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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/25729/2019

ACPR/410/2023 du 02.06.2023 sur OCL/1745/2022 ( MP ) , ADMIS/PARTIEL

Descripteurs : ORDONNANCE DE CLASSEMENT;ACTION PÉNALE;PLAINTE PÉNALE;INFRACTIONS CONTRE LA VIE ET L'INTÉGRITÉ CORPORELLE;INFRACTIONS CONTRE LE PATRIMOINE;INFRACTIONS CONTRE L'HONNEUR;INFRACTIONS CONTRE L'INTÉGRITÉ SEXUELLE
Normes : CPP.319; CP.31; CP.126; CP.177; CP.144; CP.191

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/25729/2019 ACPR/410/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du vendredi 2 juin 2023

 

Entre

A______, comparant par Me B______, avocate,

recourante,

contre l'ordonnance de classement et de refus de réquisition de preuve rendue le 23 décembre 2022 par le Ministère public,

et

C______, comparant par Me D______, avocate,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. Par acte expédié le 16 janvier 2023, A______ recourt contre l'ordonnance du 23 décembre 2022, notifiée le 4 janvier 2023, par laquelle le Ministère public a classé la procédure contre C______.

La recourante conclut, avec suite de frais et dépens, préalablement, à l'octroi de l'assistance judiciaire dans le cadre de la procédure de recours, principalement, à l'annulation de ladite ordonnance, cela fait, au renvoi de la cause au Ministère public pour poursuivre l'instruction, et si mieux n'aime, pour renvoi de la cause par-devant l'autorité de jugement.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Le 18 décembre 2019, A______ a déposé plainte contre son mari, C______, pour dommages à la propriété, injures et lésions corporelles simples.

Depuis leur mariage en 2017, le prénommé avait changé. En été 2017, lors d'une dispute, il s'était énervé et lui avait asséné un coup violent à l'omoplate gauche (ci-après: 1). En février 2019, après lui avoir hurlé dessus, il l'avait violemment poussée par terre et elle s'était tapée la tête contre le sol (ci-après: 2). Mi-septembre 2019, lors d'une dispute, il l'avait insultée en lui disant "tu ne vaux rien", "va te faire foutre" et "tu es une merde" (ci-après: 3). Le 5 octobre 2019, alors qu'elle était enceinte, il avait asséné de violents coups sur le réfrigérateur. Il avait ensuite essayé de lui donner un coup, qu'elle avait réussi à éviter en s'accroupissant, et qui avait finalement atteint la porte, laquelle avait été démolie (ci-après: 4).

b. Entendu par la police le 4 mars 2020, C______ a, pour l'essentiel, contesté les faits reprochés. Il n'avait jamais frappé son épouse. Elle disait cela pour se venger. Le 5 octobre 2019, ils s'étaient disputés et il avait donné un coup sur la porte de la cuisine, laquelle s'était cassée (4). Depuis lors, ils étaient séparés.

c. Par courrier du 8 mai 2020, A______ a produit plusieurs documents médicaux soit:

- un document du 27 décembre 2019 du pédiatre de sa fille, qu'elle a eu d'une autre relation, faisant notamment mention de violences au domicile, sans autre précision;

- une attestation du 21 janvier 2020 de l'Unité interdisciplinaire de médecine et de prévention de la violence (UIMPV) des HUG, selon laquelle elle était suivie depuis le 6 décembre 2019 après avoir allégué avoir subi des violences psychologiques, physiques, matérielles et financières dans le cadre conjugal;

- un certificat médical du 2 mars 2020 attestant qu'elle consultait un psychiatre "en raison d'une situation anamnestiquement difficile, faisant état de tensions dans le couple ayant pour conséquence une dégradation de la sérénité personnelle de la patiente";

