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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/10867/2017

ACPR/563/2023 du 24.07.2023 sur ONMMP/1138/2023 ( MP ) , REJETE

Recours TF déposé le 12.09.2023, 7B_584/2023
Descripteurs : ORDONNANCE DE NON-ENTRÉE EN MATIÈRE;NE BIS IN IDEM;SOUPÇON
Normes : CPP.310; CP.180; CP.126

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/10867/2017 ACPR/563/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du lundi 24 juillet 2023

 

Entre

A______, domiciliée ______, comparant par Me B______, avocate,

recourante,

contre l'ordonnance de non-entrée en matière rendue le 21 mars 2023 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. Par acte déposé le 31 mars 2023, A______ recourt contre l'ordonnance du 21 mars 2023, communiquée par pli simple, par laquelle le Ministère public a refusé d'entrer en matière sur les faits reprochés à C______.

La recourante conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de cette ordonnance et à l'ouverture d'une instruction.

b. La recourante a versé les sûretés en CHF 900.- qui lui étaient réclamées par la Direction de la procédure.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. La présente procédure fait suite à la plainte déposée, le 12 mai 2017, par A______ contre son mari d'alors, D______, qu'elle accusait de violences conjugales survenues entre 2012 et 2015.

Durant son audition, elle a déclaré que son nouveau compagnon, C______, était "très gentil" avec elle et qu'il ne la "frapp[ait]" pas.

b. Le 20 décembre 2022, A______, entendue en qualité de personne appelée à donner des renseignements, a expliqué à la police, qu'en réalité, c'était C______ qui l'avait battue et non D______. Elle avait menti à la demande du premier, par peur de recevoir des coups, ce qui avait d'ailleurs été le cas à plusieurs reprises. En 2017, il l'avait "frappée" et tirée par les cheveux. En 2021, il lui avait asséné un coup de poing "dans les yeux". En tout, il l'avait battue sept à dix fois entre 2017 et 2021. Elle ne savait plus rien de C______ mais celui-ci l'avait menacée, via des connaissances, de la "tabasser". Elle ne l'avait plus croisé à Genève depuis une année.

Pour ces faits, A______ a déposé plainte à l'encontre de C______ pour "les menaces régulières" de la battre via des appels masqués et les coups reçus entre 2017 et 2021.

c. Par ordonnance pénale rendue le lendemain – frappée d'opposition – le Ministère public a déclaré A______ coupable de dénonciation calomnieuse.

d. Le 13 mars 2023, A______ a confirmé, par-devant le Ministère public, avoir initialement porté plainte contre D______ par crainte, car C______ menaçait de la battre si elle ne le faisait pas. Dorénavant, le précité ne lui faisait plus peur car D______ la protégeait.

e. À l'issue de cette audience, elle a produit un constat médical du 28 août 2021.

Il en ressort qu'elle aurait reçu, le 19 août 2021, "un coup de poing de la part de son mari avec traumatisme facial". L'examen médical mettait notamment en évidence un "hématome périorbitaire ancien".

f. Le 21 mars 2023, le Ministère public a versé au dossier la procédure P/1______/2021, dont il ressort les éléments suivants:

- le 16 juillet 2021, le Service de protection des mineurs (ci-après: SPMi) a dénoncé C______ pour des violences à l'encontre de A______. Une intervenante avait notamment vu le précité cracher au visage de sa compagne et l'insulter, tandis qu'une autre personne avait dû intervenir dans la chambre du couple à la suite d'une violente dispute;

- entendue par la police, le 24 août 2021, à propos de ces événements, A______ a contesté les faits relatés. C______ ne l'avait pas frappée et ne lui avait jamais craché dessus. Une dispute était survenue le 20 août 2021, au cours de laquelle son compagnon lui avait asséné un coup de poing au visage, la blessant à l'œil;

-C______ a contesté les faits reprochés;

- par ordonnance pénale du 23 décembre 2021, le Ministère public a condamné C______ pour lésions corporelles simples et voies de faits notamment, pour avoir "frappé" A______ à la tête, le 9 juin 2021, et s'être livré à des violences à l'encontre de cette dernière le 30 suivant, en particulier en lui crachant au visage et en l'insultant.

C. Dans l'ordonnance querellée, le Ministère public constate que les faits de violence physique dénoncés le 20 décembre 2022 faisaient déjà l'objet d'une condamnation de C______, désormais entrée en force. L'application du principe ne bis in idem constituait dès lors un empêchement de procéder (art. 310 al. 1 let. b CPP). Pour les menaces évoquées par A______ lors de son audition en qualité de prévenue du 20 décembre 2022, elles n'étaient pas datées et C______ avait nié toute violence verbale. En l'absence de preuve objective et compte tenu des déclarations de A______ à teneur desquelles elle n'avait plus peur de C______, il n'existait pas de charges suffisantes à l'encontre de ce dernier (art. 310 al. 1 let. a CPP).

