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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/22275/2021

ACPR/807/2023 du 16.10.2023 sur OCL/731/2023 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : VOIES DE FAIT;LÉSION CORPORELLE SIMPLE;VIOLENCE DOMESTIQUE;CLASSEMENT DE LA PROCÉDURE
Normes : CP.123; CP.126; CPP.319.al1.leta

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/22275/2021 ACPR/807/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du lundi 16 octobre 2023

 

Entre

A______ et B______, représentées par leur curatrice, Me C______, avocate,

recourantes,

contre l'ordonnance de classement rendue le 23 mai 2022 par le Ministère public,

et

D______, domiciliée c/o E______, ______, représentée par Me F______, avocate,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. Par acte expédié le 5 juin 2023, A______ et B______ recourent contre l'ordonnance du 23 mai 2023, notifiée le 25 suivant, par laquelle le Ministère public a classé les faits reprochés à G______ et D______, soit, à bien comprendre la procédure, qui ne contient aucune ordonnance d'ouverture d'instruction, les infractions aux art. 187 et 219 CP pour le premier, et aux art. 126 et 219 CP pour la seconde.

Les recourantes concluent à l'annulation de l'ordonnance querellée et, cela fait, au renvoi de la cause au Ministère public pour qu'il rédige un acte d'accusation contre D______ pour les infractions de violence physique à leur encontre.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a.G______ et H______ se sont mariés le ______ 2012 et séparés fin 2017. Ils sont les parents des mineures A______, née le ______ 2012, et B______, née le ______ 2016.

b. Le 5 novembre 2021, H______ s'est rendue à la police pour déposer plainte contre G______ et la compagne de ce dernier, D______, pour des faits de maltraitance sur ses filles A______ et B______.

Elle a rapporté une conversation qu'elle avait eue avec B______, qui lui avait indiqué en pleurant que son père, lors des bains ou la nuit, se livrait à des attouchements sur elle et que la compagne de son père était physiquement violente avec elle, notamment en la tapant avec des chaussures, en lui mettant du piment et du savon dans les yeux ou dans la bouche. Selon l'enfant, des faits similaires se produisaient à l'égard de sa grande sœur. D______ avait mis un coussin sur le visage de celle-ci pour la forcer à dormir. A______, atteinte d'un handicap lié à son épilepsie, était scolarisée dans une école pédagogique spécialisée et avait indiqué "dame tape" à sa mère, sans être capable d'expliquer qui était la dame en question. H______ avait ajouté être en instance de divorce avec G______, qui avait la garde des deux filles, elle-même bénéficiant d'un droit de visite de deux week-ends par mois sur A______ et de deux week-ends par mois, la moitié des vacances scolaires et la semaine du mardi au jeudi sur B______.

c. Auditionnée le 5 novembre 2021 par la police selon le protocole NICHD, B______ n'a fait aucune mention de gestes d'ordre sexuel de la part de son père, mais a évoqué être "frappée" (utilisant tant ce verbe que le mot "taper"), de même que sa sœur, par D______, notamment avec une chaussure, sans détailler son récit. Lors de son audition, elle a souvent associé le qualificatif de "méchant" à son père – qu'elle a d'abord accusé de taper sa sœur A______ avant de déclarer ne pas se souvenir avoir dit cela – ainsi qu'à D______, précisant que son papa n'était plus amoureux de sa maman et qu'il avait poussé celle-ci lorsqu'elle était enceinte.

d. Auditionné le même jour par la police, G______ a contesté les accusations de H______. Cette dernière parlait très négativement de D______ devant les enfants, ce qui créait une tension inutile. Elle avait également dit à B______ qu'elle obtiendrait le droit de garde, car il irait en prison. Après que les juridictions civiles lui avaient confié la garde des filles, H______ avait déposé deux plaintes à son encontre pour maltraitance sur les enfants, lesquelles n'avaient pas abouti. Son amie D______ travaillait comme nounou auprès d'enfants placés par le Service de protection des mineurs (ci‑après :  SPMi) et avait été entendue par ce service à la suite des premières accusations de H______.

e. Auditionnée le 9 novembre 2021 par la police, D______ a contesté les déclarations de H______, avec qui elle n'avait eu qu'un seul échange, au cours duquel celle-ci s'était montrée très désagréable, la comparant à un gorille et précisant qu'elle la détruirait. Ses relations avec A______ et B______ étaient bonnes, sans tension, et elles vivaient ensemble une routine de famille.

