autorité précédente a développé les raisons pour lesquelles elle considère que le prévenu n'a pas droit à une indemnisation pour l'exercice raisonnable de ses droits. Ainsi, dès lors que le recourant a pu, à son tour, se déterminer sur ces observations et que la Chambre dispose d'un plein pouvoir de cognition, en droit et en fait (art. 393 al. 2 CPP), l'éventuelle violation du droit d'être entendu sera considérée comme réparée.

3.             3.1. En cas de refus d'entrer en matière, le prévenu peut prétendre à l'octroi de dépens au sens de l'art. 429 al. 1 let. a CPP (ATF 139 IV 241 consid. 1).

Encore faut-il que l'assistance d'un avocat ait été nécessaire. Pour déterminer si tel est le cas, l’on gardera à l'esprit que le droit pénal (matériel et de procédure) est complexe et représente, pour des personnes qui ne sont pas habituées à procéder, une source de difficultés; celui qui se défend seul est susceptible d'être moins bien loti. L’on doit donc tenir compte, outre de la gravité de l'infraction et de la complexité de l'affaire en fait et/ou en droit, de la durée de la procédure ainsi que de son impact sur la vie personnelle et professionnelle du prévenu (ATF 142 IV 45 consid. 2.1; arrêt du Tribunal fédéral 6B_706/2021 du 20 décembre 2021 consid. 2.1.1). Par rapport à un crime ou à un délit, ce n'est qu'exceptionnellement que l'assistance d'un avocat sera considérée comme non nécessaire; cela pourrait, par exemple, être le cas lorsque la procédure fait immédiatement l'objet d'un classement après une première audition (ATF 142 IV 45 précité; arrêt du Tribunal fédéral 6B_938/2018 du 28 novembre 2018 consid. 1.1).

3.2. Le Tribunal fédéral a considéré que l’intervention d’un avocat n’avait pas lieu d’être dans les occurrences suivantes : une affaire de dommages à la propriété où le prévenu et un tiers avaient été entendus par la police, le ministère public ayant rendu, à cette suite, une ordonnance de non-entrée en matière (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1121/2014 du 29 janvier 2015 consid. 3.2 et 3.3); une procédure ouverte pour atteinte à l’honneur ayant donné lieu à deux audiences d’instruction et une tentative de conciliation, avant d’être classée (arrêt du Tribunal fédéral 6B_458/2014 du 25 septembre 2014 consid. 2.4); un cas de dommages à la propriété clos par une ordonnance de non-entrée en matière, après une seule audition du prévenu par la police (arrêt du Tribunal fédéral 6B_387/2013 du 8 juillet 2013 consid. 2.2 non publié aux ATF 139 IV 241).

3.3. En l'espèce, le recourant s'est vu reprocher la commission d'un crime et de délits (en regard des peines menaces prévues par les art. 146, 177 et 181 CP), soit d'infractions certes graves.

Pour autant, seul un acte de procédure a été administré – à savoir, son audition à la police – avant que le Ministère public rende une ordonnance de non-entrée en matière.

L'affaire ne présentait, au stade précoce de cette audition, pas de complexité particulière. En effet, les actes reprochés au prévenu étaient circonscrits et son rôle se limitait, à ce stade de la procédure, à répondre aux questions posées par la police, pour lesquelles aucune connaissance juridique n'était nécessaire. Il a d'ailleurs parfaitement été en mesure de répondre de manière claire et précise auxdites questions, qui plus est, semble-t-il sans le concours de son avocate. En outre, rien ne lui permettait de penser que sa version des faits aurait pu être considérée comme d'emblée peu crédible, s'il n'était pas assisté d'un avocat.

À cela s'ajoute que la procédure a été de courte durée, sept mois ayant séparé l'unique audition du prévenu du prononcé de l'ordonnance querellée, sans autre acte d'enquête, et que le recourant n'a fait état d'aucune répercussion de celle-là sur sa vie professionnelle et privée.

Dans ce contexte, l'intervention d'un avocat était prématurée et, partant, non nécessaire.

Le prévenu ne peut donc prétendre à ce que l'État l'indemnise pour la procédure préliminaire.

Infondé, le recours doit être rejeté.

4.             4.1. Bien que le recourant succombe, il lui a fallu recourir pour faire valoir ses moyens sur la question de son indemnisation, la Procureur ayant omis de statuer à ce propos.

Les frais de la procédure de recours seront donc laissés à la charge de l'État.

4.2. Le prévenu peut, corrélativement (ATF 144 IV 207 consid. 1.8.2), prétendre au versement de dépens.

En l'occurrence, le recourant n'a pas produit d'état de frais pour la procédure de recours, ni chiffré ses prétentions. Au vu du travail accompli, à savoir 6 pages de recours (page de garde et conclusions comprises) et 2 pages de réplique, de l'absence de complexité des questions litigieuses, et de l'issue du recours, qui a été rejeté, l'indemnité pour les frais de défense sera arrêtée, ex aequo et bono à CHF 1'077.- TVA à 7.7% incluse, correspondant à 2,5 heures d'activité au tarif appliqué par la Cour de justice au chef d'étude de CHF 400.- de l'heure (ACPR/282/2014 du 30 mai 2014).

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Laisse les frais de la procédure de recours à la charge de l'État.

Alloue à A______, à la charge de l'État, une indemnité de CHF 1'077.- (TVA 7.7% incluse).

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Alix FRANCOTTE CONUS, juges; Monsieur Xavier VALDES, greffier.

 

Le greffier :

Xavier VALDES

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).