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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/21799/2022

ACPR/506/2023 du 28.06.2023 sur OTMC/1603/2023 ( TMC ) , ADMIS

Descripteurs : RISQUE DE RÉCIDIVE;RESPONSABILITÉ(DROIT PÉNAL);PSYCHOTHÉRAPIE;MESURE DE SUBSTITUTION À LA DÉTENTION
Normes : CPP.237

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/21799/2022 ACPR/506/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mercredi 28 juin 2023

 

Entre

A______, actuellement détenu à la prison de B______, comparant par Me C______, avocate,

recourant,

 

contre l'ordonnance de mise en détention provisoire rendue le 2 juin 2023 par le Tribunal des mesures de contrainte,

 

et

LE TRIBUNAL DES MESURES DE CONTRAINTE, rue des Chaudronniers 9, 1204 Genève - case postale 3715, 1211 Genève 3,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A.           Par acte expédié le 12 juin 2023, A______ recourt contre l'ordonnance « de prolongation de mise en détention » (recte : de mise en détention) provisoire du 2 précédent, notifiée sur-le-champ, par laquelle le Tribunal des mesures de contrainte (ci-après : TMC) a ordonné sa mise en détention provisoire jusqu’au 1er septembre 2023.

Le recourant conclut à sa mise en liberté immédiate, subsidiairement sous mesures de substitution.

B.            Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a.             Depuis 2018, A______ est astreint à un traitement ambulatoire (art. 63 CP) pour combattre ses troubles mentaux et du comportement liés à une dépendance au cannabis et à l’abus d’alcool. Le 16 juin 2022, le Tribunal d’application des peines et des mesures (ci-après, TAPEM) s’est inquiété : si A______ honorait ses rendez-vous avec psychiatre et psychothérapeute, il délaissait en revanche depuis 2019 toutes les convocations du Service des mesures institutionnelles (ci-après, SMI) – dont l’avis était nécessaire au tribunal –, ce qui l’exposait à devoir exécuter la peine privative de liberté suspendue. Cela étant, le TAPEM a constaté que le traitement ordonné était adéquat, utile et nécessaire : il en a ordonné la poursuite jusqu’au 19 septembre 2023.

b.             A______ a été détenu à titre provisoire entre le 14 octobre et le 12 décembre 2022, pour être soupçonné d’avoir agressé son amie intime (à coups de poing, voire strangulation) et son père (à coups de poing, voire à l’arme blanche), à D______ [GE], le 14 octobre 2022, vers 23h. ; détenu, ailleurs, des armes interdites ; et consommé cannabis et cocaïne. Le TMC retenait les risques de collusion (avec victimes et témoins) et de réitération (cinq condamnations pour violence depuis 2015) et notait qu’une expertise psychiatrique datant de 2017 devrait être actualisée.

c.       La mise en liberté de A______ a été conditionnée à diverses mesures de substitution, prises pour une durée de six mois (suivre une psychothérapie contre la violence et les dépendances [le prévenu avait obtenu un accord de principe du E______] ; résider et passer ses nuits chez sa belle-mère, au F______ [GE], sauf dérogation du Procureur pour d’éventuels séjours à l’extérieur de Genève ; n’y détenir ni alcool ni stupéfiants ; ne consommer aucun de ces deux toxiques, avec test d’abstinence hebdomadaire ; interdiction de rencontrer son amie intime, de se trouver sur les mêmes lieux qu’elle et de l’approcher à moins de cent mètres – les contacts téléphoniques ou électroniques étant autorisés, à la discrétion de l’intéressée –).

d.             Les 7 février, 6 mars et 14 avril 2023, le Service de probation et d’insertion (ci-après, SPI), chargé de superviser ces mesures, a transmis au Ministère public les justificatifs des rendez-vous pour le traitement psychothérapeutique et les prises de sang ; il a relayé les assurances verbales fournies par A______, à teneur desquelles celui-ci ne consommerait plus de produits toxiques ni n’entretiendrait de contact avec son père ou avec son amie ; sous réserve, pour le premier, d’une venue au F______ [GE] pour y déposer sa fille, demi-sœur de A______ [venues régulières, selon lettre du défenseur du prévenu au Ministère public, du 9 mars 2023], et, pour, la seconde, d’entretiens quotidiens par téléphone. Père et fils auraient cependant eu une altercation à l’extérieur, à une date inconnue, mais antérieure au 14 avril 2023 [selon le père, entendu le 30 mai 2023, son fils l’avait « provoqué » au bord du Rhône].

