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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/18376/2021

ACPR/18/2024 du 12.01.2024 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : RETARD INJUSTIFIÉ;ADMINISTRATION DES PREUVES;REFUS DE STATUER;PRINCIPE DE LA CÉLÉRITÉ
Normes : CPP.5; CPP.318

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/18376/2021 ACPR/18/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du vendredi 12 janvier 2024

 

Entre

A______, B______ et C______, représentés par Me Pierre BYDZOVSKY, avocat, Charles Russell Speechlys SA, rue de la Confédération 3-5, 1204 Genève,

recourants,

pour déni de justice

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. Par acte déposé le 28 septembre 2023, A______, B______ et C______ recourent pour déni de justice du Ministère public.

Ils concluent, sous suite de frais et dépens, au constat dudit déni, portant en particulier sur les actes d'instruction qu'ils ont sollicités, et à ce qu'il soit ordonné au Ministère public d'y procéder immédiatement.

b. Les recourants ont versé les sûretés en CHF 2'000.- qui leur étaient réclamées par la Direction de la procédure.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Dans le cadre de la présente procédure, ouverte le 28 septembre 2021, D______ – administrateur de la société E______ SA (ci-après : E______) sise à Genève, active dans la gestion de fortune, et gérant président de la société F______ SÀRL (ci-après : F______), active dans la détention et la gestion de biens pour le compte de tiers et appartenant à la société précitée – est prévenu d'escroquerie (art. 146 CP), d'abus de confiance aggravé (art. 138 ch. 2 CP) et de gestion déloyale aggravée (art. 158 ch. 1 al. 3 CP) au préjudice de nombreux lésés.

b. Le 27 janvier 2022, A______ et B______ ont déposé plainte pénale contre D______ et inconnu, principalement pour escroquerie et gestion déloyale. Ils se sont constitués parties plaignantes.

Ils détenaient leur fortune à titre personnel ou au travers de sociétés civiles de droit belge sans personnalité juridique, à savoir G______, à laquelle avait succédé H______, ainsi que I______, dont ils étaient les gérants et les propriétaires, avec leur fils C______. En 2006, ils avaient confié des avoirs à E______, mandat dont le suivi avait été conféré à D______, avant de conclure, le 29 janvier 2016, un "contrat de conseil en investissement" avec lui, à titre personnel. Sur conseils de celui-ci, les fonds à gérer avaient été transférés sur un compte "J______" de F______, ouvert en les livres de la banque K______. Le 22 septembre 2021, ils avaient été informés que D______ avait été licencié avec effet immédiat pour fautes professionnelles graves. Ils avaient alors cherché à retracer les investissements et opérations effectués par le prénommé, constatant rapidement que les informations et documents reçus au fil des années ne reflétaient pas la réalité. À la suite de nombreux échanges avec les entités du groupe E______ et malgré les explications lacunaires de celles-ci, ils avaient pu obtenir un classeur contenant de nombreux documents censés reconstituer la gestion de leurs investissements fiduciaires. Il en ressortait notamment qu'un montant total de CHF 1'033'970.- avait été "investi par D______ dans [la société] L______", ce qui laissait penser qu'une partie de leurs avoirs avait été détournée par les animateurs du groupe E______, dans le but de les investir dans L______ INC.

À titre de mesures d'instruction, ils ont sollicité notamment le séquestre et la saisie de la documentation bancaire depuis le 1er janvier 2016 concernant le compte de F______ auprès de [la banque] K______, et le séquestre et la saisie de la documentation bancaire de toutes les valeurs patrimoniales sur des comptes en Suisse détenus par D______, M______, responsable "legal & compliance" de E______, E______ et F______ et dont cette dernière serait l'ayant droit économique ou fondée de procuration.

c. Le 10 mars 2022, ils ont requis les perquisitions des locaux de F______, de E______, des domiciles de D______ et de M______, et ont réitéré leurs demandes de séquestre et de saisie de la documentation bancaire portant sur les entités ou individus mentionnés dans leur plainte pénale.

