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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/21671/2022

ACPR/115/2024 du 15.02.2024 sur ONMMP/2610/2023 ( MP ) , REJETE

Recours TF déposé le 25.03.2024, 7B_350/2024
Descripteurs : ORDONNANCE DE NON-ENTRÉE EN MATIÈRE;LÉSION CORPORELLE PAR NÉGLIGENCE;SOUPÇON
Normes : CP.125; LCR.26; LCR.27; OSR.62.al4.leta

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/21671/2022 ACPR/115/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du jeudi 15 février 2024

 

Entre

A______, domiciliée ______ (France), représentée par Me Duy-Lam NGUYEN, avocat, De-Candolle Avocats, place des Eaux-Vives 3, 1207 Genève,

recourante,

contre l'ordonnance de non-entrée en matière rendue le 29 juin 2023 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. Par acte expédié le 20 juillet 2023 par messagerie sécurisée, A______ recourt contre l'ordonnance du 29 juin 2023, notifiée le 10 juillet 2023, par laquelle le Ministère public a refusé d'entrer en matière sur sa plainte du 5 juillet 2022.

La recourante conclut à l'annulation de l'ordonnance précitée et au renvoi de la cause au Ministère public pour l'ouverture d'une instruction.

b. A______ a requis l'assistance judiciaire. À teneur du rapport du Greffe de l'assistance juridique, du 28 novembre 2023, elle n'a pas fourni tous les documents relatifs à sa situation financière. Elle a finalement versé les sûretés en CHF 1'000.- requises par la direction de la procédure.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Le 24 avril 2022 aux environs de 7h40, un accident de la route s'est produit au carrefour de la place Isaac-Mercier, à Genève, entre l'automobiliste B______, inspectrice principale, au volant d'un véhicule de service [banalisé] circulant sur le boulevard James-Fazy en direction de la Coulouvrenière, et A______, infirmière, au guidon d'un cyclomoteur léger [vélo électrique], qui circulait sur la place Isaac-Mercier en direction de la rue Voltaire. Selon le rapport de l'Inspection général des services établi le 11 octobre 2022, la cycliste s'était engagée dans le carrefour sans respecter la signalisation lumineuse, qui était à la phase rouge. Au milieu du carrefour, elle s'était soudainement arrêtée après avoir vu la voiture de B______ arriver sur sa droite. Cette dernière avait instantanément freiné et tenté en vain d'éviter par la gauche la cycliste, qu'elle avait heurtée et sérieusement blessée.

b. Les relevés du dispositif d'enregistrement de données (modèle "C______" – ci-après C______) du véhicule de B______ font état d'un freinage depuis une distance d'environ 150 mètres de l'arrêt définitif du véhicule sur 50 mètres, avec une vitesse de pointe entre 50 et 55 km/h. La voiture a ensuite redémarré, accéléré de manière constante jusqu'à atteindre un pic de vitesse de 62,8 km/h à 25,64 mètres de l'arrêt du véhicule, précédé d'une phase de freinage brusque et d'un arrêt correspondant à l'accident.

c. Les images de vidéo-surveillance de la place Isaac-Mercier dans le sens de la cycliste, versées au dossier, montrent cette dernière dépasser par la gauche deux véhicules arrêtés au feu rouge, les bras le long du corps, puis saisir soudainement son guidon et s'arrêter au milieu du carrefour à la vue du véhicule de B______. Lesdites images montrent également la signalisation lumineuse passer à la phase jaune – qui succède à la phase rouge –, pour le sens de la cycliste, au moment du heurt. Des échafaudages étaient posés sur l'immeuble sis au croisement du boulevard James-Fazy et de la place Isaac-Mercier, entravant une partie de la visibilité de l'automobiliste. La police ne dispose d'aucune image permettant de voir la phase de signalisation lumineuse sur le boulevard James-Fazy afin de déterminer à quel moment B______ avait franchi le carrefour, et les images de vidéosurveillance d'un tramway ne permettaient pas de voir le déroulement de l'accident, ni les phases des signalisations lumineuses de l'intersection.

d. Il ressort du plan des feux du carrefour de la place Isaac-Mercier que le temps durant lequel les deux feux étaient en phase rouge était d'une seconde, le passage de la phase rouge à la phase verte dans le sens emprunté par B______ de trois secondes et celui dans le sens emprunté par A______ de deux secondes.