e.              Le nouveau rapport d’expertise a été rendu le 8 mai 2023. A______ serait atteint d’un trouble de la personnalité et de dépendance à l’alcool et au cannabis. Sa responsabilité était moyennement restreinte. Le risque de récidive violente était élevé. Un traitement psychothérapeutique régulier et soutenu, sur plusieurs années, sous forme ambulatoire, diminuerait ce risque.

Un complément, demandé en raison des faits ci-après, est en cours de réalisation.

f.              Entendu les 2 février et 5 avril 2023, le père de A______ a affirmé que son fils résidait à l’endroit assigné, mais avec l’amie intime, et que sa fille n’avait pas donné suite à un mandat de comparution, en raison d’intimidations de celui-ci ; en outre, A______ avait à nouveau frappé sa copine [en mars 2023], causant l’hospitalisation de celle-ci.

g.             La police a été chargée de se renseigner sur les nouvelles violences possiblement exercées sur l’amie intime de A______ au mois de mars 2023. L’intéressée a démenti toute agression, ainsi que toute pression de son ami pour qu’elle dépose en ce sens. Elle n’ignorait pas l’interdiction de se contacter, mais voyait régulièrement son ami pour se transmettre le chien qu’il possédait. A______ a, de son côté, expliqué ces contacts par le fait qu’il avait un emploi (depuis mars 2023), mais plus de logement (chez sa belle-mère) : il lui amenait donc le chien le matin et le reprenait le soir. Ils promenaient ensemble « les » chiens en fin de semaine.

h.             Le 22 mai 2023, le SPI a avisé le Ministère public que A______ avait connu « quelques » absences aux rendez-vous fixés, affirmait rester abstinent, sauf pour le cannabis, qui le soulageait d’angoisses, mais n’aurait jamais reçu de résultats des tests pratiqués. A______ avait annoncé que sa belle-mère l’avait sommé de quitter le domicile avant la fin du mois courant, dès lors que les aides sociales de celle-ci avaient été diminuées et que cette situation avait créé un conflit avec lui, qui percevait un salaire. Il prétendait respecter l’interdiction de contact et de périmètre.

i.               Entendue le 30 mai 2023, la belle-mère de A______ (lui-même défaillant ce jour-là) a confirmé que ce dernier n’habitait plus avec elle. Il lui avait demandé de ne pas dire tout ce qu’elle savait, mais, si elle n’avait pas comparu auparavant, c’était parce que son avocat le lui avait recommandé. Or, elle savait que A______ était violent avec son amie intime ; et elle les avait vus consommer de la cocaïne ensemble, à raison d’une fois par quinzaine. La veille de l’audience, elle avait vu le prévenu boire de la bière, puis de la tequila, à tel point qu’il était « bourré » pendant qu’il rentrait.

Lors de la même audience a été entendue la demi-sœur de A______, dont elle a dit qu’il venait « parfois » dormir chez elle. Il n’avait pas cherché à la dissuader de comparaître. Elle n’avait pas constaté de lésion quelconque sur le corps de l’amie intime de celui-ci.

j.               Le 1er juin 2023, sur interpellation du Ministère public, A______ a fourni une excuse médicale à son absence lors de l’audience susmentionnée et a communiqué les résultats d’un test d’abstinence, du 30 mars 2023, ainsi que sa nouvelle adresse, soit chez sa demi-sœur, à Genève.

k.             Entendu le 2 juin 2023, A______ a déclaré que, depuis sa sortie de prison, il voyait son amie les week-ends et que leur couple allait très bien, car ils étaient très amoureux l’un de l’autre. Elle n’avait pas vécu avec lui au domicile de sa belle-mère. Il avait subi deux tests d’abstinence depuis sa libération [ce que le médecin confirmera le 8 juin 2023 à son défenseur].

