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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/19005/2015

ACPR/42/2024 du 23.01.2024 sur OCL/1160/2023 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : CLASSEMENT DE LA PROCÉDURE;LÉSION CORPORELLE PAR NÉGLIGENCE;NÉGLIGENCE
Normes : CPP.319; CP.125; CP.12

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/19005/2015 ACPR/42/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mardi 23 janvier 2024

 

Entre

A______, domicilié ______, représenté par Me Marc MATHEY-DORET, avocat, INDEMNIS, Esplanade de Pont-Rouge 4, case postale, 1211 Genève 26,

recourant,


contre l'ordonnance de classement rendue le 4 septembre 2023 par le Ministère public,

et

B______, domicilié ______, représenté par Me C______, avocat,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. a. Par acte expédié le 18 septembre 2023, A______ recourt contre l'ordonnance du 4 précédent, notifiée le 6 septembre 2023, par laquelle le Ministère public a classé sa plainte concernant B______.

Le recourant conclut, avec suite de frais et dépens, à l'annulation de ladite ordonnance et à ce que le Ministère public poursuive B______.

b. Le recourant a versé les sûretés en CHF 1'000.- qui lui étaient réclamées par la Direction de la procédure.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a.a. Le 7 octobre 2015, A______ a déposé plainte contre inconnu pour lésions corporelles graves par négligence.

En sa qualité d'ouvrier technicien pour l'entreprise D______ Sàrl, il effectuait des travaux de transformation d'une cuisine dans la villa d'un client. D'autres travaux étaient en cours sur le même chantier, sous la direction de B______, architecte de l'entreprise E______ SA, notamment l'installation d'une véranda. Le 8 juillet 2015, la véranda s'était effondrée sur lui, le blessant grièvement au bras droit. Le client avait commandé la véranda auprès d'une entreprise belge, F______, qui avait elle-même sous-traité la réalisation et la pose de l'installation à une entreprise polonaise G______. Le 7 juillet 2015, lors de la réunion de chantier, après que H______ avait informé B______ que la véranda serait terminée le soir même, ce dernier avait donné l'instruction aux employés de D______ Sàrl d'effectuer les travaux d'ouverture dans la maçonnerie de la façade donnant sur l'orangerie. Avant d'intervenir, il avait obtenu la confirmation auprès des employés en charge de la pose de la véranda qu'il pouvait effectuer lesdits travaux. Ses collègues et lui avaient ainsi procédé à l'ouverture dans la façade, au moyen d'une scie et d'un petit marteau-piqueur portatif. L'accident était survenu alors que l'ouverture avait été terminée et qu'aucun travail n'était en cours. Son biceps droit avait été entièrement sectionné entraînant des lésions définitives.

a.b. Entendu par le Ministère public les 5 septembre 2017 et 3 mai 2018, A______ a précisé que la société D______ Sàrl lui appartenait. Depuis l'accident, il poursuivait son activité, en allant sur les chantiers, mais n'y travaillait "plus trop" n'ayant plus la force nécessaire dans son bras droit et sentant des décharges électriques lorsqu'il effectuait un effort avec sa main. Il avait été convenu avec B______ que D______ Sàrl commencerait les travaux dans la cuisine le temps que la véranda soit terminée. Les jours précédents l'accident, lors du montage des verres de la véranda, ils avaient fait attention de sortir leur débris par la fenêtre de la cuisine, dès lors qu'il existait un danger de passer sous la véranda. Le 7 juillet 2015, contrairement à ce qui avait été indiqué le matin, les travaux de la véranda n'étaient pas terminés. B______ lui avait dit que les deux verres restants seraient installés le lendemain matin, et qu'ensuite les employés de D______ Sàrl pourraient commencer. Le jour de l'accident, il n'avait pas eu de contact avec B______. Les employés de D______ Sàrl avaient attendu que les ouvriers "polonais" montent les deux derniers verres, retirent la pointelle – pour monter le faîtage – et les avisent qu'ils pouvaient commencer à travailler. Pendant qu'ils œuvraient, les ouvriers "polonais" effectuaient un travail de jointure à l'extérieur de la véranda qui n'avait qu'une fonction hermétique et non de solidification de l'ouvrage. Lorsque la véranda s'était effondrée, le mur avait été percé par son collaborateur sur environ un mètre au moyen d'un petit marteau piqueur. Les vibrations engendrées par le percement du mur ne pouvaient pas être la cause de l'écroulement d'une véranda. Il avait réalisé plus d'une soixantaine de vérandas et il était usuel que le percement du mur intervienne après que la véranda avait été construite.

b. Entendu par la police le 20 octobre 2015 et par-devant le Ministère public le 6 octobre 2016, B______ a expliqué avoir été mandaté, oralement, par le propriétaire et maître d'ouvrage, pour réaliser et suivre les travaux dans la maison de ce dernier.