d. Préalablement, et depuis le 28 septembre 2021, le Ministère public avait, notamment, procédé aux actes d'instruction suivants :

d.a. Le 28 septembre 2021, il avait ordonné le séquestre, pour toute relation dont est ou aurait été titulaire ou ayant droit D______ auprès de [la banque] N______, de [la banque] N______ SWITZERLAND, et de K______, des avoirs en compte, placements et safes, des documents d'ouverture usuels, des relevés de compte et du dossier titres dès le 1er janvier 2020 et d'un état des avoirs au jour du séquestre.

d.b. Le 6 octobre 2021, il avait ordonné la perquisition des locaux professionnels de E______ et la mise sous séquestre de tous objets, appareils électroniques, y compris les données qu'ils contiennent ou qui sont accessibles à distance, documents ou valeurs patrimoniales.

d.c. Le 14 octobre 2021, il avait ordonné le séquestre, pour toute relation dont est ou aurait été titulaire ou ayant droit F______ auprès de [la banque] K______, des avoirs en compte, placements et safes, des documents d'ouverture usuels, des relevés de compte et du dossier titres de l'ouverture jusqu'au jour du séquestre, de l'intégralité des mouvements de compte de l'ouverture du compte au jour du séquestre, des justificatifs quant aux mouvements de compte précités (fonds et titres), et d'un état des avoirs au jour du séquestre.

d.d. Le 30 novembre 2021, il avait invité K______ à lui communiquer la liste de tous les comptes sur lesquels D______ disposait ou avait disposé d'une signature individuelle et la liste des comptes qui étaient ou avaient été sous gestion de E______ ou de F______.

e. Les 24 mars, 19 mai et 8 juin 2022, il a auditionné M______, ressortissant néerlandais établi dans le canton de Genève, en qualité de personne appelée à donner des renseignements.

f. Le 10 juin 2022, A______ et B______ ont requis une nouvelle audition de M______, au motif que l'audience du 8 juin 2022 ne leur avait pas permis de l'interroger sur tous les investissements faits par F______, sur l'évolution de la situation financière du groupe, ses actifs et sa situation personnelle. Ils ont également requis une copie du rapport de O______ SA (ci-après : O______), présenté en juillet 2019, sur demande du conseil d'administration de E______, dans le cadre d'un examen des processus d'investissement, y compris relatifs aux actions L______, au sein du groupe E______.

g. Par courrier du 13 juin 2022, le Ministère public a, notamment, réservé une suite d'audition de M______. Par ailleurs, il a indiqué que le rapport de O______ et les documents liés, tels les procès-verbaux des séances du conseil d'administration, figuraient au dossier.

h. Le même jour, C______ a déposé plainte pénale contre D______ et inconnu pour escroquerie (art. 146 CP) et gestion déloyale (art. 158 CP), laquelle plainte a été contresignée par A______ et B______ comme valant plainte pénale complémentaire en ce qui les concernait. Il s'est constitué partie plaignante.

En substance, il était copropriétaire de la société civile H______ et nu-propriétaire de I______, de sorte qu'il avait également été lésé par les agissements dénoncés par ses parents. Par ailleurs, sur conseil et par l'intermédiaire de D______, ils avaient accepté qu'un montant de EUR 500'000.- soit prêté par les sociétés précitées et par ses parents à P______ NV pour que cette dernière le prête à son tour à la société luxembourgeoise Q______. Le montant du prêt devait pouvoir être converti en action de P______. Lorsqu'ils avaient demandé la preuve de la propriété des actions, ils s'étaient rendu compte, le 12 octobre 2018, que, contrairement au contrat, le prêt avait été converti en actions de Q______. Ils s'en étaient plaints à D______, qui les avait convaincus de conserver les actions, la société précitée, une "jeune pousse (start-up)", n'ayant pas les liquidités pour les rembourser. Le 19 mars 2021, celui-ci avait confirmé la mise à jour du registre des actionnaires. Le 24 août 2021, lors d'un contact direct entre A______ et B______, d'une part, et le CEO de Q______, d'autre part, ils avaient appris que cette société était en faillite depuis le 7 avril 2020; ils n'avaient jamais pu récupérer le montant du prêt.

