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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/4525/2022

ACPR/756/2023 du 29.09.2023 sur ONMMP/1929/2023 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : ORDONNANCE DE NON-ENTRÉE EN MATIÈRE;PLAINTE PÉNALE;DOMMAGES À LA PROPRIÉTÉ(DROIT PÉNAL);MISE EN DANGER DE LA VIE D'AUTRUI(ART. 129 CP)
Normes : CPP.310; CP.30; CP.144; CP.129

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/4525/2022 ACPR/756/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du vendredi 29 septembre 2023

 

Entre

A______ et B______, domiciliés ______, représentés par Me Gazmend ELMAZI, avocat, SAINT-JEAN AVOCATS, rue de Saint-Jean 15, case postale 23, 1211 Genève 13,

recourants,

contre l'ordonnance de non-entrée en matière rendue le 15 mai 2023 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. Par acte expédié le 26 mai 2023, A______ et B______ recourent contre l'ordonnance du 15 mai 2023, communiquée par pli simple, par laquelle le Ministère public a décidé de ne pas entrer en matière sur les faits visés par la procédure.

Les recourants concluent, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de l'ordonnance querellée et au renvoi de la cause au Ministère public pour l'ouverture d'une instruction contre C______, subsidiairement contre inconnu.

b. Les recourants ont versé les sûretés en CHF 900.- qui leur étaient réclamées par la Direction de la procédure.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a.a. Les époux A______ et B______ sont propriétaires d'une parcelle à D______ [GE], sur laquelle se trouvent notamment un logement et un poulailler, dont E______ est locataire.

a.b. F______ est propriétaire d'une parcelle jouxtant celle appartenant aux époux A______/B______. Depuis leur emménagement, les relations entre les deux familles sont particulièrement conflictuelles et ont donné lieu au dépôt de diverses plaintes pénales de part et d'autre.

b. Le 19 janvier 2022, E______ a déposé plainte contre C______ pour dommage à la propriété et mise en danger de la vie d'autrui.

En substance, il expliquait que le 11 janvier 2022, alors qu'il souhaitait accéder au toit du poulailler pour effectuer des travaux de nettoyage, il avait constaté que celui-ci avait été endommagé. Sa vie avait été mise en danger dès lors qu'il entendait monter dessus et n'avait pas été informé des dommages, en particulier du fait qu'une poutre avait été tronçonnée.

En consultant les images de la vidéosurveillance installée par les propriétaires, il avait constaté que le 7 janvier 2022, entre 16h05 et 16h20, un homme, qui se trouvait sur la parcelle de F______ et qu'il reconnaissait comme étant le fils de ce dernier, C______, avait tordu la tôle de la toiture vers le haut avec les mains puis découpé une poutre principale avec une tronçonneuse. E______ précisait avoir déjà été entendu dans le cadre du conflit de longue date existant entre les propriétaires de son logement et la famille [de] C______.

c. Par courrier du 25 janvier 2022, la régie G______ (ci-après: la régie), "agissant pour le compte de M. et Mme B______ et A______, propriétaires" de l'immeuble sis chemin 1______ no. ______, a déposé plainte contre C______, pour "dommage à la propriété (art. 144 CP), mise en danger d'autrui et violation de domicile", reprochant au prénommé d'avoir détérioré le poulailler se situant sur la parcelle en question. Les vidéos en leur possession montraient notamment que ce dernier avait abîmé la poutre principale de la structure au moyen d'une tronçonneuse. Cette intervention avait rendu le toit instable et très dangereux, de sorte qu'il pouvait s'affaisser à tout moment. Deux photographies étaient annexées, soit l'une d'une poutre tronçonnée et l'autre d'une copie d'écran des images de la vidéosurveillance, montrant un homme vêtu de noir près du poulailler.