Lors de la prise de mandat, il avait sélectionné les entreprises pour effectuer les travaux, y compris D______ Sàrl, à l'exception de la société F______, qui avait été choisie et imposée par le client, afin de réaliser la véranda. Concernant ladite structure il devait déposer une demande d'autorisation de construire et s'organiser afin que l'entreprise de H______ puisse la poser. Un tel mandat ne comprenait pas forcément la surveillance du chantier, le projet pouvant être réalisé par quelqu'un d'autre. Il n'avait jamais eu de contact avec G______. Le 7 juillet 2015, lors de la réunion de chantier, la structure métallique était posée mais il manquait du verre sur la toiture. Après que H______ l'avait informé que la véranda serait terminée le jour-même, il avait donné l'instruction à D______ Sàrl d'intervenir dès le lendemain. En réalité, les travaux sur la véranda n'avaient pas été terminés, ce dont il n'avait pas été informé, de sorte qu'il ignorait que les employés des deux corps de métier travaillaient simultanément lorsque l'accident est survenu. Cela étant, lors de la réunion de chantier, H______ lui avait assuré qu'il n'était pas problématique de percer la façade avant que la véranda ne soit terminée. Celle-ci devait tenir d'elle-même. Le jour de l'accident, il n'était pas présent. Il n'avait aucun contrôle sur la construction de la véranda et ne s'était pas renseigné sur la manière dont elle était réalisée. Il était responsable de la coordination des travaux entre les entreprises qu'il avait mandatées. H______ dirigeait les travaux de la véranda et s'adressait aux ouvriers en polonais, en leur donnant des instructions.

c. Entendu par la police le 27 octobre 2015 et par le Ministère public le 6 octobre 2016, le client a déclaré avoir mandaté E______ SA pour s'occuper du suivi du chantier de sa villa début 2015. Il avait personnellement mandaté H______, tandis que les autres entreprises avaient été sélectionnées par B______. Ce dernier devait déposer les autorisations de construire et vérifier que le travail était bien exécuté. H______ gérait les travaux de la véranda et dirigeait les ouvriers "polonais". Pour lui, le dernier nommé faisait office d'entreprise générale, s'étant présenté comme un constructeur ayant installé des douzaines de vérandas. B______ ne dirigeait pas les ouvriers "polonais" mais était néanmoins responsable du chantier au sens global, y compris de la véranda. Il avait trouvé un peu étrange que certains ouvriers cassent un mur pendant que d'autres montent la véranda mais il imaginait qu'ils savaient ce qu'ils faisaient. Les ouvriers de D______ Sàrl auraient dû refuser de travailler sous la véranda durant son montage, quant à ceux de G______, ils auraient dû refuser la présence des ouvriers de D______ Sàrl.

d. Entendu par la police le 25 novembre 2015, H______ a précisé que le client lui avait confié, oralement, en mai 2015, un mandat pour la pose d'une véranda. Il avait confié la réalisation de cette dernière à sa société polonaise, I______ SP. ZOO, qui l'avait, à son tour, sous-traitée à l'entreprise spécialisée dans les vérandas et fenêtres G______. Cette dernière avait réalisé la véranda et envoyé trois ouvriers afin de la monter. Lorsqu'il avait vu les deux corps de métier travailler simultanément, il s'était dit qu'ils savaient ce qu'ils faisaient. Aucun d'eux n'avait évoqué le moindre problème. Il n'avait pas donné l'ordre aux ouvriers de G______ de faire avancer les travaux simultanément afin de terminer plus rapidement la pose de la structure. Cela étant, leur autorisation de travail était valable jusqu'au 8 juillet 2015, ils devaient donc se dépêcher. Le jour des faits, il était présent sur le chantier, à 20 mètres de la véranda. Il n'était pas responsable de cet accident. Les ouvriers de D______ Sàrl n'auraient pas dû accepter de travailler sous la véranda en construction avec de gros marteaux-piqueurs. Quant à ceux de G______, ils auraient dû interdire le passage à quiconque avant la fin du montage. B______ n'aurait pas dû permettre la simultanéité des travaux.

