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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/18047/2023

ACPR/891/2023 du 13.11.2023 sur OMP/17479/2023 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : AVOCAT D'OFFICE;REMPLACEMENT
Normes : CPP.133; CPP.134.al2

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/18047/2023 ACPR/891/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du lundi 13 novembre 2023

 

Entre

A______, domiciliée ______ [GE], agissant en personne,

recourante,



contre l'ordonnance de refus de remplacement du défenseur rendue le 20 septembre 2023 par le Ministère public,


et


LE MINISTÈRE PUBLIC
de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. Par acte expédié le 2 octobre 2023, A______ recourt contre l'ordonnance du 20 septembre 2023, communiquée par pli simple et reçue selon elle le lendemain, par laquelle le Ministère public a refusé de relever son défenseur d'office, Me B______, de sa mission.

La recourante conclut à l'annulation de ladite ordonnance et à ce que Me C______ soit désignée comme son avocat d'office en lieu et place de Me B______. Elle sollicite en outre d'être exonérée des frais de la présente instance.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. A______ est prévenue de violation du devoir d'assistance ou d'éducation (art. 219 CP) et de lésions corporelles simples (art. 123 CP), pour avoir à Genève :

- à une période indéterminée mais à tout le moins dès fin mars 2023, de manière indéterminée, occasionné sur sa fille D______, des blessures sur la peau, une fracture métaphysaire de l'humérus droit, une fracture diaphysaire cubitale gauche, sur mécanisme de torsion, étant précisé qu'il a été également constaté des irrégularités de la métaphyse distale du tibia gauche, ainsi que des irrégularités des jonctions vertébro-costales des côtes 7, 8, 9 gauches, suspectes de fractures anciennes et étant relevé qu'un constat de lésions traumatiques a été effectué le 17 août 2023 et que le médecin légiste a indiqué que les blessures apparentes au niveau de la peau de l'enfant pouvaient être dues à des morsures, coup d'ongles, préhensions fortes, ainsi que des potentiels jets de liquides chauds ou d'acide, mettant ainsi en danger le développement physique et psychique de l'enfant, étant précisé que le père, E______, est prévenu des mêmes faits;

- à une période indéterminée mais à tout le moins dès fin mars 2023, exposé
son fils F______ aux actes ayant conduit aux blessures et fractures infligées sur sa sœur D______, mettant ainsi en danger le développement physique et psychique de celui-ci.

b. La prévenue a été arrêtée le 17 août 2023.

c. Une défense d'office en sa faveur, en la personne de Me B______, a été ordonnée par le Ministère public le 18 août 2023.

d. Me B______ a assisté la prévenue à l'audience qui s'est tenue le dimanche 20 août 2023 devant le Tribunal des mesures de contrainte (ci-après : TMC), s'opposant à la mise en détention de sa cliente et concluant à sa mise en liberté sous mesures de substitution.

e. Le TMC a, le même jour, ordonné la détention provisoire de la prévenue jusqu'au 28 août 2023.

f. Une audience de confrontation a eu lieu le 24 août 2023. À teneur du procès-verbal, Me B______ a quitté l'audience à un moment donné et a été remplacé par Me G______.

À l'issue de l'audience, la prévenue a été remise en liberté moyennant des mesures de substitution.

g. Par pli du 1er septembre 2023, A______ a sollicité un changement urgent d'avocat, indiquant ne pas se sentir soutenue par Me B______. Lors de la première audience devant le TMC, il lui avait suggéré de déposer des observations écrites alors qu'elle souhaitait s'exprimer oralement, au motif qu'il avait un mariage le jour de l'audience. Le jour en question, elle l'avait vu au parloir à H______ et s'était excusée de lui avoir fait louper le mariage mais il lui avait dit que c'était la veille; lors de leur discussion, il n'avait "tellement rien [eu] à [lui] dire ou à [lui] demander", lui disant qu'il trouvait le temps long. Ensuite, il n'avait pas appelé sa sœur pour la rassurer, bien qu'elle le lui eût expressément demandé. Lors d'une audience de confrontation, il avait quitté celle-ci en plein milieu, ce qui l'avait fortement surprise et inquiétée. Elle laissait des messages à son Étude pour qu'il la rappelle mais il ne le faisait pas. Elle se sentait ainsi livrée à elle-même. Elle souhaitait que Me C______, qui la représentait déjà sur le plan civil, l'assiste.