d. Entendu par la police le 14 janvier 2022, C______ a contesté les faits reprochés. Le 7 janvier 2022, il était rentré de H______ [VD], où il se trouvait depuis la veille. Sur le chemin du retour, il s'était arrêté à I______ [GE] auprès de son bétail. Il s'y trouvait à l'heure des faits. Confronté aux images de la vidéosurveillance, il a constaté qu'une personne se trouvait sur "sa" propriété. Il contestait être la personne figurant sur les images. Il précisait avoir des ouvriers qui lui ressemblaient. Toutefois, ces derniers étaient absents à cette période. Il pouvait donc s'agir d'un montage visant à lui nuire, ce d'autant qu'un jugement défavorable à ses voisins avait été rendu dernièrement. Il était étrange que cela soit arrivé durant les deux jours où il n'y avait personne sur la ferme et qu'une caméra filme l'endroit en question, alors que dans le cadre de précédentes procédures, celle-ci ne fonctionnait pas. Il précisait enfin que ses outils, dont les modèles étaient les plus vendus sur le marché, n'étaient pas conservés dans des locaux fermés à clé.

e. À l'issue de son audition, C______ a déposé plainte contre la personne figurant sur les images de la vidéosurveillance pour violation de domicile et dommages à la propriété, ainsi que contre E______ et la régie pour dénonciation calomnieuse.

f. À teneur du rapport de renseignements du 14 février 2022, une perquisition a été effectuée au domicile de C______ ainsi que dans les hangars qu'il occupe. Des tronçonneuses et des visseuses pouvant correspondre aux outils utilisés sur les images de la vidéosurveillance ont été trouvées. La police ne pouvant toutefois affirmer quels outils avaient été utilisés, ceux-ci n'ont pas été saisis mais uniquement photographiés. En revanche, aucun vêtement similaire à ceux portés par l'auteur des faits n'avait été retrouvé. Enfin, si C______ pouvait correspondre au signalement de l'individu figurant sur les images de vidéosurveillance, la qualité de celles-ci ne permettait pas de le confirmer.

g. Selon le rapport du 5 janvier 2023 de la Brigade de criminalité informatique (ci-après: BCI), l'analyse n'avait pas relevé d'élément montrant une coupure, un ajout, des retouches ou encore un montage sur la vidéo. Toutefois, la BCI ne "dispos[ait] pas des outils permettant de confirmer ou d'infirmer avec certitude une quelconque manipulation" des séquences.

La BCI a tenté une amélioration des images pour tenter d'identifier l'individu apparaissant sur la séquence. Bien que le fichier soit de bonne qualité, la zone correspondant au visage de l'individu ne représentait, en moyenne, que 10 pixels par 15, ce qui était "insuffisant afin de pouvoir en tirer une qualité exploitable", ce d'autant plus en tenant compte des artefacts et distorsions liés à la compression. Cela étant, il ressortait des agrandissements et améliorations d'images effectués les éléments suivants: un individu se tenait sur le toit d'un bâtiment portant l'inscription "K______ House". Après plusieurs va-et-vient, ce dernier avait manipulé des outils semblant être une visseuse ou perceuse, lui permettant d'ouvrir une partie du toit, puis une tronçonneuse. L'individu avait l'aspect d'un homme et certaines images suggéraient une calvitie sur le dessus du crâne ainsi qu'une barbe. Ses cheveux et sa barbe étaient foncés. Il portait un blouson à col dans des tons marrons ainsi qu'un pantalon clair. Si l'individu était connu de l'une ou l'autre des parties, il était possible qu'il puisse être identifié sur les images.

h. Par pli du 24 février 2023, Me Gazmend ELMAZI s'est constitué pour la défense des intérêts de A______ et B______, déclarant que ces derniers se constituaient partie plaignante s'agissant des faits dénoncés.

i. Le 9 mars 2023, A______ et B______ ont transmis au Ministère public une procuration en faveur de la régie, indiquant que ce document accompagnait la plainte du 25 janvier 2022.

Il en ressort que les précités autorisent la régie, en charge de la gestion de l'immeuble sis chemin 1______ no. ______ à D______, à déposer, d'ordre et pour leur compte, plainte pénale pour "toutes infractions pénales portées à la propriété de l'immeuble précité, toute violation de domicile et autres infractions contre le patrimoine".

j. Par pli du 17 mars 2023, le conseil des époux A______/B______ a transmis au Ministère public un devis relatif aux réparations du poulailler, dont le montant s'élève à CHF 65'759.20.

