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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/817/2020

ACPR/109/2024 du 13.02.2024 ( MP ) , ADMIS

Descripteurs : DROIT D'OBTENIR UNE DÉCISION;RETARD INJUSTIFIÉ;MISE EN ACCUSATION;ENFANT;MINORITÉ(ÂGE)
Normes : CPP.117; CPP.122; Cst.29; CPP.5

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/817/2020 ACPR/109/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mardi 13 février 2024

 

Entre

La mineure A______ représentée par ses parents B______ et C______, domiciliés ______ [GE], représentés par Me D______, avocate,

recourante,

 

pour déni de justice et retard injustifié du Ministère public,

 

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


Vu :

- le recours formé le 4 décembre 2023 au nom de B______ et C______, parents de A______, pour déni de justice et retard injustifié, par lequel il est fait grief au Ministère public, sous suite de dépens, chiffrés à CHF 1'938.60, d'avoir tardé à renvoyer E______ en jugement pour des actes d'ordre sexuel commis sur leur fille ;

- les observations du Ministère public du 18 décembre 2023, qui informe avoir renvoyé le prévenu en jugement le 5 décembre 2023 ;

- la réplique de B______ et C______ qui confirment le renvoi en jugement et renoncent à formuler des observations supplémentaires.

Attendu que :

- la mineure A______, née en 2009, agissant par l'entremise de sa mère, a déposé plainte pénale le 23 septembre 2019 pour des actes d'ordre sexuel commis par le mari de la personne qui la gardait, soit E______, né en 1939 ;

- une instruction pénale est ouverte contre le prénommé depuis le 17 janvier 2020 ;

- le Ministère public a rendu un avis de prochaine clôture de l'instruction le 29 juin 2022, en annonçant qu'un acte d'accusation serait rédigé ;

- aucune des parties n'a formulé de réquisition de preuve dans le délai imparti pour ce faire ;

- le conseil de A______ a relancé à plusieurs reprises le Ministère public pour que celui-ci dépose un acte d'accusation, en vain.

Considérant que :

- le recours pour déni de justice ou retard injustifié n'est soumis à aucun délai (art. 396 al. 2 CPP) ;

- quand bien même le recours a été formellement déposé au nom des seuls B______ et C______, on peut admettre qu'il émane de leur fille mineure partie plaignante lésée, dont ils sont les représentants légaux, étant précisé qu'ils ne se sont pas constitués partie plaignante à la procédure, n'ont jamais comparu comme tels devant le Ministère public et n'ont pas déposé de conclusions civiles propres (art. 117 al. 3 et 122 al. 2 CPP a contrario) ;

- le présent recours est donc recevable pour avoir été déposé selon la forme prescrite (art. 393 et 396 al. 1 CPP) et émaner de la partie plaignante dûment représentée par ses parents, qui a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à obtenir une décision de l'autorité sollicitée (art. 104 al.1 let. b et 382 CPP) ;

- l’acte est devenu sans objet concernant le grief du déni de justice – le Ministère public ayant entretemps renvoyé en jugement le prévenu – la recourante conserve toutefois un intérêt (art. 382 CPP) à ce qu'il soit statué sur le grief de la violation du principe de célérité ;

- selon la jurisprudence, le principe de célérité ancré aux art. 29 al. 1 Cst et 5 CPP garantit à tout justiciable le droit à ce que sa cause soit traitée dans un délai raisonnable (ATF 144 I 318 consid. 7.1) ;

- apparaissent comme des carences choquantes une inactivité de treize ou quatorze mois au stade de l'instruction ou encore un délai de dix ou onze mois pour que le dossier soit transmis à l'autorité de recours (ATF 130 IV 54 consid. 3.3.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_845/2020 du 5 novembre 2020 consid. 2.1 et 1B_637/2021 du 25 janvier 2022 consid. 2.1) ;

- en l'occurrence, le temps passé entre l'annonce de la prochaine clôture de l'instruction et le renvoi en jugement est de plus de quinze mois, malgré de nombreuses relances et compte tenu de l'âge avancé du prévenu, de sorte qu'il peut être constaté sans davantage d'examen que la procédure a connu un retard injustifié ;

- la recourante, qui a gain de cause, n'assumera pas de frais judiciaires (art. 428 al. 1 CPP) ;

- corrélativement, elle peut prétendre à l'octroi de dépens (ATF 144 IV 207 consid. 1.8.2) qu'elle réclame à hauteur de CHF 1'938.60 (soit 4h00 d'activité à raison d'un taux horaire de CHF 450.-, plus TVA à 7.7% incluse) ;

- s'agissant d'un mémoire de recours de 11 pages, sans difficultés factuelles ou juridiques particulières, il sera alloué la moitié du temps revendiqué, soit une indemnité de CHF 969.30, la TVA à un taux de 7.7% étant applicable, car les prestations liées à la rédaction du recours ont été effectuées avant le 1er janvier 2024 (art. 115 al. 1 LTVA cum art. 112 al. 2 et 3 LTVA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Admet le recours et constate un retard injustifié au préjudice de A______, dans la conduite de la procédure P/817/2020.

Laisse les frais de recours à la charge de l'État.

Alloue à Me D______, à la charge de l'État, une indemnité de CHF 969.30 (TVA à 7.7% incluse) pour l'instance de recours.

Notifie le présent arrêt, en copie, à la recourante (soit pour elle son conseil) et au Ministère public.

Siégeant :

Monsieur Christian COQUOZ, président; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Monsieur Julien CASEYS, greffier.

 

Le greffier :

Julien CASEYS

 

Le président :

Christian COQUOZ

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).