e. La police a procédé à plusieurs auditions.

e.a. Le 24 avril 2022, B______ a contesté avoir roulé à une vitesse excessive. Elle avait franchi l'intersection à la phase jaune de la signalisation et avait alors aperçu une cycliste circulant sur la place. Elle avait freiné et tenté une manœuvre d'évitement à gauche, sans pouvoir éviter le heurt. Après le choc, elle s'était enquise de l'état de la cycliste et avait constaté qu'une des collègues de la précitée se trouvait sur place.

e.b. Le même jour, le témoin D______, wattman aux commandes d'un tram circulant depuis la gare Cornavin en direction du pont de la Coulouvrenière, soit dans la même direction que B______, a déclaré s'être arrêté à l'intersection entre le boulevard James-Fazy et la rue Bautte, car la signalisation lumineuse était en phase rouge pour le tram et les véhicules privés. À peine avaient-ils démarré que la signalisation du carrefour suivant, soit celui de la place Isaac-Mercier, était passée à la phase orange. Il avait alors vu le véhicule de B______ accélérer "comme [pour] passer la ligne d'arrêt avant la phase rouge". Depuis sa position, il lui semblait que ledit véhicule avait franchi cette ligne à la phase rouge, mais ne pouvait en être certain au vu de sa position, à plus de vingt mètres du carrefour.

e.c. Le témoin E______ a déclaré qu'il circulait sur la place Isaac-Mercier en direction de la rue Voltaire, en deuxième position sur la voie de droite. Il n'avait pas retenu la plaque d'immatriculation du véhicule qui le précédait. Une cycliste l'avait dépassé sur la voie de gauche à environ 15 ou 20 km/h, pour traverser l'intersection, franchie sans freiner ni ralentir, alors que la signalisation était à la phase rouge. Concentré sur la cycliste, il n'avait pas vu le véhicule automobile arriver avant le choc.

e.d. Le témoin F______, policier, qui circulait au volant de son véhicule automobile privé sur le boulevard James-Fazy, soit dans le sens emprunté par le véhicule de B______, a déclaré ne pas avoir vu la phase de signalisation lumineuse à laquelle le véhicule de B______ – qui semblait ne pas rouler à une vitesse excessive et circulait sur la voie se trouvant à sa gauche – avait franchi la ligne d'arrêt, hormis qu'il ne s'agissait pas de la phase verte. En effet, lui-même avait décéléré lorsqu'il avait vu le feu passer à la phase jaune et regardé son tableau de bord. Lors de l'impact, la signalisation lumineuse dans son sens de marche était à la phase rouge. Il avait vu la cycliste arriver par la gauche peu avant l'impact, précisant que les travaux à hauteur du numéro 6 du boulevard James-Fazy entravaient une grande partie de la visibilité.

e.e. Les 17 juin et 5 juillet 2022, A______, qui s'est constituée partie plaignante, a admis, après avoir visionné une vidéo de l'accident, avoir franchi la ligne à la phase rouge de la signalisation. Elle ne portait pas de casque, qu'elle avait oublié. L'accident lui avait causé une commotion cérébrale, des hématomes, des points de suture, une fracture de l'oreille interne et des contusions sur l'oreille droite.

C. Dans sa décision querellée, le Ministère public retient que B______ avait franchi l'intersection sans accélération, alors que le signal lumineux était à la phase jaune, tandis que A______ avait franchi l'intersection alors que le signal lumineux était pour elle à la phase rouge. Par ailleurs, la vitesse de la première n'était pas excessive, dès lors qu'en cas de "poursuite", une déduction de 14 km/h devait être opérée sur la vitesse enregistrée par le C______. Il ne pouvait dès lors être reproché aucune faute à B______. Partant, les conditions pour retenir l'infraction de lésions corporelles simples par négligence n'étaient pas réalisées.