h. Me B______ s'est déterminé par courrier du 18 septembre 2023. Il considérait les reproches de la cliente infondés et contestait toute rupture du lien de confiance. Il n'avait aucunement été invité à un mariage le jour de l'audience au TMC, soit le 20 août 2023. S'il avait suggéré d'abord des observations écrites, c'était pour pouvoir s'exprimer de manière plus détaillée. Il contestait avoir dit, lors du parloir, qu'il trouvait le temps long; il s'était par contre plaint de ce qu'il faisait très chaud. Il avait ensuite appelé la sœur de sa cliente à plusieurs reprises et répondu aux appels de celle-ci, ce qu'il pouvait établir au moyen de ses relevés téléphoniques. Il avait rencontré sa cliente avant l'audience du 24 août 2023; il avait dû se faire remplacer au cours de celle-ci en raison d'un conflit d'agendas, son autre audience ayant été convoquée avant. Sa mandante avait essayé de le joindre une fois par téléphone; lorsqu'il lui avait retourné son appel, elle avait répondu qu'elle était occupée et le rappellerait, ce qu'elle n'avait jamais fait.

C. Dans sa décision querellée, le Ministère public considère qu'il n'existe aucun motif objectif de rupture du lien de confiance, pas plus qu'une violation objective par l'avocat de son devoir d'assistance. Une défense efficace restant assurée, il refusait de relever Me B______ de sa mission.

D. a. À l'appui de son recours, A______ expose que vu la gravité des faits qui lui sont reprochés – qu'elle conteste – elle devait pouvoir avoir confiance en son défenseur, ce qui n'était pas le cas. Elle revient sur ses précédents griefs. Selon elle, son défenseur d'office, qui avait un mariage la veille de sa première audience devant le TMC, avait tenté de la dissuader de comparaître pour ne pas à avoir à préparer celle-ci. Lors du parloir, il lui avait dit que les médecins parlaient du "syndrome de Münchausen" tout en lui disant qu'il "ne savait pas trop ce que c'était", alors qu'une simple recherche sur internet l'aurait renseigné; même la police lui avait fourni des explications "bien plus claires" à ce sujet. Me B______ ne l'avait pas avertie qu'il ne pourrait pas l'assister lors de l'audience de confrontation; elle avait été "prise au dépourvu" lorsqu'il avait annoncé à la Procureure qu'il devait partir; elle avait ensuite été assistée par un avocat dont elle ignorait le nom et avec lequel elle n'avait jamais pu échanger auparavant; cette situation l'avait perturbée et déstabilisée. Les seuls mots de son conseil à sa sortie de H______ avaient été "vous pourrez demander une indemnisation pour votre détention injustifiée", alors que la seule réponse qu'elle attendait était de connaître le moment où elle pourrait retrouver ses enfants. Son conseil ne lui avait communiqué qu'une partie de son dossier, le 23 août 2023, et lorsqu'il lui avait transmis la copie complète, le 25 septembre 2023, elle avait constaté que la copie du procès-verbal de l'audience de confrontation n'y figurait pas. Après sa libération, elle avait cherché en vain à de multiples reprises à joindre son conseil; la seule fois où il l'avait rappelée, elle était en entretien avec sa psychiatre et lui avait dit qu'elle le rappellerait; elle n'avait cependant jamais réussi à le joindre de nouveau et avait laissé un message à son Étude – ce qu'attestaient la liste des appels figurant sur le relevé téléphonique qu'elle produisait – et lui-même ne l'avait pas rappelée. Son conseil avait parlé à Me C______ et lui avait indiqué qu'il ne s'opposerait pas à un changement d'avocat; or, il avait dit le contraire dans ses observations au Ministère public. Ces reproches dénotaient selon elle une défense inefficace.

b. Dans ses observations, le Ministère public conclut au rejet du recours, se référant à la motivation de son ordonnance.

c. A______ réplique. Le Ministère public ne répondant pas aux reproches qu'elle avait formulés, ceux-ci devaient être considérés comme établis.

