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Décisions | Chambre pénale de recours

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PM/301/2023

ACPR/615/2023 du 02.08.2023 sur OTPM/119/2023 ( TPM ) , ADMIS

Descripteurs : DÉFENSE D'OFFICE;INTÉRÊT JURIDIQUEMENT PROTÉGÉ
Normes : Cst.29.al3

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

PM/301/2023 ACPR/615/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mercredi 2 août 2023

 

Entre

A______, domicilié ______, représenté par Me B______, avocat,

recourant,

contre l'ordonnance de refus de nomination d'avocat d'office rendue le 25 avril 2023 par le Tribunal d'application des peines et des mesures,

et

LE TRIBUNAL D'APPLICATION DES PEINES ET DES MESURES, rue des Chaudronniers 9, 1204 Genève - case postale 3715 - 1211 Genève 3,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. Par acte expédié le 8 mai 2023, A______ recourt contre l'ordonnance du 25 avril 2023, notifiée le lendemain, par laquelle le Tribunal d'application des peines et des mesures (ci-après: le TAPEM) a refusé d'ordonner la défense d'office en sa faveur.

Le recourant conclut – avec suite de frais et indemnité de CHF 1'453,95.- en faveur de son conseil – à l'annulation de l'ordonnance querellée et à ce que Me B______ soit désigné d'office à sa défense, avec effet au 24 avril 2023.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Par arrêt du 26 avril 2022, la Chambre pénale d'appel et de révision a condamné A______, né en 1963, à une peine privative de liberté de trois ans et demi pour tentative de meurtre et menaces. Un traitement ambulatoire a été ordonné, suspendant, ainsi, la peine privative de liberté au profit de la mesure.

Selon le rapport d'expertise psychiatrique établi le 28 janvier 2016, A______ souffrait d'un trouble mental mixte et grave de la personnalité et d'un trouble dépressif récurrent, avec symptômes psychotiques. La sévérité de ces troubles était élevée.

b. Dans le cadre de l'examen annuel de sa mesure, A______ a été invité par le TAPEM, le 3 avril 2023, à transmettre, dans les délais impartis, ses observations écrites sur le préavis du Service de l'application des peines et mesures (ci-après: le SAPEM) ainsi que sur la demande du Ministère public, et à produire toute pièce utile, ainsi que solliciter la tenue d'une audience, le cas échéant.

c. Le 24 avril 2023, A______ a demandé la nomination d'office de Me B______, pour la procédure en cours, au motif de son indigence.

C. Dans l'ordonnance querellée, le TAPEM retient que l'affaire ne présente pas de difficultés particulières, sur le plan des faits ou du droit, que A______ ne saurait surmonter seul.

D. a. Dans son recours, A______ soutient qu'à la lecture de la décision querellée, son indigence est acquise. Il invoque une violation de l'art. 132 al. 1 let. b et al. 2 CPP puisqu'il est âgé de 60 ans, souffre d'un grave trouble mental et que son affaire n'est pas de peu de gravité, ayant été condamné à une peine privative de liberté de trois ans et demi, nonobstant la suspension de sa peine au profit de la mesure. Qui plus est, le TAPEM lui a transmis un dossier de 169 pages et imparti deux délais.

b. Invité à se déterminer, le TAPEM maintient les termes de son ordonnance, sans formuler d'observation.

c. Le Ministère public conclut à l'irrecevabilité du recours en raison de l'absence d'intérêt juridique actuel de A______ à l'annulation de la décision querellée, puisque le précité avait, dans l'intervalle, accepté le jugement au fond de l'autorité précédente (cf. infra E.). Il s'en rapporte, quant au fond, à l'appréciation de la Chambre de céans.

d. A______ réplique que le raisonnement du Ministère public ne saurait être suivi. La nomination d'un défenseur d'office n'était pas conditionnée à l'introduction d'une procédure au fond, les conditions à respecter étant celles de l'art. 132 CPP. Au surplus, le Tribunal fédéral renonçait exceptionnellement à l'exigence d'un intérêt juridique actuel lorsque la contestation pouvait se reproduire "en tout temps" dans des circonstances identiques ou analogues, comme en l'espèce puisque l'ordonnance querellée avait été rendue dans le cadre de l'examen annuel de sa mesure.

E. Par jugement du 16 mai 2023, le TAPEM a ordonné le maintien du traitement ambulatoire de A______. Par courrier du 2 mai 2023, le précité avait écrit, sous la plume de son conseil, avoir compris l'importance de la poursuite du traitement ambulatoire et l'appuyait. Cela étant, il relevait que le préavis du SAPEM était à nuancer, en tant qu'il était "très critique" à l'égard de son adhésion à la thérapie. Il indiquait en outre avoir spontanément consulté un autre médecin, sentant que l'alliance thérapeutique ne pouvait pas se construire [avec les précédents intervenants médicaux].

EN DROIT :

1.             1.1. Le recours a été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerne une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. b CPP) et émane du condamné, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a et 111 al. 1 CPP).