f. Auditionnée le 15 novembre 2021 par la police, I______ a déclaré travailler à plein temps depuis mars 2021 comme nounou de A______ et B______. La belle-mère criait souvent sur les filles, le père attribuant ce comportement à une différence culturelle. Le 24 juillet 2021, A______ présentait une ecchymose autour de l'œil. Lorsqu'elle avait interrogé sa petite sœur sur la cause de cette ecchymose, cette dernière lui avait répondu que "tata" (soit D______) l'avait frappée. L'enfant lui avait dit en être sûre, le coup ayant été infligé à A______ car cette dernière pleurait le soir et faisait semblant de dormir. Elle avait alors appelé par vidéo-conférence le père en lui montrant l'œil de sa fille et en lui rapportant les explications de B______, que cette dernière avait directement répétées à celui-ci. Le jour même, elle était sortie avec les filles. A______ avait eu une crise d'épilepsie dans l'ascenseur. Le soir ou le lendemain, G______ avait réuni ses filles, D______ et elle-même pour avoir une discussion. D______ avait commencé à hurler, en reprochant à B______ de mentir. Cette dernière pleurait beaucoup et faisait "comme une crise d'angoisse". D______ avait demandé où elle aurait frappé A______. La sœur cadette avait répondu que c'était dans le dos. D______ l'avait alors menacée d'une fessée si elle persistait à mentir. B______ avait dit à D______ qu'elle ne voulait pas vivre avec elle. D______ avait rétorqué une phrase comme : "Tu m'aimes pas, mais moi, je vais me marier avec ton père". Ce dernier restait passif. La situation l'avait choquée et quelques jours plus tard, elle avait remis sa démission. Après qu'elle eut dit à G______ qu'elle ne comprenait pas le comportement de D______ avec les filles, ce dont il avait pris note, elle était revenue sur sa démission. Par la suite, l'attitude de D______ s'était améliorée. Elle avait arrêté de crier et de claquer les portes, et ne faisait plus "comme si [A______] n'était pas là".

Entre fin octobre et début novembre 2021, elle avait eu un échange tendu avec D______, qui avait voulu la "remettre à l'ordre" sur un ton très sec après que le père lui avait demandé de communiquer davantage avec celle-ci. La même semaine, D______ lui avait demandé d'amener A______ à midi chez sa "sœur", chez qui B______ se trouvait déjà. Lorsqu'elle l'avait récupérée à 14h00, il lui avait semblé qu'il n'y avait aucun lien entre D______ et cette personne. Elle avait ensuite redéposé A______ chez cette même dame le soir, qui était étonnée de recevoir des médicaments d'urgence, ne sachant pas que l'enfant souffrait d'épilepsie. Cet épisode l'avait incitée à démissionner une nouvelle fois. En sus d'un problème avec le salaire, elle ne partageait pas la vision éducative de D______. En revanche, les filles ne s'étaient jamais plaintes de leur père.

Enfin, elle a ajouté avoir, le 25 juin 2021, constaté une bosse sur le front de A______. Selon le père, qui n'était toutefois pas présent lors de l'événement, celle-ci s'était cognée contre le rebord du lit. Un jour, B______ et J______, la fille de D______, lui avaient dit, l'air choqué, que cette dernière avait frappé A______. Sans en être certaine, elle a précisé que cela devait être le jour où elle avait constaté une ecchymose à l'œil de la précitée.

g. Le 24 novembre 2021, le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (ci-après, TPAE) a désigné Me C______ en qualité de curatrice de représentation de A______ et B______ dans le cadre de la présente procédure.

h. Le 25 novembre 2021, Me C______ a, pour ses protégées, annoncé vouloir participer à la procédure comme demanderesse au pénal et au civil.

i. Le 26 novembre 2021, le SPMi a informé le TPAE qu'à la suite de l'hospitalisation sociale de A______ et B______, qui avait duré une semaine, les observations médicales gynécologiques et pédopsychiatriques n'avaient mis en évidence aucun risque d'abus. Les auditions de la police confirmaient selon lui des actes de "maltraitance" de D______.

j. Dans son rapport d'évaluation sociale du 22 mars 2022, le service d'évaluation et d'accompagnement de la séparation parentale (ci‑après : SEASP) a préconisé le maintien de la garde de fait de A______ et B______ au père, au motif notamment que les médecins n'avaient pas objectivé de traumatismes physiques et psychiques sur les enfants durant et après leur hospitalisation sociale.

k. Le 13 septembre 2022, le Ministère public a procédé à l'audition des parties ainsi que de I______, nounou de A______ et B______ de mars 2021 à mars 2022.