EN DROIT :

1. Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP) – les formalités de notification (art. 85 al. 2 CPP) n'ayant pas été observées –, concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner de la prévenue qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2. 2.1. Selon l'art. 133 CPP, le défenseur d'office est désigné par la direction de la procédure au stade considéré (al. 1); lorsqu'elle nomme le défenseur d'office, la direction de la procédure prend en considération les souhaits du prévenu dans la mesure du possible (al. 2). Cette disposition concrétise la jurisprudence du Tribunal fédéral et de la CourEDH relative aux art. 29 al. 3 Cst. et 6 § 3 let. c CEDH (arrêt du Tribunal fédéral 1B_387/2012 du 24 janvier 2013 consid. 4.3).

2.2. Une demande de remplacement du défenseur d'office ne peut être admise que si, pour des motifs objectifs, une défense compétente et efficace des intérêts du prévenu n'est plus garantie (ATF 116 Ia 102 consid. 4b/aa). L'art 134 al. 2 CPP précise à ce propos qu'une défense compétente et efficace ne peut plus être assurée non seulement en cas de violation objective du devoir d'assistance, mais déjà en cas de perturbation grave de la relation de confiance entre le prévenu et le défenseur.

Le simple fait que la partie assistée n'a pas confiance dans son conseil d'office ne lui donne pas le droit d'en demander le remplacement lorsque cette perte de confiance repose sur des motifs purement subjectifs et qu'il n'apparaît pas de manière patente que l'attitude de l'avocat d'office est gravement préjudiciable aux intérêts de la partie (ATF 138 IV 161 consid. 2.4 p. 164; 114 Ia 101 consid. 3 p. 104; arrêt du Tribunal fédéral 1B_375/2012 du 15 août 2012 consid. 1.1).

De simples divergences d'opinion quant à la manière d'assurer la défense des intérêts du prévenu dans le cadre de la procédure ne constituent à cet égard pas un motif justifiant un changement d'avocat. Il appartient en effet à l'avocat de décider de la conduite du procès; sa mission ne consiste donc pas simplement à endosser le rôle de porte-parole sans esprit critique de l'accusé, qui se limiterait à se faire l'interprète des sentiments et des arguments de son client (ATF 116 Ia 102 consid. 4b/bb p. 105 ;
105 Ia 296 consid. 1e p. 304). Sont en revanche dignes d'être pris en considération des griefs précis touchant à la personne du défenseur ou à un comportement de ce dernier qui montre à l'évidence que toute relation de confiance avec ce dernier est exclue (arrêt du Tribunal fédéral 1B_187/2013 du 4 juillet 2013 consid. 2.2 et 2.3; A. KUHN / Y. JEANNERET / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2e éd., Bâle 2019, n. 17 ad art. 134).

À titre d'exemple, les intérêts du prévenu ne sont pas suffisamment défendus notamment lorsque le défenseur n'assiste pas, de façon répétée, aux audiences d'instruction, en particulier aux confrontations; omet de rendre visite à son client durant la détention provisoire; reste longtemps inatteignable sans s'excuser ou se faire remplacer; ne consacre pas le temps nécessaire à la préparation de la défense (A. KUHN / Y. JEANNERET / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), op. cit., n. 20 ad art. 134).

