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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/16827/2023

ACPR/8/2024 du 11.01.2024 sur OTDP/2668/2023 ( TDP ) , REJETE

Recours TF déposé le 14.02.2024, 6B_133/2024
Descripteurs : ORDONNANCE PÉNALE;OPPOSITION(PROCÉDURE);LANGUE;INTERPRÈTE;DROIT D'ÊTRE ENTENDU
Normes : CPP.356.al2; CPP.354; CPP.68

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/16827/2023 ACPR/8/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du jeudi 11 janvier 2024

 

Entre

A______, actuellement détenu à la prison de B______, représenté par Me C______, avocate,

recourant,

contre l'ordonnance rendue le 28 novembre 2023 par le Tribunal de police,

et

LE TRIBUNAL DE POLICE, rue des Chaudronniers 9, 1204 Genève - case postale 3715, 1211 Genève 3,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. Par acte expédié par messagerie sécurisée le 14 décembre 2023, A______ recourt contre l'ordonnance du 28 novembre 2023, notifiée le 4 décembre 2023, par laquelle le Tribunal de police a constaté l'irrecevabilité de son opposition pour cause de tardiveté et dit que l'ordonnance pénale du 4 août 2023 était assimilée à un jugement entré en force.

Le recourant conclut, sous suite de frais et dépens, principalement à l'annulation de ladite ordonnance et au constat de la recevabilité de son opposition.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a.A______, ressortissant tunisien, a été interpellé par la police le 3 août 2023 à la suite notamment d'une suspicion de vol à l'étalage dans un commerce genevois.

Il a été entendu le même jour par la police, en présence d'un interprète en langue arabe.

b. Par ordonnance pénale du 4 août 2023 rendue dans la procédure P/16827/2023, le Ministère public l'a condamné pour vol (art. 139 ch. 1 CP), infractions à l'art. 115 al. 1 let. a et b LEI, infraction à l'art. 33 al. 1 let. a LArm et infraction à l'art. 19a ch. 1 LStup.

Dite ordonnance lui a été notifiée en mains propres au Vieil Hôtel de police le même jour. À teneur de la mention y figurant en page 4, la décision lui a été traduite en langue arabe par un interprète.

c. Par courrier daté du 11 octobre 2023 reçu le lendemain par le Ministère public, A______ a formé opposition à une ordonnance pénale rendue le 4 octobre 2023 dans le cadre d'une autre procédure (P/1______/2023).

d. Lors de l'audience sur opposition du 19 octobre 2023, dans le cadre de la P/1______/2023, A______ a formé opposition à l'ordonnance pénale du 4 août 2023 rendue dans la P/16827/2023, respectivement à une autre ordonnance pénale rendue le 18 août 2023 dans la P/2______/2023. Il soutenait que l'information selon laquelle il pouvait former opposition auxdites ordonnances ne lui avait pas été traduite. C'était ses codétenus qui l'en avaient informé.

e. Par ordonnance sur opposition tardive du 26 octobre 2023, le Ministère public a conclu à l'irrecevabilité de l'opposition à l'ordonnance pénale du 4 août 2023, pour cause de tardiveté, et transmis la présente procédure au Tribunal de police, invitant celui-ci à lui retourner le dossier après avoir statué.

f. A______, interpellé par le Tribunal de police sur l'apparente irrecevabilité de son opposition, a réitéré, le 27 novembre 2023, n'avoir pas été informé du dispositif et des voies de droit de l'ordonnance pénale avant le 14 octobre 2023, date à laquelle son conseil s'était entretenu avec lui à la prison.

C. Dans son ordonnance querellée, le Tribunal de police relève que l'ordonnance pénale du 4 août 2023 avait été traduite en langue arabe par un interprète et valablement notifiée à l'intéressé le même jour. Le délai pour former opposition arrivait ainsi à échéance le 14 août 2023. Formée le 19 octobre 2023, l'opposition était tardive. Il n'était de surcroît pas compétent pour statuer sur une éventuelle demande de restitution de délai, cette compétence appartenant au Ministère public.