D. a. Dans son recours, A______ soutient que le Ministère public a abusé de son pouvoir d'appréciation et constaté les faits de manière incomplète et erronée. Il n'avait pas sollicité l'audition de l'infirmière conduisant "la première voiture à l'arrêt à la place Isaac-Mercier en direction de la rue Voltaire". La police n'aurait pas jugé son témoignage crédible car elle était sa collègue, toutes deux travaillant [auprès de] G______, mais elle n'avait aucun contact avec cette dernière. Or, son témoignage était crucial, car elle était "aux premières loges" De plus, le témoignage de F______ avait été retenu alors que le précité était un collègue de la mise en cause. Le Ministère public n'avait pas non plus tenu compte du témoignage du wattman, pourtant corroboré par les relevés du C______ indiquant deux accélérations, dont la seconde avait débuté alors que le feu de signalisation était jaune et que le véhicule se trouvait à 87 mètres de son point d'arrêt, laissant ainsi à B______ le temps de s'arrêter au feu et montrant que le passage du carrefour avait été réalisé à la signalisation rouge. Il avait également faussement retenu que la vitesse du véhicule conduit par la précitée ne dépassait pas 50 km/h, malgré la distance du freinage d'urgence de 21,54 mètres, qui indiquait une vitesse bien supérieure. Le Ministère public n'avait pas demandé aux témoins de la scène si la chaussée était sèche ou humide, se contentant de reprendre la version du rapport de police. Enfin, le dommage qu'elle avait subi, à savoir une perte de vision partielle et définitive ainsi que d'importantes céphalées et des pertes de mémoire, étaient constitutives de lésions corporelles graves.

Elle a produit un bulletin météo du 24 avril 2022 à Genève, indiquant du brouillard en début de matinée et une humidité dans l'air en moyenne de 95%, et diverses études rapportées par le Bureau de prévention des accidents relatives aux corrélations entre la vitesse d'un véhicule et sa distance de freinage, ainsi que la probabilité pour un piéton de décéder d'une collision frontale.

b. Dans ses observations, le Ministère public conclut, sous suite de frais, au rejet du recours. L'existence d'un véhicule ayant précédé celui de E______ n'avait pas de pertinence, dès lors qu'en raison de leur direction, les conducteurs n'avaient pu voir la phase de signalisation lumineuse en vigueur pour B______. Par ailleurs, seule une accélération est enregistrée sur le C______, 99 mètres avant le heurt – ce qui correspondait au redémarrage du véhicule arrêté à une intersection – avant un freinage à 25.64 mètres du lieu d'impact, le pic de vitesse étant de 62.8 km/h, dont il convenait de déduire 14 km/h en application de l'art. 8 al. 2 let. c OOCCR-OFROU. À cet égard, les statistiques produites concernant les distances de freinage – fondées sur des conditions de chaussée sèche – ne se rapportaient pas aux conditions météorologiques humides du jour de l'accident ni ne tenaient compte d'autres facteurs (pneumatique, état des freins ou adhérence à la route), de sorte que la distance de freinage enregistrée par le C______ ne permettait pas de déduire à elle seule la vitesse effective de B______. Enfin, le degré de gravité des lésions de A______ n'était pas pertinent pour apprécier une éventuelle faute de circulation commise par B______.

c. Dans sa réplique, A______ fait valoir que l'automobiliste (infirmière) devant le véhicule de E______ était en mesure de voir les feux de circulation de toute l'intersection et de confirmer l'éventuelle accélération de B______. Le fait de ne pas l'avoir interrogée constituait une violation de l'art. 310 al. 1 CPP. Par ailleurs, les relevés du C______ permettaient de distinguer deux accélérations distinctes, ce qui était corroboré par les témoignages du wattman et de F______. À cet égard, aucune analyse dudit relevé n'ayant été réalisée à partir du moment où la signalisation était passée à la phase verte à l'intersection du boulevard James-Fazy et de la rue Bautte jusqu'à l'impact, notamment afin de déterminer si un véhicule pouvait passer les deux feux de signalisation à la phase verte à une vitesse constante de 50 km/h. De plus, les relevés du C______ indiquaient que B______ se trouvait à une distance de 78,9 mètres de l'arrêt final du véhicule à 7h:40':47'', soit au moment où la signalisation serait passée à la phase jaune. Enfin, le Ministère public n'avait entrepris aucune mesure d'investigation concernant les facteurs permettant de déterminer la distance de freinage, tels que l'état des freins ou celui des pneumatiques.

 

EN DROIT :

1.             1.1. Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP), et émaner de la plaignante qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

1.2. Les pièces nouvelles produites par la recourante devant la Chambre de céans sont recevables (arrêt du Tribunal fédéral 1B_368/2014 du 5 février 2015 consid. 3.2 in fine).