- une attestation, datée du 30 mars 2020, rédigée par la Dresse E______, psychiatre et psychothérapeute, selon laquelle elle avait été reçue à plusieurs reprises entre le 28 octobre 2019 et le 11 mars 2020, en consultation, durant sa grossesse. La patiente était très inquiète et angoissée notamment en raison d'un épisode de violences conjugales, qu'elle avait relaté, et présentait un tableau clinique tout à fait compatible avec un état de stress post-traumatique faisant suite à des violences conjugales et nécessitant la mise en place d'une prise en charge spécifique;

- un courrier du 30 avril 2020 rédigé par la sage-femme qui l'avait suivie et selon lequel elle avait subi une grossesse pathologique dans un contexte psycho-social difficile. Ces pathologies auraient été exacerbées par la détresse psychologique et économique faisant suite aux violences conjugales qu'elle aurait subies. Son état dépressif s'était accentué après avoir appris l'existence d'une relation adultère de C______.

d. Lors de l'audience par-devant le Ministère public du 6 juillet 2020, A______ a confirmé sa plainte. En février 2019, C______ s'était énervé et l'avait poussée violemment. Comme le sol était enneigé, elle avait chuté et s'était tapé les coudes, le dos et la tête par terre. Elle avait dû se relever seule et rentrer à la maison (2). Le 5 octobre 2019, elle avait eu très peur pour elle et son bébé et s'était baissée en se pliant en deux. C'était à ce moment-là que le coup de poing, dont elle était sûre qu'il lui était destiné, était parti en direction de la porte. Cette dernière avait été réparée mais pas le réfrigérateur (4).

Elle a produit une photographie de la porte endommagée.

En outre, en 2018, à trois reprises durant la nuit, sans être en mesure de donner les dates ni les heures exactes, alors qu'elle était fatiguée et dormait comme une "pierre", elle s'était réveillée avec des traces collantes de sperme entre les jambes. La première fois, elle ne savait pas ce qui s'était passé et n'avait rien dit. La deuxième fois, elle s'était réveillée avec du papier entre les jambes et était collante et n'avait rien dit non plus. La troisième fois, elle s'était à nouveau réveillée avec un bout de tissu entre les jambes. Elle avait questionné son époux, qui lui avait répondu qu'il avait eu envie de se détendre et qu'ils avaient eu un rapport sexuel, avec pénétration, alors qu'elle dormait. Elle déposait plainte également pour ces faits (ci-après: 5).

Elle a ajouté que C______ l'avait dénigrée devant les gens et la famille. Elle se sentait sale. Il l'avait trompée et "fait un enfant dans le dos" alors qu'ils étaient mariés. Elle était brisée, par sa faute à lui.

e. Lors de cette audience, C______ a confirmé ses déclarations à la police. En septembre 2019, les injures avaient été prononcées de part et d'autre, notamment "va chier" (3). Lors de leur dispute du 5 octobre 2019, il avait donné un coup sur la table, s'était levé en criant très fort, ce qui avait effrayé A______, qui s'était baissée, pensant qu'il allait la frapper. Or, tel n'avait jamais été son intention. Il avait alors donné un coup sur le réfrigérateur et s'était ensuite dirigé vers la porte et, avait donné un coup sur celle-ci, provoquant ainsi des dégâts. Depuis lors, il l'avait fait réparée. S'agissant des dommages sur le réfrigérateur, A______ ne lui avait rien dit (4). S'agissant des relations sexuelles dénoncées, il l'avait "pénétrée" les trois fois en question. Parfois, il avait besoin de se satisfaire et commençait à la caresser alors qu'elle dormait, il insistait même si elle disait qu'elle était fatiguée et qu'elle avait besoin de dormir. La première fois, après quelques heures, elle s'était rendue compte qu'elle était "collante" et s'était levée pour se nettoyer. Elle lui avait alors dit que si cela se reproduisait, il devait lui mettre un linge entre les jambes car le sperme collait. Il n'avait pas l'intention de le faire constamment. Il avait eu envie de faire l'amour avec sa femme, parfois elle était en train de dormir. Après, elle se réveillait et lui disait "amour, quand tu fais ça, prend un linge mouillé et mets-le entre mes jambes pour ne pas que je me réveille toute collante" (5).