Il a, à titre de mesure d'instruction, requis l'audition de R______, ancienne employée du groupe E______, domiciliée dans le canton de Genève.

i. Le 24 juin 2022, A______, B______ et C______ ont notamment requis la "continuation de l'audition" de M______, l'audition de R______, et un ordre de dépôt, en mains de O______, de l'intégralité des documents liés au groupe E______, le rapport figurant au dossier ayant un caractère intermédiaire.

j. Le 5 septembre 2022, ils ont réitéré leur demande d'audition de M______ et le 9 septembre suivant, ils ont sollicité du Ministère public qu'il se détermine sur leurs réquisitions visant la recherche d'actifs en mains des sociétés en charge des investissements fiduciaires, alléguant un risque de disparition éventuel.

k. Dans sa réponse du 6 septembre 2022, le Ministère public leur a indiqué que l'instruction se concentrait en l'état sur d'autres lésés, lesquels donneraient lieu le moment venu à audiences. Il apprécierait ultérieurement l'opportunité de les ré-entendre sur les aspects de leurs récents courriers, voire d'ordonner d'autres auditions encore dans ce contexte.

l. Les précités ont, le même jour, réitéré leur demande d'actes d'instruction portant sur la recherche d'actifs, qui ne pouvait pas attendre, sur quoi le Ministère public leur a répondu, le 26 septembre 2022, qu'il leur reviendrait prochainement à ce propos.

m. Par pli du 19 octobre 2022, le Ministère public a répondu à leurs diverses demandes d'actes d'instruction depuis le dépôt de la plainte pénale initiale le 24 janvier 2022. Il leur a rappelé que depuis l'ouverture de la procédure, à fin septembre 2021, de nombreux actes d'instruction avaient été ordonnés, notamment la mise sous séquestre de biens immobilier et mobiliers. En substance, il n'entendait pas faire droit à ce qui s'apparentait à une reddition de compte civile mais bien rechercher tous les faits pertinents pour la qualification des actes reprochés au prévenu, à charge et à décharge et, le cas échéant, pour le jugement de ce dernier dans le respect notamment du principe de célérité. Il investiguait encore sur l'existence d'éventuelles autres contreparties de F______ et, le cas échéant, le possible retour des investissements consentis, voire un éventuel séquestre. Au vu du résultat des actes d'instruction accomplis à ce jour, il ne serait pas fait droit à leurs (autres) diverses requêtes d'actes d'instruction complémentaires.

n. Le recours interjeté contre cette décision par A______, B______ et C______ a été déclaré irrecevable par arrêt de la Chambre de céans du 21 décembre 2022, en vertu de l'art. 394 let. b CPP (ACPR/888/2022).

o. Par pli du 9 février 2023, A______, B______ et C______ ont demandé au Ministère public à quelle échéance il pourrait entendre R______ et réitéré leur souhait que l'audition de M______ soit poursuivie. Ils prenaient également note que les prochaines audiences seraient dédiées à la confirmation des plaintes de nouvelles parties plaignantes.

p. Par pli du 27 février 2023, ils ont réitéré leur demande d'audition de R______ et de M______.

q. Dans sa réponse du 28 février 2023, le Ministère public leur a indiqué qu'il n'était nullement l'usage de partager à l'avance avec les parties le calendrier des actes d'instruction qu'il entendait diligenter. Ils seraient ainsi, à l'instar des autres parties à la procédure, informés en temps utile, par la réception des avis d'audience, des prochaines auditions et de leur objet.

r.a. À l'audience du 3 mai 2023, le Ministère a procédé à une nouvelle audition de D______ en lien avec d'autres plaintes et lui a notifié des charges complémentaires.

