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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/18/2021

ACPR/608/2023 du 31.07.2023 sur OCL/216/2023 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : ENTRAVE À L'ACTION PÉNALE;VOL(DROIT PÉNAL);AGRESSION
Normes : CP.305; CP.139; CP.134

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/18/2021 ACPR/608/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du lundi 31 juillet 2023

 

Entre

A______, domicilié ______, représenté par Me B______, avocat,

recourant,

contre l'ordonnance de classement rendue le 17 février 2023 par le Ministère public,

et

C______, domiciliée ______, représentée par Me Sandy ZAECH, avocate, TerrAvocats Genève, rue Saint-Joseph 29, case postale 1748, 1227 Carouge GE,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. Par acte expédié le 2 mars 2023, A______ recourt contre l'ordonnance du 17 février précédent, notifiée le 20 suivant, par laquelle le Ministère public a classé la procédure à l'égard de C______.

Le recourant conclut à l'annulation de cette ordonnance, au renvoi de la procédure au Ministère public pour poursuite de l'instruction et à la condamnation de C______ à "payer les frais de procédure de l'étape d'instruction et de la procédure de recours", ainsi que ses dépens à lui.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. C______, d'origine suisse, et A______, d'origine colombienne, se sont rencontrés au Mexique en 2018. Ils ont entretenu une relation à distance jusqu'au moment de se marier, au mois de mars 2020. En août 2020, A______ a rejoint C______ en Suisse pour vivre avec elle jusqu'à leur séparation, le
1er janvier 2021.

b. À cette date, C______ a déposé plainte contre son mari pour des faits survenus la veille.

En substance, elle a expliqué qu'alors qu'ils fêtaient le Nouvel-An dans son appartement avec d'autres personnes, A______ avait eu plusieurs comportements violents, physiques et verbaux, à son encontre ainsi qu'à l'encontre d'un tiers présent, identifié par la suite comme étant D______. Alors qu'elle s'était réfugiée dans la salle de bain et que A______ l'avait rejointe et lui avait donné deux gifles, tout en l'empêchant de sortir, des "amis" avaient cassé la porte et elle avait pu s'enfuir dans la chambre.

c.a. Entendu en qualité de prévenu le 6 janvier 2021, A______ a relaté sa version de la soirée.

Au cours de celle-ci, alors qu'il cherchait à s'occuper de C______, qui se sentait mal à cause de l'alcool, il avait eu une altercation avec D______, qui cherchait à interférer entre le couple et qui s'était ensuite montré menaçant. Dans l'intervalle, C______ était entrée dans la salle de bain. Il l'avait rejointe et avait fermé la porte à clé pour ne plus être dérangé. Dans la pièce, son épouse criait et gesticulait et des personnes à l'extérieur cherchaient à "défoncer la porte". Une fois entrés, ils lui avaient donné des coups, dont un à la tête. Il se souvenait avoir vu D______ et un homme habillé en kaki qui apparaissait sur des photographies prises au cours de la soirée. Il devait s'agir d'amis de D______.

c.b. Au cours de son audition, A______ a déclaré vouloir porter plainte contre son épouse.

Aux alentours du 25 novembre 2020, ils s'étaient disputés à cause du ménage. C______, qui n'avait pas supporté de le voir rester calme malgré les reproches, l'avait frappé avec un oreiller avant de lui griffer le visage. Il avait renoncé à porter plainte. Par la suite, C______ avait écrit une lettre d'excuses mais, le 2 janvier 2021, son beau-père était venu avec trois policiers dans l'appartement, pour prendre des objets et des documents. Il avait alors constaté que la lettre avait disparu.

d. La police a procédé aux auditions de E______, colocataire de C______ et A______, ainsi que de D______.

Le premier a expliqué qu'entre 4h et 5h du matin, les invités avaient quitté la fête, ne laissant plus que le couple, D______ et lui. Le comportement de A______ avait alors changé. Il avait hurlé sur C______ et l'avait enlacée mais d'une manière qui "n'avait rien de tendre". Avec D______, ils avaient tenté de les séparer mais la situation avait empiré. A______ avait asséné plusieurs coups de poing à D______. Ce dernier avait finalement réussi à quitter l'appartement en laissant ses affaires sur place. C______ avait essayé de se cacher aux toilettes mais A______ y était entré, verrouillant la porte derrière lui. Il était alors sorti de l'appartement pour chercher de l'aide auprès des voisins et, à son retour, il avait vu environ cinq personnes surgir et casser la porte des toilettes. A______ avait reçu quelques coups puis la situation s'était figée, jusqu'à ce que C______ demandât à ces personnes de partir.