f. Lors de l'audience du 13 avril 2021, C______ est revenu sur ses précédentes déclarations lesquelles ne reflétaient pas ce qui s'était passé. A______ avait été consentante lors de leurs relations sexuelles. Il ne l'avait jamais pénétrée alors qu'elle dormait. Il lui était arrivé de la caresser mais elle ne dormait pas, ni n'était dans un état de somnolence. "Si elle était dans le lit c'était pratiquement pour avoir un rapport". Même si elle était fatiguée, elle était active, mais disait ne pas pouvoir faire beaucoup de mouvements et lui demandait "d'essayer de faire vite". Il ne l'avait jamais forcée à avoir des rapports sexuels. Il n'était jamais arrivé qu'elle lui dise qu'elle était "super fatiguée" et qu'ils ne fassent pas l'amour après. Elle ne s'était jamais réveillée avec du sperme entre les jambes ni ne lui avait dit de mettre un linge entre celles-ci (5).

g. Entendue lors de la même audience, A______ a expliqué que, durant l'été 2017, la gifle reçue ne lui avait laissé aucune marque (1). Après la chute en février 2019, elle avait perdu connaissance quelques secondes, puis s'était relevée. Elle n'avait pas eu de bosse ou d'autre marque sur le corps, mais avait ressenti des douleurs au niveau des cervicales, de l'épaule gauche et du dos. Elle n'avait pas consulté de médecin malgré la douleur et était allée travailler le lendemain (2). C______ avait réparé la porte mais pas le réfrigérateur (4). Lors des rapports sexuels dénoncés, elle n'était pas réveillée du tout et n'avait rien senti. Elle n'avait pas de problème de sommeil. En 2018, elle prenait un traitement qui l'aidait à se détendre mais ne la faisait pas dormir au point de ne pas sentir ce qu'on lui faisait. Elle ne pouvait pas dire pour quelle raison elle n'avait pas parlé des agressions sexuelles dans sa première plainte. C'était quelque chose de très personnel et cela avait été déjà très difficile d'en parler à la sage-femme (5).

h. Par ordonnance du 13 avril 2021, le Ministère public a octroyé l'assistance judiciaire à A______ et a nommé Me B______ pour la défense de ses intérêts.

i. Par courrier du 20 avril 2021, A______ a produit une photographie couleur du réfrigérateur, dont la Chambre de céans n'y distingue aucun impact, ni dommage visible.

C. Dans sa décision querellée, le Ministère public a retenu que les évènements de l'été 2017 et février 2019 (1 et 2) pourraient être constitutifs de voies de faits, infraction poursuivie sur plainte, faute de commission à réitérées reprises. Or, celle déposée par A______ en décembre 2019 était tardive (art. 319 al. 1 let. d CPP).

Pour ce qui était de l'infraction à l'art. 177 CP (3), C______ avait reconnu avoir, au cours d'une dispute, prononcé des injures, mais que celles-ci étaient réciproques, ce que contestait son épouse. Dans le cadre du conflit rencontré par les parties, l'échange d'injures apparaissait vraisemblable, justifiant ainsi de renoncer à toute poursuite (art. 319 al. 1 let. e CPP cum 177 al. 2 et 3 CP, 8 al. 1 CPP).

En ce qui concernait les évènements du 5 octobres 2019, les déclarations des parties étaient contradictoires (4).

S'agissant du "coup évité", aucun élément au dossier ne permettait de retenir une version plutôt qu'une autre, de sorte qu'il n'existait aucun soupçon suffisant justifiant une mise en accusation du prénommé (tentative de lésions corporelles simples art. 123 cum 22 CP; art. 319 al. 1 let. a CPP).

