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Décisions | Chambre pénale de recours

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PS/92/2023

ACPR/701/2023 du 11.09.2023 ( RECUSE ) , REJETE

Recours TF déposé le 29.09.2023, rendu le 24.11.2023, REJETE, 7B_677/2023
Descripteurs : CITATION À COMPARAÎTRE;RÉPÉTITION(ACTIVITÉ);MOYEN DE DROIT
Normes : CPP.56

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

PS/92/2023 ACPR/701/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du lundi 11 septembre 2023

Entre

A______, B______, C______ et D______, représentés par Mes Robert ASSAËL, Marc OEDERLIN, Yaël HAYAT et Romain JORDAN, avocats, et faisant élection de domicile chez ce dernier, Étude MERKT [&] associés, rue Général-Dufour 15, case postale 5556, 1211 Genève 11,

requérants

 

et

E______, présidente du Tribunal correctionnel, rue des Chaudronniers 9, case postale 3715, 1211 Genève 3

citée

 


EN FAIT :

A. a. Par acte expédié le 21 août 2023, D______, précisant que sa démarche valait également pour A______, B______ et C______ (ci-après, ensemble : les consorts A______/B______/C______) demandent à E______, Présidente du Tribunal correctionnel appelé à les juger prochainement, de se récuser.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a.             Des membres de la famille A______/B______/C______/D______, composée de B______ (père), A______ (mère), C______ (fils) et D______ (épouse de ce dernier) sont l'objet d'une procédure pénale pour traite d'êtres humains par métier (art. 182 CP), usure par métier (art. 157 ch. 1 et 2 CP) et infractions, cas échéant aggravées, aux lois fédérales sur les étrangers et l'intégration (art. 116 al. 1 et 3 et 117 al. 1 et 2 LÉI) et sur l'assurance vieillesse et survivants (art. 87 LAVS). Il leur est, notamment, reproché d'avoir exploité leur personnel de maison.

b.             Par acte d’accusation du 14 février 2023, complété et corrigé le 15 août 2023, ils ont été renvoyés par-devant le Tribunal correctionnel.

c.              Selon mandats de comparution des 5-6 et 24 avril 2023, ils ont été assignés à des débats fixés du 2 au 6 octobre 2023.

d.             Le 15 août 2023, E______ a émis de nouveaux mandats de comparution contre eux, pour une audience fixée au 3 octobre 2023, comportant la précision liminaire suivante : « si vous ne donnez pas suite au mandat de comparution (précédent) et ne comparaissez pas (…) le lundi 2 octobre 2023 (…), vous êtes cité à comparaître (…) lors de nouveaux débats le mardi 3 octobre 2023 ».

e.              Le recours formé contre ces citations a été déclaré irrecevable le 11 septembre 2023 (ACPR/700/2023).

C. a. Dans leur requête, les consorts A______/B______/C______ font valoir que, par les mandats décernés en août 2023, E______ a gravement violé l’art. 366 CPP, car elle préjugeait qu’ils ne donneraient pas suite aux premiers mandats de comparution, voire qu’ils auraient déjà eu suffisamment l’occasion de s’exprimer sur les faits reprochés pour permettre d’engager une procédure par défaut. Elle reflétait ce faisant une image « sombre et défavorable » d’eux-mêmes. Or, ils n’avaient aucune intention de se dérober et souhaitaient, au contraire, être « confrontés » à un tribunal. Si d’autres magistrats de celui-ci avaient participé avec la citée aux prises de décisions sur les nouveaux mandats, la récusation de l’entièreté « du collège » était réservée, voire sollicitée.

b. E______ relève que les mandats litigieux ne présumaient en rien d’éventuelles incapacités des accusés à comparaître, ni non plus des conditions d’application de l’art. 366 CPP. Elle n’avait fait que prendre les dispositions nécessaires aux débats, « notamment pour éviter la prescription », sans préjuger de la culpabilité des requérants.

c. En réplique, les consorts A______/B______/C______ renvoient à un arrêt CA.2019.17 du 28 août 2020 « précité » (sic), qui proscrirait les « doubles convocations ». De plus, en tant que E______ manifestait le souci d’éviter la prescription, il y avait là un nouveau motif de récusation. Elle avait changé d’avis en août 2023, sans s’en expliquer, sauf à montrer sa volonté de les juger à tout prix. Comme la teneur de ses déterminations montrait que les autres juges de la composition du tribunal avaient participé à « cette » prise de décision, tous devaient être récusés.

EN DROIT :

1.             Conformément à l'art. 58 al. 1 CPP, la récusation doit être demandée sans délai, dès que la partie a connaissance du motif de récusation, c'est-à-dire dans les jours qui suivent la connaissance de la cause de récusation, sous peine de déchéance (ATF 140 I 271 consid. 8.4.3 p. 275). En matière pénale, n'est pas tardive la requête formée après une période de six ou sept jours, soit dans les jours qui suivent la connaissance du motif de récusation (arrêt du Tribunal fédéral 1B_118/2020 du 27 juillet 2020 consid. 3.2 et les arrêts cités).

En l’occurrence, les requérants ont posté leur requête le sixième jour suivant la date des mandats de comparution. Partant, ils ont agi sans délai.

2.             Parties à la procédure, en tant que prévenus (art. 104 al. 1 let. a CPP), les requérants ont qualité pour agir (art. 58 al. 1 CPP), et la Chambre de céans est compétente pour connaître de leur requête, dirigée contre un membre du tribunal de première instance (art. 59 al. 1 let. b CPP). Vu l’issue de leur requête, peu importe qu’ils se soient abstenus de justifier des pouvoirs qu’ils auraient conférés à un seul de leurs avocats respectifs pour agir en leurs noms.