e. Lors de l'audience du 6 octobre 2016, par-devant le Ministère public, J______, ouvrier de D______ Sàrl, a déclaré qu'il était en train de démolir le mur, à l'aide d'un petit marteau-piqueur, afin de créer une ouverture entre la maison et la véranda, lorsque celle-ci s'était effondrée. À ce moment-là, A______ apportait du matériel de la cuisine à leur camion en passant par la véranda. Il y avait également des ouvriers "polonais" qui posaient la véranda, étant précisé que la structure était terminée et fixée contre le mur de la maison. Il manquait uniquement des petites vitres dans les coins du toit. Il n'y avait pas de pointelle pour soutenir le toit de la véranda mais il y avait des tirants fixés pour maintenir les côtés de la structure métallique. Il n'y avait pas de problème à travailler au marteau-piqueur sous une telle structure, si elle était bien posée. Les ouvriers "polonais" avaient dit qu'ils pouvaient travailler sous la véranda, raison pour laquelle ils avaient débuté les travaux.

f. Entendu sur commission rogatoire par les autorités polonaises le 11 décembre 2017, K______, présent sur le chantier au moment des faits en qualité d'aide de la société G______, n'avait aucune expérience professionnelle et aucune formation quant au montage de la véranda. En cas de questions, il devait s'adresser à son chef, L______ qui donnait les instructions ou à H______ qui dirigeait le chantier. Au moment de l'accident, il ne manquait plus que trois vitres sur le toit de la véranda. Il ne se souvenait pas si la barre métallique de liaison M10 était déjà en place ou non mais aucune autre barre n'avait été posée. Son collègue, M______ installait les joints d'étanchéité et les "français" perforaient le mur à l'aide d'équipements lourds, causant des vibrations, quand la véranda s'était écroulée. Les vibrations influaient sur leur travail, ce qui avait été communiqué à H______, qui leur avait répondu que les travaux devaient être faits ainsi.

g. Entendu sur commission rogatoire par les autorités polonaises le 12 janvier 2018, L______ a précisé avoir douze années d'expérience dans le métier. Il était responsable du montage de la véranda et donnait les instructions à cet égard. Il avait vu la véranda se plier en deux devant lui. Au moment de sa chute, la structure et les vitres étaient montées, à l'exception d'une partie de celles du toit. La jointure M10 était en place mais aucune barre ni aucun support métallique n'avaient été montés. Une autre entreprise perçait le mur à l'aide de marteaux pneumatiques, ce qui n'aurait pas dû arriver. Les vibrations ainsi créées avaient une influence sur leur travail. Il avait signalé à H______ que les travaux ne pouvaient être menés simultanément. Ce dernier lui avait répondu qu'il n'avait pas le temps et qu'ils devaient être exécutés ainsi. Personne n'avait interdit d'exécuter d'autres travaux pendant le montage de la véranda. Il n'avait vu B______ qu'à une reprise, 10 minutes. Il ignorait ce que ce dernier faisait mais il ne donnait pas d'instruction.

h. Entendu sur commission rogatoire par les autorités polonaises le 16 janvier 2018, M______ a expliqué qu'il travaillait comme monteur de construction en verre et aluminium et avait une expérience d'environ une année et demi dans le domaine. Il avait été formé par l'entreprise G______. Au moment de l'écroulement, il se trouvait à l'intérieur de la véranda en train d'installer des joints d'étanchéité entre les vitres et la structure. Cette dernière était fixée aux murs et dans le sol et les vitres étaient montées à 80%. Il lui semblait que la barre de tension métallique, reliant les parois, était en place, mais n'en n'était pas sûr et ignorait ce qu'il en était s'agissant des autres barres. Il n'y avait aucun support. Des maçons étaient en train de percer le passage vers la maison avec de lourds marteaux pneumatiques, créant ainsi des vibrations, lesquelles étaient la cause de la catastrophe. Auparavant, L______ avait discuté de ce fait avec le coordinateur, H______ mais ce dernier n'avait pas interrompu les travaux. L______ était responsable du montage, son surveillant direct et son supérieur. Ce dernier dépendait à son tour de H______ qui coordonnait l'ensemble des travaux et était l'intermédiaire entre le propriétaire et G______. Il ne connaissait pas B______.

