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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/4377/2023

ACPR/632/2023 du 11.08.2023 sur ONMMP/1376/2023 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : DÉCISION D'IRRECEVABILITÉ;INFRACTIONS CONTRE L'ADMINISTRATION DE LA JUSTICE;DÉNONCIATION CALOMNIEUSE
Normes : CPP.310; CP.303

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/4377/2023 ACPR/632/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du vendredi 11 août 2023

 

Entre

A______, domicilié ______, représenté par Me Delphine JOBIN, avocate, PMA Avocats, rue De-Candolle 11, 1205 Genève,

recourant,

contre l'ordonnance de non-entrée en matière rendue le 3 avril 2023 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. Par acte expédié le 17 avril 2023, A______ recourt contre l'ordonnance du 3 précédent, communiquée par pli simple, par laquelle le Ministère public a refusé d'entrer en matière sur sa plainte.

Le recourant conclut, avec suite de frais et dépens, à l'annulation de ladite ordonnance et au renvoi de la cause au Ministère public pour qu'il instruise sa plainte.

b. Le recourant a versé les sûretés en CHF 1'200.- qui lui étaient réclamées par la Direction de la procédure.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Le 24 octobre 2019, B______ a déposé plainte contre A______, pour calomnie, subsidiairement, diffamation.

Il lui reprochait d'avoir, le 8 août 2019, au cours d'une séance extraordinaire du Conseil médical de la Clinique de C______ concernant sa suspension provisoire – à la suite de courriers adressés par des infirmières instrumentistes dénonçant des comportements et remarques à connotation sexuelle – dit que "le comportement du Dr. B______ ne daterait pas d'aujourd'hui et son comportement inadéquat aurait déjà été noté [au sein de l'établissement] D______". Cette phrase apparaissait dans le procès-verbal de la réunion. Il contestait catégoriquement cette affirmation, laquelle était fausse ce que savait A______.

b. Cette plainte fait l'objet de la procédure P/1______/2019.

c. Entendu par la Commission de déontologie et de conciliation de l'Association des médecins du canton de Genève (ci-après: Commission de l'AMGe), le 7 octobre 2020, après que B______ l'eut dénoncé, en raison de ces mêmes propos, A______ a confirmé avoir tenu ceux-ci.

d.a. Le 16 mars 2021, par-devant le Ministère public, B______ a confirmé sa plainte. A______ avait quitté [l'établissement] D______ bien avant que lui-même n'y travaille, de sorte que l'allégation que ce dernier avait proférée ne pouvait être que rapportée par une tierce personne qui l'avait renseigné. Elle était par ailleurs fausse, n'ayant jamais eu de plainte à son encontre, en trente ans de carrière.

d.b. Entendu lors de cette audience, A______ a notamment précisé qu'il ne s'agissait pas d'une affirmation, en l'absence de preuves formelles, mais uniquement de propos rapportés.

d.c. Entendue également à cette occasion, E______, infirmière instrumentiste – auteur d'un des courriers dénonçant le comportement de B______ (cf. let. B. a. supra) –, a expliqué que du temps de leur collaboration [au sein de l'établissement] D______, il n'y avait pas eu d'évènement similaire.

e. Le même jour, B______ a déposé une nouvelle plainte contre A______ pour calomnie et diffamation dans la mesure où ce dernier avait réitéré ses propos attentatoires à l'honneur, le 7 octobre 2020, par-devant la Commission de l'AMGe. Le procès-verbal de la séance ne lui avait été communiqué que le 28 février 2021.

f. Le 22 avril 2021, A______ a, à son tour, déposé plainte contre B______, pour dénonciation calomnieuse.

Les accusations portées à son encontre se basaient sur une seule phrase qui ne revêtait aucune qualification pénale et n'avaient d'autre but que de nuire à sa réputation.

g. Par ordonnance du 24 février 2023, le Ministère public a disjoint les faits reprochés à B______, lesquels font désormais l'objet de la présente procédure (P/4377/2023).

h. Dans le cadre de la P/1______/2019, le Ministère public a, par ordonnance du 20 mars 2023, classé les plaintes de B______ à l'égard de A______, les éléments constitutifs des infractions de calomnie et de diffamation n'étant pas réunis.

Le recours formé par B______ a été rejeté par la Chambre de céans par arrêt du 31 juillet 2023 (ACPR/613/2023).

C. Dans sa décision querellée, le Ministère public considère qu'il n'était pas possible de retenir que B______ avait été de mauvaise foi au moment du dépôt de ses plaintes, compte tenu des éléments retenus dans le cadre de la procédure P/1______/2019. Le prénommé était persuadé, de bonne foi, de l'existence et de la véracité de ses allégations. Il ne pouvait dès lors être établi à satisfaction de droit que l'intéressé avait eu conscience de l'innocence de A______ et avait, par le biais des plaintes pénales, souhaité qu'une procédure soit indûment ouverte à son encontre.

D. a. Dans son recours, A______ relève que les plaintes déposées à son endroit avaient été classées en raison de leur caractère manifestement infondé. B______ avait mené une vendetta contre lui dans le seul but de nuire à sa réputation, le tenant pour responsable de ses déboires professionnels au sein de la clinique de C______. Le prénommé savait pertinemment qu'il n'avait fait que son devoir de médecin-répondant et, qu'à aucun moment, en rapportant à sa hiérarchie les critiques des employées qu'on lui avait confiées, au demeurant basées uniquement sur des faits, il n'avait cherché à nuire à B______ ou à la réputation de ce dernier.