Les résultats du premier, le 30 mars 2023, avaient été communiqués la veille par son défenseur [ce test ne relève pas de valeurs détectable pour les stupéfiants, mais des traces d’éthanol ; les résultats du second test, mesurés le 31 mai 2023 et communiqués le 13 juin suivant, montrent des traces d’éthanol, les autres dosages étant « en cours »].

A______ s’est dit désolé de ne pas avoir pris cette astreinte au sérieux. Quant à l’incident avec son père, il avait tout au plus croisé celui-ci au bord du Rhône, qui était venu à sa rencontre avec une barre de fer ou une rame.

Le Procureur l’a placé sur-le-champ en état d’arrestation.

l.               À l’appui de sa requête de placement en détention, le Procureur relève les violations fautives de plusieurs mesures de substitution. Le témoignage de la belle-mère conduisait à retenir que le prévenu violait « de façon massive et répétée » son obligation d’abstinence, ce que corroborait son défaut aux tests (ou son refus d’en dévoiler les résultats). Par ailleurs, il lui était difficile de ne plus revoir son amie. Il s’avérait donc incapable de se plier aux mesures de substitution. La détention permettrait de mener à bien le complément d’expertise et de vérifier si un traitement ambulatoire se justifierait encore.

C.            Dans l'ordonnance querellée, le TMC constate que le prévenu a « clairement [et] de façon crasse violé » plusieurs mesures de substitution. Le prévenu ne se soumettait pas aux tests, hebdomadaires, d’abstinence. Il consommait de l’alcool et du cannabis, voire de la cocaïne. Il n’avait pas communiqué immédiatement sa nouvelle adresse. Il prétendait croiser son amie, alors qu’il la fréquentait régulièrement les week-ends. Sa belle-mère l’avait éconduit de chez elle pour cause de drogue, alcool et violence. Le risque de récidive d’actes de violence renaissait donc, quoi qu’en disait le principal intéressé. Un placement en détention pour une durée de trois mois respectait le principe de la proportionnalité.

D.            a. Dans son recours, A______ soutient qu’aucun risque de collusion ne pourrait plus lui être opposé, puisque l’instruction était complète, sous réserve du complément d’expertise. Il relève que le risque de réitération ne reposait que sur les déclarations de sa belle-mère, qui l’avait chassé du domicile uniquement pour des questions d’argent. Il conteste avoir repris la consommation de drogue et d’alcool, comme en attesteraient les tests d’abstinence. Tout au plus s’était-il mépris sur la fréquence à laquelle ceux-ci lui étaient imposés et que ne lui avaient rappelée ni le SPI ni, à réception des rapports de ce service, le Ministère public.

Il avait trouvé un emploi trois mois après sa libération, alors même que pareille condition ne lui avait pas été imposée.

Les mesures de substitution ordonnées le 12 décembre 2022 pouvaient être réinstaurées, le cas échéant.

b. Le TMC maintient les termes de son ordonnance et renonce à formuler des observations.

c. Le Ministère public conclut au rejet du recours. Il était insoutenable d’avancer que le prévenu ne se serait pas vu rappeler à ses obligations. Sa belle-mère l’avait vu consommer drogue et alcool. Il avait menti lorsqu’il affirmait avoir subi les tests et en attendre les résultats, ainsi que lorsqu’il prétendait n’avoir pas revu son amie. La négligence invoquée n’était pas passagère. La dissimulation de ces actes était plus problématique que la violation des mesures de substitution. Le jugement du TAPEM de 2022, au dossier, montrait déjà que A______ ne donnait pas suite aux convocations du SMI, et l’expertise rendue en 2023 retenait un risque élevé de récidive d’actes de violence et de consommation de stupéfiants. Le risque de collusion pouvait se fonder sur les déclarations de la belle-mère.

d.A______ affirme en réplique qu’il s’engage « fermement » à se soumettre à des mesures de substitution, si elles sont ordonnées.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 384 let. b, 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 222 et 393 al. 1 let. c CPP) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             Le recourant ne revient pas sur l’existence de charges suffisantes. Il estime, sans invoquer de violation de l’art. 237 al. 5 CPP, que le TMC ne pouvait pas ordonner sa mise en détention provisoire pour risques de collusion et de réitération.