D______ a confirmé sa présence chez son ami E______ lors du Nouvel-An. Après la fête et le départ des autres invités, il ne restait plus que les trois occupants de l'appartement et lui. Alors que le couple était dans sa chambre, C______ en était sortie "en panique", suivie par A______ qui devenait "très agressif". Ce dernier lui avait asséné un coup de poing, le faisant chuter. Il avait réussi à quitter l'appartement et avait croisé un groupe de jeunes qui avait "presque reçu une bouteille de champagne" en provenance d'un balcon. Il supposait que A______ l'avait jetée car il l'avait entendu crier en espagnol. Après avoir quitté les lieux, il n'y était pas revenu et ignorait ce qu'il s'était passé dans l'appartement ensuite.

e. Le 27 janvier 2021, A______ a déposé une nouvelle plainte contre C______.

Le 15 janvier 2021, la précitée, en présence de policiers, s'était rendue à l'appartement pour récupérer ses affaires. Le 25 suivant, alors qu'il rentrait du travail, il avait constaté que des meubles et des appareils avaient été emportés et que les portes des deux chambres à coucher étaient fracturées. Dans une commode emportée à cette occasion, il avait placé CHF 2'000.-, ce que C______ ignorait.

À l'appui de ses explications, A______ a produit divers documents relatifs à l'achat de meubles, dans lesquels le nom de C______ apparaît le plus souvent, sur les factures ou comme adresse de facturation.

f. Entendue en qualité de prévenue le 16 février 2021, C______ a précisé ne plus vivre avec A______ depuis le 1er janvier 2021, à la suite des événements du Nouvel-An. Le 25 novembre 2020, elle avait accompagné son père et son frère jusqu'au bas de l'immeuble pour récupérer ses affaires dans l'appartement. Tous les meubles emportés lui appartenaient depuis plus de cinq ans, dont certains provenaient de chez ses parents. Elle n'avait jamais volé les CHF 2'000.- et doutait qu'une telle somme se fût trouvée dans l'appartement.

g. À teneur du rapport de renseignements de la police du 5 avril 2021, une perquisition a été effectuée au domicile des parents de C______, où celle-ci a montré les meubles récupérés et fourni la preuve d'achats pour la plupart. Aucune somme de CHF 2'000.- n'avait été récupérée.

h. Le 27 mai 2021, le Ministère public a ordonné la défense d'office de A______ en la personne de Me B______.

i. Le Ministère public a tenu une audience le 14 juillet 2021.

A______ a confirmé ses précédentes plaintes et déclarations, ajoutant que son vélo, qui se trouvait sur le balcon de l'appartement et qu'il estimait à CHF 1'000.-, avait disparu vers la fin du mois de janvier 2021. Seuls C______ et E______ avaient accès à l'appartement à cette période. Les personnes qui avaient cassé la porte des toilettes et qui lui avaient asséné des coups étaient D______, l'homme vêtu de kaki sur les photos de la soirée, un dénommé "Dani" et son frère, soit tous des amis invités par E______.

C______, intervenant en qualité de "prévenue et partie plaignante", a contesté l'ensemble des faits reprochés par A______. Elle ne connaissait pas les personnes qui étaient entrées dans la salle de bain pour l'aider, alors qu'elle s'y trouvait bloquée par le précité. Elle n'avait pas dérobé le vélo qui se trouvait sur le balcon. Elle avait reçu d'une connaissance, F______, un vélo électrique avec lequel A______ avait l'habitude travailler mais il s'agissait du sien (à elle), qu'elle avait acheté avec son argent.

À propos de ce vélo électrique, A______ a affirmé qu'il lui appartenait et qu'il l'avait confié à F______ mais C______ avait menacé ce dernier, en situation irrégulière en Suisse, de l'assigner en justice s'il ne le lui remettait pas.