i. Réentendu sur commission rogatoire par les autorités belges le 5 février 2021, H______ a expliqué être présent sur le chantier au moment des faits. Il avait été engagé notamment pour le prolongement d'une terrasse. N'ayant pas les compétences nécessaires pour effectuer lesdits travaux, il avait fait appel à des sous-traitants ce que le client et B______ savaient. Le premier cité avait commandé la véranda à son entreprise, F______ qui, à son tour, l'avait commandée à I______ SP. ZOO, son entreprise polonaise, qui l'avait elle-même commandée à G______. Cette dernière avait pour mission de fournir la structure et de l'installer. G______, plus particulièrement L______, coordonnait le montage de la véranda. Il n'avait pas effectué de travaux dans la véranda et ignorait si les ouvriers de G______ étaient formés, étant précisé que ladite société avait de l'expérience dans le domaine et bénéficiait d'une accréditation en Pologne. B______ suivait le chantier depuis fin 2014, organisait, de temps en temps, une réunion de chantier, donnait des instructions pour les travaux généraux et les coordonnait.

j. Plusieurs rapports figurent au dossier:

j.a. Celui d'ingénieurs civils, N______ SA, du 13 juillet 2015, mandatés par E______ SA, qui considèrent que l'effondrement de la véranda était lié au processus de montage et à la qualité de ses fixations. Les travaux d'ouverture de la façade n'étaient pas en cause.

j.b. Celui de l'ingénieur O______, du 14 juillet 2015, mandaté par G______ et traduit du polonais, selon lequel l'effondrement de la véranda s'expliquait par les travaux de démolition entrepris à l'aide de marteaux-piqueurs provoquant des vibrations qui avaient affaibli les nœuds d'assemblage de la véranda et augmenté les charges statiques sur le toit, lesquelles avaient créé des charges dynamiques. Le chef de chantier qui avait autorisé la simultanéité des travaux avait commis une faute "colossale". Une autre faute consistait en la pose d'un seul tirant, lequel était en mesure "à la limite" de supporter les charges horizontales résultant des charges statiques mais non celles dynamiques, ce qui avait provoqué sa rupture et l'effondrement de la structure.

k. À la suite d'un mandat délivré par le Ministère public le 9 août 2018, P______, architecte inscrit sur la liste des experts SIA de Suisse romande, a, le 28 octobre 2019 rendu son expertise.

Il ressort de celle-ci que la cause de l'effondrement de la véranda était une erreur de montage, soit l'absence de fixation du tirant horizontal servant au maintien de la structure métallique, ce qui constituait une violation d'une règle de l'art. Les responsables de cette omission étaient, d'une part, H______, en sa qualité de chef direct de l'équipe de G______, et, d'autre part, L______, en sa qualité de chef d'équipe de G______ et ayant de l'expérience dans le domaine.

l. En parallèle à la décision litigieuse, le Ministère public a, par ordonnance pénale, reconnu coupable H______ de lésions corporelles graves par négligence sur A______, à la suite de l'effondrement de la véranda. Le client lui avait confié le mandat de réaliser ladite véranda, le concerné s'étant présenté comme un constructeur avec une expérience dans le domaine. Bien qu'il avait sous-traité la réalisation et la pose du jardin d'hiver, il demeurait responsable du choix du sous-traitant, de l'instruction et de la surveillance des ouvriers. Or, certains d'entre eux ne bénéficiaient pas d'une formation adéquate. En outre, H______ dirigeait effectivement l'exécution de la construction, en donnant notamment des instructions en polonais, et endossait ainsi une responsabilité quant au montage correct de la véranda. À ce titre, il aurait dû se rendre compte que le tirant horizontal servant au maintien de la structure métallique n'était pas fixé. En tout état, un examen plus attentif s'imposait le jour de l'accident. Son attention avait d'ailleurs été attirée sur le travail simultané des deux corps de métier, ce à quoi il avait répondu qu'il était pressé et que les travaux devaient être faits ainsi. Ces éléments auraient dû amener l'intéressé à veiller, en procédant à un contrôle simple et raisonnablement exigible, à ce que la structure de la véranda soit bien montée, avant de laisser les ouvriers de D______ Sàrl intervenir, ce qu'il avait omis de faire. Il avait donc violé son devoir de prudence de manière fautive puisque son travail consistait à veiller au bon montage de la véranda. Par ailleurs, le lien de causalité était établi, dès lors, que si H______ avait respecté son devoir de prudence, l'accident ne se serait pas produit et A______ n'aurait pas subi de lésions corporelles.