2.1.       Aux termes de l'art. 221 al. 1 let. c CPP, la détention provisoire peut être ordonnée lorsqu'il y a sérieusement lieu de craindre que le prévenu « compromette sérieusement la sécurité d'autrui par des crimes ou des délits graves après avoir déjà commis des infractions du même genre ». Selon la jurisprudence, il convient de faire preuve de retenue dans l'appréciation du risque de récidive: le maintien en détention ne peut se justifier pour ce motif que si le pronostic est très défavorable et si les délits dont l'autorité redoute la réitération sont graves (ATF 137 IV 13 consid. 4.5; 135 I 71 consid. 2.3; 133 I 270 consid. 2.2 et les arrêts cités). Bien qu'une application littérale de l'art. 221 al. 1 let. c CPP suppose l'existence d'antécédents, le risque de réitération peut être également admis dans des cas particuliers alors qu'il n'existe qu'un antécédent, voire aucun dans les cas les plus graves. La prévention du risque de récidive doit en effet permettre de faire prévaloir l'intérêt à la sécurité publique sur la liberté personnelle du prévenu (ATF 137 IV 13 consid. 3-4; cf. arrêt 1B_133/2011 du 12 avril 2011 consid. 4.7). Le risque de récidive peut également se fonder sur les infractions faisant l'objet de la procédure pénale en cours, si le prévenu est fortement soupçonné – avec une probabilité confinant à la certitude – de les avoir commises (ATF 137 IV 84 consid. 3.2 et les références citées).

2.2.       Conformément au principe de la proportionnalité (art. 36 al. 3 Cst.), il convient de mettre en œuvre d'autres solutions moins dommageables que la détention (règle de la nécessité). Cette exigence est concrétisée par l'art. 237 al. 1 CPP, qui prévoit que le tribunal compétent ordonne une ou plusieurs mesures moins sévères en lieu et place de la détention si ces mesures permettent d'atteindre le même but que la détention.

2.3.       Le tribunal peut en tout temps révoquer les mesures de substitution, en ordonner d'autres ou prononcer la détention provisoire ou la détention pour des motifs de sûreté si des faits nouveaux l'exigent ou si le prévenu ne respecte pas les obligations qui lui ont été imposées (art. 237 al. 5 CPP ; arrêts du Tribunal fédéral 1B_264/2014 du 22 août 2014 consid. 3.3 ; 1B_201/2013 du 26 juin 2013 consid. 2.1 ; A. KUHN / Y. JEANNERET (éds), Précis de procédure pénale, Berne 2013, n. 15067). Cette disposition, qui ne prévoit aucun automatisme, offre une grande latitude de jugement au tribunal compétent. Le prévenu qui, par exemple, ne se présente pas à l'autorité désignée ou ne suit pas son traitement ambulatoire, ne devra pas nécessairement retourner immédiatement en détention provisoire. Il faut que, par son comportement, le prévenu démontre son absence de volonté de respecter les mesures qui lui ont été imposées, respectivement son incapacité à le faire (A. KUHN / Y. JEANNERET (éds), op. cit., n. 16 ad art. 237). Une réincarcération n'est possible que lorsque les précédents motifs de détention existent toujours et que les mesures de substitution ne sont pas suffisantes (arrêt du Tribunal fédéral 1B_473/2012 du 12 septembre 2012 consid. 5. ; N. SCHMID / D. JOSITSCH, Schweizerische Strafprozessordnung : Praxiskommentar, 3e éd. Zurich 2018, n. 20 ad art. 237 ; N. SCHMID, Handbuch des schweizerischen Strafprozessrechts, 2e éd. Zurich 2013, p. 454), ou que d'autres mesures ne sont pas possibles (ATF 140 IV 19 consid. 2.6).

