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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/25304/2022

ACPR/430/2023 du 07.06.2023 sur OJMI/846/2023 ( JMI ) , REJETE

Descripteurs : DROIT PÉNAL DES MINEURS;INTÉRÊT JURIDIQUEMENT PROTÉGÉ;INTÉRÊT DE FAIT;TRAITEMENT AMBULATOIRE;CHOIX DU MÉDECIN
Normes : CPP.382; DPMin.14

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/25304/2022 ACPR/430/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mercredi 7 juin 2023

 

Entre

A______, domiciliée ______, comparant par Me Rachel DUC, avocate, Interdroit avocat-e-s Sàrl, Boulevard de Saint-Georges 72, case postale, 1211 Genève 8,

recourante,

contre l'ordonnance provisionnelle rendue le 24 mai 2023 par le Juge des mineurs,

et

LE JUGE DES MINEURS, rue des Chaudronniers 7, 1204 Genève, case postale 3686, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. Par acte expédié par messagerie électronique le 5 juin 2023, A______ recourt contre l'ordonnance provisionnelle du 24 mai 2023, notifiée le lendemain, par laquelle le Juge des mineurs a ordonné le traitement ambulatoire de B______ auprès de l'Office médico-pédagogique (ci-après : OMP) (ch. I.) et invité la/le thérapeute à lui transmettre dans un délai de trois mois un rapport relatif à l'évolution du mineur, puis selon un rythme à définir (ch. II.).

Elle conclut, sous suite de dépens, à l'annulation des chiffres I. et II. précités et, cela fait, de modifier : le point I. en ce sens que le suivi sera effectué auprès du cabinet du Dr C______, sis avenue 1______ no. ______ à Genève; le point II. en ce sens que le ou la thérapeute est invité(e) à transmettre au Tribunal des mineurs une simple attestation de suivi.

b. Par courrier séparé du même jour, elle sollicite l'octroi de l'effet suspensif.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. B______, né le ______ 2007, fait l'objet de différentes mesures de protection instaurées par le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (ci-après : TPAE) – droit de regard et d'information, curatelle d'assistance éducative –, en raison de comportements violents et de la mise en danger de son développement.

b. Par ordonnance pénale du 29 mars 2022, le Juge des mineurs l'a reconnu coupable de lésions corporelles simples de peu de gravité et menaces à l'égard d'un camarade après qu'il lui eut planté un stylo dans le bras, engendrant ainsi une ecchymose et lui eut dit, à plusieurs reprises, qu'il avait envie de le frapper et qu'il le tuait dans ses rêves.

c.a. Par ordonnance du 24 juin 2022 (DTAE/4564/2022), le TPAE a ordonné une expertise de B______ afin de déterminer son état de santé psychique, les traitements dont il avait éventuellement besoin, le lieu de vie qui lui serait approprié et sa capacité d'adhérer aux soins et aux prises en charge nécessaires, le cas échéant.

c.b. Selon le rapport d'expertise du 8 novembre 2022, l'intéressé présentait un trouble des conduites de type dyssocial qui, sans prise en charge adéquate, pourrait conduire à des affections mentales plus graves et persistantes, de type trouble de la personnalité et trouble psychotique avec une cassure au niveau des acquisitions intellectuelles. Il présentait également une impasse développementale, les processus adolescentaires telles l'individuation et l'identification étant hautement perturbés par la relation fusionnelle à la mère et le fonctionnement psychique de cette dernière, mais aussi par l'absence de référence et d'imago identificatoire hormis des références religieuses de toute-puissance et d'idéalisation déconnectée du monde réel. Les experts ont ainsi préconisé un traitement médical et psychothérapeutique auprès de l'OMP, ainsi qu'un appui éducatif, sans placement dans un milieu fermé, dès lors que le mineur pouvait représenter un danger pour autrui, mais que l'imminence et la survenue de ce risque n'étaient pas attestées.

d. Dans le cadre de la présente procédure, B______ est soupçonné de tentative de meurtre, voire d'agression, de lésions corporelles graves et de lésions corporelles simples, voire de vol et de brigandage pour avoir, le 15 novembre 2022, avec plusieurs autres individus, agressé D______, dont le pronostic vital avait été engagé.