D. a. À l'appui de son recours, A______ conteste que l'ordonnance pénale du 4 août 2023 lui aurait été dûment traduite en langue arabe. L'ordonnance attaquée l'affirmait sans autre motivation, ce qui s'apparentait à une constatation inexacte des faits et violait son droit d'être entendu. Dite ordonnance contrevenant aux art. 68 al. 2 et 353 CPP, elle n'était pas valable.

b. À réception, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. b CPP) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement irrecevables ou mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

3.             Dès lors que la Chambre de céans jouit d'un plein pouvoir de cognition en droit, en fait et en opportunité (art. 393 al. 2 CPP) (ATF 137 I 195 consid. 2.3.2 p. 197; arrêt du Tribunal fédéral 1B_524/2012 du 15 novembre 2012 consid. 2.1), les éventuelles constatations incomplètes ou inexactes du Tribunal de police auront été corrigées dans l'état de fait établi ci-dessus.

4.             Le recourant reproche au Tribunal de police une violation de son droit d'être entendu.

4.1. Le droit d'être entendu, consacré par l'art. 29 al. 2 Cst féd., impose à l'autorité de motiver sa décision, afin que les parties puissent les comprendre et apprécier l'opportunité de les attaquer, et que les autorités de recours soient en mesure d'exercer leur contrôle (ATF 136 I 229 consid. 5.3 ; 126 I 97 consid. 2b). L'autorité peut se limiter à ne discuter que les moyens pertinents, sans être tenue de répondre à tous les arguments qui lui sont présentés (ATF 139 IV 179 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_146/2016 du 22 août 2016 consid. 1.1). Il suffit que l'autorité mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels il a fondé sa décision. Dès lors qu'on peut discerner ces motifs, le droit d'être entendu est respecté (arrêt du Tribunal fédéral 6B_226/2019 du 29 mars 2019 consid. 2.1).

4.2. En l'espèce, le Tribunal de police a considéré que l'ordonnance pénale du 4 août 2023 avait été dûment traduite en langue arabe au recourant et, partant, valablement notifiée à l'intéressé, sans autres développements.

Bien que la décision attaquée soit succinctement motivée, le recourant l'a parfaitement comprise et a pu faire valoir devant la Chambre de céans – qui dispose d'un plein pouvoir de cognition en fait et en droit (art. 391 al. 1 et 393 al. 2 CPP) – les arguments et faits qu'il considérait déterminants. L'éventuelle violation de son droit d'être entendu a ainsi été réparée.

Le grief sera donc rejeté.

5. 5.1. Selon l'art. 356 al. 2 CPP, le tribunal de première instance statue sur la validité de l'opposition formée à une ordonnance pénale.

5.2. À teneur de l'art. 354 CPP, le prévenu peut former opposition contre l'ordonnance pénale devant le Ministère public, par écrit et dans les 10 jours (al. 1 let. a). Si aucune opposition n'est valablement formée, l'ordonnance pénale est assimilée à un jugement entré en force (al. 3).

5.3. Le système de l'ordonnance pénale n'est conforme aux exigences découlant des art. 6 CEDH et 14 Pacte ONU II que si le prévenu peut librement accepter ou refuser l'offre qui lui est faite. Mais accepter cette offre de jugement c'est aussi renoncer à l'exercice des droits fondamentaux de la personne faisant l'objet d'une accusation en matière pénale. Les droits fondamentaux liés au statut de l'accusé ne sont pas des droits absolus; l'accusé peut y renoncer, y compris de manière implicite. C'est d'ailleurs le cas de l'ordonnance pénale, puisque l'acceptation de l'offre de jugement repose sur l'absence de réaction du prévenu dans le délai institué par la loi pour former opposition. Pour renoncer valablement à ces prérogatives, il est notamment indispensable que l'accusé donne un consentement univoque, libre et éclairé. Dans le domaine de l'ordonnance pénale, il faut donc s'assurer que c'est en toute connaissance de cause que le prévenu n'a pas formé opposition. Il faudra donc, notamment, que le prévenu ait conscience de recevoir une offre de condamnation et qu'il en comprenne, à tout le moins dans les grandes lignes, la portée. Il doit encore être pleinement conscient de son droit d'être jugé par un tribunal, en formant opposition. Cette exigence de compréhension pose notamment la question de la maîtrise de la langue dans laquelle l'ordonnance est rédigée (Y. JEANNERET, L'ordonnance pénale et la procédure simplifiée dans le CPP, in Procédure pénale suisse, Approche théorique et mise en oeuvre cantonale, 2010, n. 7-9 pp. 77-78 et les références citées).