À l'issue de celle-ci, il a informé les parties qu'une audience finale serait prochainement convoquée, laquelle mettrait un terme à l'instruction avant le renvoi du prévenu en jugement. Un avis de prochaine clôture formel suivrait à l'issue de l'audience finale.

r.b. Dite audience finale a été convoquée le 5 mai 2023 pour le 31 août 2023.

s. Par pli du 23 mai 2023, A______, B______ et C______ ont listé les actes d'instruction dont ils sollicitaient encore l'administration : suite de l'audition de M______; audition de R______; audition de S______ [membre du « management committee » mis en place à la découverte de la surexposition en titres L______]; audition de T______ [membre du « management committee » au sein de E______]; audition et confrontation de D______ aux précités; dépôt par O______ de l'intégralité des documents liés au groupe E______ lié à la surexposition en actions L______; et dépôt par Me U______ du rapport d'enquête de 2018 diligenté à la demande de E______ et du rapport final de O______. Ils reprochaient au Ministère public de ne pas compléter l'accusation en ce sens. À défaut, ils requéraient le prononcé d'une ordonnance de classement partielle.

t. Par courrier du 28 juin 2023, ils ont formellement demandé la mise en accusation de M______ pour escroquerie, voire gestion déloyale. À défaut d'extension de la procédure en ce qui le concernait, ils sollicitaient le prononcé d'une ordonnance de classement partielle. Pour le surplus, ils requéraient du Ministère public qu'il se détermine sur leurs réquisitions de preuves du 23 mai 2023.

u. Par pli du 27 juillet 2023, ils ont rappelé au Ministère public la teneur de leurs précédents courriers.

v. Le 14 août 2023, le Ministère public leur a écrit avoir bien reçu leurs demandes d'actes d'instruction complémentaires, indiquant qu'il se déterminerait en temps utile à leur propos. Il les a par ailleurs informés que l'audience finale initialement convoquée le 31 août 2023 était déplacée au 12 octobre 2023.

w. Par pli du 23 août 2023, A______, B______ et C______ ont sollicité, d'ici au 8 septembre 2023, une prise de position formelle et motivée du Ministère public sur chacune de leurs requêtes d'actes d'instruction complémentaires formées pour la première fois le 23 mai dernier, aucun acte d'instruction n'ayant été accompli depuis lors.

x. Dans sa réponse du 11 septembre 2023, le Ministère public a contesté le caractère urgent des actes sollicités. Il réitérait qu'il se déterminerait en temps utile à leur propos.

y. Par courrier du 13 septembre 2023, A______, B______ et C______ ont requis du Ministère public qu'il modifie l'ordre du jour de l'audience du 12 octobre aux fins d'entendre M______ et R______, puis convoque courant novembre une audience finale, "cela pour pouvoir clôturer votre instruction dans des délais raisonnables".

z. L'audience finale du 12 octobre 2023 a été annulée, par suite du présent recours.

C. a. À l'appui de leur recours, A______, B______ et C______ reprochent au Ministère public de ne s'être jamais déterminé formellement sur leurs réquisitions de preuve, rappelées dans leur courrier du 23 mai 2023. Or, ces actes d'instruction étaient pertinents pour la manifestation de la vérité. Malgré leurs nombreuses relances, le Ministère public avait planifié une audience finale et annoncé qu'un avis de prochaine clôture serait rendu, signifiant ainsi que la procédure préliminaire était sur le point d'être clôturée. Le principe de célérité de la procédure avait été violé.

b. Dans ses observations, le Ministère public conclut au rejet du recours. Il relève qu'en tant que direction de la procédure, il n'avait pas à se faire dicter la manière ou le tempo avec lesquels il entendait conduire son instruction, voire la clôturer, ni encore à justifier à chaque stade de l'instruction les raisons pour lesquelles il n'entendait pas donner suite à telle ou telle demande d'acte d'instruction. En annonçant, à l'issue de l'audience du 3 mai 2023, qu'il entendait prochainement convoquer une audience finale, il avait ainsi clairement exprimé que les faits concernant D______ étaient suffisamment instruits. Les recourants lui opposaient une appréciation différente quant à l'étendue de l'instruction et quant à son objet et aux personnes qu'elle devrait viser. Telle divergence ne devait pas être tranchée à ce stade de la procédure et à l'occasion d'un recours pour déni de justice. Les recourants ne l'ignoraient pas puisqu'ils avaient eux-mêmes relevés dans leurs plis des 23 mai et 28 juin 2023 qu'une décision de classement partielle devait être rendue en parallèle à un acte d'accusation s'il devait persister dans sa voie à l'issue de l'audience finale. À l'échéance du délai de l'avis de prochaine clôture, il trancherait la question des réquisitions de preuves et motiverait dûment "les raisons de leur rejet". Les recourants n'alléguaient aucune urgence à faire administrer sans délai les preuves résiduelles qu'ils souhaitaient, la question de leur pertinence étant réservée. Les développements des recourants étaient ainsi prématurés. Il rappelait enfin que la procédure, ouverte en 2021, était instruite diligemment et sans temps morts problématiques.