Il lui est en particulier reproché d'avoir sauté sur le haut du corps de la victime, voire sur la tête, lorsqu'elle était à terre.

La sacoche de la victime et son natel ont en outre été emportés lors des faits.

e. Entendu par la police le 29 novembre 2022 et par le Juge des mineurs les 30 novembre, 6 et 7 décembre 2022, l'intéressé a nié toute implication dans les faits et ce, bien qu'il fut mis en cause par d'autres protagonistes.

f. Par ordonnance du 7 décembre 2022, le Juge des mineurs a ordonné la mise en observation en milieu fermé de B______ auprès du Centre pour mineurs F______.

g. Par ordonnance du 23 janvier 2023, le Juge des mineurs a ordonné une expertise médico-psychologique de B______.

Le recours interjeté par A______ contre cette décision a été rejeté par arrêt de la Chambre de céans du 13 mars 2023 (ACPR/178/2023).

h. Lors de l'audience du 28 février 2023, il a été discuté de placer B______ dans un foyer à l'extérieur de Genève, avant d'envisager un retour à son domicile. A______ s'y est opposée, relevant qu'elle s'entendait bien avec son fils, qu'il était un garçon poli et qu'il n'était pas impliqué dans les actes qui lui étaient reprochés. Elle souhaitait que son fils rentre chez elle, reprenne sa scolarité normalement et soit suivi par un psychologue. B______ a indiqué pour sa part qu'il allait bien, mais qu'il vivait mal l'éloignement de sa famille. Il souhaitait rentrer chez lui et reprendre sa scolarité. Il n'estimait pas être une personne violente et, selon lui, les autres le mettaient en cause pour se protéger. Il estimait que son placement dans un foyer hors canton ne lui serait pas bénéfique car il avait déjà réfléchi et changé de groupes d'amis. Il ne supportait plus l'observation et le fait d'être enfermé et avait déjà gagné en autonomie.

i. Le 23 mars 2023, B______ a demandé la levée de son placement à des fins d'observation, laquelle a été refusée par le Juge des mineurs.

Le recours interjeté par le précité contre cette décision a été rejeté par arrêt de la Chambre de céans du 15 mai 2023 (ACPR/358/2023). Le recours formé par A______ a, pour sa part, été déclaré sans objet par arrêt du même jour (ACPR/359/2023), le placement ayant été levé dans l'intervalle.

j. Lors de l'audience d'instruction du 27 mars 2023, B______ a expliqué sa fatigue d'être à F______ et son incompréhension face à la durée de son observation. Il avait besoin d'être avec sa famille et ne voyait toujours pas l'utilité d'un placement hors canton.

A______ ne comprenait pas la raison pour laquelle son fils devait être distancé d'elle, car ils entretenaient une très bonne relation. Elle souhaitait qu'il puisse rentrer chez elle, avec un éducateur et un suivi thérapeutique.

k. Le rapport d'observation de F______ du 31 mars 2023 a préconisé un placement temporaire hors canton du mineur, le foyer de E______ pouvant répondre aux besoins scolaires et personnels de celui-ci.

l. Lors de l'audience du 25 avril 2023, B______ a été informé que le foyer de E______ était prêt à le recevoir pour un séjour de trois jours dès le 3 mai 2023, avec une entrée prévue le 8 mai 2023. Il a indiqué ne pas avoir envie d'y aller et préférer rentrer chez lui.

A______ a déclaré que le placement de son fils n'était pas juste, que cette situation le faisait souffrir et qu'aucun élément ne montrait qu'il avait participé aux faits qui lui étaient reprochés.

m. Par ordonnance du 8 mai 2023, le Juge des mineurs, se fondant sur le rapport de F______, a mis fin à l'observation en milieu fermé de B______ à F______ et prononcé, dès le 8 mai 2023, son placement à titre provisionnel auprès du foyer de E______. Le mineur pourrait ainsi poursuivre son travail d'autonomisation, tant par rapport à sa mère qu'à ses pairs, et de gestion des émotions, ainsi que sa scolarité, dans un foyer adapté à ses besoins, éloigné de ses mauvaises fréquentations.

n. Le recours interjeté par A______ contre cette ordonnance a été rejeté par arrêt du 30 mai 2023 (ACPR/400/2023).

