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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/14276/2023

ACPR/34/2024 du 19.01.2024 sur ONMMP/4321/2023 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : ABUS D'AUTORITÉ;MINISTÈRE PUBLIC;RÉCUSATION
Normes : CPP.310; CPP.312; CPP.324; CPP.56

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/14276/2023 ACPR/34/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du vendredi 19 janvier 2024

 

Entre

A______, domicilié ______, agissant en personne,

recourant,


contre l'ordonnance de non-entrée en matière rendue le 2 novembre 2023 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. Par acte expédié le 13 novembre 2023, A______ recourt contre l'ordonnance du 2 novembre 2023, notifiée le lendemain, par laquelle le Ministère public a décidé de ne pas entrer en matière sur sa plainte du 22 juin 2023.

Le recourant conclut, sous suite de frais et dépens chiffrés, à l'annulation de ladite ordonnance et à ce que la procédure pénale P/1______/2020 soit rayée du rôle.

b. Le recourant a versé les sûretés en CHF 1'000.- qui lui étaient réclamées par la Direction de la procédure.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Le 22 juin 2023, A______ a déposé plainte pénale pour abus de pouvoir (art. 312 CP) contre la Procureure B______.

En substance, il se référait à un événement survenu le 26 mars 2020, lequel faisait l'objet d'une procédure pénale en cours (P/1______/2020). Il estimait avoir à cette occasion, et alors qu'il était au volant de son véhicule, été agressé "sauvagement" par le dénommé C______. Or, la Procureure avait émis, le 19 avril 2023, un acte d'accusation qui avait transformé cette agression en un rodéo routier. Rappelant la teneur de sa plainte du 26 juin 2020 dans le cadre de cette affaire, A______ exposait sa propre version des faits et reprochait au Ministère public de ne pas avoir tenu compte de l'état de nécessité (art. 17 CP) dans lequel il s'était trouvé. L'acte d'accusation violait l'art. 9 CPP. L'instruction n'avait été faite qu'à charge, sans qu'il n'ait pu se défendre et faire valoir son droit à interroger des témoins. Son droit d'être entendu avait été violé, dès lors qu'il n'avait jamais été entendu par la Procureure. Avaient été violés l'art. 30 de la Constitution fédérale, la présomption d'innocence (art. 10 CPP) et la maxime de l'instruction (art. 6 CPP), de même que l'art. 9 de la Constitution fédérale interdisant l'arbitraire. La magistrate avait trahi son serment et commis un abus de pouvoir.

Il consacrait ensuite de larges développements visant à contester les faits retenus dans l'acte d'accusation, de même que la description des éléments constitutifs de l'infraction retenue à son encontre [une violation de l'art. 90 al. 3 LCR]. Il critiquait enfin la peine requise.

Selon lui, il existait un fort soupçon de "collusion, conspiration et complot en bande organisée" entre la Procureure et différents magistrats du Ministère public vaudois. Il soupçonnait en outre une ingérence de Me D______, dont le mari travaille au Ministère public, laquelle était visée par des plaintes pénales et une dénonciation à la commission du barreau.

Enfin, il faisait l'éloge de sa personne, citait diverses dispositions légales et concluait à l'annulation de l'acte d'accusation. Suivait la liste des nombreux destinataires de sa plainte.

b. Le Ministère public a versé à la procédure copie de la P/1______/2020. Il en ressort notamment les faits pertinents suivants :

- À teneur du rapport de renseignements du 13 juin 2020, la police était intervenue le 26 mars 2020 pour un conflit entre deux automobilistes, A______ et C______. La police s'était procurée les images des caméras de l'autoroute, qui montraient les manœuvres dangereuses entreprises par ces deux automobilistes. Devant [l'immeuble du] E______, C______ avait ouvert la portière de la voiture de A______ et l'avait empoigné, si bien qu'un tiers était intervenu pour les séparer. Pour A______, la police avait proposé les qualifications de violation intentionnelle des règles fondamentales de la circulation routière (art. 90 al. 3 LCR), mise en danger de la vie d'autrui (art. 129 CP) et contrainte (art. 181 CP), tandis que pour C______, les infractions de violation intentionnelle des règles fondamentales de la circulation routière (art. 90 al. 3 LCR), mise en danger de la vie d'autrui (art. 129 CP) et voies de fait (art. 126 CP).

- La Procureure B______ a délégué les audiences à une greffière-juriste. Les parties ont été entendues, de même que plusieurs témoins. A______ était assisté d'un avocat (audience du 6 avril 2022) ou représenté par un avocat (audience du 15 juillet 2022).