C______ contestait avoir endommagé le réfrigérateur et aucun élément au dossier, notamment la photographie produite par A______, ne permettait d'attester du dommage (art. 319 al. 1 let. b CPP). Par ailleurs, les parties s'accordaient sur le fait qu'après avoir abîmé la porte, C______ l'avait réparée de sorte qu'il existait un motif de renoncer à toute sanction à l'égard du prénommé (art. 319 al. 1 let. a CPP et 53 CP).

Enfin, concernant les faits susceptibles de constituer des actes d'ordre sexuel commis sur une personne incapable de discernement ou de résistance, les versions des parties étaient contradictoires et aucun élément au dossier ne permettait d'établir avec certitude le déroulement des faits. De plus, les déclarations de A______, à cet égard, manquaient de vraisemblance (5).

D. a. Dans son recours, A______ reproche au Ministère public d'avoir retenu les faits de manière erronée et incomplète voire arbitraire.

S'agissant des voies de faits (1 et 2), les documents médicaux témoignaient du climat de violence psychologique et physique dans lequel elle vivait de sorte qu'en ne tenant pas compte de ce contexte, le Ministère public violait l'esprit de l'art. 126 al. 2 let. b CP.

Par ailleurs, aucun élément au dossier ne permettait de retenir qu'elle avait insulté C______, hormis les déclarations de ce dernier. Elle conteste formellement avoir tenu le moindre propos insultant à l'égard de son époux, dans la mesure où elle n'était aucunement capable d'injurier qui que ce soit et "surtout pas son mari qu''elle craignait grandement à l'époque des faits" (3).

Les parties concordaient sur le fait que le prénommé était entré dans une colère importante le 5 octobre 2019 et qu'il avait tapé sur la table, le réfrigérateur et la porte de la cuisine et qu'elle [A______] s'était alors pliée en deux. Ce geste ne pouvait être dicté que par le fait qu'un coup avait été asséné dans sa direction. De plus, concernant les dégâts sur le réfrigérateur, ils étaient visibles sur la photographie produite (4).

Concernant les infractions sexuelles, elle avait été constante dans ses déclarations alors que C______ avait varié dans les siennes, lesquelles n'étaient pas crédibles. En outre, il ressortait des propos de ce dernier, qu'elle dormait au moment de l'acte et qu'elle s'était réveillée par la suite (5).

b. Dans ses observations, le Ministère public conclut au rejet du recours, sous suite de frais.

Il précise, s'agissant des évènements du 5 octobre 2019, que le fait pour A______ de s'être baissée ne prouvait aucunement que C______ avait essayé de la frapper (4).

Les différents documents médicaux produits ne permettaient en aucun cas d'établir les faits dénoncés pour ce qui était de l'infraction de voies de fait commise à réitérées reprises, contestée par C______.

c. Dans ses observations, C______ conclut à la confirmation de l'ordonnance querellée et à la condamnation de A______ à tous les frais et dépens, valant participation à ses frais d'avocat, pour la procédure de recours. En outre, il contestait les propos que lui prêtaient l'intéressée dans son recours, en particulier; il reconnaissait uniquement, en lien avec les rapports sexuels dénoncés, l'avoir pénétrée, alors qu'elle était fatiguée. Le Ministère public ne pouvait le condamner sur la seule base des déclarations de la prénommée, lesquelles n'étaient nullement détaillées ni précises mais, au contraire, totalement floues.

Il produit un état de frais de CHF 1'301.40 TVA à 7.7% comprise, correspondant à 0h30 pour un entretien avec le client, 0h10 pour la consultation du dossier à la Chambre de céans, 0h30 à la "revu" du dossier, 2h00 à la rédaction de l'écriture, soit un total de 3h10 à CHF 350.- de l'heure, ainsi qu'un montant de CHF 100.- à titre de frais de déplacement.

d. A______ a répliqué. Elle produit un état de frais de CHF 1'550.90.- TVA à 7.7% comprise, correspondant à 5h30 pour la rédaction du recours, 0h30 pour l'étude de dossier, à un tarif horaire de CHF 200.-, auquel s'ajoutait CHF 240.- de débours à 20%.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1, 90 al. 2 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner de la plaignante qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             La recourante reproche une constatation erronée et incomplète voire arbitraire des faits (art. 393 al. 2 let. b CPP).