2.4.       En l'espèce, les préventions retenues contre le recourant sont inchangées. Les violences qu’aurait subies son amie intime au mois de mars 2023 n’ont pas conduit à la notification de charges supplémentaires. Les soupçons correspondants paraissent relever du ouï-dire – et avoir été compris comme tels par le Procureur –, dès lors que la principale intéressée les a démentis et que personne ne s’est avisé de vérifier la réalité de l’éventuelle hospitalisation de celle-ci à l’époque. Le danger – légitimement préoccupant, puisque l’expertise de 2023 retient un risque élevé de récidive violente – que l’amie intime ne soit à nouveau battue ou agressée ne paraît pas s’être objectivement réalisé depuis la libération du recourant. La brève mise en présence de celui-ci et de son père, que ce soit au lieu de résidence assigné ou au bord du Rhône, n’a pas débouché sur des violences du premier sur le second.

2.5.       Est plus épineuse l’appréciation du respect sporadique, voire hasardeux, des astreintes auxquelles le recourant était soumis.

2.5.1.           Il est de fait que le recourant ne s’est pas vu imposer d’aviser l’autorité pénale d’un changement de résidence, sauf à séjourner hors du canton. Eût-il été astreint à pareille annonce que la modification intervenue durant le mois de mai 2023 ne pourrait s’interpréter comme une dérobade : il est constant que le recourant n’a pas choisi de quitter le domicile de sa belle-mère, mais qu’il en a été éconduit. Par ailleurs, sa logeuse lui avait imparti un délai, qui courait apparemment jusqu’à la fin du mois de mai 2023. On ne saurait le blâmer d’avoir choisi de déguerpir avant cette échéance et encore moins d’avoir trouvé une solution, auprès de sa demi-sœur.

Certes, on ne peut totalement exclure que, depuis lors, venant « parfois » dormir chez celle-ci, le recourant passerait en réalité la plupart de ses nuits chez son amie intime, et pas uniquement à pratiquer (seul) le camping en plein air, comme il l’affirme, étant souligné que c’était précisément lors d’une soirée de camping en compagnie de son père et de son amie que se sont produits les faits à l’origine de l’arrestation initiale. Sans récidive apparente d’actes violents envers les prénommés, l’inobservation des interdictions de rencontre apparaît plutôt bénigne.

2.5.2.           Le Procureur et le TMC tirent argument du manque d’assiduité du recourant dans le contrôle de son abstinence, qui traduirait l’incapacité de celui-ci de se plier à ce qui est attendu de lui.

Il est vrai que, en 2023, le recourant ne paraît pas avoir mis de zèle particulier à se rendre auprès du médecin pour sa prise de sang, alors même que les rendez-vous écrits donnés par celui-ci – et, surtout, avant eux, le dispositif de la décision de mise en liberté du 12 décembre 2022 – mentionnaient clairement la fréquence hebdomadaire des prélèvements auxquels il devait se soumettre et ce, pendant six mois.

Il n’a pas échappé à la Chambre de céans que le recourant a fait défaut, pour cause d’indisposition, à l’audience d’instruction du 30 mai 2023 ; que le résultat des prélèvements du lendemain donne les indices d’une consommation d’alcool récente – a priori compatible avec l’absorption, selon sa belle-mère, de bière et de tequila le 29 mai 2023 –, tout en ne comportant pas de données pour les stupéfiants ; et que les résultats intégraux récents restent, par conséquent, inconnus.

Cela étant, on observe que trois comptes rendus successifs du SPI ne comportent rien sur des résultats aux tests d’abstinence et que le quatrième renvoie à une facture du 10 avril 2023. Aucun n’a entraîné de réaction du Ministère public avant le 30 mai 2023.

Dans ces circonstances, la transgression consistant à n’avoir pas subi de test hebdomadaire ne peut pas justifier, à elle seule, de retour en détention. Sous l’angle du principe de la proportionnalité, on pouvait considérer qu’elle n’était pas d’une gravité qui eût mérité une intervention plus incisive qu’une admonestation et un rappel à l’ordre.

