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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/18061/2012

ACPR/854/2023 du 06.11.2023 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : JONCTION DE CAUSES;CONNEXITÉ;PRINCIPE DE LA CÉLÉRITÉ
Normes : CPP.29; CPP.30; CP.49

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/18061/2012 ACPR/854/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du lundi 6 novembre 2023

 

Entre

A______, domicilié ______ [GE], représenté par Me Etienne MONNIER, avocat, rue Neuve 6, case postale 1140, 1260 Nyon 1,

recourant,

contre l'ordonnance de jonction rendue le 26 juin 2023 par le Ministère public,

 

 

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. Par acte expédié le 10 juillet 2023, A______ recourt contre l'ordonnance du 26 juin 2023, communiquée par pli simple, par laquelle le Ministère public a joint les procédures pénales P/1______/2020 et P/18061/2012 sous ce dernier numéro.

Le recourant conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de l'ordonnance querellée et à ce que les procédures susmentionnées soient instruites séparément.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. B______ SÀRL est une société sise à C______ (Valais), dont D______ et A______ étaient respectivement président-gérant et gérant, avec signature individuelle, entre 2009 et l'été 2011. À compter du 27 juillet 2011, le premier nommé a occupé seul la position de gérant, et ce jusqu'au 15 juillet 2015, date à laquelle il a été démis de sa fonction et remplacé par le second.

b. L'actionnaire unique de B______ SÀRL est E______ SA – aujourd'hui en liquidation par suite de la faillite prononcée le ______ 2016 – dont le siège se situe également à C______. Le 27 juillet 2006, D______ en est devenu l'administrateur unique, et ce jusqu'au 9 juillet 2015, date à laquelle il a été démis de sa fonction et remplacé par A______ et F______. Radiée du Registre du commerce du Valais le ______ 2016, la société a été réinscrite le ______ 2017. Depuis, les précités occupent les fonctions d'administrateur président liquidateur, respectivement d'administrateur.

c. Le 21 décembre 2012, D______, déclarant agir en qualité d'actionnaire et administrateur de E______ SA, respectivement de gérant unique de B______ SÀRL, a déposé une première "dénonciation pénale" auprès du Ministère public de Genève contre, notamment, A______ et F______ leur reprochant en substance d'avoir:

-     tenu une assemblée générale des actionnaires de E______ SA en faisant faussement constater dans les procès-verbaux que l'entier du capital-actions était présent;

-     adopté des résolutions relatives à sa radiation en qualité d'administrateur de E______ SA – respectivement de gérant de B______ SARL – et à son remplacement par A______ et F______ et

-     adressé au Registre du commerce des réquisitions visant les modifications précitées.

Il reprochait également à A______ – en sa qualité de gérant de B______ SARL – d'avoir perçu indûment un bonus de CHF 50'000.- et d'avoir transféré un remboursement de prêt de l'ordre de CHF 25'000.- à un tiers, causant ainsi un préjudice à la société.

Cette plainte a été enregistrée sous le numéro de procédure P/18061/2012, dans le cadre de laquelle, A______ et F______ ont été entendus par la police les 7 et 8 novembre 2013 en qualité de prévenus.

d. Le 21 juin 2017, D______ a déposé une deuxième "dénonciation pénale" auprès du Ministère public du canton du Valais notamment contre A______ et F______ pour diverses infractions, dont celles de contrainte (art. 181 CP), extorsion (art. 156 CP), dénonciation calomnieuse (art. 303 CP), vol (art. 139 CP), banqueroute frauduleuse (art. 163 CP), diminution effective de l'actif au préjudice des créanciers (art. 164 CP), faux dans les titres (art. 251 CP) et gestion déloyale (art. 158 CP), reprenant certains faits exposés dans sa précédente dénonciation pénale. Il reprochait également aux précités d'avoir en substance:

-     diminué l'actif de E______ SA en refusant, sans raison valable, des créances revenant à celle-ci;

-     omis d'apporter à la société précitée des ressources nécessaires pour le paiement de ses dettes et

-     notifié à D______ des commandements de payer pour des créances inexistantes, ainsi que de l'avoir dénoncé abusivement auprès du Ministère public du canton du Valais.