À cette occasion, il a prévenu D______ pour avoir, à Genève, depuis une date indéterminée en 2020, fait usage de violence et de maltraitance physique et verbale à l'encontre des enfants précitées. G______ a quant à lui été prévenu pour avoir attouché sexuellement les parties génitales de sa fille B______, et manqué à son devoir d'assister ses filles, en laissant sa compagne les maltraiter.

k.a. Me C______, curatrice, a déclaré que B______ lui avait rapporté que sa belle-mère frappait sa sœur et elle-même, mais plus fréquemment la première. L'enfant avait ajouté que D______ criait beaucoup. Elle lui avait par ailleurs demandé, en chuchotant, s'il était grave de frapper avec une ceinture.

k.b.G______ a contesté que D______ ou lui fussent des parents violents, se référant à sa culture, son éducation et sa foi pour décrire ses méthodes éducatives. Il était impossible que D______ ait frappé ses filles avec une ceinture ou des chaussures.

k.c.D______ a contesté les faits reprochés, imputant les accusations portées par B______ à des manipulations de sa mère.

Elle a produit une lettre de recommandation du 4 octobre 2021 d'une famille pour laquelle elle a travaillé comme nounou ; une attestation du 1er septembre 2022 de son ex-compagnon la qualifiant de mère aimante pour ses deux enfants issus d'une union antérieure, qu'elle n'avait jamais maltraités ; et un certificat de travail intermédiaire du 15 juillet 2021 de K______ SA, son employeur en qualité de "nanny à domicile", la qualifiant de collaboratrice très compétente exécutant les tâches confiées à la pleine et entière satisfaction des clients.

k.d.I______ a déclaré que D______ criait beaucoup en présence des filles. S'agissant de l'ecchymose à l'œil de A______, elle avait demandé à sa sœur si elle savait ce qu'il s'était passé. Celle-ci avait répondu que "tata" [D______] avait frappé sa sœur. Elle-même n'avait jamais vu cette dernière frapper les filles. A______ pouvait avoir une crise n'importe quand et se faire mal si personne ne la tenait. Pour le surplus, elle a confirmé ses déclarations du 15 novembre 2021 à la police.

l. À l'audience du 19 octobre 2022 du Ministère public, la curatrice des enfants a déclaré ne pas avoir eu l'impression que B______ était manipulée par l'un de ses parents.

m. Entendue comme témoin par le Ministère public le 5 décembre 2022, L______, pédiatre de A______ et B______, a déclaré n'avoir jamais remarqué de traces ou de signes laissant penser à des coups, hormis les blessures consécutives aux crises de A______, lors desquelles cette dernière pouvait chuter. Elle voyait en consultation B______ une fois par année et A______ quatre fois, sans avoir eu de suspicion spontanée de maltraitance physique ou psychique ni d'actes d'ordre sexuel.

n. Entendue comme témoin par le Ministère public le 6 février 2023, M______, qui avait travaillé comme aide-soignante durant l'été 2020 au sein de la famille, a déclaré que le comportement de G______ et de D______ avec les filles était très attentionné. Elle ne les avait jamais vus crier ou violenter les enfants ni constaté d'hématomes sur ces derniers.

o. Entendue comme témoin à cette occasion, N______, enseignante, a déclaré que début novembre 2021, B______, qui était d'habitude une enfant très joyeuse, semblait peinée et lui avait dit que D______ la frappait sur la joue lorsque son père était au travail. Une semaine plus tard, la même enfant, l'air peiné, lui avait confié que son père lui avait dit d'enlever sa culotte et son pantalon et l'avait touchée à l'entre-jambe, en précisant qu'il faisait cela quand elle dormait, pour lui faire mal, ou lors de la douche.

p. Le 16 février 2023, le Ministère public a informé les parties qu'il entendait rendre une ordonnance de classement et leur a imparti un délai pour présenter leurs éventuelles réquisitions de preuve.

q. Le 27 mars 2023, Me C______ a requis une expertise de crédibilité de ses protégées.

C. Dans son ordonnance querellée, le Ministère public retient qu'il n'existe pas de soupçons suffisants de violences physiques pour justifier une mise en accusation de D______. Bien que l'intéressée eût des méthodes éducatives fermes, il n'était pas établi que des coups eussent été portés, les marques sur A______ pouvant être la conséquence de ses crises d'épilepsie. En outre, le conflit de loyauté important dans lequel se trouvaient les enfants devait conduire à considérer avec retenue les allégations des parties et de ne les retenir que si elles étaient corroborées par des éléments objectifs au dossier, ce qui n'était pas le cas.

L'expertise de crédibilité requise ne pouvait modifier cette appréciation, les enfants, qui devaient être préservées du conflit de loyauté, ayant déjà été entendues par divers thérapeutes et intervenants.

