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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/19167/2022

ACPR/916/2023 du 20.11.2023 ( MP ) , ADMIS

Descripteurs : RETARD INJUSTIFIÉ
Normes : CPP.396.al2; CPP.29.al1; CPP.5

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/19167/2022 ACPR/916/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du lundi 20 novembre 2023

 

Entre

A______, représentée par Me B______, avocate, ______,

recourante,

pour déni de justice et retard injustifié,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. Par acte expédié le 16 octobre 2023, A______ recourt pour déni de justice et retard injustifié en raison de l'inactivité du Ministère public depuis plusieurs mois.

Elle conclut, sous suite de frais et dépens chiffrés, au constat d'un retard injustifié et de la violation du principe de la célérité; à ce que le Ministère public soit invité à rendre une décision, dans un délai de dix jours, sur ses réquisitions de preuve, à les administrer et à procéder à la clôture de l'instruction au plus tard d'ici au 29 février 2024; subsidiairement, elle conclut à l'octroi de l'assistance judicaire et à la désignation de Me B______ comme conseil juridique gratuit.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Le 8 septembre 2022, A______ s'est présentée au poste de police pour déposer plainte à l'encontre de son époux, C______, pour des violences domestiques. Elle reprochait à celui-ci de lui avoir, à des dates indéterminées, à partir du 29 mars 2022, régulièrement donné des gifles, tiré les cheveux, étranglée de ses mains au niveau de son cou en la menaçant de mort, jeté un cendrier sur la hanche droite lui causant un hématome, d'avoir cassé deux téléphones portables et l'avoir contrainte à subir des rapports sexuels alors qu'elle n'était pas d'accord et finissait par s'exécuter. Elle avait quitté le domicile conjugal le 5 septembre 2022 pour se rendre aux HUG, puis dans un foyer d'urgence, étant précisé qu'elle était enceinte.

b. Entendu à la police le jour même, C______ a déclaré s'être fiancé au Kosovo avec A______, mais être marié avec D______. Il a formellement contesté les faits qui lui étaient reprochés.

c. Il a été entendu par le Ministère public une seule fois, le 31 octobre 2022, date à laquelle il a été prévenu de lésions corporelles simples (art. 123 CP), voies de fait (art. 126 CP), dommages à la propriété (art. 144 CP), menaces (art. 180 CP) et infraction à l'art. 118 al. 1 LEI.

d. Par courrier du 24 novembre 2022, A______ a, par le biais de son conseil, fait valoir que certaines informations qu'elle avait données aux policiers ne figuraient pas dans le rapport de renseignements, ni dans sa déposition. Elle sollicitait l'audition du policier qui avait pris sa déposition et celle des agents qui l'avaient accompagnée à son domicile pour y récupérer ses affaires. Elle faisait valoir la nécessité de procéder rapidement à ces auditions, dès lors que les souvenirs de ces "témoins-clés" pourraient être altérés par l'écoulement du temps, au vu du nombre de dossiers qu'ils traitaient.

e. Elle a relancé le Ministère public par courriers des 29 mars, 8 mai, 18 juillet et 15 septembre 2023.

f. Aucune réponse n'a été apportée par le Ministère public à ces courriers.

g. Il ressort en outre de la procédure que, par courrier du 22 juin 2023, le Ministère public a sollicité de l'Office cantonal de la population et des migrations (ci-après, OCPM) la copie du dossier de C______, lequel a été transmis par courriel sécurisé le 24 juillet suivant.

C. a. Dans son recours, A______ déplore l'absence de réponse du Ministère public à ses courriers, indiquant ne pas avoir d'autre choix que de saisir la Chambre de céans d'un recours. Aucun acte de procédure n’avait été entrepris suite à l'audience de confrontation du 31 octobre 2022. L'absence d'activité durant près d'une année et l'absence totale de réponse à ses correspondances étaient constitutifs de déni de justice et de retard injustifié, qui imposaient le constat de la violation du principe de la célérité.

b. Dans ses observations du 31 octobre 2023, le Ministère public fait mention de ses démarches auprès de l'OCPM. En outre, les auditions sollicitées avaient fait l'objet de deux convocations des 22 et 29 novembre 2023. Partant le recours était sans objet.

c. La recourante n'a pas souhaité répliquer.

EN DROIT :

1.             1.1. Le recours pour déni de justice ou retard injustifié n'est soumis à aucun délai (art. 396 al. 2 CPP). Par ailleurs, le présent recours a été déposé selon la forme prescrite (art. 393 et 396 al. 1 CPP) et émane de la partie plaignante, qui a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à obtenir une décision de l'autorité sollicitée (art. 104 al.1 let. b et 382 CPP).