2.             La recourante reproche au Ministère public une constatation erronée des faits (art. 393 al. 2 let. b CPP). Dès lors que la Chambre de céans jouit d'un plein pouvoir de cognition en droit et en fait (art. 393 al. 2 CPP; ATF 137 I 195 consid. 2.3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1B_524/2012 du 15 novembre 2012 consid. 2.1.), les éventuelles constatations incomplètes ou inexactes du Ministère public auront été corrigées dans l'état de fait établi ci-devant.

Partant, ce grief sera rejeté.

3.             La recourante reproche au Ministère public de n'être pas entré en matière sur sa plainte pénale pour violation de l'art. 125 CP.

3.1.       Le ministère public rend immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière s'il ressort de la dénonciation ou du rapport de police que les éléments constitutifs de l'infraction ou les conditions à l'ouverture de l'action pénale ne sont manifestement pas réunis (art. 310 al. 1 let. a CPP).

Conformément à cette disposition, la non-entrée en matière est justifiée lorsque la situation est claire sur le plan factuel et juridique. Tel est le cas lorsque les faits visés ne sont manifestement pas punissables, faute, de manière certaine, de réaliser les éléments constitutifs d'une infraction, ou encore lorsque les conditions à l'ouverture de l'action pénale font clairement défaut. Au stade de la non-entrée en matière, on ne peut admettre que les éléments constitutifs d'une infraction ne sont manifestement pas réalisés que lorsqu'il n'existe pas de soupçon suffisant conduisant à considérer un comportement punissable ou lorsqu'un éventuel soupçon initial s'est entièrement dissipé. En revanche, si le rapport de police, la dénonciation ou les propres constatations du ministère public amènent à retenir l'existence d'un soupçon suffisant, il incombe en principe à ce dernier d'ouvrir une instruction (art. 309 al. 1 let. a CPP). Cela implique que les indices de la commission d'une infraction soient importants et de nature concrète, ce qui n'est pas le cas de rumeurs ou de suppositions. Le soupçon initial doit reposer sur une base factuelle plausible, laissant apparaître la possibilité concrète qu'une infraction ait été commise (ATF 141 IV 87 consid. 1.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_196/2020 du 14 octobre 2020 consid. 3.1). Dans le doute, lorsque les conditions d'une non-entrée en matière ne sont pas réalisées avec une certitude absolue, l'instruction doit être ouverte (arrêt 6B_196/2020 précité ; ATF 143 IV 241 consid. 2.2.1 ; ATF 138 IV 86 consid. 4.1 ; ATF 137 IV 219 consid. 7).

3.2.1. L'art. 125 CP réprime le comportement de celui qui, par négligence, aura fait subir à une personne une atteinte à l'intégrité corporelle ou à la santé. Elle suppose la réalisation de trois conditions : une négligence, une atteinte à l'intégrité physique et un lien de causalité naturelle et adéquate entre ces deux éléments.

La négligence est l'imprévoyance coupable commise par celui qui, ne se rendant pas compte des conséquences de son acte, agit sans user des précautions commandées par les circonstances et sa situation personnelle (art. 12 al. 3 CP).

Deux conditions doivent être remplies pour qu'il y ait négligence. En premier lieu, il faut que l'auteur viole les règles de la prudence, c'est-à-dire le devoir général de diligence institué par la loi pénale, qui interdit de mettre en danger les biens d'autrui pénalement protégés contre les atteintes involontaires. Un comportement dépassant les limites du risque admissible viole le devoir de prudence s'il apparaît qu'au moment des faits, son auteur aurait dû, compte tenu de ses connaissances et de ses capacités, se rendre compte de la mise en danger d'autrui (ATF 136 IV 76 consid. 2.3.1). Pour déterminer le contenu du devoir de prudence, il faut donc se demander si une personne raisonnable, dans la même situation et avec les mêmes aptitudes que l'auteur, aurait pu prévoir, dans les grandes lignes, le déroulement des événements et, le cas échéant, quelles mesures elle pouvait prendre pour éviter la survenance du résultat dommageable (ATF 134 IV 255 consid. 4.2.3). Lorsque des prescriptions légales ou administratives ont été édictées dans un but de prévention des accidents, ou lorsque des règles analogues émanant d'associations spécialisées sont généralement reconnues, leur violation fait présumer la violation du devoir général de prudence (ATF 143 IV 138 consid. 2.1 ; 135 IV 56 consid. 2.1;
134 IV 255 consid. 4.2.3). Dans le domaine du trafic routier, il convient de se référer aux règles de la circulation routière (ATF 122 IV 133 consid. 2a). En second lieu, la violation du devoir de prudence doit être fautive, c'est-à-dire qu'il faut pouvoir reprocher à l'auteur une inattention ou un manque d'effort blâmable (ATF 135 IV 56 consid. 2.1 ; 134 IV 255 consid. 4.2.3).

