Aller au contenu principal

Décisions | Chambre pénale de recours

1 resultats
P/3278/2021

ACPR/551/2023 du 20.07.2023 sur OPMP/4773/2022 ( MP ) , IRRECEVABLE

Recours TF déposé le 21.09.2023, 7B_649/2023
Descripteurs : DÉCISION D'IRRECEVABILITÉ;NON-CLASSEMENT;INDIVISIBILITÉ;PLAINTE PÉNALE
Normes : CPP.393.al1.leta; CPP.300; CPP.380; CP.32

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/3278/2021 ACPR/551/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du jeudi 20 juillet 2023

 

Entre

A______, domicilié ______, comparant par Mes Daniel KINZER et Romain JORDAN, avocats, et faisant élection de domicile chez ce dernier, Étude Merkt [&] associés, rue Général-Dufour 15, case postale, 1211 Genève 4,

recourant,

contre l'ordonnance rendue le 29 mars 2023 par le Ministère public,

et

B______, domicilié ______, comparant par Me C______, avocat,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. Par acte expédié le 11 avril 2023, A______ recourt contre l'ordonnance du 29 mars 2023, communiquée par pli simple, par laquelle le Ministère public a décidé que la plainte pénale de B______ était valable et que la procédure pénale irait sa voie.

Le recourant conclut, sous suite de dépens, à l'annulation de l'ordonnance querellée et à ce que la plainte de B______ soit déclarée non valable.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a.a. Le 8 janvier 2021, B______ a déposé plainte contre A______, son voisin, notamment pour violation du domaine secret ou du domaine privé au moyen d'un appareil de prise de vues (art. 179quater CP).

Depuis qu'il avait débuté des travaux de transformation et d'agrandissement de sa villa, son voisin lui reprochait d'être à l'origine de fissures qui seraient apparues dans sa maison. Le 28 octobre 2020, ce dernier avait produit – dans le cadre d'une plainte auprès du Département du territoire – environ 31 clichés du jardin de sa maison, lesquels n'étaient pas visibles depuis le domaine public et avaient été pris sans son consentement.

Il s'était constitué partie plaignante, précisant que "sa plainte vis[ait] exclusivement Monsieur A______, à l'exclusion de toutes autres personnes dont les noms pourraient ressortir des pièces annexées, notamment ceux des conseils juridiques de ce dernier".

a.b. À l'appui, B______ a notamment produit un courrier de l'ancien conseil de A______ adressé au Département du territoire. Y étaient joints les photographies litigieuses.

b. Par ordonnance pénale du 2 juin 2022, le Ministère public a déclaré A______ coupable de violation du domaine secret ou du domaine privé au moyen d'un appareil de prise de vues (art. 179quater al. 1 et 3 CP).

c. Par courrier du 16 juin 2022, le précité y a formé opposition, exposant en substance que ses avocats lui avaient conseillé de prendre les clichés, puis les avaient ajoutés aux chargés produits par-devant les autorités.

d. Par mandat du 1er septembre 2022, le Ministère public a cité les parties à comparaître à une audience fixée au 25 octobre 2022.

e. Par courriers des 17 octobre 2022 et 22 février 2023 adressés au Ministère public, A______ a, sous la plume de ses conseils, requis le classement de la procédure, en raison du principe de l'indivisibilité de la plainte (art. 32 CP). En effet, la plainte de B______ ne le visait que lui et non pas son [ancien] conseil, lequel – en ayant produit en justice les documents litigieux – avait également participé à la commission de l'infraction reprochée.

C. Dans l'ordonnance querellée, le Ministère public considère que la plainte pénale de B______ était valable, dans la mesure où, bien que les photos litigieuses avaient été produites par les conseils du prévenu, ceux-ci avaient agi au nom et pour le compte de ce dernier et conformément à ses instructions. Par ailleurs, il "aurait été très particulier en l'espèce" d'inviter la partie plaignante à porter plainte contre un avocat, quand bien même les actes de ce dernier pourraient être considérés licites, de par son devoir professionnel, qui est de sauvegarder les intérêts de son mandant.

D. a. Dans son recours, A______ soutient que, conformément à la jurisprudence du Tribunal fédéral, la voie du recours lui était ouverte contre une décision relative à la validité de la plainte. En tout état de cause, la décision admettant la qualité de partie plaignante était sujette à recours. Il avait par ailleurs la qualité pour recourir, dès lors que l'admission de son recours entraînerait l'exclusion de la partie plaignante de la procédure pénale et, en conséquence, la fin de l'instruction, faute de plainte valable.