1.2. Si l’acte est devenu sans objet concernant le grief du déni de justice – le Ministère public ayant instruit la situation administrative du prévenu et finalement convoqué les auditions sollicitées – la recourante conserve toutefois un intérêt (art. 382 CPP) à ce qu'il soit statué sur le grief de la violation du principe de célérité.

2. 2.1. Les art. 29 al. 1 Cst féd. et 5 CPP garantissent à toute personne le droit à ce que sa cause soit traitée dans un délai raisonnable; ils consacrent le principe de célérité et prohibent le retard injustifié à statuer. L'autorité viole cette garantie lorsqu'elle ne rend pas une décision qu'il lui incombe de prendre dans le délai prescrit par la loi ou celui que la nature de l'affaire et les circonstances font apparaître comme raisonnable. Le caractère approprié de ce délai s'apprécie selon les circonstances particulières de la cause, eu égard notamment à la complexité de l'affaire, à l'enjeu du litige pour l'intéressé, à son comportement ainsi qu'à celui des autorités compétentes. Des périodes d'activité intense peuvent compenser le fait que le dossier a été laissé momentanément de côté en raison d'autres affaires. L'on ne saurait reprocher à l'autorité quelques temps morts, qui sont inévitables dans une procédure; lorsqu'aucun d'eux n'est d'une durée vraiment choquante, c'est l'appréciation d'ensemble qui prévaut. Selon la jurisprudence, apparaît comme une carence choquante une inactivité de treize ou quatorze mois au stade de l'instruction (arrêt du Tribunal fédéral 6B_172/2020 du 28 avril 2020 consid. 5.1 et les références citées).

2.2. In casu, le Ministère public n’a pas répondu aux missives de la recourante portant sur ses réquisitions de preuve durant près de onze mois, cela, malgré ses nombreuses relances.

Partant, la procédure a accusé un retard injustifié, ce qu'il y a lieu de constater.

3. La recourante, qui a gain de cause, n'assumera pas de frais judiciaires (art. 428 al. 1 CPP).

4. Elle n'a pas justifié de ses prétentions en indemnité, au sens de l'art. 433 al. 2 CPP, applicable en instance de recours (art. 436 al. 1 CPP), de sorte que la Chambre pénale de recours ne peut pas entrer en matière sur ce point (art. 433 al. 2, 2e phrase, CPP).

5.             Subsidiairement, la recourante requiert l'assistance judiciaire pour la procédure de recours.

5.1. À teneur de l'art. 136 CPP, la direction de la procédure accorde une telle assistance à la partie plaignante lorsqu'elle est indigente (al. 1 let. a) et que son action civile ne paraît pas vouée à l'échec (al. 1 let. b). Dite assistance comprend, notamment, la désignation d'un conseil juridique gratuit (art. 136 al. 2 let. c CPP).

5.2. Les art. 135 al. 1 cum 138 al. 1 CPP prévoient que le conseil juridique gratuit est rétribué conformément au tarif des avocats de la Confédération ou du canton du for du procès. À Genève, ce tarif est édicté à l'art. 16 RAJ et s'élève à CHF 200.- de l'heure pour un chef d'étude (al. 1 let. c).

Seules les prestations nécessaires sont retenues; elles sont appréciées en fonction, notamment, de la nature, l'importance et les difficultés de la cause, de la qualité du travail fourni et du résultat obtenu (art. 16 al. 2 RAJ).

5.3. En l'occurrence, la recourante, au bénéfice de l'Hospice général, est vraisemblablement indigente et bénéficie déjà de l'assistance d'un conseil juridique gratuit dans la présente procédure. Partant, il n'y a pas lieu de désigner à nouveau MB______ à ce titre.

Le temps déployé par l'avocate en instance de recours n'est pas détaillé. Eu égard aux écritures, à savoir un recours de onze pages (pages de garde et conclusions comprises), l'indemnité due sera fixée à CHF 861.60, correspondant à 4h d'activité pour un chef d'étude, TVA à 7.7% incluse.

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Admet le recours dans la mesure où il n'est pas devenu sans objet.

Constate un retard injustifié à statuer, au préjudice de A______ dans la conduite de la procédure P/19167/2022.

Laisse les frais de la procédure de recours à la charge de l'État.

Alloue à Me B______, à la charge de l'État, une indemnité de CHF 861.60 (TVA à 7.7% incluse) pour l'instance de recours.

Notifie le présent arrêt, en copie, à la recourante (soit pour elle son conseil) et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Mesdames Alix FRANCOTTE CONUS et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Madame Oriana BRICENO LOPEZ, greffière.

 

La greffière :

Oriana BRICENO LOPEZ

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).