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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/4874/2021

ACPR/55/2024 du 24.01.2024 sur OTDP/2632/2023 ( TDP ) , REJETE

Descripteurs : ORDONNANCE PÉNALE;OPPOSITION(PROCÉDURE);ASSISTANCE JUDICIAIRE;DÉNUEMENT
Normes : CPP.132

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/4874/2021 ACPR/55/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mercredi 24 janvier 2024

 

Entre

A______, domiciliée ______, représentée par Me Tamim MAHMOUD, avocat,
rue Monnier 1, case postale 205, 1211 Genève 12,

recourante,


contre l'ordonnance de refus de nomination d'avocat d'office rendue le 28 novembre 2023 par le Tribunal de police,

et

 

LE TRIBUNAL DE POLICE, rue des Chaudronniers 9, case postale 3715, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. Par acte expédié le 11 décembre 2023, A______ recourt contre l'ordonnance du 28 novembre 2023, notifiée le surlendemain, par laquelle le Tribunal de police a refusé d'ordonner une défense d'office en sa faveur.

Elle conclut à l'annulation de cette ordonnance et à l'octroi de l'assistance juridique à compter du 26 septembre 2023.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Le 30 janvier 2021, B______ a déposé plainte pénale contre A______ pour, le 18 janvier précédent, lui avoir donné un coup avec son sac à commissions et l'avoir traitée de "connasse d'Espagnole", alors qu'elle se promenait avec sa petite-fille.

Cette dernière, C______, a confirmé les faits et déposé plainte à son tour contre A______ pour l'avoir menacée de la frapper avec son sac et l'avoir traitée de "salope" et "connasse".

Entendue par la police, la mise en cause a nié le coup et les insultes, mais reconnu avoir menacé C______ avec son sac, selon elle pour se défendre, l'intéressée ayant un comportement agressif et tentant de la frapper avec son casque, en hurlant "dégage".

b. Par ordonnance pénale du 16 mars 2021, le Ministère public a condamné A______, pour voies de fait, injures et menaces, à une peine pécuniaire de 40 jours-amende, à CHF 30.-, avec sursis, ainsi qu'à une amende immédiate de CHF 300.-, frais de la procédure à sa charge (P/4874/2021).

c. Par courrier du 22 mars 2021, A______ a fait opposition à cette ordonnance, basée selon elle "sur de faux témoignages et des allégations fallacieuses des deux plaignantes".

Entendues par le Ministère public le 16 décembre 2022, les parties ont maintenu leurs versions respectives.

Par ordonnance du même jour, le Ministère public a refusé d'ordonner une défense d'office en faveur de A______, estimant que la cause ne présentait pas de difficulté particulière.

Par ordonnances sur opposition du 24 janvier, puis du 12 septembre 2023, il a maintenu l'ordonnance pénale et transmis la procédure au Tribunal de police.

d. Parallèlement, des plaintes ont été déposées par D______, E______ et F______, G______, H______ et I______ contre A______, portant notamment sur des injures à leur encontre et/ou celle de leurs enfants, des menaces et des tentatives de contrainte (notification de commandement de payer).

A______ a pour l'essentiel nié les injures et menaces et expliqué avoir adressé des commandements de payer en lien avec le tort causé par toute la haine dont elle faisait l'objet.

Les diverses procédures ouvertes dans ce cadre ont été jointes sous le numéro de cause P/13006/2022.

Les parties, de même que des témoins ont été entendus par la police ainsi que par le Ministère public.

e. Par ordonnance pénale du 12 septembre 2023 rendue dans ladite procédure, le Ministère public a déclaré A______ coupable d'injures, menaces et tentatives de contrainte à l'encontre de D______, E______ et F______, G______, I______ et H______ et l'a condamnée à une peine pécuniaire de 120 jours-amende à CHF 70.-, avec sursis, et à une amende immédiate de CHF 1'680.-.

Il a précisé que l'ordonnance, une fois entrée en force, serait communiquée au Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant.

f. Parallèlement, le Ministère public a signalé le cas à cette dernière juridiction au motif que A______, qui semblait entretenir une forme d'obsession envers plusieurs personnes de son voisinage et avait déjà fait l'objet d'une mesure de curatelle par le passé, pourrait souffrir d'un trouble psychique non diagnostiqué.

g. Le 26 septembre 2023, par le biais de Me Tamim MAHMOUD, avocat, A______ a fait opposition à l'ordonnance pénale précitée et sollicité l'octroi de l'assistance juridique au sens de l'art. 132 al. 1 let. b CPP.