Cette ordonnance est entrée en force.

C. Dans sa décision querellée, le Ministère public a considéré que le mandat de réaliser la véranda avait été confié à H______ et non à B______. Bien que ce dernier était en charge du suivi, en sa qualité d'architecte, et qu'il s'était occupé du dépôt de la demande d'autorisation de construire la véranda, il n'avait exercé aucun contrôle sur cette construction et n'avait pas donné d'instruction aux ouvriers de G______. La direction des travaux incombait à H______ et c'était lui qui endossait la responsabilité du montage de la véranda. B______ avait, quant à lui, déployé la diligence qu'on pouvait attendre de lui en se renseignant auprès de H______ de l'avancement de la véranda et en instruisant D______ Sàrl de n'effectuer leurs travaux qu'une fois la véranda terminée.

D. a. Dans son recours, A______ considère, en substance, que B______, en sa qualité de directeur des travaux, occupait une position de garant vis-à-vis des entreprises qu'il avait mandatées, soit notamment D______ Sàrl. Or, le matin des faits, il n'avait pris aucune mesure particulière afin de s'assurer que la véranda était terminée et que les ouvriers de D______ Sàrl pouvaient opérer sans danger.

Ainsi, en instruisant à ces derniers d'intervenir sous l'ouvrage, avant même de s'assurer de la sécurité de celui-ci, B______ avait agi avec négligence. En effet, il aurait dû se rendre sur place afin de s'assurer que le montage était terminé et, si ses compétences n'étaient pas suffisantes pour acquérir la certitude qu'il était dorénavant possible de démolir la façade sans danger, il aurait dû procéder par d'autres moyens comme celui de demander à H______ ou à un tiers qualifié de confirmer que la véranda était correctement montée et stable. Sa négligence était d'autant plus grave que B______ aurait dû faire preuve d'une vigilance accrue n'ayant aucune assurance particulière quant à la fiabilité de la structure et sachant que H______ n'était pas un spécialiste du domaine et que le travail avait été sous-traité.

b. Dans ses observations, le Ministère public conclut à la confirmation de son ordonnance et au rejet du recours.

c. B______ conclut, avec suite de frais et dépens chiffrés, au rejet du recours et à la confirmation de l'ordonnance querellée.

Il conteste avoir eu pour mandat d'assurer la direction des travaux s'agissant de la véranda, une position de garant quant au respect des règles de l'art dans son montage et avoir manqué à ses obligations au regard de sa responsabilité d'assurer la coordination des travaux. En outre, il pouvait partir du principe que H______, présent sur place, vérifierait la bonne facture du montage de la véranda, dont il avait la charge. Enfin, à aucun moment, il avait été question pour les ouvriers de D______ Sàrl de travailler sous la véranda.

Il sollicite une indemnité équitable pour l'exercice raisonnable de la défense de ses intérêts à CHF 3'015.40 TVA à 7.7% comprise correspondant à 7 heures de travail à CHF 400.- de l'heure pour la rédaction des présentes observations.

d. A______ n'a pas répliqué.

e. H______ n'a pas pu être atteint.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1, 396 al. 1 et 90 al. 2 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du plaignant qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             2.1. Aux termes de l'art. 319 al. 1 let. b CPP, le ministère public ordonne le classement de tout ou partie de la procédure notamment lorsque les éléments constitutifs d'une infraction ne sont pas réunis.