c. Les recourants répliquent et persistent dans leur recours. Plus d'un an après leur précédent recours, le Ministère public n'avait procédé à aucun des actes d'instruction sollicités ni ne s'était déterminé formellement sur ceux-ci, malgré leurs multiples requêtes en ce sens. Or, une inaction durant une période de 24 mois était, selon la jurisprudence, constitutive d'un déni de justice. Certes, le Ministère public avait poursuivi en partie son instruction mais en se focalisant uniquement sur D______. Il était illogique de convoquer une audience finale alors que l'instruction était incomplète et d'attendre l'avis de prochaine clôture avant de se prononcer sur les réquisitions de preuves sollicitées. Le Ministère public préjugeait en outre de manière inadmissible la suite de la procédure en indiquant qu'il rejetterait les actes d'instruction sollicités. Enfin, les parties avaient le droit de formuler des offres de preuves et de participer à l'administration de celles-ci.

EN DROIT :

1. Le recours, formé pour déni de justice et retard injustifié à statuer, soit des griefs invocables en tout temps (art. 396 al. 2 CPP), a été déposé selon la forme prescrite (art. 393 et 396 al. 1 CPP), par les plaignants, parties à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP) qui disposent d’un intérêt juridiquement protégé à ce qu’il soit statué sur leurs requêtes, et ce dans un délai raisonnable (art. 382 CPP).

2. 2.1. Il y a déni de justice formel, prohibé par l’art. 29 al. 1 Cst féd., lorsque l’autorité se refuse à statuer ou ne le fait que partiellement (ATF 144 II 184 consid 3.1; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1205/2018 du 22 février 2019 consid. 2.1.1).

2.2. Les art. 29 al. 1 Cst féd. et 5 CPP garantissent à toute personne le droit à ce que sa cause soit traitée dans un délai raisonnable; ils consacrent le principe de célérité et prohibent le retard injustifié à statuer. L'autorité viole cette garantie lorsqu'elle ne rend pas une décision qu'il lui incombe de prendre dans le délai prescrit par la loi ou celui que la nature de l'affaire et les circonstances font apparaître comme raisonnable. Le caractère approprié de ce délai s'apprécie selon les circonstances particulières de la cause, eu égard notamment à la complexité de l'affaire, à l'enjeu du litige pour l'intéressé, à son comportement ainsi qu'à celui des autorités compétentes. Des périodes d'activités intenses peuvent compenser le fait que le dossier a été laissé momentanément de côté en raison d'autres affaires. L’on ne saurait reprocher à l'autorité quelques temps morts, qui sont inévitables dans une procédure; lorsqu'aucun d'eux n'est d'une durée vraiment choquante, c'est l'appréciation d'ensemble qui prévaut. Selon la jurisprudence, apparaissent comme des carences choquantes une inactivité de treize ou quatorze mois au stade de l'instruction, un délai de quatre ans pour qu'il soit statué sur un recours contre l'acte d'accusation ou encore un délai de dix ou onze mois pour que le dossier soit transmis à l'autorité de recours (arrêt du Tribunal fédéral 6B_172/2020 du 28 avril 2020 consid. 5.1 et les références citées).