- L'audience prévue le 20 avril 2022 a dû être annulée, car l'avocat de A______ n'était pas présent.

- Un avis de prochaine clôture de l'instruction a été adressé aux parties le 8 mars 2023. Le délai imparti à A______ pour former ses réquisitions de preuve a été prolongé, après quoi son avocat a indiqué qu'il n'avait pas de réquisition de preuve à formuler.

- L'acte d'accusation du 19 avril 2023 décrit les faits reprochés à chacun des prévenus. S'agissant de A______, il lui est reproché de ne pas s'être rabattu sur la voie de droite, d'avoir poussé le véhicule de C______ sur la bande d'arrêt d'urgence, d'avoir procédé à divers changements de voie téméraires pour dépasser le véhicule conduit par C______, puis d'avoir soudain bifurqué pour changer de voie en traversant une surface interdite au trafic, frôlant de la sorte un véhicule tiers et évitant de justesse un choc avec ce dernier. A______ était renvoyé au Tribunal de police du chef de violation intentionnelle des règles fondamentales de la circulation routière (art. 90 al. 3 LCR).

c. L'audience de jugement dans la P/1______/2020 a été fixée au 29 janvier prochain.

C. Dans sa décision querellée, le Ministère public, sous la plume du Procureur général, a considéré qu'il n'y avait pas le moindre indice de commission d'une quelconque infraction pénale, relevant que :

- A______ se trompait de cible en tant que l'acte qu'il critiquait n'était pas une décision mais un acte d'accusation et qu'il aurait tout loisir de présenter ses arguments devant les autorités de jugement;

- ses critiques concernaient pour l'essentiel la conduite de la procédure préliminaire. Or, non seulement il était assisté d'un avocat du début à la fin de cette procédure, se trouvant dans un cas de défense obligatoire, mais encore aucun de ses avocats successifs ne s'étaient plaints de violation des règles de la procédure;

- cela étant, la description des faits reprochés à l'intéressé dans l'acte d'accusation et leur qualification juridique relevaient de la compétence du Ministère public. Un examen prima facie de l'une et l'autre ne faisait ressortir aucun indice de volonté, de la part de la Procureure, de tromper l'autorité ou d'obtenir une condamnation qui ne s'inscrirait pas dans le respect des règles procédurales. Au contraire, les charges pesant sur l'intéressé s'étaient allégées depuis le premier rapport de police, puisque seule la violation intentionnelle des règles fondamentales de la circulation routière (art. 90 al. 3 LCR) lui était en définitive reprochée. Quoi qu'il en soit, il appartiendrait aux autorités de jugement d'examiner son argumentation;

- l'existence d'un vaste complot impliquant des autorités vaudoises et un collaborateur du Ministère public relevait de la pure fantaisie, aucun indice quelconque n'étant présenté à son appui;

- A______ ne pouvait tirer aucun argument de la maxime accusatoire décrite à l'art. 9 CPP, puisqu'il faisait précisément l'objet d'un acte d'accusation dont il comprenait le contenu;

- il se plaignait de "ne pas avoir pu interroger des témoins majeurs". Or, il était présent ou représenté lors des audiences au cours desquelles des témoins avaient été entendus. De plus, lorsque le Ministère public avait annoncé son intention de clore l'instruction (art. 318 CPP), il avait indiqué, par le truchement de son avocat, qu'il n'avait aucune réquisition de preuve à formuler;

- la Procureure était en droit de déléguer les auditions à une greffière-juriste (art. 142 al. 1 CPP et 21 LaCP). Aucune violation du droit d'être entendu ne pouvait être déduite de cette délégation;

- contrairement à ce que A______ semblait croire, la présomption d'innocence (art. 10 CPP) ne s'appliquait pas au stade de l'acte d'accusation, lequel est au contraire régi par le principe in dubio pro duriore. On ne voyait par ailleurs pas ce que l'intéressé entendait tirer de la maxime de l'instruction décrite à l'art. 6 CPP;

- les sanctions réclamées par le Ministère public dans l'acte d'accusation correspondaient au cadre légal en vigueur au moment du dépôt de l'acte, la violation intentionnelle des règles fondamentales de la circulation routière (art. 90 al. 3 LCR) étant alors punie d'une peine privative de liberté d'un an au moins.