Cette disposition doit être appliquée conformément au principe "in dubio pro duriore". Celui-ci découle du principe de la légalité (art. 5 al. 1 Cst. et art. 2 al. 2 CPP en relation avec les art. 319 al. 1 et 324 al. 1 CPP; ATF 138 IV 86 consid. 4.2) et signifie qu'en principe un classement ne peut être prononcé par le ministère public que lorsqu'il apparaît clairement que les faits ne sont pas punissables ou que les conditions à la poursuite pénale ne sont pas remplies. Le ministère public et l'autorité de recours disposent, dans ce cadre, d'un pouvoir d'appréciation. La procédure doit se poursuivre lorsqu'une condamnation apparaît plus vraisemblable qu'un acquittement ou lorsque les probabilités d'acquittement et de condamnation apparaissent équivalentes, en particulier en présence d'une infraction grave. En effet, en cas de doute s'agissant de la situation factuelle ou juridique, ce n'est pas à l'autorité d'instruction ou d'accusation mais au juge matériellement compétent qu'il appartient de se prononcer (ATF 143 IV 241 consid. 2.2.1; 138 IV 86 consid. 4.1.2; arrêt 6B_400/2020 du 20 janvier 2021 consid. 3.1).

2.2. L'art. 125 CP punit quiconque, par négligence, fait subir à une personne une atteinte à l’intégrité corporelle ou à la santé.

2.3. Conformément à l'art. 12 al. 3 CP, il y a négligence si, par une imprévoyance coupable, l'auteur a agi sans se rendre compte ou sans tenir compte des conséquences de son acte.

Deux conditions doivent être remplies pour qu'il y ait négligence. En premier lieu, il faut que l'auteur viole les règles de la prudence, c'est-à-dire le devoir général de diligence institué par la loi pénale, qui interdit de mettre en danger les biens d'autrui pénalement protégés contre les atteintes involontaires. Un comportement dépassant les limites du risque admissible viole le devoir de prudence s'il apparaît qu'au moment des faits, son auteur aurait dû, compte tenu de ses connaissances et de ses capacités, se rendre compte de la mise en danger d'autrui (ATF 136 IV 76 consid. 2.3.1). Pour déterminer le contenu du devoir de prudence, il faut donc se demander si une personne raisonnable, dans la même situation et avec les mêmes aptitudes que l'auteur, aurait pu prévoir, dans les grandes lignes, le déroulement des événements et, le cas échéant, quelles mesures elle pouvait prendre pour éviter la survenance du résultat dommageable (ATF 134 IV 255 consid. 4.2.3 et les références citées). Lorsque des prescriptions légales ou administratives ont été édictées dans un but de prévention des accidents, ou lorsque des règles analogues émanant d'associations spécialisées sont généralement reconnues, leur violation fait présumer la violation du devoir général de prudence (ATF 143 IV 138 consid. 2.1; 135 IV 56 consid. 2.1; 134 IV 255 consid. 4.2.3). En second lieu, la violation du devoir de prudence doit être fautive, c'est-à-dire qu'il faut pouvoir reprocher à l'auteur une inattention ou un manque d'effort blâmable (ATF 135 IV 56 consid. 2.1; 134 IV 255 consid. 4.2.3). Il faut pouvoir reprocher à l'auteur de ne pas avoir reconnu l'existence d'un danger qu'une infraction soit réalisée, alors qu'il le pouvait et le devait, ou de l'avoir reconnue mais de n'avoir pas pris les précautions que l'on pouvait attendre de lui et qui auraient été propres à empêcher la réalisation de l'infraction (ATF 108 IV 3 consid. 3; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1/2011 du 31 août 2011 consid. 2.4).

L'infraction de lésions corporelles par négligence suppose en règle générale un comportement actif. Elle peut toutefois aussi être commise par un comportement passif contraire à une obligation d'agir (art. 11 al. 1 CP). Reste passif en violation d'une obligation d'agir celui qui n'empêche pas la mise en danger ou la lésion d'un bien juridique protégé par la loi pénale bien qu'il y soit tenu à raison de sa situation juridique. L'art. 11 al. 2 CP énumère plusieurs sources pouvant fonder une position de garant, à savoir la loi, un contrat, une communauté de risques librement consentie ou la création d'un risque. N'importe quelle obligation juridique ne suffit pas. Il faut qu'elle ait découlé d'une position de garant, c'est-à-dire que l'auteur se soit trouvé dans une situation qui l'obligeait à ce point à protéger un bien déterminé contre des dangers indéterminés (devoir de protection), ou à empêcher la réalisation de risques connus auxquels des biens indéterminés étaient exposés (devoir de surveillance), que son omission peut être assimilée au fait de provoquer le résultat par un comportement actif (cf. art. 11 al. 2 et 3 CP; ATF 141 IV 249 consid. 1.1; 134 IV 255 consid. 4.2.1).