2.3. In casu, le Ministère public a répondu aux demandes d'actes d'instruction des recourants A______ et B______ du 10 juin 2022, le 13 suivant (cf. consid. B.g.). Les trois recourants ayant réitéré cette demande les 24 juin et 5 septembre 2022, le Ministère public leur a répondu le 6 septembre 2022 (cf. consid. B.k.) puis, à leur demande réitérée du même jour, le 26 suivant (cf. consid. B.l.). Le 19 octobre 2022, le Ministère public a répondu de manière détaillée à leurs diverses demandes d'actes d'instruction depuis le dépôt de leur plainte pénale (cf. consid. B.m.). Les recourants ont relancé le Ministère public les 9 et 23 février 2023 au sujet de l'audition de R______ et de la ré-audition de M______, ce à quoi le Ministère public leur a répondu le 28 février 2023 (cf. consid. B.q.). Par pli du 23 mai 2023, les recourants ont listés les actes d'instruction dont ils sollicitaient encore l'administration et relancé le Ministère public à ce propos les 28 juin et 27 juillet 2023. Le Ministère public, qui avait convoqué une audience finale dans l'intervalle, leur a répondu le 14 août 2023 qu'il se déterminerait en temps utile (cf. consid. B.v.). Les recourants ont réitéré leur demande le 23 août 2023, à laquelle le Ministère public a répondu le 11 septembre 2023 (cf. consid. B.x.), avant de la formuler à nouveau le 13 septembre 2023.

On ne décèle ainsi aucun déni de justice ni carence choquante en terme de délai de réponse.

Que le Ministère public n'ait pas encore procédé aux actes d'instruction requis, pour les raisons évoquées dans ses courriers, n'est par ailleurs pas constitutif d'une violation du principe de la célérité.

L'instruction, ouverte en septembre 2021, a suivi son cours sans désemparer, eu égard au nombre de lésés, parties plaignantes et autres intervenants ainsi qu'à sa nature financière complexe. Les recourants n'en disconviennent pas.

À les suivre, ils reprochent en réalité au Ministère public de n'avoir pas donné suite jusqu'ici à leurs réquisitions de preuve visant à étendre les faits reprochés au prévenu et à poursuivre également M______. Ces aspects ne sauraient être abordés à l'aune du présent recours.

La tenue d'une audience finale et l'avis de prochaine clôture annoncés par le Ministère public constitueront en effet une réponse à la requête d'actes d'instruction des recourants. Ces derniers disposeront alors d'un délai pour présenter leurs réquisitions de preuve, sur lesquelles le Ministère public statuera (art. 318 al. 2 CPP), de sorte que leur droit de participer à l'administration des preuves demeure intact. Dans l'hypothèse où le Ministère public ne retiendrait pas l'ensemble des faits reprochés à l'endroit du prévenu ou renoncerait à poursuivre un autre protagoniste, il rendrait une ordonnance de classement partielle, sujette à recours. Les droits procéduraux des recourants sont ainsi, à ce jour, préservés.

Les recourants ne tirent par ailleurs aucune conclusion juridique de l'affirmation du Ministère public selon laquelle il motiverait dûment les raisons du rejet des réquisitions de preuves à l'issue du délai de l'avis de prochaine clôture.

Quand bien même on verrait déjà un refus dans cette affirmation, il n'y pas lieu de se prononcer sur celui-ci à ce stade, sauf à vider de leur sens le principe du double degré de juridiction et les réquisits de l’art. 318 CPP.

En tout état, les recourants n'ont pas démontré qu'il y aurait une urgence à faire administrer les réquisitions de preuves sollicitées et que les prises de position du Ministère public leur causeraient un préjudice juridique au sens de l'art. 394 let. b CPP.

3. Le recours sera ainsi rejeté.

4. Les recourants, qui succombent, supporteront les frais envers l'État, qui seront fixés en totalité à CHF 2'000.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Condamne A______, B______ et C______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 2'000.-.

Dit que ce montant sera prélevé sur les sûretés versées.

Notifie le présent arrêt, en copie, aux recourants, soit pour eux leur conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et
Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, juges; Monsieur Sandro COLUNI, greffier.

 

Le greffier :

Sandro COLUNI

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/18376/2021

ÉTAT DE FRAIS

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

1'915.00

Total

CHF

2'000.00