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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/19867/2023

ACPR/859/2023 du 06.11.2023 sur OTDP/2140/2023 ( TDP ) , ADMIS

Descripteurs : OPPOSITION TARDIVE;RESTITUTION DU DÉLAI;LA POSTE;DÉLAI;EMPÊCHEMENT NON FAUTIF
Normes : CPP.354; CPP.91.al2; CPP.356.al2; CPP.94.al1

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/19867/2023 ACPR/859/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du lundi 6 novembre 2023

 

Entre

A______, domiciliée ______, France, agissant en personne,

recourante,

 

contre l'ordonnance rendue le 26 septembre 2023 par le Tribunal de police,

 

et

LE TRIBUNAL DE POLICE, rue des Chaudronniers 9, case postale 3715,
1211 Genève 3,

LE SERVICE DES CONTRAVENTIONS, chemin de la Gravière 5, case postale 104, 1211 Genève 8,

intimés.


EN FAIT :

A. Par acte expédié le 30 septembre 2023 au greffe du Tribunal de police, qui l'a reçu le 4 octobre 2023 et transmis à la Chambre de céans, A______ recourt contre l'ordonnance du 26 septembre 2023, notifiée le 29 suivant, par laquelle le Tribunal de police a constaté l'irrecevabilité de l'opposition qu'elle avait formée à l'ordonnance pénale n° 1______ du 17 juillet 2023, pour cause de tardiveté, et dit que ladite ordonnance était assimilée à un jugement entré en force.

La recourante conteste être responsable des délais postaux en France.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Le 30 mars 2023 à 10h11, le véhicule automobile de marque B______ – à teneur du formulaire d'amende d'ordre – immatriculé (F) 2______ a été constaté en infraction (stationnement sur un trottoir) à la route 3______ à C______ (GE).

b. Par ordonnance pénale n° 1______ du 17 juillet 2023, le Service des contraventions (ci-après : SdC) a condamné sa détentrice, A______, à une amende de CHF 120.-, plus CHF 60.- d'émoluments, pour violation de la Loi fédérale sur la circulation routière.

Selon le suivi des envois recommandés de la Poste suisse, le pli contenant l'ordonnance pénale a été distribué à sa destinataire le 21 juillet 2023.

c. Par courrier recommandé daté du 21 juillet 2023, remis à la poste française le même jour, A______ a formé opposition à l'ordonnance pénale.

À teneur du suivi de cet envoi, la poste française l'a remis au transporteur pour expédition vers la Suisse le 31 juillet 2023 et le pli est arrivé au poste frontière le 3 août 2023.

d. À l'appui de son opposition, l'intéressé a indiqué n'être jamais venue en Suisse. Le jeudi 30 mars 2023, elle s'était rendue à son travail, à la mairie de D______ [France], avec son véhicule de marque E______, immatriculé 2______. Elle soupçonnait une erreur d'enregistrement ou une usurpation de plaques d'immatriculation. Elle joignait une main courante déposée à la gendarmerie française le 21 juillet 2023.

e. Par ordonnance sur opposition tardive du 12 septembre 2023, le SdC, qui a conclu à l'irrecevabilité de l'opposition pour cause de tardiveté, a transmis la procédure au Tribunal de police afin qu'il statue sur la validité de l'ordonnance pénale et de l'opposition.

f. Interpellée par le Tribunal de police sur l'apparente irrecevabilité de son opposition, A______ a réitéré ses explications. Elle s'estimait non fautive si son courrier d'opposition posté le 21 juillet 2023 n'avait été réceptionné qu'en août en Suisse. Elle sollicitait l'annulation de l'amende.

C. Dans l'ordonnance querellée, le Tribunal de police a retenu que l'ordonnance pénale avait été valablement notifiée le 21 juillet 2023. Le délai pour former opposition était donc venu à échéance le 31 juillet 2023. Partant, l'opposition parvenue le 3 août 2023 au poste frontière suisse était tardive et, partant, irrecevable. Le fait que les services postaux français aient mis dix jours pour remettre le courrier au transporteur en vue de son expédition vers la Suisse était certes regrettable, dans la mesure où la contrevenante ne pensait certainement pas que la poste française acheminerait son pli en dehors du délai. Cela étant, les délais de traitement de la poste française n'étaient pas des motifs valables pour entrer en matière sur une éventuelle restitution de délai. Le cas échéant, il appartenait à la contrevenante de s'assurer auprès de la poste française que son courrier serait distribué en Suisse à l'intérieur du délai d'opposition.

D. a. Dans son recours, A______ indique avoir interrogé la poste française qui lui avait répondu, pièce à l'appui, que les délais de livraison donnés au départ étaient indicatifs. Elle ne pouvait donc pas s'assurer que son courrier serait distribué en Suisse à l'intérieur du délai d'opposition. Elle réitère n'être jamais venue en Suisse et produit une attestation de son employeur, la Commune de D______, du 20 septembre 2023, à teneur de laquelle elle travaillait effectivement le 30 mars 2023 de 8h00 à 12h00 et que son véhicule immatriculé 2______ était stationné sur le parking de la mairie.

b. Le Tribunal de police se réfère à sa décision, sans autres observations.

c. Le SdC se réfère à l'ordonnance querellée. Il ajoute qu'après vérifications, le numéro des plaques d'immatriculation mentionné sur l'amende d'ordre établie par la police municipale de C______ (F 2______) correspondait effectivement à un véhicule de marque E______ et non B______. Partant, une erreur au niveau du relevé de l'immatriculation ou une usurpation de plaques n'était pas exclue.