D. a. Dans son recours, A______ argue que la condamnation de C______ dans le cadre de la procédure P/1______/2021 ne prenait pas en considération les autres faits de violence qu'elle avait dénoncés les 20 décembre 2022 et 13 mars 2023. Elle avait ainsi accusé C______ de l'avoir battue à réitérées reprises entre 2017 et 2021 et de l'avoir menacée d'en faire autant si elle ne portait pas plainte contre D______. Pour ces faits, le principe ne bis in idem ne s'appliquait pas.

b. Dans ses observations, le Ministère public constate que A______ et C______ étaient en couple et vivaient ensemble entre 2017 et l'été 2021. Au moment du dépôt de plainte, ils n'étaient donc pas mariés et ne faisaient plus ménage commun depuis plus d'un an. Dès lors, les faits de lésions corporelles simples et de menaces ne pouvaient être poursuivis que sur plainte. Or, C______ n'avait pas pu se montrer violent dans les trois mois précédant décembre 2022 puisque A______ avait déclaré ne l'avoir plus croisé depuis plus d'un an. Il existait ainsi un empêchement de procéder "concernant toute violence physique après juin 2022". Les déclarations contradictoires de A______ ne permettaient pas d'établir des soupçons de menaces, d'autant qu'à partir du moment où elle avait repris sa relation avec D______, soit octobre 2022, elle avait déclaré ne plus craindre C______. Enfin, pour les faits prétendument survenus entre 2017 et juin 2021, A______ avait contesté toute violence de la part de C______ lors de son audition du 24 août 2021 (P/1______/2021).

c. A______ réplique.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et – faute de notification conforme à l'art. 85 al. 2 CPP – dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner de la plaignante qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             La recourante reproche au Ministère public de n'être pas entré en matière sur les faits dénoncés entre 2017 et 2021.

2.1. En vertu des art. 310 al. 1 let. b CPP, une ordonnance de non-entrée en matière est immédiatement rendue s'il ressort de la procédure qu'il existe des empêchements de procéder. Constitue un tel empêchement l'interdiction de la double poursuite (art. 11 CPP, principe ne bis in idem ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_303/2019 du 9 avril 2019 consid. 2.1.1). Selon ce principe, qui est un corollaire de l'autorité de la chose jugée, nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement en raison d'une infraction pour laquelle il a déjà été jugé.

2.2. Une ordonnance de non-entrée en matière doit aussi être rendue s'il ressort de la dénonciation que les éléments constitutifs d'une infraction ne sont manifestement pas réunis (art. 310 al. 1 let. a CPP).

Selon la jurisprudence, cette disposition doit être appliquée conformément à l'adage "in dubio pro duriore" (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1456/2017 du 14 mai 2018 consid. 4.1 et les références citées). Celui-ci découle du principe de la légalité (art. 5 al. 1 Cst. et 2 al. 1 CPP en relation avec les art. 309 al. 1, 319 al. 1 et 324 CPP; ATF 138 IV 86 consid. 4.2 p. 91) et signifie qu'en principe, un classement ou une non-entrée en matière ne peuvent être prononcés par le ministère public que lorsqu'il apparaît clairement que les faits ne sont pas punissables ou que les conditions à la poursuite pénale ne sont pas remplies. Le ministère public et l'autorité de recours disposent, dans ce cadre, d'un certain pouvoir d'appréciation. La procédure doit se poursuivre lorsqu'une condamnation apparaît plus vraisemblable qu'un acquittement ou lorsque les probabilités d'un acquittement et de condamnation apparaissent équivalentes, en particulier en présence d'une infraction grave. En effet, en cas de doute s'agissant de la situation factuelle ou juridique, ce n'est pas à l'autorité d'instruction ou d'accusation mais au juge matériellement compétent qu'il appartient de se prononcer (ATF 143 IV 241 consid. 2.2.1 p. 243, 138 IV 86 consid. 4.1.2 p. 91 et les références citées).

2.3. En l'espèce, on peut douter, avec la recourante, que la condamnation du mis en cause dans la procédure parallèle (P/1______/2021) s'oppose – en vertu de l'interdiction de double poursuite – à la poursuite des autres faits dénoncés, dès lors que ceux-ci couvrent une période temporelle, soit entre 2017 et 2021, excédant celle de l'ordonnance pénale du 23 décembre 2021, limitée aux 9 et 30 juin 2021.

Cela ne suffit néanmoins pas établir le bien-fondé du recours.

Au moment de dénoncer les actes de violence allégués, que ce soit les coups ou les menaces, la recourante n'a jamais été en mesure de les dater, ni de produire des éléments objectifs pour démontrer leur existence. Par ailleurs, ses déclarations à l'égard du mis en cause ont grandement fluctué au fil du temps et des procédures, allant même jusqu'à nier les faits pour lesquels celui-ci a finalement été condamné.

Ces contradictions – remises dans le contexte conflictuel qui oppose les anciens conjoints – et l'absence de preuve matérielle ne permettent pas de retenir des soupçons suffisants à l'égard du mis en cause pour ces violences alléguées durant la relation.

Pour les menaces prétendument survenues après leur séparation en été 2021, évoquées par la recourante lors de son audition du 20 décembre 2022, nonobstant la question du délai pour déposer plainte, elles sont également caractérisées par des déclarations lacunaires et contradictoires. La précitée n'a jamais fourni le nom des connaissances l'ayant approchée, ni démontré avoir reçu des appels anonymes. En outre, elle a affirmé, durant la même audience, être sans nouvelle du mis en cause depuis plus d'un an.

Ces circonstances ne permettent définitivement pas de fonder une prévention à l'égard du mis en cause.

3.             Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée par substitution de motifs.

4.             La recourante, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 900.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 900.-.

Dit que ce montant sera prélevé sur les sûretés versées.

Notifie le présent arrêt, en copie, à la recourante, soit pour elle son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et
Madame Alix FRANCOTTE CONUS, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/10867/2017

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

815.00

Total

CHF

900.00