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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/26732/2022

ACPR/105/2024 du 13.02.2024 sur OMP/10217/2023 ( MP ) , REJETE

Recours TF déposé le 21.03.2024, 7B_330/24
Descripteurs : PARTIE À LA PROCÉDURE;REPRÉSENTATION LÉGALE;PLAIGNANT
Normes : CPP.116; CPP.117; CP.122

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/26732/2022 ACPR/105/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mardi 13 février 2024

 

Entre

A______, domiciliée ______ [GE], agissant en personne,

recourante,

contre l'ordonnance de refus de qualité de partie plaignante rendue le 1er juin 2023 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. Par acte expédié le 13 juin 2023, A______ recourt contre l'ordonnance du 1er juin précédent, communiquée par pli simple, par laquelle le Ministère public lui a refusé la qualité de partie plaignante dans la présente cause.

La recourante conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de l'ordonnance querellée et cela fait, à l'ouverture d'une instruction et à ce que la qualité de partie plaignante lui soit reconnue, "à titre de proche en vue de faire valoir ses droits de partie civile".

Elle sollicite également l'octroi de l'assistance judiciaire pour la procédure de recours.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Le 15 décembre 2022, A______ a déposé plainte contre son ex-époux, B______, à la suite d'une "violente agression physique" commise le 4 précédent, au domicile du prénommé, par celui-ci sur leur fille, C______, née le ______ 2009.

Au terme de sa plainte, A______ s'est constituée partie civile, au vu du dommage et de la "profonde" souffrance morale subis en lien avec ces faits.

b. Le 4 décembre 2022, C______ a été examinée au Service d'accueil et d'urgences pédiatriques des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après, HUG). Au personnel soignant, elle a expliqué que son père – alcoolisé – lui avait demandé de lui remettre son téléphone portable, ce qu'elle avait refusé. Il s'était énervé et avait tenté de le lui prendre de force. Une bagarre s'en était suivie, au cours de laquelle elle avait été projetée au sol et s'était cognée la tête contre une table basse, ce qui lui avait causé une vision floue pendant plusieurs secondes. Tandis qu'elle était au sol, son père lui avait encore donné entre 1 et 5 coups de poing ou de coude, puis lui avait serré le cou avec son avant-bras. Elle avait réussi à se dégager et s'était enfermée dans la salle de bain avant de téléphoner à sa mère qui avait appelé la police. Elle s'est plainte de douleurs abdominales diffuses, disparues après la prise d'un antalgique, ainsi que de légère céphalées frontales sans symptômes neurologiques. L'examen clinique a notamment mis en évidence quatre petites dermabrasions, trois au niveau de la main droite et une sur la cuisse droite. Il n'y avait pas d'hématome. Son état général était bon. À sa sortie de l'hôpital le lendemain, elle a été placée en foyer d'urgence.

c. Le 19 décembre 2022, le Ministère public a transmis la plainte à la police pour complément d'enquête.

d. Le 20 décembre 2022, le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (ci-après, TPAE) a désigné Me D______ en qualité de curatrice de représentation de C______, afin de la représenter dans la procédure pénale, au vu du conflit d'intérêts pouvant exister à l'égard de ses parents.

e. Par pli du 21 décembre 2022, la curatrice a constitué C______ partie plaignante tant au civil qu'au pénal.

f.a. Par lettre du 24 avril 2023, le Ministère public a informé A______ de la nomination d'une curatrice pour la défense des intérêts de C______, curatrice qui s'était également portée partie plaignante pour sa protégée. Dans ce contexte, il considérait que la première citée n'était pas directement touchée par les infractions reprochées à B______, en tant qu'elles concernaient les lésions en cause, de sorte qu'une ordonnance de refus de qualité de partie plaignante la concernant serait prochainement rendue. Un délai de dix jours lui était imparti pour lui faire part de ses éventuelles observations.

f.b. A______ n'a pas donné suite à ce courrier.

C. Dans l'ordonnance querellée, le Ministère public considère que seule la curatrice nommée pour défendre les intérêts de C______ était habilitée à la représenter dans la procédure pénale (art. 106 al. 2 CPP). De plus, il n'apparaissait pas que A______ puisse faire valoir des prétentions civiles propres. Dans ces circonstances, la qualité de partie plaignante devait lui être déniée. L'enfant, quant à elle, conservait sa qualité de partie plaignante et était désormais représentée par sa curatrice.