Cette plainte a été enregistrée sous le numéro MPG 1______.

e. Le 6 juillet 2017, le Ministère public valaisan a demandé à son homologue genevois de reprendre la procédure précitée, ce que ce dernier a accepté par ordonnance du 11 juillet suivant. Ladite procédure a été inscrite sous la référence P/2______/2017.

f. Par ordonnance du 31 octobre 2017, le Ministère public a ordonné la jonction des procédures P/2______/2017 et P/18061/2012 sous ce dernier numéro.

Cette décision n'a pas fait l'objet d'un recours.

g. Par courrier du 30 avril 2019, A______ a formulé des observations sur la plainte du 21 juin 2017, contestant les faits qui lui étaient reprochés.

h. Le 7 février 2020, le Ministère public a tenu une audience de confrontation entre A______ et D______ lors de laquelle ceux-ci ont été entendus en lien avec les faits reprochés au préjudice de B______ SARL soulevés dans la plainte du 21 décembre 2012.

i. Le 17 novembre 2020, D______ a déposé une troisième "dénonciation pénale" contre A______ et F______ des chefs de gestion déloyale (art. 158 CP), faux dans les titres (art. 251 CP) et banqueroute frauduleuse et fraude dans la saisie (art. 163 CP), leur reprochant, en substance, d'avoir produit des comptes erronés en annexe à l'annonce de surendettement de E______ SA déposée le 12 avril 2016, ainsi que d'avoir, par leurs agissements, privé la précitée de fonds qui auraient permis de réduire le dommage subi par les créanciers.

Cette dénonciation a été référencée sous le numéro de procédure P/1______/2020.

j. Le 21 décembre 2020, le Ministère public a informé D______ et A______ de son intention de classer la procédure P/18061/2012 en ce qu'elle concernait la dénonciation pénale du 21 décembre 2012. Un délai leur a été imparti pour présenter des réquisitions de preuve et requérir une éventuelle indemnité.

k. Par missive de son conseil du 20 janvier 2021, D______ s'est opposé au classement et a requis diverses mesures, dont l'audition de A______ et de F______.

C. Dans l'ordonnance querellée, le Ministère public retient que la jonction des procédures se justifiait, dans la mesure où les faits visés dans la P/1______/2020 se recoupaient partiellement avec ceux dénoncés par D______ le 21 juin 2017 et instruits dans la P/18061/2012.

D. a. Dans son recours, A______ soutient qu'aucune raison objective ne justifiait la jonction des procédures, dans la mesure où celles-ci concernaient des faits essentiellement différents. En outre, le Ministère public avait informé les parties de son intention de classer la procédure P/18061/2012 en décembre 2020, soit à un moment où la procédure P/1______/2020 avait déjà été ouverte. Enfin, conformément à l'art. 49 CP, il n'était pas possible de joindre une procédure terminée avec une procédure dont l'instruction n'était pas même ouverte.

b. À réception du recours, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

 

 

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP) – les formalités de notification (art. 85 al. 2 CPP) n'ayant pas été observées –, concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement irrecevables ou mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

3.             3.1. À teneur de l'art. 29 CPP, les infractions sont poursuivies et jugées conjointement lorsqu'un prévenu a commis plusieurs infractions (al. 1 let. a) ou s'il y a plusieurs coauteurs ou participants (al. 1 let. b).

Ce principe, dit de l'unité, tend à éviter les jugements contradictoires et sert l'économie de la procédure (arrêt du Tribunal fédéral 1B_428/2018 du 7 novembre 2018 consid. 3.2). De façon générale, l'article 49 CP impose la règle de l'unité des poursuites qui veut que les infractions commises en concours doivent être réprimées dans un seul et même jugement et qu'un seul juge doive se prononcer sur l'ensemble des faits qui peuvent être reprochés à un délinquant. Cette solution permet d'éviter la multitude de jugements rendus à l'encontre du même prévenu, le prononcé d'une peine complémentaire ou peine d'ensemble, ainsi que les frais liés à toute nouvelle procédure. En ce sens, les intérêts de l'auteur sont préservés. La solution choisie par le législateur tend aussi à éviter des jugements contradictoires, que cela soit au niveau de la constatation de l'état de fait, de l'appréciation juridique ou de la fixation de la peine (ATF 138 IV 214 consid. 3 p. 218 s. ; L. MOREILLON / A. PAREIN-REYMOND, Petit commentaire du code de procédure pénale, 2ème éd., Bâle 2016, n. 3 ad art. 29).