C. Dans l'ordonnance querellée, le Ministère public retient que la régie n'était pas autorisée à représenter les époux A______/B______, propriétaires de l'immeuble, par-devant la justice genevoise. Elle ne pouvait dès lors pas déposer plainte au nom et pour le compte des précités ni accomplir d'acte en qualité de représentant. Il existait dès lors un empêchement de procéder.

Quoiqu'il en soit, C______ avait contesté être l'auteur des faits reprochés. Malgré une enquête de police, des perquisitions et une amélioration des images de vidéosurveillance, l'auteur n'avait pas pu être identifié. Au vu des déclarations contradictoires des parties et de l'absence d'élément de preuve objectif permettant d'identifier l'auteur, il n'existait pas de prévention pénale suffisante contre le prénommé.

Dans la même ordonnance, le Ministère public a aussi refusé d'entrer en matière sur les faits dénoncés tant par E______ que C______.

D. a. Dans leur recours, A______ et B______ soutiennent que leur plainte, déposée par l'intermédiaire de la régie, était recevable.

Il ressortait des images de la vidéosurveillance que C______ était l'auteur du dommage à la propriété dénoncé. E______, qui n'était pas en conflit avec le prénommé, l'avait aussi identifié. Le Ministère public n'avait pas auditionné le propriétaire de la parcelle sur laquelle s'était trouvé l'auteur ni essayé d'obtenir les enregistrements provenant de celle-ci. Aucune enquête de voisinage n'avait été mise en œuvre. Le Ministère public n'avait pas non plus procédé à une audience de confrontation ni à une vérification de la véracité des déclarations de C______, que ce soit s'agissant de son emploi du temps ou encore de l'identité des travailleurs présents sur les lieux. Dans la mesure où les images de la vidéosurveillance et celles de C______, quelques mois après les faits, présentaient de fortes similarités, il existait un doute qui imposait au Ministère public de renvoyer la cause en jugement.

En outre, le Ministère public ne s'était pas prononcé sur la violation de l'art. 129 CP. Or, ils avaient acquis leur propriété dans le but d'y effectuer des travaux importants de sorte qu'ils se rendaient régulièrement sur le toit du poulailler pour ce faire. Le bureau d'architectes J______ avait constaté que le fait de sectionner la panne faitière d'une toiture avait pour conséquence de créer un "risque d'effondrement imminent". Ainsi, l'acte commis par C______ les avait exposés à un danger de mort imminent et concret. Le prénommé ne pouvait exclure qu'ils monteraient sur le toit dans ce contexte. Son seul objectif était de leur nuire, étant précisé qu'il avait déjà fait preuve de comportement hostile à leur encontre.

À l'appui, ils produisent la "lettre de constat" du 22 mai 2023 établie par J______, dont il ressort: "l'emplacement de la découpe de la panne faitière (…) met en péril la structure de la toiture qui constitue désormais un risque d'effondrement. (…) À moins de placer un étai temporairement pour reprendre les charges de la toiture au pied du mur, je déconseille l'utilisation de ce bâtiment afin d'éviter un accident".

b. À réception des sûretés, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.


 

EN DROIT :

1.             1.1. Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et – faute de notification conforme à l'art. 85 al. 2 CPP – dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner des plaignants, parties à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), qui disposent d'un intérêt juridiquement protégé à recourir contre l'ordonnance querellée (art. 382 al. 1 CPP).

1.2. Les pièces nouvelles produites devant la juridiction de céans sont recevables, la jurisprudence admettant la production de faits et de moyens de preuve nouveaux en deuxième instance (arrêt du Tribunal fédéral 1B_550/2022 du 17 novembre 2022 consid. 2.2).