D. a. Dans son recours, A______ allègue un déni de justice, une constatation arbitraire et inexacte des faits pertinents, ainsi qu'une violation de son droit d'être entendue. Elle reproche tout d'abord au Ministère public son interprétation des art. 115 ss CPP. L'intervention de la curatrice, limitée, ne lui enlevait nullement ses droits, en tant que "proche" de la victime. Elle avait, en outre, d'emblée annoncé dans sa plainte sa constitution de partie civile, compte tenu du dommage subi et de la "souffrance morale profonde infligé (sic)" par le mis en cause. Afin de satisfaire à l'exigence légale d'une conclusion civile, elle réclamait dans son écriture de recours CHF 1.- à titre de réparation morale.

Elle fait ensuite grief à l'autorité intimée de n'avoir aucunement statué sur les faits dénoncés dans sa plainte, pourtant établis et constitutifs d'une infraction visée aux art. 122 ss CP, ni d'avoir entendu sa fille et elle-même, au seul motif que la qualité de partie plaignante devait lui être déniée.

b. À réception, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

 

EN DROIT :

1.             1.1. Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (385 al. 1 et 396 al. 1 CPP) – les formalités de notification (art. 85 al. 2 CPP) n'ayant pas été observées –, concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner d'une personne qui s'est vu refuser la qualité de partie plaignante et qui a donc qualité pour recourir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée du Ministère public (art. 104 al. 1 let. b, 118 et 382 al. 1 CPP).

1.2. Tel n'est en revanche pas le cas de la conclusion tendant à l'extension de la présente procédure à une infraction aux art. 122 ss CP, puisqu'elle excède l'objet du recours, expressément limité, à teneur de l'ordonnance querellée, à la question de l'admissibilité de la qualité de partie plaignante de la recourante. Ainsi, faute de décision préalable du Ministère public sur le fond de la cause, le recours est irrecevable sur ce point (art. 393 al. 1 let. a CPP; ACPR/536/2023 du 18 juillet 2023 consid. 6.2.1). Il s'ensuit que c'est sans violer la loi que le Ministère public n'a pas statué, dans l'ordonnance querellée, sur une éventuelle infraction aux art. 122 et ss CP, cet aspect n'étant pas le sujet de la décision. Aussi, les griefs de déni de justice et de violation du droit d'être entendu de la recourante – en lien avec les faits dénoncés dans sa plainte – tombent-ils à faux.

2. À bien la comprendre, la recourante déplore une constatation incomplète et erronée des faits.

Dès lors que la Chambre de céans jouit d'un plein pouvoir de cognition en droit et en fait (art. 393 al. 2 CPP; ATF 137 I 195 consid. 2.3.2), les éventuelles constatations incomplètes ou inexactes du Ministère public auront été corrigées dans l'état de fait établi ci-devant.

Partant, ce grief sera rejeté.

 

3. La recourante reproche ensuite au Ministère public de lui avoir dénié la qualité de partie plaignante à titre personnel, en sa qualité de proche.

3.1. Selon l'art. 116 CPP, on entend par victime, le lésé qui, du fait d'une infraction, a subi une atteinte directe à son intégrité physique, psychique ou sexuelle (al. 1). Le proche de la victime est défini à l'art. 116 al. 2 CPP. Il s'agit notamment des parents de celle-ci.

Le droit d'un proche au sens de l'art. 116 al. 2 CPP de se constituer partie plaignante implique, ce que confirme la combinaison des art. 117 al. 3 et 122 al. 2 CPP, qu'il fasse valoir des prétentions civiles propres. Pour bénéficier des droits procéduraux conférés par le CPP, ces prétentions doivent paraître crédibles au vu des allégués. Sans qu'une preuve stricte ne soit exigée, il ne suffit cependant pas d'articuler des conclusions civiles sans aucun fondement, voire fantaisistes; il faut une certaine vraisemblance que les prétentions invoquées soient fondées (ATF 139 IV 89 consid. 2.2; arrêt du Tribunal fédéral 1B 512/2022 du 17 novembre 2022 consid. 3.1). À défaut, la qualité de partie lui est déniée (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1105/2016 du 14 juin 2017 consid. 2.1 et 2.2). La jurisprudence est restrictive quant à l'allocation d'une indemnité pour tort moral (art. 49 CO) aux parents d'un enfant lésé, exigeant qu'ils soient touchés avec la même intensité qu'en cas de décès de ce dernier (ATF 139 IV 89 précité, consid. 2.4; ACPR/272/2019 du 9 avril 2019).