3.2.2. Conformément au principe de la confiance découlant de la règle générale de l'art. 26 al. 1 LCR, tout usager de la route qui se comporte conformément aux règles établies, doit pouvoir, dans la mesure où aucune circonstance particulière ne s'y oppose, admettre que les autres participants à la circulation routière se conduiront également de façon conforme aux règles, c'est-à-dire qu'ils ne le gêneront pas et ne le mettront pas en danger (ATF 143 IV 138 consid. 2.1 ; 125 IV 83 consid. 2b).

3.2.3. En application de l'art. 27 al. 1 LCR, chacun se conformera aux signaux et aux marques ainsi qu'aux ordres de la police. Les signaux et les marques priment les règles générales ; les ordres de la police ont le pas sur les règles générales, les signaux et les marques.

Selon l'art. 68 al. 4 let. a de l'ordonnance sur la signalisation routière (OSR ; RS 741.21), le feu jaune signifie, s’il succède au feu vert, arrêt pour les véhicules qui peuvent encore s’arrêter avant l’intersection.

Cette obligation vaut sans restriction. Il s'agit d'une prescription essentielle pour la sécurité du trafic. Lorsque le signal jaune apparaît, seul celui qui ne peut plus s'arrêter avant l'intersection ou ne peut le faire qu'en freinant brusquement est autorisé à continuer sa route (ATF 118 IV 84 consid. 2b = JdT 1992 I 759).

3.2.4. À teneur de l'art. 4a OCR, la vitesse maximale générale des véhicules peut atteindre, lorsque les conditions de la route, de la circulation et de visibilité sont favorables, 50 km/h dans les localités.

Selon l'art. 8 al. 2 let. c de l'ordonnance de l’OFROU concernant l’ordonnance sur le contrôle de la circulation routière (OCCR-OFROU ; RS 741.013.1), il convient de déduire 14 km/h de la vitesse enregistrée, lorsqu'il s’agit d'un tachygraphe ou d'un enregistreur de données ou de fin de parcours (art. 102 OETV).

3.3. En l'espèce, il est constant que la recourante, cycliste, n'a pas respecté la signalisation lumineuse dans son sens de marche et a traversé la ligne d'arrêt à la phase rouge, commettant ainsi une faute. Elle s'est ainsi retrouvée au milieu du carrefour à un moment où elle ne devait pas y être, les véhicules dans sa direction n'étant pas autorisés à circuler.

De son côté, la mise en cause, automobiliste, a déclaré avoir franchi la ligne d'arrêt alors que le feu de signalisation était en phase jaune. La recourante soutient que la précitée aurait passé le feu à la phase rouge, mais cette affirmation ne repose sur aucun élément objectif de la procédure. Le wattman a fait part de son impression, mais a immédiatement précisé qu'il n'était pas sûr que la conductrice avait franchi la ligne d'arrêt à la phase rouge, au vu de la distance qui le séparait desdits feux. L'autre témoin (F______), qui circulait dans le même sens que la mise en cause, n'a pas vu à quelle phase l'automobile avait passé la ligne d'arrêt, et le plan des feux du carrefour ne permet pas, par déduction, d'établir ce fait. Faute de caméra de surveillance sur ce tronçon, rien au dossier ne permet de mettre en doute les déclarations de la conductrice.

La recourante reproche au Ministère public de ne pas avoir procédé à l'audition de la conductrice du véhicule qui précédait celui du témoin E______. Or, le nom de cette personne ne figure pas au dossier, et sa présence n'est évoquée que par le témoin précité, qui a fait état d'un véhicule le précédant, sans pouvoir en donner le numéro d'immatriculation, et par la mise en cause, qui a signalé qu'une collègue de la cycliste se trouvait sur place après le heurt. Quoi qu'il en soit, on ne voit pas ce que cet éventuel témoin pourrait apporter à la procédure, puisqu'il se trouvait sur la même voie de circulation (place Isaac-Mercier en direction de la rue Voltaire) que celle empruntée par la recourante, soit celle pour laquelle les images de la vidéosurveillance figurent au dossier. Elle n'a donc pas pu voir à quelle phase se trouvaient les feux de signalisation sur le tronçon emprunté par la mise en cause.