Celui qui collabore à la direction ou à l'exécution d'une construction est responsable du respect, dans son domaine, des règles de l'art de construire (ATF 109 IV 15 consid. 2a; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1016/2009 du 11 février 2010 consid 5.2). La responsabilité pénale d'un participant à la construction se détermine sur la base des prescriptions légales, des accords contractuels ou des fonctions exercées, ainsi que des circonstances concrètes (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1016/2009 du 11 février 2010 c. 5.2.1; 6P.58/2003 du 3 août 2004 c. 6.1 publié in: Pra 2005 N. 29 p. 214 ss; cf. ATF 81 IV 112 c. 4). Chacun est tenu, dans son domaine de compétence, de déployer la diligence que l'on peut attendre de lui pour veiller au respect des règles de sécurité (B. CORBOZ, Les infractions en droit suisse, vol. II, 3e éd., Berne 2010, n. 17 ad art. 229). Certes, la règle doit, de manière générale, être respectée par celui qui accomplit l'activité qu'elle régit; toutefois, il existe aussi, pour ceux qui dirigent les travaux, le devoir de donner les instructions nécessaires et de surveiller l'exécution (B. CORBOZ, op cit., n. 17 ad art. 229; cf. ATF 104 IV 96 c. 4; arrêts du Tribunal fédéral 6B_516/2009 du 3 novembre 2009 consid. 3.3.1; 6S.181/2002 du 30 janvier 2003 consid. 3.2.1 et 6S.237/2002 du 27 juillet 2002 consid. 3.1). Le directeur des travaux est celui qui exerce un pouvoir de commandement direct sur les exécutants, qui peut intervenir à tout moment dans l'ensemble de la conduite des travaux en donnant des instructions contraignantes et qui exerce effectivement ce pouvoir (arrêt du Tribunal fédéral 6B_543/2012, consid. 1.3.1).

2.4. En l'espèce, il n'est pas contesté que le plaignant a été blessé par l'effondrement d'une véranda, et que celui-ci a été causé en raison d'une erreur de montage de la structure, en particulier de l'absence de fixation d'un tirant horizontal servant au maintien de la structure métallique, ce qui constitue une violation d'une règle de l'art. Il n'est pas non plus contester que le mandat de réaliser ladite véranda a été confié à H______, directement par le propriétaire de la villa, et que celui-là endossait, à l'égard de cet ouvrage, le rôle de directeur des travaux au sens de la jurisprudence précitée et une responsabilité dans le montage correct de l'ouvrage. Ni même qu'une telle qualité n'était pas reconnue au prévenu.

La question querellée est de savoir si le prévenu a commis, relativement à sa position de garant vis-à-vis des employés de D______ Sàrl, soit, en particulier, du recourant, une négligence fautive.

Il ressort du dossier, notamment des déclarations du recourant, que le prévenu a donné instruction aux employés de D______ Sàrl de n'intervenir que lorsque la véranda serait terminée. La veille des faits, alors que ceux-ci avaient appris que la véranda ne serait finalement pas terminée le soir même comme prévu – soit le 7 juillet 2015 – mais le lendemain matin, le prévenu a maintenu ses instructions.

Or, le recourant, avec ses employés, a débuté les travaux alors que les employés de G______ effectuaient encore des jointures d'étanchéité sur la véranda. Cette dernière n'était ainsi pas terminée. En agissant ainsi, sans avertir au préalable le prévenu, il a contrevenu aux instructions données par celui-là et a privé ce dernier de s'assurer de sa sécurité.

Dans ces circonstances, on ne peut retenir une quelconque négligence à l'encontre du prévenu.

Au surplus, quand bien même le prévenu aurait été averti et se serait rendu sur place, reste à savoir s'il aurait pu/dû déceler un quelconque problème avec la véranda.