Ainsi, en déposant deux plaintes pénales à son encontre ainsi qu'une plainte disciplinaire, il était manifeste que B______ avait fait preuve d'un acharnement à son égard. Ce dernier avait, en outre, parfaitement conscience de leur absence totale de fondement.

b. À réception des sûretés, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP) – les formalités de notification (art. 85 al. 2 CPP) n'ayant pas été observées –, concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du plaignant qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP).

Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

3.             3.1. Conformément à l'art. 310 al. 1 let. a CPP, le ministère public rend immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière s'il ressort de la dénonciation ou du rapport de police que les éléments constitutifs de l'infraction ou les conditions à l'ouverture de l'action pénale ne sont manifestement pas réunis.

Selon la jurisprudence, cette disposition doit être appliquée conformément à l'adage "in dubio pro duriore" (arrêt 6B_1456/2017 du 14 mai 2018 consid. 4.1 et les références citées). Celui-ci découle du principe de la légalité (art. 5 al. 1 Cst. et 2 al. 1 CPP en relation avec les art. 309 al. 1, 319 al. 1 et 324 CPP; ATF 138 IV 86 consid. 4.2) et signifie qu'en principe, un classement ou une non-entrée en matière ne peuvent être prononcés par le ministère public que lorsqu'il apparaît clairement que les faits ne sont pas punissables ou que les conditions à la poursuite pénale ne sont pas remplies. Le ministère public et l'autorité de recours disposent, dans ce cadre, d'un certain pouvoir d'appréciation. La procédure doit se poursuivre lorsqu'une condamnation apparaît plus vraisemblable qu'un acquittement ou lorsque les probabilités d'acquittement et de condamnation apparaissent équivalentes, en particulier en présence d'une infraction grave (ATF 143 IV 241 consid. 2.2.1; 138 IV 86 consid. 4.1.2 et les références citées).

3.2. L'art. 303 al. 1 CP réprime notamment du chef de dénonciation calomnieuse quiconque dénonce à l'autorité, comme auteur d'un crime ou d'un délit, une personne qu'il sait innocente, en vue de faire ouvrir contre elle une poursuite pénale.

Sur le plan objectif, une dénonciation est composée de deux éléments soit qu'une dénonciation soit faite et qu'elle fasse porter l'accusation sur une personne innocente. La dénonciation n'est calomnieuse que si la personne mise en cause est innocente, en ce sens qu'elle n'a pas commis les faits qui lui sont faussement imputés, soit parce que ceux-ci ne se sont pas produits, soit parce qu'elle n'en est pas l'auteur. Est "innocent" celui qui a été libéré par un jugement d'acquittement ou par le prononcé d'un classement (arrêt du Tribunal fédéral 6B_483/2020 du 13 octobre 2020 consid. 1.1.1). Une dénonciation pénale n'est pas punissable du seul fait que la procédure pénale ouverte consécutivement à la dénonciation est classée. L'infraction n'est réalisée que si l'innocence de la personne dénoncée a été constatée dans une procédure précédente (ATF 136 IV 170 consid. 2.2).

Sur le plan subjectif, l'auteur doit savoir que la personne qu'il dénonce est innocente. Il ne suffit donc pas qu'il ait conscience que ses allégations pourraient être fausses. Il doit savoir que son affirmation est inexacte. Aussi, le dol éventuel ne suffit pas (ATF 136 IV 170 consid. 2.1 et les références citées). Par ailleurs, l'auteur doit agir en vue de faire ouvrir une poursuite pénale contre la personne qu'il accuse injustement. Le dol éventuel suffit quant à cette intention (arrêt du Tribunal fédéral 6B_324/2015 du 18 janvier 2016 consid. 2.1). L'art. 303 CP n'exige pas tant l'innocence de la personne dénoncée que la connaissance certaine de cette innocence par l'auteur (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1003/2017 du 20 août 2018 consid. 4.2). En l'absence d'aveu, l'élément subjectif se déduit d'une analyse des circonstances permettant de tirer, sur la base des éléments extérieurs, des déductions sur les dispositions intérieures de l'auteur (arrêt du Tribunal fédéral 6B_502/2017 du 16 avril 2018 consid. 2.1).

3.3. En l'espèce, le recourant a certes bénéficié d'une ordonnance de classement, confirmée par la Chambre de céans, des chefs d'infractions de calomnie et diffamation, mais rendue postérieurement au dépôt de la plainte de B______, de sorte qu'on ne saurait retenir que ce dernier a voulu dénoncer un innocent.

Aucun élément au dossier ne permet de retenir qu'au moment du dépôt de ses plaintes, B______ avait l'intention de faire ouvrir injustement une procédure pénale contre lui. Il estimait n'avoir commis aucun comportement inadéquat alors qu'il était [au sein de l'établissement] D______, ce que les déclarations de E______, lors de l'audience du 16 mars 2021, avaient confirmé.

On ne saurait ainsi retenir que le mis en cause avait délibérément porté une fausse accusation de calomnie voire de diffamation contre le recourant et partant de l'avoir dénoncé calomnieusement.

Partant, l'ordonnance querellée ne prête pas le flanc à la critique.

4.             Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée et le recours rejeté.

5.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 1'200.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 1'200.-

Dit que ce montant sera prélevé sur les sûretés versées.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Mesdames Alix FRANCOTTE CONUS et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Madame Olivia SOBRINO, greffière.

 

La greffière :

Olivia SOBRINO

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/4377/2023

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

1'115.00

Total

CHF

1'200.00