La recourante souligne par ailleurs l'existence de deux accélérations enregistrées par le véhicule de service de la mise en cause. Ces deux phases d'accélération s'expliquent toutefois, conformément au déroulement des faits exposés par le wattman, par l'arrêt à un premier feu (précédé d'une accélération et d'un freinage), puis de l'accélération en direction du deuxième feu, pour finalement passer à la phase jaune de la signalisation lumineuse du carrefour où s'est produit l'accident. On ne peut donc rien tirer de cette information, puisque la première accélération, précédant les premiers feux de signalisation routière, ne joue aucun rôle ici.

La recourante soutient également que la mise en cause circulait à une vitesse excessive – 62.8 km/h – au moment où elle s'est engagée dans le carrefour, raison pour laquelle elle n'avait pas pu s'arrêter plus rapidement, et, donc, éviter le heurt. Il convient toutefois, selon l'art. 8 al. 2 let. c OOCCR-OFROU, de déduire 14 km/h de la vitesse maximale enregistrée – même lorsqu'il ne s'agit pas d'une "poursuite" –, de sorte qu'on ne saurait reprocher à la mise en cause d'avoir circulé à une vitesse trop élevée.

La recourante souhaite enfin que soit instruit l'état de la chaussée le jour de l'accident. On ne voit toutefois pas en quoi cet élément serait de nature à modifier l'issue du litige. La chaussée était humide, selon les informations fournies par le rapport de police, qu'aucun élément ne permet de mettre en doute. La mise en cause, après avoir franchi la ligne d'arrêt à une vitesse autorisée, a effectué un freinage d'urgence – ce qui est attesté par les données du C______ et les témoignages –, en raison de la présence inopinée de la recourante au milieu de l'intersection. Dans ces circonstances, le nombre de mètres qui ont été nécessaires pour l'arrêt du véhicule de la mise en cause ne saurait être reproché à cette dernière.

La recourante reproche à la mise en cause de ne pas s'être arrêtée au feu lorsqu'il est passé à la phase jaune. Certes, il n'y a pas de compensation des fautes en droit pénal (cf. ATF 122 IV 17 consid. 2c/bb). Toutefois, la loi autorise le franchissement d'une signalisation lumineuse à la phase jaune dans certaines conditions (cf. consid. 3.2.3. supra), qui paraissent remplies ici puisque, à teneur du témoin F______, qui a ralenti lorsque le feu est passé à la phase jaune, le véhicule de la mise en cause était, à ce moment-là, plus avancé dans la circulation.

On ne saurait donc reprocher à la mise en cause une imprévoyance coupable, tandis que la recourante a, sciemment, franchi un carrefour alors que la signalisation routière était à la phase rouge, de sorte qu'elle s'est retrouvée sur le chemin de la mise en cause.

Par conséquent, les faits, suffisamment clairs, autorisaient le Ministère public à ne pas entrer en matière.

4.             Le recours est dès lors infondé et sera rejeté.

5.             La recourante demande à être mise au bénéfice de l'assistance judiciaire.

5.1. L'art. 136 al. 1 CPP soumet le droit à l'assistance judiciaire à la partie plaignante à deux conditions : la partie plaignante doit être indigente (let. a) et l'action civile ne doit pas paraître vouée à l'échec (let. b).

5.2. En l'espèce, la recourante – qui a versé l'avance de frais requise après avoir déposé une demande d'assistance judiciaire – n'a, d'une part, pas fourni les documents permettant d'établir sa situation financière, de sorte que son indigence n'est pas établie, et n'obtient, d'autre part, pas gain de cause, ce qui voue à l'échec son action civile.

La demande d'assistance judiciaire sera dès lors rejetée.

6. La recourante, qui succombe, supportera les frais envers l'État, qui seront fixés à CHF 1'000.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP; E 4 10.03).

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Rejette le recours.

Rejette la demande d'assistance judiciaire gratuite.

 

Met à la charge de A______ les frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 1'000.- et dit qu'ils seront prélevés sur les sûretés versées.

 

Notifie le présent arrêt, en copie, à la recourante (soit pour elle son conseil) et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Françoise SAILLEN AGAD, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/21671/2022

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

915.00

Total

CHF

1'000.00