Dès lors que la Chambre de céans jouit d'un plein pouvoir de cognition en droit et en fait (art. 393 al. 2 CPP) (ATF 137 I 195 consid. 2.3.2; arrêt du Tribunal fédéral 1B_524/2012 du 15 novembre 2012 consid. 2.1.), les éventuelles constatations incomplètes ou inexactes du Ministère public auront été corrigées dans l'état de fait établi ci-devant.

Partant, ce grief sera rejeté.

3.             La recourante fait grief au Ministère public d'avoir classé ses plaintes.

3.1. Selon l'art. 319 al. 1 CPP, le ministère public ordonne notamment le classement de tout ou partie de la procédure lorsqu'aucun soupçon justifiant une mise en accusation n'est établi (let. a), lorsque les éléments constitutifs d'une infraction ne sont pas réunis (let. b) ou lorsqu'il existe des empêchements de procéder (let. d).

Cette disposition doit être appliquée conformément au principe in dubio pro duriore. Celui-ci découle du principe de la légalité (art. 5 al. 1 Cst. et art. 2 al. 2 CPP en relation avec les art. 319 al. 1 et 324 al. 1 CPP) et signifie qu'en principe un classement ne peut être prononcé par le ministère public que lorsqu'il apparaît clairement que les faits ne sont pas punissables ou que les conditions à la poursuite pénale ne sont pas remplies. Le ministère public et l'autorité de recours disposent, dans ce cadre, d'un pouvoir d'appréciation. La procédure doit se poursuivre lorsqu'une condamnation apparaît plus vraisemblable qu'un acquittement ou lorsque les probabilités d'acquittement et de condamnation apparaissent équivalentes, en particulier en présence d'une infraction grave. En effet, en cas de doute s'agissant de la situation factuelle ou juridique, ce n'est pas à l'autorité d'instruction ou d'accusation mais au juge matériellement compétent qu'il appartient de se prononcer (ATF 146 IV 68 consid. 2.1 ; 143 IV 241 consid. 2.2.1; 138 IV 86 consid. 4.1.2 et les références citées).

3.2. Dans les procédures où l'accusation repose essentiellement sur les déclarations de la victime, auxquelles s'opposent celles du prévenu et lorsqu'il n'est pas possible d'estimer que certaines dépositions sont plus crédibles que d'autres, le principe "in dubio pro duriore" impose en règle générale, au stade de la clôture de l'instruction, que le prévenu soit mis en accusation (ATF 143 IV 241 consid. 2.2.2 et les arrêts cités; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1177/2017 du 16 avril 2018 consid. 2.1).

Cela vaut en particulier lorsqu'il s'agit de délits commis typiquement "entre quatre yeux" pour lesquels il n'existe souvent aucune preuve objective (arrêts du Tribunal fédéral 6B_732/2018 du 18 septembre 2018; 6B_179/2018 du 27 juillet 2018 [violences conjugales]; 6B_193/2018 du 3 juillet 2018 [contrainte sexuelle]). Il peut toutefois être renoncé à une mise en accusation lorsque la partie plaignante fait des dépositions contradictoires, rendant ses accusations moins crédibles ou encore lorsqu'une condamnation apparaît au vu de l'ensemble des circonstances a priori improbable pour d'autres motifs (ATF 143 IV 241 consid. 2.2.2; arrêt du Tribunal fédéral 6B_116/2019 du 11 mars 2019 consid. 2.1). Face à des versions contradictoires des parties, il peut être exceptionnellement renoncé à une mise en accusation lorsqu'il n'est pas possible d'apprécier l'une ou l'autre version comme étant plus ou moins plausible et qu'aucun résultat n'est à escompter d'autres moyens de preuve (arrêt du Tribunal fédéral 6B_174/2019 du 21 février 2019 consid. 2.2 et les références citées).