Selon l'art. 68 al. 1 CPP, la direction de la procédure fait appel à un traducteur ou un interprète lorsqu'une personne participant à la procédure ne comprend pas la langue utilisée ou n'est pas en mesure de s'exprimer suffisamment bien dans cette langue (al. 1, 1ère phrase). Le contenu essentiel des actes de procédure les plus importants est porté à la connaissance du prévenu oralement ou par écrit dans une langue qu'il comprend, même si celui-ci est assisté d'un défenseur (al. 2).

En règle générale, singulièrement lorsqu'il n'est pas défendu par un avocat, le prévenu a le droit que lui soient traduits, à tout le moins, le dispositif du jugement ou de l'ordonnance pénale et l'énoncé des voies de droit (Y. JEANNERET, ibid; L. MOREILLON / A. PAREIN-REYMOND, Petit Commentaire CPP, Bâle 2016, n. 22a ad art. 68 CPP).

5.4. En l'espèce, le recourant ne conteste pas la tardiveté de l'opposition, celle-ci étant du reste manifeste. Il conteste la validité de la notification de l'ordonnance pénale, au motif que son dispositif et les voies de droit ne lui auraient pas été traduits dans une langue qu'il comprend.

Il semble établi que le recourant ne parle et ne comprend que la langue arabe, étant précisé que c'est dans cette langue qu'il a été entendu par la police, avec un interprète, le 3 août 2023.

À teneur de la mention figurant en page 4 de l'ordonnance pénale du 4 août 2023, dite ordonnance lui a été traduite en langue arabe par un interprète et notifiée en mains propres. Rien au dossier ne permet d'infirmer que l'interprète n'aurait pas traduit à tout le moins le dispositif et les voies de droit idoines, cette contestation ne reposant que sur les propres dires du recourant.

Que le recourant ait immédiatement formé opposition à une autre ordonnance pénale, en octobre 2023, ne signifie pas qu'il ne pouvait agir autrement lorsque l'ordonnance pénale du 4 août 2023 lui a été notifiée.

Il y a ainsi lieu d'admettre que la notification de l'ordonnance pénale du 4 août 2023 apparaît valable. Le recourant disposait dès lors de tous les éléments permettant d'en comprendre la portée et était informé de la faculté de s'y opposer par simple déclaration de volonté à l'autorité dans un délai de 10 jours.

Il s'ensuit que c'est à bon droit que le Tribunal de police a constaté que son opposition du 19 octobre 2023 était tardive.

Il n'appartenait pas à cette autorité de trancher la question d'une éventuelle restitution de délai, cette compétence étant du ressort du Ministère public.

La Chambre de céans ne peut, par conséquent, être saisie, à ce stade, d'une contestation en la matière, l'examen de cette question revenant au Ministère public, à qui le dossier sera donc retourné.

6. Le recours s'avérant infondé, il sera rejeté.

7. Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, qui comprendront un émolument de CHF 900.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03). En effet, l'autorité de recours est tenue de dresser un état de frais pour la procédure de deuxième instance, sans égard à l'obtention de l'assistance judiciaire (arrêts du Tribunal fédéral 1B_372/2014 du 8 avril 2015 consid. 4.6 et 1B_203/2011 du 18 mai 2011 consid. 4).

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Rejette le recours.

Met à la charge de A______ les frais de la procédure de recours, qui comprennent un émolument de CHF 900.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, au Tribunal de police et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Alix FRANCOTTE CONUS, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/16827/2023

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

900.00

-

CHF

Total

CHF

985.00