2.3. En l'espèce, la recourante allègue un manque de confiance en son conseil et une défense inefficace.

Les griefs qu'elle a exposés devant le Ministère public et qu'elle réitère ici sont contestés par l'avocat d'office, qui n'a pas manifesté, de son côté, le souhait d'être remplacé.

On peine à voir dans ces reproches des motifs de remplacement objectifs.

On relèvera en substance que Me B______ a assisté sa cliente lors de la première audience devant le TMC, conformément au souhait de celle-ci de comparaître devant cette autorité, et ce, nonobstant ses éventuelles autres obligations d'ordre privé le week-end en question. Qu'il lui ait suggéré dans un premier temps de formuler des observations écrites importe dès lors peu.

L'avocat d'office lui a également rendu visite à la prison avant l'audience de confrontation du 24 août 2024 et l'a assistée pendant la première partie de celle-ci, avant de se faire remplacer par un confrère en raison d'un conflit d'agendas. On ignore s'il en avait préalablement averti sa cliente. La défense efficace de la prévenue a cependant été assurée pendant ladite audience, quand bien même l'intéressée se serait sentie déstabilisée, étant précisé qu'elle a été remise en liberté à l'issue de celle-ci.

L'avocat d'office conteste n'avoir pas retourné les appels téléphoniques de sa cliente. Même s'il subsiste des divergences entre eux sur qui devait rappeler qui, il n'apparaît pas que l'avocat se serait rendu inatteignable sur une longue période.

La recourante ne prétend plus que l'avocat n'aurait pas pris contact avec sa sœur, comme elle le lui avait demandé.

Dans son recours, elle allègue par contre, pour la première fois, que lors du premier parloir avec son conseil, celui-ci ignorait ce que signifiait le "syndrome de Münchausen". On ne voit toutefois pas en quoi cette affirmation trahirait une défense inefficace, tout au plus une méconnaissance d'un terme médical, sans conséquence, la recourante indiquant, elle, l'avoir compris.

On peine également à voir en quoi le fait, pour son conseil, de n'avoir pas tenu les propos qu'elle attendait de lui à sa sortie de prison, trahirait une rupture du lien de confiance.

Qu'il manque prétendument la copie du procès-verbal d'audience du 24 août 2023 dans le dossier transmis par son conseil ne dénote pas non plus une défense inefficace, telle omission, si elle est avérée, pouvant au demeurant s'expliquer par le fait que l'avocat d'office n'était plus présent à la fin de ladite audience. Quoiqu'il en soit, la recourante ne prétend pas lui avoir ensuite réclamé en vain la communication de ladite pièce.

Quant aux propos que lui aurait rapportés Me C______ ensuite de sa discussion avec son conseil d'office, ils ne sont nullement étayés dans le dossier, cette avocate ne s'étant au demeurant pas manifestée auprès du Ministère public pour solliciter éventuellement la reprise du mandat de son confrère.

Il n'existe ainsi, en l'état, aucun motif objectif laissant entrevoir que Me B______ n'assurerait pas une défense efficace de la recourante ou que la relation de confiance entre eux serait rompue.

Au regard des conditions strictes posées à l'art. 134 al. 2 CPP, le changement du défenseur désigné ne se justifie donc pas.

3. Le recours sera dès lors rejeté.

4. La recourante, bien qu'au bénéfice de l'assistance juridique, supportera les frais de la procédure de recours (art. 428 al. 1 CPP; arrêts du Tribunal fédéral 1B_203/2011 du 18 mai 2011 consid. 4 et 1B_372/2014 du 8 avril 2015 consid. 4.6), qui seront fixés en totalité à CHF 500.- (art. 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP; E 4 10.03).

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Met à la charge de A______ les frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 500.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, à la recourante (en personne) et au Ministère public.

Le communique, pour information, à Me B______.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Madame Oriana BRICENO LOPEZ, greffière.

 

La greffière :

Oriana BRICENO LOPEZ

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).

P/18047/2023

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

415.00

Total

CHF

500.00