D. a. À l'appui de son acte, A______ sollicite la récusation du Procureur général "dans toutes les affaires [les] opposant", arguant qu'il n'avait pas confiance en lui. Il réitère ensuite ses griefs à l'endroit de la Procureure B______ en tant qu'elle aurait rédigé "un acte d'accusation fallacieux" et violé nombre de droits fondamentaux. Cette "stratégie" visait à lui nuire.

b. À réception des sûretés, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du plaignant qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement irrecevables ou mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

3.             Le recourant reproche au Ministère public de ne pas être entré en matière sur sa plainte visant la Procureure B______.

3.1. Selon l'art. 310 CPP, le ministère public rend immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière s'il ressort de la dénonciation ou du rapport de police que les éléments constitutifs de l'infraction ou les conditions à l'ouverture de l'action pénale ne sont manifestement pas réunis (let. a). Le ministère public doit être certain que les faits ne sont pas punissables (ATF 137 IV 285 consid. 2.3 p. 287).

3.2. L'art. 312 CP réprime les membres d'une autorité et les fonctionnaires qui, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un avantage illicite, ou dans le dessein de nuire à autrui, abusent des pouvoirs de leur charge.

L'auteur n'abuse ainsi de son autorité que lorsqu'il use de manière illicite des pouvoirs qu'il détient de sa charge, c'est-à-dire lorsqu'il décide ou contraint en vertu de sa charge officielle dans un cas où il ne lui était pas permis de le faire. L'infraction peut aussi être réalisée lorsque l'auteur poursuit un but légitime, mais recourt pour l'atteindre à des moyens disproportionnés (ATF 127 IV 209 consid. 1a/aa et b et les arrêts cités; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1351/2017 du 18 avril 2018 consid. 4.2).

3.3. En l'espèce, à suivre le recourant, l'acte d'accusation rédigé par la Procureure B______ dans la P/1______/2020 était inique en tant qu'il ne tenait pas compte de sa version des faits survenus le 26 mars 2020, dans sa plainte. Il invoquait en outre plusieurs violations procédurales dans cette affaire.

Or, il se contente de reprendre ici ses précédents griefs, auxquels le Procureur général a répondu de manière détaillée dans son ordonnance.

Cette dernière est exempte de critique.

Comme relevé par le Procureur général, le recourant a été assisté d'un conseil tout du long dans la procédure P/1______/2020 et à aucun moment n'a émis le moindre grief sur la manière dont l'instruction était menée. Les éventuels griefs procéduraux en lien avec cette affaire doivent être soulevés dans le cadre de celle-ci.

Il appartiendra ensuite au recourant de présenter sa version des faits au juge du fond amené à statuer sur l'acte d'accusation, étant rappelé qu'un tel acte n'est pas susceptible de recours (art. 324 al. 2 CPP). Que cet acte ne lui convienne pas ne rend pas la Procureure suspecte d'avoir abusé de son autorité à son endroit.

L'existence d'un complot impliquant des autorités vaudoises et un collaborateur du Ministère public n'est en outre étayée par aucun indice.

Enfin, on ne voit pas en quoi la Procureure, qui a simplement fait usage de ses prérogatives (art. 61 let. a, 62 al. 1 et 324 al. 1 CPP), chercherait à lui nuire.

Partant, c'est à bon droit que le Ministère public n'est pas entré en matière sur la plainte, faute de prévention suffisante.

4. Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée.

5. Le rejet du recours rend sans objet la demande de récusation du Procureur général F______ chargé de la présente procédure. On ne pourrait de toute manière pas voir de prévention du magistrat dans le simple fait d'avoir prononcé une décision défavorable au recourant (ATF 139 III 120 consid. 3.2.1 p. 124; arrêts du Tribunal fédéral 6B_1424/2017 du 18 juin 2018 consid. 3.2; 6B_1238/2016 du 25 septembre 2017 consid. 4.1), ce dernier ne développant aucun grief au sens de l'art. 56 CPP, se limitant à invoquer n'avoir pas confiance en lui.

6. Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, qui seront fixés en totalité à CHF 1'000.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Dit que la demande de récusation formée contre le Procureur général F______ est sans objet.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, qui seront arrêtés à CHF 1'000.-.

Dit que ce montant sera prélevé sur les sûretés versées.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant et au Ministère public.

Le communique pour information au Tribunal de police (P/1______/2020) et au Procureur général F______.

Siégeant :

Monsieur Christian COQUOZ, président; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

Le président :

Christian COQUOZ

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/14276/2023

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

915.00

-

CHF

Total

CHF

1'000.00