3.2. L'art. 30 CPP prévoit la possibilité de déroger au principe de l'unité de la procédure. Une telle dérogation exige toutefois des raisons objectives, ce qui exclut de se fonder, par exemple, sur de simples motifs de commodité (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 2 ad art. 30).

La disjonction des causes en vertu de l'art. 30 CP doit cependant rester l'exception et l'unité de la procédure la règle, dans un but d'économie de procédure, d'une part, mais aussi afin de prévenir le prononcé de décisions contraires, d'autre part. Ainsi, le Tribunal fédéral a considéré qu'en vertu du principe de l'unité de procédure, le ministère public était tenu de joindre des procédures à l'encontre du même prévenu quand bien même la nature des infractions était fort différente, en l'occurrence violences domestiques et escroquerie (ATF 138 IV 214 consid. 3.6 et 3.7).

Des procédures pourront être disjointes, par exemple, lorsque plusieurs faits sont reprochés à un auteur et que seule une partie de ceux-ci sont en état d'être jugés, la prescription s'approchant (ATF 138 IV 214 consid. 3.2 p. 219). Elles pourront également l'être en présence de difficultés liées à un grand nombre de coauteurs dont certains seraient introuvables, lorsqu'une longue procédure d'extradition est mise en œuvre ou encore en cas de violation du principe de célérité (arrêts du Tribunal fédéral 1B_230/2019 du 8 octobre 2019 consid. 3.4 ; 1B_428/2018 du 7 novembre 2018 consid. 3.2). Des raisons d'organisation des autorités de poursuite pénale ne suffisent pas (ATF 138 IV 214 consid. 3.2 p. 219).

3.3. En l'espèce, le recourant est mis en cause dans les deux procédures concernées. Conformément au principe de l'unité de la procédure, ces faits – et les infractions qui y sont associées – doivent donc en principe être poursuivis conjointement, afin qu'un seul juge se prononce, le cas échéant, sur l'ensemble.

Par ailleurs, les deux procédures présentent des similitudes, dans la mesure où certaines infractions visées – soit notamment celles de faux dans les titres, de diminution effective de l'actif au préjudice du créancier, de banqueroute frauduleuse et de gestion déloyale – sont les mêmes. En effet, D______ reproche au recourant, dans ses plaintes des 21 juin 2017 (P/18061/2012) et 17 novembre 2020 (P/1______/2020), d'avoir privé E______ SA des fonds qui auraient permis de réduire le dommage subi par les créanciers. Il existe donc une connexité entre les faits dénoncés, laquelle justifie de manière objective qu'ils soient jugés conjointement pour permettre une vision d'ensemble des actes reprochés au recourant et éviter le risque de jugements contradictoires.

Certes, le Ministère public a informé les parties, par courrier du 21 décembre 2020, de son intention de classer la procédure en ce qu'elle concernait la dénonciation pénale du 21 décembre 2012. Cependant, contrairement à ce que prétend le recourant, ce classement annoncé ne vise pas la plainte du 21 juin 2017, laquelle a été jointe à la P/18061/2012 sans que le précité ne s'y oppose. Or, rien n'indique, dans le dossier – et le recourant ne l'invoque pas – que l'instruction des plaintes des 21 juin 2017 (P/18061/2012) et 17 novembre 2020 (P/1______/2020) soit à un stade d'avancement différent. En tout état de cause, le fait qu'une des procédures soit à un stade plus avancé n'est pas de nature à empêcher la jonction des causes.

Le grief tiré de la violation des art. 29 et 30 CPP sera ainsi rejeté.

Cela étant, il ne peut être ignoré que la P/18061/2012 est ouverte depuis plus de dix ans. Le respect du principe de célérité commande dès lors que les faits qui restent à élucider sur cette procédure le soient sans délai.

4. L'ordonnance querellée sera donc confirmée et le recours rejeté.

5. Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 1'000.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure, arrêtés à CHF 1'000.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, et au Ministère public.

 

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Monsieur Julien CASEYS, greffier.

 

Le greffier :

Julien CASEYS

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/18061/2012

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

915.00

Total

CHF

1'000.00