1.2. Il convient d'examiner si le recourant dispose de la qualité pour recourir.

1.2.1. À teneur de l'art. 382 CPP, le recourant doit avoir un intérêt actuel et pratique au traitement de son recours, lequel doit exister tant au moment du dépôt du recours qu'à celui où l'arrêt est rendu (ATF 137 I 296 consid. 4.2 et les références citées ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_766/2016 du 4 avril 2017 consid. 1.2). L'intérêt actuel nécessaire fait défaut en particulier lorsque l'acte de l'autorité a été exécuté ou est devenu sans objet (ATF 125 II 86 consid. 5b et les références citées). Si l'intérêt juridique disparaît en cours de procédure, le litige est déclaré sans objet, et la cause radiée du rôle (ATF 118 Ia 488 consid. 1a ; ACPR/19/2017 du 18 janvier 2017).

1.2.2. En l'espèce, contrairement à ce que soutient le Ministère public, le recourant n'a pas perdu tout intérêt juridique à recourir contre l'ordonnance querellée, dès lors que la nomination d'un défenseur d'office est prononcée de manière rétroactive (ATF 122 I 203 consid. 2c).

Partant, le recours est recevable.

2.             Le recourant conteste le refus de sa demande de nomination de défenseur d'office.

2.1. Conformément à l'art. 29 al. 3 Cst., toute personne qui ne dispose pas de ressources suffisantes a droit à l'assistance judiciaire gratuite, à moins que sa cause paraisse dépourvue de toute chance de succès; elle a droit en outre à l'assistance judiciaire gratuite d'un défenseur, dans la mesure où la sauvegarde de ses droits le requiert (arrêt du Tribunal fédéral 1B_74/2013 du 9 avril 2013 consid. 2.1 avec référence aux ATF 128 I 225 consid. 2.5.2 p. 232 s. = JdT 2006 IV 47; 120 Ia 43 consid. 2a p. 44). La garantie constitutionnelle est valable pour toutes les procédures, y compris les procédures postérieures à une condamnation pénale (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 16 ad art. 132).

2.2. En l'espèce, la question de l'indigence n'a pas été examinée par l'autorité précédente, et peut rester indécise au vu de ce qui suit.

Le recourant fait l'objet d'une mesure sous la forme d'un traitement ambulatoire dont l'examen annuel était requis. Il a été invité par le TAPEM à formuler des observations écrites, ou à requérir la tenue d'une audience pour s'exprimer oralement.

Compte tenu que le recourant, âgé de 60 ans, souffre d'un trouble mixte et grave de la personnalité, ainsi que d'un trouble dépressif récurrent, il sera admis qu'il n'était pas en mesure, à réception de l'avis susmentionné, d'appréhender les enjeux de la procédure et de se déterminer sur celle-ci. Certes, il a, finalement, accepté la poursuite de la mesure, mais cette conclusion n'implique pas qu'il aurait pu se déterminer sur celle-ci sans l'aide de son conseil.

Par conséquent, la sauvegarde des droits du recourant commandaient, en raison de sa situation personnelle, la nomination d'un défenseur d'office.

3.             Le recours sera admis; partant, l'ordonnance querellée sera annulée. La défense d'office du recourant sera admise à compter du 24 avril 2023 et Me B______ sera désigné à cet effet.

4.             L'avocat sollicite l'octroi d'une indemnité de CHF 1'453,95 pour l'instance de recours, étant précisé qu'il n'appartient pas à la Chambre de céans de prononcer l'éventuelle indemnité due à compter du 24 avril 2023 par devant le TAPEM.

4.1. À teneur de l'art. 135 al. 1 CPP, le défenseur d'office est indemnisé conformément au tarif des avocats de la Confédération ou du canton du for du procès. À Genève, le tarif est édicté à l'art. 16 RAJ (E 2 05 04). Seules les heures nécessaires sont retenues; elles sont appréciées en fonction, notamment, de la nature, de l'importance et des difficultés de la cause, de la valeur litigieuse, de la qualité du travail fourni et du résultat obtenu (art. 16 al. 2 RAJ).

4.2. En l'occurrence, le conseil du recourant a produit son état de frais, totalisant une activité de 5h00 pour un avocat-stagiaire et 1h00 pour un associé.

Les 6h00 réclamées paraissent excessives, compte tenu du mémoire de recours (neuf pages, dont une page de garde), et de la réplique (trois pages); l'indemnité sera dès lors réduite à 4h00, au tarif horaire de CHF 110.-, pour un avocat-stagiaire, et 1h30, au tarif horaire de CHF 200.-, pour l'associé (art. 16 al. 1 let. a et c RAJ).

L'indemnité due pour l'instance de recours sera ainsi fixée à CHF 797.-, TVA à 7.7% incluse.

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Admet le recours et annule l'ordonnance querellée.

Désigne Me B______ en qualité de défenseur d'office de A______, avec effet au 24 avril 2023.

Laisse les frais de la procédure de recours à la charge de l'État.

Alloue à Me B______, à la charge de l'État, une indemnité de CHF 797.- (TVA à 7.7% incluse) pour la procédure de recours.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, au TAPEM et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Alix FRANCOTTE CONUS, juges; Monsieur Julien CASEYS.

 

Le greffier :

Julien CASEYS

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).