Sur le fond, il reproche au Ministère public d'avoir violé son droit d'être entendu en rendant une décision non motivée. Par ailleurs, la plainte de B______ n'était pas valable, dès lors que ce dernier n'avait pas mis en cause l'avocat, lequel était un co-auteur de l'infraction. Qui plus est, il n'appartenait pas au Ministère public d'examiner la question d'un éventuel fait justificatif avant celle de la validité de la plainte. Enfin, l'art. 32 CP ne prévoyait aucune règle spéciale pour les avocats.

b. Dans ses observations, le Ministère public s'en rapporte à l'appréciation de la Chambre de céans quant à la forme. Au fond, il conclut au rejet du recours, précisant que la question de l'indivisibilité de la plainte ne se posait pas, dès lors que l'avocat ne pouvait pas être considéré comme un participant à l'infraction.

c. Dans ses observations, B______ conclut, sous suite de frais et dépens, à l'irrecevabilité du recours, subsidiairement à son rejet. La décision par laquelle le Ministère public rejetait une requête tendant au classement de la procédure n'était pas sujette à recours. Par ailleurs, A______ ne disposait pas d'un intérêt juridiquement protégé, faute de préjudice irréparable. Sur le fond, sa plainte était valable, dès lors qu'il n'avait aucune raison de penser que le conseil du recourant était potentiellement impliqué dans les faits dénoncés.

d. Le recourant a répliqué.

e. B______ a dupliqué.

EN DROIT :

1.             1.1. Le recours a été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP).

1.2. Encore faut-il, toutefois, que la décision attaquée soit sujette à recours auprès de la Chambre de céans.

1.2.1. À teneur de l'art. 393 al. 1 let. a CPP, le recours est ouvert contre les décisions et les actes de procédure de la police, du ministère public et des autorités pénales compétentes en matière de contraventions. Cependant, les décisions qualifiées de définitives ou de non sujettes à recours par le CPP ne peuvent pas être attaquées par le biais d'un recours (art. 380 CPP).

1.2.2. Sous réserve de l'invocation de l'interdiction de la double poursuite, l'introduction d'une procédure préliminaire (et donc notamment l'ouverture d'une instruction par le ministère public: art. 300 al. 1 let. b CPP) n'est pas sujette à recours (art. 300 al. 2 CPP). Seules les décisions clôturant la procédure préliminaire peuvent être attaquées, pour autant qu'elles mettent un terme définitif à la procédure pénale, à l'instar du classement et de l'ordonnance pénale (mais pas la mise en accusation puisque dans ce cas la procédure est portée devant un tribunal et donc poursuivie). Il s'ensuit que les parties ne peuvent pas recourir contre l'introduction ou la poursuite de la procédure préliminaire (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1153/2016 du 23 janvier 2018 consid. 2.3.1; 1B_532/2012 du 30 octobre 2012 consid. 1.3; 1B_209/2011 du 6 septembre 2011 consid. 2). Cette exception au principe selon lequel l'autorité de recours statue sur les recours dirigés contre les actes de procédure et contre les décisions non sujettes à appel rendues par le Ministère public (art. 20 al. 1 let. b CPP) tend à éviter que les parties bloquent le cours de la procédure pénale à leur guise; lesdites parties ne sauraient partant contourner la réglementation légale en formant une demande de classement puis, le cas échéant, un recours contre la décision la rejetant ; ainsi, un tel recours est-il irrecevable (arrêt du Tribunal fédéral 1B_209/2011 précité consid. 2).

1.2.3. Aux termes de l'art. 32 CP, si un ayant droit a porté plainte contre un des participants à l'infraction, tous les participants doivent être poursuivis (cf. ATF 143 IV 104 consid. 5.1 p. 111 s.).

Une plainte pénale déposée volontairement contre certains seulement des participants d'une infraction – coauteurs, instigateurs, complices – contient, en soi, une contradiction au regard du principe de l'indivisibilité et des conséquences de la violation de celui-ci. Dans une telle hypothèse, l'autorité doit informer le plaignant de ce que, conformément à la loi, tous les participants doivent être poursuivis ou aucun, et elle doit déterminer quelles sont ses intentions. Lorsqu'il est patent que le plaignant entend épargner ceux qui ne sont pas désignés dans la plainte, celle-ci doit être déclarée non valable et la procédure doit être classée à l'égard de tous les participants (ATF 121 IV 150 consid. 3a / bb p. 152 s. ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_8/2010 du 29 mars 2010 consid. 1.3.1 ; L. MOREILLON / A. MACALUSO / N. QUELOZ / N. DONGOIS (éds), Commentaire romand, Code pénal I : art. 1-110 CP, Bâle 2020, n. 6 ad art. 32).