E______ a identifié les personnes présentes à la fête, désignées par A______, comme étant G______ et son frère H______. Ceux-ci n'étaient plus présents au moment des violences. Quant aux cinq ou six individus ayant pénétré dans l'appartement, il ne les connaissait pas mais leur avait rapidement expliqué la situation. Il s'agissait essentiellement de jeunes âgés d'une vingtaine d'années.

j. Auditionnés par la police sur délégation du Ministère public, les frères G______/H______ ont expliqué n'avoir pas assisté à une altercation entre C______ et A______, ni participé à l'agression de ce dernier. Ils avaient quitté la fête aux alentours de 3h du matin.

k. Le 16 août 2021, A______ a déposé plainte contre C______ notamment, pour agression (art. 134 CP), induction de la justice en erreur (art. 304 CP), entrave à l'action pénale (art. 305), dénonciation calomnieuse (art. 303 CP) et vol (art. 139 CP).

Durant l'audience du 14 juillet 2021, la concernée avait faussement affirmé ignorer le nom de ses agresseurs et avait dissimulé sa propre implication. Les déclarations de la précitée à cette occasion étaient, en outre, contraires à la réalité. Elle avait, enfin, participé, "en complicité avec un colombien en situation irrégulière à Genève", à la subtilisation de son vélo, qu'il utilisait à des fins professionnelles.

l. Lors de l'audience du 7 octobre 2022, le Ministère public a informé C______ qu'elle était dorénavant prévenue d'avoir soustrait une ou plusieurs personnes, mais à tout le moins D______, à une poursuite pénale. L'intéressée a contesté les faits, affirmant qu'elle ne connaissait pas les personnes qui avaient agressé A______.

m. Le 21 octobre 2021, C______ a reconnu avoir gardé le vélo électrique qu'elle avait acheté pour permettre à A______ de se déplacer pour son travail.

n. Le 30 novembre 2020, A______ a expliqué ne pas se souvenir si C______ avait participé à ce qu'il qualifiait d'agression survenue le 1er janvier 2021. Il n'avait pas vu qui l'avait frappé.

C. Dans l'ordonnance querellée, le Ministère public rappelle le contexte particulièrement conflictuel et retient une absence de soupçon suffisant justifiant une mise en accusation (art. 319 al. 1 let. a CPP) pour les faits reprochés à C______.

Pour la griffure du 25 novembre 2020, les déclarations des époux étaient contradictoires et, en l'absence d'éléments de preuve objectifs, il était impossible de privilégier une version plutôt que l'autre, ni d'établir le déroulement des faits avec certitude. Il en allait de même pour les portes de chambres cassées dans l'appartement le 25 janvier 2021. Concernant les vols dénoncés, A______ n'avait jamais apporté la preuve que la somme de CHF 2'000.- se trouvait dans la commode, ni que le vélo se trouvait sur le balcon. Pour ce deux-roues, à supposer qu'il se trouvait à cet endroit, sa disparition pouvait être constitutive d'une appropriation illégitime mais l'infraction ne se poursuivait que sur plainte, acte qui faisait défaut en l'espèce. Pour les meubles et appareils prétendument emportés par C______, les documents versés à la procédure tendaient à démontrer qu'ils appartenaient à celle-ci. A______ n'avait fait aucune mention d'une quelconque participation de son épouse à la prétendue attaque subie durant le Nouvel-An avant sa plainte du 16 août 2021. L'intéressée avait toujours contesté y avoir été impliquée. Enfin, s'agissant de l'entrave à l'action pénale, il était impossible de retenir avec certitude que C______ connaissait les noms des assaillants de A______, hormis celui de D______, et qu'elle les aurait sciemment tus.

D. a. Dans son recours, A______ estime que C______ avait participé à son agression, aux côtés des autres invités présents durant la soirée, lesquels étaient aisément identifiables. Le Ministère public avait ainsi fait "fausse route" en retenant que les responsables étaient des tiers inconnus. C______ était restée dans l'appartement avec toutes les affaires du couple. Il avait porté plainte dès que celle-ci n'avait pas voulu rendre le vélo; la plainte ne pouvait donc pas être considérée comme "tardive". Par ailleurs, la précitée avait confirmé être en possession du deux-roues. De telles explications étaient "valables pour tenir compte de la disparition de l'argent" réclamé. Enfin, les personnes invitées par C______ à la soirée du Nouvel-An pouvaient être identifiées et le refus de celle-ci d'en communiquer les noms et la passivité du Ministère public permettaient de conclure que le classement de l'infraction visée à l'art. 305 CP était "arbitraire".