1.3. La Chambre de céans constate que les recourants ne remettent pas en cause l'ordonnance de non-entrée en matière querellée en tant qu'elle concerne le chef de violation de domicile, dès lors qu'ils ne développent aucun argument visant à démontrer la réalisation de cette infraction. Ce point n'apparaissant plus litigieux, il ne sera pas examiné plus avant dans le présent arrêt (art. 385 al. 1 let. a CPP).

2.             Les recourants reprochent au Ministère public de ne pas être entré en matière sur leur plainte, déposée par la régie en leur nom.

2.1. Selon l'art. 310 al. 1 let. a CPP, le ministère public rend immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière s'il ressort de la dénonciation ou du rapport de police que les éléments constitutifs de l'infraction ou les conditions à l'ouverture de l'action pénale ne sont manifestement pas réunis.

Cette disposition doit être appliquée conformément à l'adage "in dubio pro duriore". Celui-ci découle du principe de la légalité (art. 5 al. 1 Cst. et art. 2 al. 2 CPP en relation avec les art. 319 al. 1 et 324 al. 1 CPP) et signifie qu'en principe une non-entrée en matière ne peut être prononcée par le ministère public que lorsqu'il apparaît clairement que les faits ne sont pas punissables ou que les conditions à la poursuite pénale ne sont pas remplies (ATF 143 IV 241 consid. 2.2.1 p. 243 ss). Le ministère public et l'autorité de recours disposent, dans ce cadre, d'un pouvoir d'appréciation.

Des motifs de fait peuvent justifier la non-entrée en matière. Il s'agit des cas où la preuve d'une infraction, soit de la réalisation en fait de ses éléments constitutifs, n'est pas apportée par les pièces dont dispose le ministère public. Il faut que l'insuffisance de charges soit manifeste. De plus, le Procureur doit examiner si une enquête, sous une forme ou sous une autre, serait en mesure d'apporter des éléments susceptibles de renforcer les charges contre la personne visée. Ce n'est que si aucun acte d'enquête ne paraît pouvoir amener des éléments susceptibles de renforcer les charges contre la personne visée que le ministère public peut rendre une ordonnance de non-entrée en matière. En cas de doute sur la possibilité d'apporter ultérieurement la preuve des faits en question, la non-entrée en matière est exclue (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 9 ad art. 310). Parmi les motifs de fait, on trouve l'impossibilité d'identifier l'auteur (op.cit. n.9a ad 310; cf. aussi ACPR/918/2019 du 20 novembre 2019 consid. 4.1 et ACPR/744/2022 du 1er novembre 2022 consid. 3.1.).

2.2.1. Une ordonnance de non-entrée en matière doit également être rendue lorsqu'il existe des empêchements de procéder (art. 310 al. 1 let. b CPP), par exemple lorsqu’une plainte requise par le droit matériel n'a pas été (valablement) déposée (cf. arrêt du Tribunal fédéral 6B_139/2021 du 9 juin 2021 consid. 2, rendu en relation avec l'art. 319 al. 1 let. d CPP).

2.2.2. Aux termes de l'art. 30 al. 1 CP, si une infraction n'est punie que sur plainte, toute personne lésée peut porter plainte contre l'auteur. Selon l'art. 31 CP, le droit de porter plainte se prescrit par trois mois. Le délai court du jour où l'ayant droit a connu l'auteur de l'infraction. Avec le dépôt d'une plainte, le lésé manifeste sa volonté inconditionnelle de voir le lésé poursuivi pénalement (ATF 141 IV 380 consid. 2.3.4 p. 387).  

Le lésé est celui dont les droits ont été touchés directement par une infraction (art. 115 al. 1 CPP). Lorsque la norme protège un bien juridique individuel, la qualité de lésé appartient au titulaire de ce bien (ATF 138 IV 258 consid. 2.3 p. 263;
129 IV 95 consid. 3.1 p. 98 s.; 126 IV 42 consid. 2a p. 43 s.). Pour déterminer si une personne est lésée par une infraction, il convient d'interpréter le texte de la disposition pour savoir qui est le titulaire du bien juridique que celle-ci protège (ATF 118 IV 209, consid. 2 p. 211; arrêt 6B_439/2016 du 21 avril 2017 consid. 2.1). 