1.2.4. En l'espèce, le recourant a, par courriers des 17 octobre 2022 et 22 février 2023, requis le classement de la procédure, se prévalant du principe de l'indivisibilité de la plainte. Considérant que la plainte pénale de B______ était valable – en l'absence d'autres participants à l'infraction reprochée –, le Ministère public a décidé que la procédure irait sa voie. Or, le recourant s'en prend en l'occurrence à une décision qui prévoit la continuation de la procédure, soit une décision non sujette à recours. Qui plus est, il n'invoque pas l'interdiction de la double poursuite comme motif de recours.

Par ailleurs, le recourant ne peut pas contourner l'absence de voie de recours en soulevant que le Ministère public aurait, en réalité, admis dans la décision querellée la qualité de partie plaignante de l'intimé et qu'en conséquence cette décision serait sujette à recours. D'une part, la question de la validité de la plainte – faisant l'objet de la décision querellée – ne saurait être assimilée à celle de l'acceptation de la qualité de partie plaignante. D'autre part, en cas d'infraction poursuivie sur plainte – à l'instar de l'art. 179quater CP –, l'invalidation de la plainte aurait pour seule conséquence le classement de la procédure. Il n'y aurait donc plus de place pour examiner la qualité de partie plaignante, puisque la procédure serait close. En d'autres termes, le seul but recherché par le prévenu dans ce cas serait d'obtenir le classement de la procédure, de sorte qu'il ne pourrait pas se prévaloir de l'absence ou non de la qualité de partie plaignante, puisque cet aspect deviendrait sans objet.

De surcroit, l'arrêt cité par le recourant (arrêt du Tribunal fédéral 1B_485/2021 du 26 novembre 2021) ne lui est d'aucun secours, puisqu'il ne porte pas sur un refus de classement mais sur un refus de retrait de pièces du dossier.

En tout état de cause, la compétence de classer une procédure appartient en première instance, non pas à l'autorité de recours au sens de l'art. 20 CPP, mais au Ministère public (cf. art. 318 al. 1 et 319 al. 1 CPP), respectivement au tribunal de première instance en cas de renvoi en jugement (cf. art. 339 al. 2 CPP).

Il résulte de ce qui précède que le recours est irrecevable, faute de décision sujette à recours.

2. Point n'est dès lors besoin de traiter les griefs au fond.

3. Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, qui seront fixés en totalité à CHF 800.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

4. B______, partie plaignante et intimé, a demandé des dépens.

4.1. À teneur de l'art. 436 al. 1 CPP, les prétentions en indemnités et en réparation du tort moral dans la procédure de recours sont régies par les art. 429 à 434 CPP.

La partie plaignante qui obtient gain de cause peut demander au prévenu une juste indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure (art. 433 al. 1 let. a CPP).

4.2. Les honoraires d'avocat se calculent selon le tarif usuel du barreau applicable dans le canton où la procédure se déroule (ATF 142 IV 163 consid. 3.1). À Genève, la Cour de justice retient un tarif horaire de CHF 450.- pour un chef d'étude, CHF 350.- pour un collaborateur et CHF 150.- pour un avocat stagiaire (ACPR/223/2022 du 31 mars 2022 consid. 2.1 et les références citées).

4.3. En l'espèce, l'intimé, partie plaignante, conclut à l'octroi d'une indemnité totale de CHF 6'000.-, correspondant à 10h d'activité au tarif horaire de collaborateur (CHF 450.-) et 3h d'activité au tarif horaire de chef d'Étude à CHF 500.-. Ce montant apparaît toutefois excessif, compte tenu de l'ampleur de son écriture (11 pages d'observations dont 5,5 pages de discussion juridique et 1,5 pages de duplique) et au regard des développements topiques. L'indemnité sera donc arrêtée à CHF 1'992.50 correspondant à 4h d'activité au tarif de CHF 350.- et 1h d'activité au tarif de CHF 450.-, TVA (7.7%) incluse.

Cette somme sera mise à la charge du prévenu (art. 433 al. 1 let. a cum 436 al. 1 CPP).

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Déclare le recours irrecevable.

Met à la charge de A______ les frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 800.-.

Condamne A______ à verser à B______ une indemnité totalisant CHF 1'992.50 TTC pour l'instance de recours.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant et à B______, soit pour eux leurs conseils respectifs, ainsi qu'au Ministère public.

Siégeant :

Monsieur Christian COQUOZ, président; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

Le président :

Christian COQUOZ

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/3278/2021

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

20.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

705.00

-

CHF

Total

CHF

800.00