3.             Les requérants invoquent sans autre détail les art. 6 CEDH, 30 Cst. et « 56 ss CPP ».

3.1.       Un magistrat est récusable, selon l'art. 56 let. f CPP, lorsque d'autres motifs, notamment un rapport d'amitié étroit ou d'inimitié avec une partie ou son conseil, sont de nature à le rendre suspect de prévention. Cette disposition a la portée d'une clause générale recouvrant tous les motifs de récusation non expressément prévus aux lettres précédentes. Elle correspond à la garantie d'un tribunal indépendant et impartial instituée par les art. 30 al. 1 Cst. et 6 § 1 CEDH (ATF 144 I 234 consid. 5.2 p. 236; 143 IV 69 consid. 3.2 p. 74). Elle n'impose pas la récusation seulement lorsqu'une prévention effective du magistrat est établie, car une disposition interne de sa part ne peut guère être prouvée. Il suffit que les circonstances donnent l'apparence de la prévention et fassent redouter une activité partiale du magistrat. Seules les circonstances constatées objectivement doivent être prises en considération. Les impressions purement individuelles d'une des parties au procès ne sont pas décisives (ATF 144 I 159 consid. 4.3).

La récusation n'a pas pour finalité de permettre aux parties de contester la manière dont est menée l'instruction et de remettre en cause les différentes décisions incidentes prises par la direction de la procédure. En effet, il appartient aux juridictions de recours normalement compétentes de constater et de redresser les erreurs éventuellement commises dans ce cadre (ATF 143 IV 69 consid. 3.2).

3.2.       En l'espèce, les requérants fondent leurs griefs tout entiers sur la prémisse d’une violation de l’art. 366 CPP. De façon symptomatique à cet égard, la décision « déjà citée » à laquelle ils renvoient sur ce point (et qui était, en réalité, invoquée pour la première fois dans leur recours, au sens de l’art. 393 al. 1 let. b CPP, cf. ACPR/700/2023 du 11 septembre 2023 consid. 2) est un arrêt rendu par le Tribunal pénal fédéral (ci-après, TPF) sur appel (décision CA.2019.17 du 28 août 2020).

C’est dire s’ils soulèvent une question dont la réponse appartient aux juridictions de recours, et non à l’autorité de récusation.

N’y change donc rien le fait que la décision précitée du TPF aurait été confirmée ou reprise récemment selon eux (« CA.2022.18 », dont ils ne donnent pas la date, mais qui renvoie sur le site internet du TPF [consulté le 11 septembre 2023] à une décision CA.2023.8 du 14 mai 2023 rejetant une demande de récusation d’un juge d’appel, pour le motif que le sort de la cause CA.2022.18 restait ouvert). Qui plus est, un jugement de première instance dans cette affaire écartait toute violation de l’art. 366 CPP (décision du TPF SK.2022.41 du 5 décembre 2022 consid. 2.4.5.), et le recours formé à son encontre était déclaré sans objet (décision du TPF BB.2022.148 du 30 janvier 2023, vainement portée au Tribunal fédéral, cf. arrêt 6B_203/2023 du 2 juin 2023).

Le grief de partialité que les requérants formulent, en réplique, au sujet de la prescription n’a pas plus de fondement. On ne voit pas, et les requérants n’expliquent pas, pourquoi la volonté de la citée d’éviter la prescription – en d’autres termes, un souci de célérité, consacré par la loi (art. 5 CPP) – laisserait soupçonner chez elle une opinion déjà forgée sur leur culpabilité. En d’autres termes, l’issue du procès à venir reste ouverte, et leur acquittement reste possible pour d’autres motifs que l’acquisition de la prescription, y compris si la procédure de jugement devait se dérouler par défaut.

On ne voit pas davantage en quoi le reproche à la citée d’avoir « changé d’avis » en notifiant d’autres mandats de comparution, après les premiers, traduirait un manquement aux devoirs de sa charge. Qu’elle ne s’en soit pas expliquée dans ses déterminations, comme l’eussent voulu les requérants, n’a aucune pertinence.

Partant, la requête ne peut qu’être rejetée.

4.             Les motifs soulevés étant dénués de fondement, il n’y a pas à se demander si la requête de récusation pouvait être valablement étendue, qui plus est par voie de réplique, aux juges désignés pour siéger avec la citée. Au demeurant, ni le libellé des mandats du mois d’août 2023 ni la teneur des déterminations de la citée (cf. l’usage de la première personne du singulier et des pronoms correspondants, « la soussignée », etc.) ne laissent soupçonner qu’elle n’aurait pas pris seule ces décisions, d’autant plus qu’elle assume la direction de la procédure du Tribunal correctionnel (art. 61 let. c, 62 et 331 al. 3 CPP), soit d’une autorité collégiale de première instance au sens de la loi (art. 97 LOJ).

5.             Les requérants, qui succombent intégralement, assumeront, solidairement (art. 418 al. 2 CPP), les frais de la procédure (art. 428 al. 1 CPP), fixés en totalité à CHF 2'000.- (art. 13 al. 1 let. b du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette la requête.

Condamne solidairement A______, B______, C______ et D______ aux frais de l’instance, arrêtés à CHF 2'000.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, aux requérants, soit pour eux leur commun conseil, à E______.

Le communique pour information au Ministère public.

Siégeant :

Monsieur Christian COQUOZ, président; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Alix FRANCOTTE CONUS, juges; Madame Oriana BRICENO LOPEZ, greffière.

 

La greffière :

Oriana BRICENO LOPEZ

 

Le président :

Christian COQUOZ

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).

 

PS/92/2023

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

1'915.00

Total

CHF

2'000.00