2.2.3. Le droit de déposer plainte est de nature strictement personnelle (ATF 141 IV 380 consid. 2.3.4; arrêt du Tribunal fédéral 6B_139/2021 du 9 juin 2021 consid. 3.1).

Si une procuration générale conférée à un représentant suffit pour dénoncer une atteinte à des droits matériels – comme c’est le cas, par exemple, en matière de violation de domicile –, une procuration spéciale donnée en vue du cas concret, ou la ratification de la plainte par le lésé dans le délai de trois mois (art. 31 CP), est nécessaire s'agissant d'actes qui compromettent des biens immatériels strictement personnels, tels que la vie et l'intégrité corporelle, l'honneur, la liberté personnelle ou encore la relation avec les enfants (ATF 122 IV 207 consid. 3c; ATF 103 IV 71 consid. 4b; arrêt du Tribunal fédéral 6B_139/2021 précité).

2.3. L'art. 144 al. 1 CP punit, sur plainte, celui qui aura endommagé, détruit ou mis hors d'usage une chose appartenant à autrui ou frappée d'un droit d'usage ou d'usufruit au bénéfice d'autrui.

L'art. 144 CP vise la protection du patrimoine (A. MACALUSO/ L. MOREILLON/ N. QUELOZ (éds.), Commentaire romand, Code pénal II, Bâle 2017, n. 1 ad Rem. Prél. aux art. 137 ss).

En matière de dommages à la propriété, seuls le propriétaire, au sens du droit civil, et l'ayant droit privé de l'usage de la chose sont protégés et ont le droit de déposer plainte (M. DUPUIS / L. MOREILLON / C. PIGUET / S. BERGER / M. MAZOU / V. RODIGARI (éds), Code pénal - Petit commentaire, 2e éd., Bâle 2017, n 9 ad art. 144).

2.4. L'art. 129 CP punit l'individu qui, sans scrupules, aura mis autrui en danger de mort imminent.

Le danger au sens de l'art. 129 CP suppose un risque concret de lésion, c'est-à-dire un état de fait dans lequel existe, d'après le cours ordinaire des choses, la probabilité ou un certain degré de possibilité que le bien juridique soit lésé, sans toutefois qu'un degré supérieur à 50% soit exigé. Il doit en outre s'agir d'un danger de mort, et non pas seulement d'un danger pour la santé ou l'intégrité corporelle. Enfin, il faut que le danger soit imminent. La notion d'imminence n'est pas aisée à définir. Elle implique en tout cas, outre la probabilité sérieuse de la réalisation du danger concret, une composante d'immédiateté qui se caractérise moins par l'enchaînement chronologique des circonstances que par le lien de connexité direct unissant le danger et le comportement de l'auteur. L'immédiateté disparaît ou s'atténue lorsque s'interposent ou surviennent des actes ou d'autres éléments extérieurs (ATF 121 IV 67 consid. 2b/aa et références citées ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_144/2019 du 17 mai 2019 consid. 3.1).

2.5.1. En l'espèce, la régie est au bénéfice d'une procuration spécifiant expressément qu'elle est autorisée à déposer plainte, pour le compte des recourants, pour toutes infractions pénales portées à la propriété de leur immeuble, soit notamment contre le patrimoine. Le 25 janvier 2022, elle a déclaré déposer plainte pour le compte des époux A______/B______, notamment pour dommage à la propriété. Les recourants ont, par la suite, confié leur représentation à un avocat.

Compte tenu de la jurisprudence précitée, il convient de considérer que la plainte pour dommage à la propriété, soit une atteinte à un droit matériel, a été valablement déposée par la régie pour le compte des propriétaires; ce d'autant plus qu'il est admis, par la jurisprudence, que la régie est autorisée à déposer plainte, pour le compte du propriétaire, du chef de violation de domicile (cf. ATF 118 IV 167, consid. 1.c).