Dans ses observations, le Procureur pointe aussi des absences non excusées à des rendez-vous au SMI, mais observées dans le contexte de la mesure institutionnelle parallèlement en cours. Or, si le TAPEM n’a pas voulu que ces défaillances entraînent la mise à exécution de la peine privative de liberté suspendue, on ne voit pas en quoi cette circonstance, observée dans une procédure distincte, appuierait valablement une réincarcération dans la présente.

Enfin, on ne saurait retenir la nécessité d’une détention pour mener à bien le complément d’expertise. Il ne ressort pas du rapport du 8 mai 2023 que le recourant eût manqué aucun de ses (trois) rendez-vous avec les experts. Au vu de l’objet du complément (s’enquérir de l’influence des événements postérieurs à la libération sur les conclusions de l’expertise), on ne voit pas en quoi la détention provisoire en faciliterait la réalisation. À supposer que les experts modifient leurs conclusions au profit d’un traitement non plus ambulatoire, mais stationnaire, on n’en retirerait pas obligatoirement une qualification aggravée du danger de réitération.

2.5.3.           En revanche, et dans un contexte voisin, il eût été utile, avant de se résoudre à réincarcérer le recourant, de connaître le contenu du « rapport à cinq mois » sur la psychothérapie à laquelle celui-ci était aussi soumis. Le SPI s’y réfère expressément dans sa communication du 22 mai 2023 au Ministère public. Or, le dossier remis à la Chambre de céans ne le comporte pas, et aucune des autorités précédentes ne l’a cité à l’appui de ses décisions. Pourtant, la façon dont s’est déroulé ce suivi – que, dans ses conclusions, le recourant voudrait rattacher à «G______» [cabinet de psychothérapeutes], mais non au E______ [centre de soins pour adultes souffrant de dépendance]– en termes de fréquentation, de coopération et de résultat, est à n’en pas douter un facteur d’appréciation important.

Par ailleurs, on ne peut que s’interroger sur l’opportunité de la coexistence, voire de la superposition, actuelle de deux traitements, à savoir l’un prorogé par le TAPEM et l’autre imposé par le TMC, sans qu’on discerne d’éventuels éléments de coordination – alors même que, selon le jugement du TAPEM du 16 juin 2022, ce sont précisément les « G______ » qui sont chargés du traitement ambulatoire ordonné en 2018.

Ces préoccupations commandent d’admettre le recours, la Chambre de céans n’étant pas en mesure de statuer.

3.             Dans la mesure où, pour le surplus, le TMC relevait, à juste titre (aucun des membres de la famille et aucune victime n’ayant fait état de pressions), que le risque de collusion ne pouvait plus fonder à lui seul le retour du recourant en détention, le recours s’avère partiellement fondé et doit être admis, mais pour d’autres motifs que ceux invoqués (art. 391 al. 1 let. a CPP).

La décision attaquée sera annulée, et la cause renvoyée au premier juge (art. 397 al. 2 CPP), pour qu’il statue à nouveau après avoir, au besoin, fait compléter le dossier dans le sens voulu au considérant précédent.

4.             Le recourant, qui a partiellement gain de cause, ne supportera pas de frais (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

5.             L’indemnité de son défenseur d’office sera fixée à la fin de la procédure (art. 135 al. 2 CPP), d’autant plus qu’il n’y a pas été conclu à titre anticipé ou intermédiaire.

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Admet partiellement le recours, annule la décision attaquée et renvoie la cause au Tribunal des mesures de contrainte pour nouvelle décision au sens des considérants.

Dit que A______ restera détenu dans l’intervalle.

Laisse les frais de la procédure de recours à la charge de l’État.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant (soit, pour lui, son défenseur), au Ministère public et au Tribunal des mesures de contrainte.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente ; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, juges ; Monsieur Julien CASEYS, greffier.

 

Le greffier :

Julien CASEYS

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).