b. Dans ses observations, le Ministère public soulève que, lors de son audition du 30 novembre 2022, A______ avait déclaré qu'il ignorait si C______ avait participé à l'agression. Pour le vélo et les CHF 2'000.-, les déclarations de la précitée étaient restées constantes. Enfin, il était vain de vouloir identifier les personnes présentes lors de la soirée puisqu'il ressortait de la procédure que les invités avaient quitté l'appartement au moment où les inconnus étaient intervenus.

c. Dans ses observations, C______ soutient que les tiers intervenus dans l'appartement lui étaient inconnus et que l'instruction avait permis de déterminer que les autres invités avaient déjà quitté les lieux au moment des faits. Au cours de la procédure, il avait été fait mention de deux vélos: celui supposé être sur le balcon et celui électrique. A______ n'avait jamais porté plainte pour le vol du premier. Il était faux de dire qu'elle était restée dans l'appartement après leur séparation; elle était partie vivre chez ses parents, ne retournant sur les lieux que pour récupérer ses affaires, sans jamais subtiliser la somme de CHF 2'000.-. Finalement, elle n'avait jamais refusé de communiquer les noms des personnes présentes lors de la soirée mais considérait que cela n'était pas pertinent puisque celles-ci n'étaient pas celles venues "à son secours" et qu'elle ignorait leur identité.

d. Dans sa réplique, A______ reproche au Ministère public d'être contradictoire, en reconnaissant que des tiers étaient intervenus "pour sauver C______" mais en estimant superflu d'exiger de celle-ci qu'elle donnât "les informations sur ces inconnus". En outre, il était "surréaliste" d'exiger de sa part de produire la preuve que les CHF 2'000.- se trouvaient dans la commode alors qu'il n'avait pas accès à l'appartement.

EN DROIT :

1.             1.1. Le recours a été interjeté selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP) et concerne une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP).

1.2. Seule la personne qui a un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée dispose de la qualité pour recourir (art. 382 al. 1 CPP).

1.2.1. Selon l'art. 115 al. 1 CPP, il faut entendre par lésé toute personne dont les droits ont été touchés directement par une infraction. Seul doit être considéré comme lésé celui qui est personnellement et immédiatement touché, c'est-à-dire celui qui est titulaire du bien juridique ou du droit protégé par la loi, contre lequel, par définition, se dirige l'infraction (ATF 119 Ia 342 consid. 2 p. 345 ; 119 IV 339 consid. 1d/aa p. 343). Il convient donc d'interpréter le texte de l'infraction pour en déterminer le titulaire et ainsi savoir qui a qualité de lésé (ATF 118 IV 209 consid. 2 p. 211).

1.2.2. L'infraction d'entrave à l'action pénale (art. 305 CP) protège l'intérêt étatique à ce qu'il ne soit pas interféré dans une poursuite pénale ou dans l'exécution d'une peine (arrêt du Tribunal fédéral 1B_182/2014 du 21 mai 2014 consid. 2.2; ACPR/137/2023 du 23 février 2023 consid. 2.2.2; B. CORBOZ, Les infractions en droit suisse, vol. II, 3e éd., Berne 2010, n. 1 ad art. 305).

1.3. En l'espèce, le recourant n'est pas titulaire du bien juridique touché par l'infraction visée à l'art. 305 CP, dès lors que celle-ci ne vise pas des intérêts individuels.

Partant, la qualité pour recourir doit lui être déniée en tant qu'elle porte sur ce chef d'infraction. Il s'ensuit que le recours est irrecevable sur ce point.

1.4. Par ailleurs, l'acte ne contient aucun développement contestant le classement des faits dénoncés par le recourant, relatifs à la griffure de son visage (25 novembre 2021), la disparition de certains meubles et appareils ainsi que l'endommagement de portes de l'appartement (25 janvier 2021).

Pour cette raison, la Chambre de céans n'examinera pas ces aspects, dont le classement n'est donc pas contesté.

1.5. Au surplus, le recours émane du plaignant qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP) en tant qu'il conteste le classement des infractions de vol (art. 139 CP), d'appropriation illégitime (art. 137 CP) et d'agression (art. 134 CP).

2.             Le recours conteste le bien-fondé du classement des infractions susmentionnées.

2.1.1. Le ministère public ordonne le classement de tout ou partie de la procédure lorsqu'aucun soupçon ne justifiant une mise en accusation n'est établi (art. 319 al. 1 let. a CPP).