C. Dans son ordonnance querellée, le Juge des mineurs a considéré que B______ nécessitait, en sus, un suivi médical et psychothérapeutique auprès de l'OMP, tel que préconisé par le rapport d'expertise du 8 novembre 2022.

D. a. À l'appui de son recours, A______ indique avoir exprimé à plusieurs reprises son accord avec un suivi thérapeutique pour son fils. Elle souhaitait toutefois que celui-ci soit suivi par le Dr C______, en qui elle avait confiance, ou un membre de son équipe, étant précisé que ce médecin avait vu trois fois son fils entre 2020 et 2022. Le Dr C______ était disposé à effectuer ce suivi.

Le courriel du 1er juin 2023 du Dr C______ qu'elle produit à cet égard indique que le précité n'a pas "personnellement de place" mais que B______ peut être pris en charge par un de ses collègues psychologues.

La recourante considère en outre qu'une simple attestation de suivi suffit pour s'assurer que B______ se soumet au suivi thérapeutique. Si un rapport devait être effectué par le ou la thérapeute, "il est très probable que l'adhésion thérapeutique serait faible, voire inexistante". Elle et son fils ne pourraient avoir confiance en un ou une thérapeute qui "rapporte" le contenu des séances au Tribunal.

À l'appui de sa demande d'effet suspensif, elle indique qu'il serait "dommageable pour la motivation et l'investissement du mineur B______ de commencer une thérapie avec l'OMP tant que la question de l'endroit où sera effectuée cette thérapie n'a pas été tranchée".

b. À réception, le recours a été gardé à juger sans échange d'écritures ni débats.

EN DROIT :

1.             1.1. Le recours a été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 3 al. 1 PPMin cum art. 396 al. 1, 390 al. 1 et 385 al. 1 CPP), contre une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 3 al. 1, 39 al. 2 let. a, 26 al. 1 let. c PPMin cum art. 14 DPMin cum 20 al. 1 let. b et 393 al. 1 let. a CPP) et émane de la représentante légale du prévenu mineur, partie à la procédure (art. 18 let. b et 38 al. 1 let. b PPMin).

1.2. Selon l'art. 382 al. 1 CPP, toute partie qui a un intérêt juridiquement protégé à l'annulation ou à la modification d'une décision a qualité pour recourir contre celle-ci.

L'intérêt du recourant doit être actuel et pratique (ATF 137 I 296 consid. 4.2 p. 299; arrêt du Tribunal fédéral 1B_380/2016 du 6 décembre 2016 consid. 2). L'existence d'un intérêt de pur fait ou la simple perspective d'un intérêt juridique futur ne suffit pas (arrêts du Tribunal fédéral 1B_380/2016 précité; 1B_390/2015 du 16 décembre 2015 consid. 2.1 et les arrêts cités). Une partie qui n'est pas concrètement lésée par la décision ne possède donc pas la qualité pour recourir et son recours est irrecevable (arrêt du Tribunal fédéral 1B_669/2012 du 12 mars 2013 consid. 2.3.1 et la référence citée).

1.3. En l'espèce, la recourante ne remet pas en cause le suivi thérapeutique ordonné pour son fils. Elle conteste uniquement le choix du service chargé de l'exécution du traitement pour imposer son thérapeute.

Ce faisant, elle fait valoir un intérêt de pur fait.

Par analogie, on relèvera que le choix du lieu d'exécution d'une mesure constitue une modalité d'exécution de celle-ci, laquelle n'ouvre pas la voie du recours, faute d'intérêt juridique (cf. notamment ACPR/571/2021 du 25 août 2021 et les références citées).

Partant, la recourante n'a pas d'intérêt juridiquement protégé à la modification du chiffre I. du dispositif de la décision entreprise.

Elle n'en a pas davantage en tant qu'elle conteste le chiffre II. du dispositif de ladite décision. Souhaiter, de la part du thérapeute, la remise d'une "simple attestation de suivi" au lieu d'un rapport s'apparente en effet, là également, à un intérêt de pur fait, le principe d'un "retour écrit" sur l'évolution du mineur n'étant pas remis en cause.

Il en résulte que le recours est irrecevable.