3.2. En l'espèce, il est constant que l'enfant est directement lésée par l'infraction reprochée à son père, soit une atteinte à l'intégrité corporelle. Elle est représentée par une curatrice depuis le 20 décembre 2022.

Dans ce contexte, si la recourante était habilitée à agir au nom de sa fille mineure et à la représenter, en tant que plaignante, en début de procédure (art. 304 CC ; (L. MOREILLON / A. PAREIN-REYMOND, Petit commentaire du code de procédure pénale, 2e éd., Bâle 2016, n. 6 et 7 ad art. 106), elle n'est, depuis la nomination du curateur de représentation, plus légitimée à intervenir au nom et pour le compte de sa fille dont les droits sont désormais exercés exclusivement par la curatrice (cf. ACPR/272/2019 précité consid. 2.3). Elle ne peut donc pas se prévaloir de la qualité de lésée en raison des infractions qui auraient été commises sur sa fille.

La recourante revendique la qualité de partie plaignante aussi à titre personnel, en sa qualité de proche, étant selon elle directement lésée par les faits dénoncés.

Or, durant la procédure, initiée en décembre 2022, la recourante n'a fait valoir aucune conclusion civile propre, ne donnant du reste pas suite à la missive du Ministère public du 24 avril 2023 l'informant considérer qu'elle n'était pas directement lésée par les faits dénoncés et l'invitant à lui faire part de ses éventuelles observations sur ce point, respectant ainsi pleinement son droit d'être entendue. Dans son recours, la recourante s'est limitée, malgré l'exigence de faire valoir des conclusions civiles propres, à réclamer un montant de CHF 1.- pour le dommage subi et la souffrance morale profonde infligée par le mis en cause, sans autres développements. Elle n'a, en outre, produit aucune pièce susceptible d'attester de ses dires. Il faut donc retenir qu'alors qu'elle était en mesure, plusieurs mois après le dépôt de sa plainte, d'énoncer la nature de ses prétentions civiles propres, elle ne l'a pas fait ni n'a d'ailleurs rendu son dommage à tout le moins vraisemblable. De plus, elle ne démontre pas avoir subi, du chef du comportement prêté au mis en cause, des souffrances morales revêtant un caractère exceptionnel, comparables à celles qui auraient été les siennes en cas de décès de son enfant.

Par conséquent, c'est à bon droit que le Ministère public a dénié à la recourante la qualité de partie plaignante, ce que la Chambre de céans pouvait trancher sans échange d'écritures ni débats (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP).

4. Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée.

5. La recourante sollicite l'octroi de l'assistance judiciaire pour la procédure de recours.

5.1. À teneur de l'art. 136 al. 1 CPP, la direction de la procédure accorde entièrement ou partiellement l'assistance judiciaire à la partie plaignante pour lui permettre de faire valoir ses prétentions civiles lorsqu'elle est indigente (let. a) et que l'action civile ne paraît pas vouée à l'échec (let. b).

Selon l'al. 2 de cet article, l'assistance judiciaire comprend l'exonération d'avances de frais et de sûretés (let. a), l'exonération des frais de procédure (let. b) et la désignation d'un conseil juridique gratuit, lorsque la défense des intérêts de la partie plaignante l'exige (let. c).

Le législateur a ainsi sciemment limité l'octroi de l'assistance judiciaire aux cas où le plaignant peut faire valoir des prétentions civiles (Message du Conseil fédéral du 21 décembre 2005 relatif à l'unification du droit de la procédure pénale, FF 2006 1057, p. 1160 ; arrêt du Tribunal fédéral 1B_522/2020 du 11 janvier 2021 consid. 5.1 et références citées).

5.2. En l'espèce, point n'est besoin d'examiner si la recourante remplit les conditions de l'indigence. Ses prétentions civiles étant d'emblée vouées à l'échec, pour les raisons exposées au considérant 3.2 ci-avant, elle ne remplit quoi qu'il en soit pas les conditions à l'octroi de l'assistance judiciaire.

La requête ne peut dès lors qu'être rejetée.

6. La recourante, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 800.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

Le refus de l'assistance juridique sera, quant à lui, rendu sans frais (art. 20 RAJ).

* * * * *

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours, dans la mesure de sa recevabilité.

Rejette la demande d'assistance juridique gratuite.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 800.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, à A______ et au Ministère public.

Siégeant :

Monsieur Christian COQUOZ, président; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Madame Olivia SOBRINO, greffière.

 

La greffière :

Olivia SOBRINO

 

Le président :

Christian COQUOZ

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/26732/2022

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

715.00

Total

CHF

800.00