Cette disposition doit être appliquée conformément à l'adage "in dubio pro duriore" (arrêt 6B_1456/2017 du 14 mai 2018 consid. 4.1 et les références citées). Celui-ci découle du principe de la légalité (art. 5 al. 1 Cst. et 2 al. 1 CPP en relation avec les art. 309 al. 1, 319 al. 1 et 324 CPP; ATF 138 IV 86 consid. 4.2 p. 91) et signifie qu'en principe, un classement ou une non-entrée en matière ne peuvent être prononcés par le ministère public que lorsqu'il apparaît clairement que les faits ne sont pas punissables ou que les conditions à la poursuite pénale ne sont pas remplies. Le ministère public et l'autorité de recours disposent, dans ce cadre, d'un certain pouvoir d'appréciation. La procédure doit se poursuivre lorsqu'une condamnation apparaît plus vraisemblable qu'un acquittement ou lorsque les probabilités d'acquittement et de condamnation apparaissent équivalentes, en particulier en présence d'une infraction grave. En effet, en cas de doute s'agissant de la situation factuelle ou juridique, ce n'est pas à l'autorité d'instruction ou d'accusation mais au juge matériellement compétent qu'il appartient de se prononcer (ATF 143 IV 241 consid. 2.2.1 p. 243; 138 IV 86 consid. 4.1.2 p. 91).

2.1.2. Un classement s'impose également lorsqu'il est établi que certaines conditions à l'ouverture de l'action pénale ne peuvent pas être remplies ou que des empêchements de procéder sont apparus (art. 319 al. 1 let. d CPP).

La plainte est considérée comme une condition d'exercice de la poursuite pénale et son défaut – ou sa tardiveté – constituent un empêchement de procéder (arrêt du Tribunal fédéral 6B_848/2018 du 4 décembre 2018 consid. 1.5; Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 10 ad art. 319 et les références citées).

2.2.1. Selon l'art. 137 al. 1 CP, se rend coupable d'appropriation illégitime quiconque, pour se procurer ou procurer à un tiers un enrichissement illégitime, s’approprie une chose mobilière appartenant à autrui. Si l'acte est commis au préjudice des proches ou des familiers, l'infraction n'est poursuivie que sur plainte (art. 137 al. 2 3ème hypo. CP).

2.2.2. Les proches d’une personne sont son conjoint, son partenaire enregistré, ses parents en ligne directe, ses frères et sœurs germains, consanguins ou utérins ainsi que ses parents, frères et sœurs et enfants adoptifs (art. 110 al. 1 CP). Les conjoints séparés, mais pas encore divorcés, demeurent des proches au sens de cette norme (L. MOREILLON / A. MACALUSO / N. QUELOZ / N. DONGOIS (éds), Commentaire romand, Code pénal I, art. 1-110 CP, 2ème éd., Bâle 2021, n. 2 ad art. 110 al. 1).

2.3. L'art. 139 ch. 1 CP punit, du chef de vol, quiconque, pour se procurer ou procurer à un tiers un enrichissement illégitime, soustrait une chose mobilière appartenant à autrui dans le but de se l'approprier.

2.4. Aux termes de l'art. 134 CP, se rend coupable d'agression quiconque participe à une agression dirigée contre une ou plusieurs personnes au cours de laquelle l’une d’entre elles ou un tiers trouve la mort ou subit une lésion corporelle.

2.5. En l'espèce, on comprend de la plainte du recourant du 16 août 2021 que le vélo en cause – qu'il reproche à la prévenue d'avoir volé – doit être rattaché à celui, électrique, évoqué par le couple durant l'audience du 14 juillet 2021 et que celle-ci a admis détenir. Lors de cette audience, un second vélo a également été évoqué par le recourant, soit celui qui se trouvait prétendument sur le balcon de l'appartement et qui aurait disparu à la fin du mois de février 2021.

Or, pour ce deux-roues, le recourant n'a jamais formellement déposé plainte, alors qu'il était encore marié avec la prévenue au moment où la disparition dénoncée se serait produite, l'assimilant ainsi à un proche au sens de l'art. 110 al. 1 CP. Partant, la poursuite de cette infraction nécessitait une plainte, qui fait défaut en l'occurrence. Il s'ensuit qu'un empêchement commandait de classer ces faits.

Pour les CHF 2'000.-, les éléments au dossier ne permettent pas de retenir qu'une telle somme ait existé et se trouvait dans la commode, que la prévenue
l'aurait – involontairement, puisqu'elle n'était pas censée savoir qu'elle s'y trouvait, selon le recourant – emportée et conservée par la suite. La perquisition menée au domicile des parents, où les meubles emportés étaient entreposés, s'est avérée infructueuse et la recourante conteste avoir jamais découvert et conservé un tel montant.