EN DROIT :

1.             Le recours a été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 91 al. 4, 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerne une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émane de la contrevenante qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

Même en l'absence de conclusions formelles, le recours, émanant d'un justiciable en personne, apparaît suffisamment motivé, au sens de l'art. 385 CPP.

Partant, le recours est recevable.

2. 2.1. Selon l'art. 354 CPP (applicable par renvoi de l'art. 357 al. 2 CPP), le contrevenant peut former opposition contre l'ordonnance pénale, par écrit et dans les 10 jours, directement à l'autorité qui a statué (al. 1 let. a). Si aucune opposition n'est valablement formée, l'ordonnance pénale est assimilée à un jugement entré en force (al. 3).

2.2. Aux termes de l'art. 91 CPP, le délai est réputé observé si l'acte de procédure est accompli auprès de l'autorité compétente au plus tard le dernier jour du délai (al. 1 CPP).

Les écrits doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai à l'autorité pénale, à la Poste suisse, ou à une représentation consulaire ou diplomatique suisse (al. 2 CPP).

2.3. Selon l'art. 356 al. 2 CPP, le tribunal de première instance statue sur la validité de l'opposition formée à une ordonnance pénale.

Lorsque l'opposition n'est pas "valable", car elle est tardive, pour avoir été formée hors du délai de 10 jours institué à l'art. 354 al. 1 CPP (ATF 142 IV 201), le tribunal de première instance n'entre pas en matière sur le fond de la contestation (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1067/2018 du 23 novembre 2018 consid. 1.2).

2.4. À teneur de l'art. 94 al. 1 CPP, une partie peut demander la restitution du délai si elle a été empêchée de l'observer et qu'elle est de ce fait exposée à un préjudice important et irréparable; elle doit toutefois rendre vraisemblable que le défaut n'est imputable à aucune faute de sa part.

 

Par empêchement non fautif, il faut comprendre toute circonstance qui aurait empêché une partie consciencieuse d'agir dans le délai fixé. Il s'agit non seulement de l'impossibilité objective, comme la force majeure, mais également l'impossibilité subjective due à des circonstances personnelles ou à l'erreur (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, Bâle 2019, N. 10 ad. art. 94).

2.5. En l'espèce, il est admis que la recourante a reçu l'ordonnance pénale le 21 juillet 2023. Elle y a formé opposition immédiatement, par courrier recommandé remis le jour-même à la poste française. Pour des raisons inexpliquées, la poste française n'a remis le pli au transporteur en vue de son expédition vers la Suisse que le 31 juillet 2023, de sorte que celui-ci n'est parvenu au poste frontière suisse que le 3 août 2023. Cette situation inédite n'apparaît ainsi aucunement imputable à la recourante, ce dont le premier juge ne disconvient pas en affirmant que "cette situation est fort regrettable" – la contrevenante "ne pensant certainement pas" que la poste française acheminerait son courrier en dehors du délai –.

On ne voit par ailleurs pas comment elle aurait pu s'assurer auprès de la poste française que son pli serait distribué en Suisse avant l'expiration du délai d'opposition, les informations données au départ par la poste sur les délais de livraison n'étant qu'indicatives.

Si les délais de la poste française ne sont certes pas des motifs d'empêchement non fautifs valables, comme le relève à juste titre le Tribunal de police, il y a toutefois lieu de considérer, dans le cas d'espèce, que c'est bien sans sa faute que la recourante n'a pas formé opposition à l'ordonnance pénale dans le délai de 10 jours prescrit. Dit délai lui sera donc restitué.

3. Le recours est admis. L’ordonnance entreprise sera dès lors annulée et la cause renvoyée au Tribunal de police pour qu'il examine le fond de la cause, notamment à la lumière de l'attestation de l'employeur de la recourante et des dernières explications du SdC.

4. L'admission du recours ne donne pas lieu à la perception de frais (art. 428 al. 1 CPP).

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Admet le recours et annule l'ordonnance rendue le 26 septembre 2023 par le Tribunal de police.

Restitue le délai d'opposition à l'ordonnance pénale n° 1______ du 17 juillet 2023 notifiée le 21 suivant à A______ et dit que ladite opposition est valable.

Renvoie la cause au Tribunal de police pour suite de la procédure, au sens des considérants.

Laisse les frais de la procédure de recours à la charge de l'État.

Notifie le présent arrêt, en copie, à A______, au Tribunal de police et au Service des contraventions.

Le communique pour information au Ministère public.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Mesdames Alix FRANCOTTE CONUS et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Monsieur Julien CASEYS, greffier.

 

Le greffier :

Julien CASEYS

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).