Elle a notamment fait valoir que l'affaire n'était pas de peu de gravité, ainsi qu'en témoignait la jurisprudence abondante en matière de menaces et de contrainte. Profane, elle n'était par ailleurs pas en mesure d'appréhender la portée d'une communication au Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant, ni les arguments à faire valoir pour s'y opposer.

h. Par ordonnance du 9 octobre 2023, le Tribunal de police a joint la P/13006/2022 à la P/4874/2021, sous cette dernière référence.

C. Le Tribunal de police a refusé d'ordonner une défense d'office au motif que A______ disposait de ressources financières suffisantes pour se faire assister, à ses frais, par un conseil de choix.

Il s'est appuyé pour ce faire sur un rapport du service de l'assistance judiciaire, aux termes duquel les ressources mensuelles nettes de la requérante s'élevaient, selon les informations issues du plan de calcul établi par le Service des prestations complémentaires en date du 1er juin 2023, à CHF 3'501.-, pour des charges strictes admissibles de CHF 2'107.10 (loyer: CHF 905.-; primes d'assurance maladie: couvertes par le subside; abonnement TPG: pris en charge par le biais du service des prestations complémentaires; impôts mensualisés: CHF 2.10; entretien de base OP, comprenant notamment les frais de téléphone, d'électricité, d'habillement et de nourriture: CHF 1'200.-).

Les dettes, dont la requérante avait indiqué l'existence, mais pas le montant, en précisant qu'elle n'en avait pas "les détails", n'ont pas été prises en considération.

D. a. Dans son recours, A______ fait valoir que, bénéficiaire de prestations complémentaires, elle n'imaginait pas que l'assistance judiciaire puisse lui être refusée et n'avait pas transmis toutes les pièces relatives à sa situation financière. En réalité, son budget s'élevait à CHF 3'691.- par mois (minimum vital: CHF 1'200.-; loyer: CHF 905.-; services industriels: CHF 50.-; transports publics: CHF 25.-; téléphone: CHF 80.-; journaux et magazines: CHF 300.-; frais médicaux non remboursés [estimation]: CHF 916.-; opticien: CHF 157.-; impôts: CHF 40.-; protection juridique: CHF 18.-) et ses dettes à CHF 6'906.25.

Vu les enjeux et le fait qu'elle allait potentiellement solliciter l'audition de nombreux témoins pour démontrer la véracité de ses allégations, des frais judiciaires non négligeables étaient à escompter.

b. La cause a été gardée à juger à réception, sans échange d'écritures ni débats.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. b CPP) et émaner de la prévenue qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

3. 3.1. Selon l'art. 132 al. 1 let. b CPP, la direction de la procédure ordonne une défense d’office si le prévenu est indigent et que la sauvegarde de ses intérêts le justifie.

3.1.1. La condition de l'indigence est réalisée si la personne concernée ne peut assumer les frais du procès sans entamer les moyens nécessaires à son entretien et à celui de sa famille (ATF 144 III 531 consid. 4.1; 135 I 221 consid. 5.1).

Pour déterminer l'indigence, il convient de prendre en considération l'ensemble de la situation financière du requérant au moment où la demande est présentée, et de mettre en balance, d'une part, la totalité des ressources effectives du requérant et, d'autre part, l'ensemble de ses engagements financiers (ATF 135 I 221 consid. 5.1).

Les charges d'entretien sont fixées selon le minimum vital du droit des poursuites augmenté de 25% (ATF 124 I 1 consid. 2c p. 4), auquel il convient d'ajouter le loyer, les dettes d'impôts échues, y compris les arriérés d'impôts, pour autant qu'elles soient effectivement payées, la prime d'assurance maladie obligatoire et les frais de transport nécessaires à l'acquisition du revenu, qui sont établis par pièces (ATF
135 I 221 consid. 5.1.; arrêt du Tribunal fédéral 1B_383/2017 du 23 novembre 2017 consid. 2). Seules les charges réellement acquittées sont susceptibles d'entrer dans le calcul du minimum vital. Des dettes anciennes, sur lesquelles le débiteur ne verse plus rien, ne priment pas l'obligation du justiciable de payer les services qu'il requiert de l'État (ATF 135 I 221 consid. 5.1).