À cet égard, l'ouvrage était fixé et en train d'être terminé – pose des derniers verres et jointures d'étanchéité –, de sorte que, à ce stade, il était supposé tenir. Par ailleurs, aucun élément au dossier ne permet de considérer, qu'à ce moment-là, l'on pouvait déceler un défaut de stabilité de la structure, la pointelle – nécessaire durant le montage du faîtage (élément de la toiture permettant de joindre les deux parties de la structure et d'assurer notamment sa solidité) – ayant même été retirée auparavant. Ainsi, aucune négligence ne peut non plus être reprochée au prévenu de ce point de vue-là. En effet, une quelconque négligence à ce sujet est d'autant moins établie que les personnes présentes – dont celles avec de l'expérience dans le domaine du montage de véranda – n'ont pas reconnu l'existence d'un danger qui soit de nature à remettre en cause l'intégrité de la structure. La remarque émise par L______ à H______ ne modifie pas ce constat dans la mesure où rien ne laisse supposer qu'il craignait une telle conséquence – effondrement de la véranda – mais plutôt qu'il s'était plaint d'un désagrément/d'une influence sur son travail. Preuve en est que, malgré son avertissement, L______ a suivi l'instruction de H______ de continuer le travail simultané. D'ailleurs, selon le recourant, alors qu'auparavant il évitait de passer sous la véranda considérant qu'il existait un danger – débarrassant les débris par la fenêtre de la cuisine –, tel n'était plus le cas au moment des faits, puisqu'il traversait le jardin d'hiver avec du matériel au moment de son effondrement. Enfin, H______, le répondant du prévenu s'agissant de la véranda, avait assuré à ce dernier que le perçage de la façade, même avant l'achèvement de la véranda, n'était pas problématique.

Partant, au regard de ce qui précède, c'est à juste titre que le Ministère public a retenu qu'aucune négligence n'était imputable au prévenu et qu'ainsi les éléments constitutifs de l'infraction de lésions corporelles par négligence n'étaient pas réalisés.

3.             Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée et le recours rejeté.

4.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 1'000.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

5.             5.1. L'intimé, prévenu, qui obtient gain de cause, a droit à une juste indemnité pour ses frais d'avocat, conformément à l'art. 429 al. 1 let. a CPP, applicable en instance de recours (art. 436 al. 1 CPP).

5.2. Lors de la fixation de l'indemnité, le juge ne doit pas avaliser purement et simplement les notes d'honoraires qui lui sont le cas échéant soumises, mais, au contraire, examiner si l'assistance d'un conseil était nécessaire puis, dans l'affirmative, apprécier objectivement la pertinence et l'adéquation des activités facturées, par rapport à la complexité juridique et factuelle de l'affaire et, enfin, dire si le montant des honoraires réclamés, même conforme au tarif pratiqué, est proportionné à la difficulté et à l'importance de la cause, c'est-à-dire raisonnable au sens de la loi (cf. ACPR/140/2013 du 12 avril 2013).

5.3. En l'espèce, B______ conclut à l'octroi d'une indemnité de CHF 3'015.60 TVA à 7.7% incluse, correspondant à 7 heures d'activité au tarif horaire de CHF 400.-.

Eu égard à ses observations (6 pages dont 2,5 de discussion juridique), une indemnité de CHF 1'292.40 TVA comprise, correspondant à 3 heures d'activité au taux de CHF 400.-, apparaît justifiée.

Cette indemnité sera mise à la charge de l'État (ATF 147 IV 47 consid. 4.2.5 et 4.2.6), la partie plaignante qui succombe devant l'autorité de recours n'ayant pas à supporter l'indemnité des frais de défense du prévenu lorsque la décision attaquée est une ordonnance de classement ou de non-entrée en matière (ATF 139 IV 45 consid. 1.2; arrêts du Tribunal fédéral 6B_1267/2019 du 13 mars 2020 consid. 2.2.1 ; 6B_105/2018 du 22 août 2018 consid. 4).

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 1'000.-.

Dit que ce montant sera prélevé sur les sûretés versées.

Alloue à B______, une indemnité de CHF 1'292.40 TVA (7.7% incluse).

Laisse les frais de la procédure de recours à la charge de l'État.

Notifie le présent arrêt, en copie, aux parties, soit pour elles leurs conseils respectifs, et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Mesdames Alix FRANCOTTE CONUS et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Madame Séverine CONSTANS, greffière.

 

La greffière :

Séverine CONSTANS

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).

P/19005/2015

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

20.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

905.00

Total

CHF

1'000.00