2. Voudrait-on néanmoins admettre le contraire qu'il s'avérerait, en tout état, dénué de fondement, au vu des considérations qui suivent.

2.1. Aux termes de l'art. 14 al. 1 DPMin, le Juge des mineurs peut ordonner un traitement ambulatoire si le mineur souffre de troubles psychiques, de troubles du développement de sa personnalité, de toxicodépendance ou d'une autre addiction.

Celui-ci peut même être imposé contre la volonté de l'intéressé et ses représentants légaux (M. GEIGER / E. REDONDO / L. TIRELLI, Petit commentaire du Droit pénal des mineurs, Bâle 2019, n. 37 ad art. 14).

Le Juge des mineurs, qui est à la fois autorité d'instruction et d'exécution (art. 42 al. 1 PPMin), décide qui est chargé d'exécuter le traitement ambulatoire. Il surveille l'application de la mesure, donne les instructions nécessaires et détermine la fréquence à laquelle il doit lui être fait rapport (art. 17 al. 1 et 2 DPMin).

En pratique, les organes chargés de l'exécution informent généralement trimestriellement l'autorité pénale, soit par écrit sous forme d'un rapport, soit par oral lors de la tenue d'une audience "point de la situation". Une telle manière de procéder permet ainsi à l'autorité de veiller au bon déroulement de la mesure ordonnée et de décider, le cas échéant, de son éventuelle modification. À défaut de rapports fréquents, le déroulement de la mesure ne peut pas être véritablement évalué (M. GEIGER / E. REDONDO / L. TIRELLI, op. cit., n. 8 ad art. 17).

2.2. En l'occurrence, comme déjà relevé, la recourante ne conteste pas la nécessité d'un suivi psychothérapeutique pour son fils. Elle souhaite cependant qu'il s'effectue auprès du Dr C______, que B______ avait déjà rencontré trois fois en l'espace de trois ans, et dont le cabinet offrirait un cadre plus rassurant que l'OMP.

Il n'appartient toutefois pas à la mère du prévenu de dicter au Juge des mineurs ses desiderata et d'imposer le thérapeute qui, selon elle, conviendrait le mieux à son fils, ce d'autant qu'à teneur de son courriel, le Dr C______ indique ne pas pouvoir s'occuper personnellement de B______.

Si ce dernier a certes fréquenté ce thérapeute et son cabinet de psychothérapie à trois reprises en l'espace de trois ans, on ne saurait parler d'environnement familier. Rien n'indique par ailleurs que l'OMP ne pourrait pas offrir également un cadre "rassurant". La recourante ne remet aucunement en cause les compétences de ce service.

La recourante conteste ensuite l'injonction faite au thérapeute de remettre un rapport. Une attestation de suivi serait suffisante selon elle. Elle laisse entendre qu'à défaut, l'adhésion thérapeutique serait "faible, voire inexistante" car ni elle ni son fils n'auraient confiance en un thérapeute qui "rapporte" le contenu des séances au Tribunal.

Or, la recourante semble perdre de vue les exigences de l'art. 17 al. 2 DPMin, qui impose au Juge des mineurs de veiller au bon déroulement de la mesure ordonnée et de recueillir des rapports sur son déroulement de la part de l'organe d'exécution. Une "simple" attestation de suivi ne remplit pas cette mission.

3. Le recours est infondé, ce que la Chambre de céans pouvait constater d'emblée sans procéder à un échange d'écritures ou des débats (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP).

4. Au vu de l'issue du recours, la demande d'effet suspensif est sans objet.

5. Il n'y a, en l'état, pas de raison de s'écarter de la règle selon laquelle les frais de procédure sont en principe supportés par le canton (art. 44 al. 1 PPMin).

6. Le recours étant d'emblée dépourvu de chance de succès, l'intervention d'un avocat ne se justifiait pas. Aucune indemnisation ne sera dès lors due.

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Rejette le recours dans la mesure de sa recevabilité.

Rejette la demande d'assistance judiciaire gratuite.

Déclare sans objet la demande d'effet suspensif.

Laisse les frais de la procédure de recours à la charge de l'État.

Notifie le présent arrêt, en copie, à A______, soit pour elle son conseil, et au Juge des mineurs.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).