2.5.2. Les recourants accusent le mis en cause d'avoir endommagé leur poulailler, ce que ce dernier conteste.

S'il est constant que la structure a été endommagée, force est de constater qu'il n'existe, à la procédure, aucun élément probant permettant d'établir l'identité de l'auteur des dégâts. En effet, l'analyse des séquences de la vidéo par la BCI, en particulier l'amélioration des images, n'a pas permis d'identifier l'auteur. En outre, aucun vêtement similaire à ceux portés par l'auteur n'a été retrouvé chez le mis en cause lors de la perquisition effectuée par la police. Bien que des outils pouvant correspondre à ceux utilisés par l'auteur aient été vus chez le mis en cause, la police n'a pas pu établir qu'il s'agissait de ceux ayant servi à commettre les faits. Sur ce point, le mis en cause a d'ailleurs expliqué que ses outils se trouvaient dans des lieux libre d'accès et qu'il s'agissait de modèles très répandus. Ainsi, même si les faits avaient été commis au moyen d'outils appartenant au mis en cause, l'intervention d'un tiers ne peut être exclue. Enfin les déclarations de E______ doivent être appréhendées avec circonspection, eu égard aux relations l'unissant aux recourants et le fait qu'il ait déjà été amené à témoigner contre le mis en cause dans le cadre du litige opposant ce dernier à ses bailleurs. Ainsi, ce témoignage ne saurait constituer, à lui seul, un élément de preuve à charge suffisant.

En l'absence d'autre élément, il n'existe pas de prévention suffisante à l'égard du mis en cause du chef de mise en danger de la vie d'autrui.

Aucun autre acte d'instruction n'apparait propre à modifier ce constat. Notamment, rien n'indique qu'une confrontation des protagonistes permettrait de départager les versions, car tout laisse à penser que chacun maintiendrait la sienne. En outre, le mis en cause a expliqué que ses ouvriers ne se trouvaient pas sur les lieux durant cette période et rien n'indique que d'autres personnes auraient été témoins des faits litigieux. Enfin, on ne voit pas en quoi la vérification de l'emploi du temps du mis en cause serait décisive, son éventuelle présence – contestée – chez lui au moment des faits n'étant pas suffisante pour lui imputer les infractions reprochées au vu de ce qui précède.

2.6.1. S'agissant de l'infraction de mise en danger de la vie – infraction poursuivie d'office et non examinée sous cet angle par le Ministère public dans l'ordonnance querellée –, les considérations ci-dessus valent également ici s'agissant de l'identification de l'auteur.

2.6.2. Quoiqu'il en soit, bien que les recourants soutiennent se rendre "régulièrement" sur le toit en question pour effectuer des travaux dans leur propriété, il ne ressort pas du dossier – et les recourants ne le soutiennent pas – qu'ils s'y seraient rendus, ou qu'ils auraient eu l'intention de s'y rendre, entre le jour des faits et le 11 janvier 2022, soit lorsque leur locataire a constaté les dégâts. Ainsi, grâce à l'intervention préventive de E______, aucun risque de mort imminent n'est survenu. L'expertise privée produite, qui n'a au demeurant la valeur que d'un simple allégué (ATF 142 II 355 consid. 6 p. 359), n'y change rien.

2.7. Pour le surplus, s'agissant de la conclusion des recourants visant à l'ouverture d'une instruction contre inconnu, il sera rappelé que des soupçons peuvent renaître en cas de faits nouveaux, au sens de l'art. 323 CPP, applicable à la non-entrée en matière, selon l'art. 310 al. 2 CPP (ACPR/160/2018 du 16 mars 2018 consid. 3.1. et la référence citée).

3.             Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée et le recours rejeté, ce que la Chambre de céans pouvait décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP).

4.             Les recourants, qui succombent, supporteront les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 900.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Condamne A______ et B______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 900.-.

Dit que ce montant sera prélevé sur les sûretés versées.

Notifie le présent arrêt, en copie, aux recourants, soit pour eux leur conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Alix FRANCOTTE CONUS, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/4525/2022

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

815.00

Total

CHF

900.00