D. a. Dans son recours, la curatrice de A______ et B______ tient pour établi que "des coups auraient été portés" sur ses protégées, en violation des art. 123 ou 126 CP. Les probabilités d'acquittement ne pouvaient être considérées comme supérieures à celles d'une condamnation. En effet, les déclarations de la sœur cadette, lors de son audition, avaient été confirmées par l'audition de leur nounou, à qui B______ et J______ avaient rapporté que la prévenue avait frappé A______. Un constat similaire ressortait du rapport du 26 novembre 2021 du SPMi.

b. Dans ses observations, le Ministère public conclut au rejet du recours, sans autre développement.

c. Dans ses observations, D______ soutient qu'il était incohérent d'apprécier différemment le degré de crédibilité de B______ entre les accusations d'abus sexuels reprochées au père et celles de maltraitance lui étant reprochées. En effet, l'ensemble des déclarations de la mineure résultait d'un conflit de loyauté lié aux accusations fantaisistes de la mère, qui visait à entraver la vie privée et amoureuse de son ex-conjoint. De plus, la nounou n'avait jamais assisté à des actes de violence de sa part, mais avait uniquement recueilli les déclarations de B______. Enfin, l'ensemble des professionnels de la santé considérait que les hématomes présentés par A______ étaient consécutifs à des crises d'épilepsie.

d. Dans ses observations, G______ souligne que les observations médicales ont exclu tout risque d'abus. La mère déposait des plaintes pénales infondées et la poursuite de la procédure était préjudiciable à ses filles, qui avaient déjà été entendues à de multiples reprises, B______ étant confrontée à une situation bien trop difficile à gérer pour une enfant de sept ans.

EN DROIT :

1.             À titre liminaire, la Chambre de céans constate que les recourantes ne remettent pas en cause l'ordonnance de classement en tant qu'elle concerne les infractions reprochées au prévenu. Ce point n'apparaissant plus litigieux, il ne sera pas examiné plus avant dans le présent arrêt (art. 385 al. 1 let. a CPP).

2.             2.1. Le recours a été interjeté selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), à l'encontre d'une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP; art. 128 LOJ/GE), par la partie plaignante qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à voir poursuivre l'auteur de la prétendue infraction commise à son encontre (art. 115 et 382 al. 1 CPP).

2.2. En l'espèce, A______ et B______, mineures, valablement représentées par leur curatrice, ont déclaré, par courrier du 25 novembre 2021, entendre participer à la procédure en qualité de parties plaignantes.

Par conséquent, elles ont qualité pour agir.

3.             Les recourantes soutiennent qu'il existe contre l'intimée une prévention suffisante de voies de fait (art. 126 CP), voire de lésions corporelles simples (art. 123 CP).

3.1. Selon l'art. 319 al. 1 let. a CPP, le ministère public ordonne le classement de la procédure lorsqu'aucun soupçon justifiant une mise en accusation n'est établi.

Cette disposition doit être interprétée à la lumière du principe "in dubio pro duriore", selon lequel un classement ne peut être prononcé que quand il apparaît clairement que les faits ne sont pas punissables. Le ministère public et l'autorité de recours disposent, dans ce cadre, d'un certain pouvoir d'appréciation. Ainsi, la procédure doit se poursuivre lorsqu'une condamnation apparaît plus vraisemblable qu'un acquittement ou lorsque les probabilités d'acquittement et de condamnation apparaissent équivalentes, en particulier en présence d'une infraction grave. En effet, en cas de doute s'agissant de la situation factuelle ou juridique, ce n'est pas à l'autorité d'instruction ou d'accusation mais au juge matériellement compétent qu'il appartient de se prononcer (ATF 143 IV 241 consid. 2.2.1 ; 138 IV 86 consid. 4.1.2).

Il peut notamment être renoncé à une mise en accusation si : la victime fait des dépositions contradictoires, rendant ses accusations moins crédibles, ou si une condamnation apparaît, au vu de l'ensemble des circonstances, a priori improbable pour d'autres motifs (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1164/2020 du 10 juin 2021 consid. 2.2).

En cas de contexte conflictuel entourant le dépôt d'une plainte, il convient de considérer avec une certaine prudence les allégations des protagonistes et de ne les retenir que si elles sont corroborées par d'autres éléments objectifs (arrêts du Tribunal fédéral 1B_267/2011 du 29 août 2011 consid. 3.2; 1B_280/2011 du 21 septembre 2011 consid. 2.2).