La part des ressources excédant ce qui est nécessaire à la couverture des besoins personnels doit ensuite être comparée, dans chaque cas, aux frais prévisibles de la procédure pour laquelle l'assistance judiciaire est demandée. Le soutien de la collectivité publique n'est en principe pas dû, au regard de l'art. 29 al. 3 Cst., lorsque cette part disponible permet d'amortir les frais judiciaires et d'avocat en une année au plus, pour les procès relativement simples, et en deux ans pour les autres (ATF 141 III 369 consid. 4.1; 135 I 221 consid. 5.1; arrêt du Tribunal fédéral 1B_383/2017 du 23 novembre 2017 consid. 2).

3.1.2. La deuxième condition posée par l'art. 132 al. 1 let. b CPP doit s'interpréter à l'aune des critères mentionnés à l'art. 132 al. 2 et 3 CPP. La défense d'office aux fins de protéger les intérêts du prévenu se justifie notamment lorsque l'affaire n'est pas de peu de gravité et qu'elle présente, sur le plan des faits ou du droit, des difficultés que le prévenu seul ne pourrait pas surmonter (art. 132 al. 2 CPP), ces deux conditions étant cumulatives (arrêts du Tribunal fédéral 1B_229/2021 du 9 septembre 2021 consid. 4.1 et 1B_194/2021 du 21 juin 2021 consid. 3.1). En tout état de cause, une affaire n'est pas de peu de gravité lorsque le prévenu est passible d'une peine privative de liberté de plus de quatre mois ou d'une peine pécuniaire de plus de 120 jours-amende (art. 132 al. 3 CPP; ATF 143 I 164 consid. 2.4.3 et 3).

3.2. En l'occurrence, la recourante conteste le montant des charges établi par le service de l'assistance judiciaire. Un grand nombre des postes qu'elle voudrait y voir ajoutés n'est toutefois pas inclus dans ceux dont il doit être tenu compte selon la jurisprudence ou sont pris en charge par l'État, de sorte qu'elle ne saurait s'en prévaloir. Il en va ainsi des frais d'électricité et de téléphone, ainsi que des abonnements – inclus dans le montant de base du droit des poursuites – et des frais de transport, pris en charge par le Service des prestations complémentaires. Les frais médicaux non remboursés ne sont pas étayés par pièces et ne peuvent dès lors être admis. Les frais d'opticien apparaissent ponctuels, de sorte qu'ils doivent être écartés. Ses impôts s'élèvent à CHF 25.- par an, soit CHF 2.10 par mois, comme retenu par le Tribunal de police, le montant de CHF 475.- ressortant des pièces produites étant lié à des frais et une amende. Les primes d'assurance de protection juridique ne font pas partie du minimum vital. Enfin, la recourante ne démontre pas rembourser, ne serait-ce que par acomptes, ses dettes.

Dans ces conditions, le montant disponible de CHF 1'393.90, respectivement CHF 1'093.90 – si l'on tient compte d'une majoration de 25% du montant de base –, apparaît suffisant pour que la recourante puisse faire face, sans l'aide de l'État, aux frais prévisibles de la procédure.

Ceux-ci devraient en effet demeurer restreints, l'audition annoncée de témoins – sans que l'on sache combien – n'étant pas, vu la nature des faits reprochés, susceptible d'alourdir de manière importante l'audience devant le Tribunal de police.

C'est dès lors à juste titre que le Tribunal de police a considéré que la première condition posée par l'art. 132 al. 1 let. b CPP n'était pas réalisée.

À titre superfétatoire, l'on relèvera que la cause ne présente pas de difficulté particulière. Certes, huit parties plaignantes sont annoncées. Les infractions en jeu ne sont toutefois pas, quoi qu'en dise la recourante, d'une complexité juridique telle qu'elles nécessiteraient une analyse par un avocat. L'intéressée s'attache au demeurant avant tout à nier les avoir commises, ce qu'elle peut faire sans l'assistance d'un homme de loi.

3.3. Il s’ensuit que la requête doit être rejetée.

4. Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée.

5. Les frais de la procédure de recours resteront à la charge de l'État, le refus de l'assistance judiciaire étant rendu sans frais (art. 20 RAJ).

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Laisse les frais de la procédure de recours à la charge de l'État.

Notifie le présent arrêt, en copie, à la recourante, soit pour elle son conseil, et au Tribunal de police.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, juges; Madame Olivia SOBRINO, greffière.

 

La greffière :

Olivia SOBRINO

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).