Dans ces circonstances, il n'existe pas de soupçon suffisant à l'encontre de la prévenue justifiant une mise en accusation et le classement s'imposait également.

Enfin, au moment de dénoncer son agression subie dans la nuit du 1er février 2021, le recourant n'a jamais allégué – ni même laissé prétendre – que la prévenue aurait participé d'une quelconque manière aux coups reçus. Il en est allé de même durant toutes ses auditions ultérieures, expliquant même, lors de celle du 30 novembre 2022, qu'il ignorait si elle avait été impliquée et qu'il n'aurait, de toute manière, pas pu le savoir, n'ayant pas vu qui avait asséné les coups.

Ses accusations apparaissent dès lors dénuées de tout fondement, aucun élément au dossier ne permettant, par ailleurs, de les étayer.

Compte tenu de ce qui précède, le recours, en tant qu'il est recevable, s'avère intégralement infondé.

3.             Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée.

4.             Lorsqu'il a ordonné la défense d'office du recourant, le Ministère public a uniquement tenu compte du statut de prévenu à la procédure et non de plaignant, étant précisé qu'il avait déjà déposé deux plaintes contre la prévenue au moment de se voir octroyer l'assistance juridique.

Dès lors, à défaut d'indications particulières, il ne peut être retenu que la défense d'office couvre également les démarches du recourant en qualité de plaignant. Dans la mesure où il succombe, il supportera, en conséquence, les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 700.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03), pour tenir compte de sa situation.

5.             5.1. L’intimée, prévenue qui obtient gain de cause, sollicite l’octroi de dépens totalisant CHF 3'007.73, correspondant à 7h45 d'activité effectuée par une collaboratrice et 0h10 par une cheffe d'étude.

5.2. En l'absence d'un décompte de ces activités, une somme de CHF 1'319.33 lui sera allouée, équivalant à 3h30 d'activité, rémunérées au tarif horaire usuel pour une collaboratrice, soit CHF 350.- (ACPR/518/2023 du 4 juillet 2023 consid. 5.2), TVA à 7.7% en sus. Cette durée paraît suffisante pour un mémoire de neuf pages, pages de garde, de préambule et de conclusions comprises et reprenant globalement les développements figurant dans l'ordonnance entreprise.

6.             6.1. En cas de classement de la procédure ou d'acquittement, l'indemnisation du prévenu est à la charge de l'État lorsqu'il s'agit d'une infraction poursuivie d'office. En cas d'infraction poursuivie sur plainte, elle est, en principe, à la charge de la partie plaignante. Dans le cadre d'une procédure d'appel concernant une infraction poursuivie d'office, la partie plaignante qui succombe est tenue à indemnisation alors que dans une procédure de recours, c'est l'État qui en répond. En cas d'infraction poursuivie sur plainte, la partie plaignante qui, seule, a attaqué la décision, est, en principe, tenue à indemnisation tant dans la procédure d'appel que dans celle de recours (ATF 147 IV 47 consid. 4.2.4 et 4.2.6).

6.2. En l'espèce, sur les quatre infractions discutées dans le recours, deux sont poursuivies sur plainte, en raison du statut de proches revêtit des parties. Il sied donc de faire supporter au recourant une part de l'indemnité due à la prévenue.

Pour tenir toutefois compte de sa situation d'indigence, reconnue par l'octroi de la défense d'office en sa faveur, il sera renoncé à fixer ce pourcentage à la moitié du montant concerné, pour le condamner plutôt à en verser un tiers, soit CHF 479.78, le solde étant laissé à la charge de l'État.

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours dans la mesure de sa recevabilité.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 700.-.

Alloue à C______ une indemnité de CHF 1'319.33, TVA (7.7%) incluse.

Condamne A______ à verser à C______ un tiers de cette indemnité, soit CHF 479.78, le reste étant laissé à la charge de l'État.

Notifie le présent arrêt, en copie, à A______ et C______, soit pour eux leurs conseils respectifs, ainsi qu'au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et
Madame Alix FRANCOTTE CONUS, juges; Madame Olivia SOBRINO, greffière.

 

La greffière :

Olivia SOBRINO

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/18/2021

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

20.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

605.00

Total

CHF

700.00