3.2.1. Aux termes de l'art. 123 al. 1 CP est punissable celui qui, intentionnellement, aura fait subir à une personne une atteinte à l'intégrité corporelle ou à la santé, tels que des blessures, meurtrissures, hématomes, écorchures ou des griffures, sauf si ces lésions n'ont pas d'autres conséquences qu'un trouble passager et sans importance du sentiment de bien-être (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1283/2018 du 14 février 2019 consid. 2.1).

3.2.2. Les voies de fait, réprimées par l'art. 126 CP, se définissent comme des atteintes physiques qui excèdent ce qui est socialement toléré et qui ne causent ni lésions corporelles, ni dommage à la santé; il s'agit généralement de contusions, de meurtrissures, d'écorchures ou de griffures (ATF 119 IV 25 consid. 2a).

3.3. En l'espèce, la présente procédure s'inscrit dans un contexte particulièrement conflictuel, lié au litige parental relatif au droit de garde des enfants, ce qui doit amener à considérer avec prudence toute allégation non corroborée par des éléments objectifs.

Si la sœur cadette a certes fait état d'actes de maltraitance de la part de l'intimée, son récit reste général, voire stéréotypé. Il est parfois contradictoire (par exemple concernant les actes de maltraitance de son père sur sa sœur qu'elle évoque en début d'audition NICHD avant de ne plus se souvenir en avoir parlé). Quant au discours de l'enfant concernant les actes de maltraitance reprochés à la prévenue, il n'est pas détaillé par des éléments de contexte. Par ailleurs, le récit est parfois parasité par des éléments de la sphère conjugale (par exemple lorsqu'elle évoque le fait que son papa n'est plus amoureux de sa maman ou qu'il l'aurait poussée lorsqu'elle était dans son ventre) et empreint de termes inhabituels (tel "frapper") dans la bouche d'une enfant âgée de cinq ans au moment de son audition. Or, le témoin I______, qui a repris ledit récit, n'a elle-même pas assisté à des actes de maltraitance de la prévenue, mais s'est limitée à constater des attitudes inadéquates de la part de celle-ci (cris et claquements de porte), ce qui est insuffisant pour constituer des soupçons de commission des infractions reprochées. Il en va de même de l'enseignante de B______, qui n'a fait que recueillir le récit de l'enfant, englobant tant des abus sexuels de son père – lesquels ne sont plus retenus – que des coups de sa belle-mère, sans constater elle-même de traces de maltraitance.

Malgré le réseau important entourant les fillettes, aucun professionnel n'a observé d'indices de maltraitance. À cet égard, la bosse sur le front et l'hématome à l'œil de A______ pourraient s'expliquer par les crises d'épilepsie de l'enfant. Il est en effet établi qu'elles provoquent des chutes et donc des blessures, de sorte qu'un renvoi en jugement de l'intimée pour cette lésion paraît hasardeux. Enfin et surtout, aucun indice de maltraitance n'a été constaté lors de l'hospitalisation sociale des deux mineures.

Au vu de ce qui précède, c'est conformément à l'art. 319 al. 1 let. a CPP que le Ministère public a considéré qu'un acquittement apparaissait plus probable qu'une condamnation s'agissant des faits reprochés à la prévenue.

4.             Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée.

5.             Les recourantes, qui succombent, supporteront les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 900.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

6.             L’activité de Me C______ sera indemnisée par l'autorité qui l'a nommée (art. 4, 6 et 10 al. 4 du Règlement fixant la rémunération des curateurs [RRC; E 1 05.15] ; ACPR/762/2021 du 10 novembre 2021 consid. 5).

7.             Le défenseur d'office de l'intimée sera indemnisé à hauteur de CHF 269.25 pour ses observations au recours (art. 135 CPP).

8.             En application de l'art. 434 al. 1 CPP, renvoyant à l'art. 433 al. 1 CPP,
l'intimé – définitivement mis hors de cause par l'ordonnance querellée –, assisté d'un avocat, n'a pas demandé d'indemnité, de sorte qu'il ne lui en sera point alloué.

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Met à la charge de A______ et B______, conjointement et solidairement entre elles, les frais de la procédure de recours, fixés en totalité à CHF 900.-.

Alloue à Me F______, à la charge de l'État, une indemnité de CHF 269.25, TVA (à 7,7%) incluse, pour la procédure de recours.

Notifie le présent arrêt, en copie, à A______ et B______, par leur curatrice, à D______, soit pour elle son conseil, ainsi qu'au Ministère public.

Le communique, pour information, à G______.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Mesdames Alix FRANCOTTE CONUS et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Madame Oriana BRICENO LOPEZ, greffière.

 

La greffière :

Oriana BRICENO LOPEZ

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).

P/22275/2021

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

20.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

805.00

Total

CHF

900.00