En cas de contexte conflictuel entourant le dépôt d'une plainte, il convient de considérer avec une certaine prudence les allégations des protagonistes et de ne les retenir que si elles sont corroborées par d'autres éléments objectifs (arrêt du Tribunal fédéral 1B_267/2011 du 29 août 2011 consid. 3.2).

3.3. Pour les infractions poursuivies sur plainte, l'existence d'une plainte pénale valable constitue une condition à l'ouverture – plus exactement : à l'exercice – de l'action pénale au sens de l'art. 319 al. 1 let. d CPP (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 10 ad art. 319 et 10a ad art. 310; cf. également ATF 118 IV 325 c. 2b).

Le droit de porter plainte se prescrit par trois mois. Le délai court du jour où l’ayant droit a connu l’auteur de l’infraction (art. 31 CP).

3.4. Les voies de fait, réprimées par l'art. 126 CP, ne sont en principe punissables que sur plainte (cf. art. 126 al. 1 CP). Elles se poursuivent toutefois d'office dans les cas énumérés à l'art. 126 al. 2 CP, qui, pour chacune des hypothèses prévues, implique que l'auteur ait agi à réitérées reprises. Tel est le cas lorsque les voies de fait sont commises plusieurs fois sur la même victime – notamment le conjoint (let. b) – et dénotent une certaine habitude (ATF 134 IV 189 consid. 1.2; 129 IV 216 consid. 3.1). Deux cas distincts ne suffisent pas (M. DUPUIS / L. MOREILLON / C. PIGUET / S. BERGER / M. MAZOU / V. RODIGARI (éds), Code pénal - Petit commentaire, 2e éd., Bâle 2017, n. 13 ad art. 126; B. CORBOZ, Les infractions en droit suisse, vol. I, 3ème éd., Berne 2010, n. 22 ad art. 126 CP).

3.5. Se rend coupable d'injure celui qui aura, par la parole, l'écriture, l'image, le geste ou par des voies de fait, attaqué autrui dans son honneur (art. 177 al. 1 CP). Si l'injurié a riposté immédiatement par une injure ou par des voies de fait, le juge pourra exempter de toute peine les deux délinquants ou l'un d'eux (art. 177 al. 3 CP).

3.6. L’art. 144 ch. 1 CP réprime le comportement de celui qui aura endommagé, détruit ou mis hors d'usage une chose, soit appartenant à autrui, soit frappé d'un droit d'usage ou d'usufruit au bénéfice d'autrui. Une modification de l'apparence suffit (ATF 115 IV 26 consid. 2b).

3.7. L'art. 191 CP prévoit que celui qui, sachant qu'une personne est incapable de discernement ou de résistance, en aura profité pour commettre sur elle l'acte sexuel, un acte analogue ou un autre acte d'ordre sexuel, sera puni d'une peine privative de liberté de dix ans au plus ou d'une peine pécuniaire.

Une personne est incapable de résistance lorsque l'état dans lequel elle se trouve l'empêche de s'opposer aux actes d'ordre sexuel. La cause de cet état n'a pas d'importance. L’origine de l’incapacité peut être physique (victime impotente ou attachée) ou psychique (victime endormie, sous médicaments, drogues, hypnose, etc.; A. MACALUSO / L. MOREILLON / N. QUELOZ (éds), Commentaire romand, Code pénal II, vol. II, Partie spéciale : art. 111-392 CP, Bâle 2017, n. 10 ad art 191).

3.8. En l'espèce, l'on se trouve ici dans une configuration "entre quatre yeux" dans la mesure où les faits litigieux se seraient produits en l'absence d'un tiers.

Au vu des différents complexes de faits, il convient de les analyser séparément.

Même à retenir la version de la recourante, on ne peut considérer que les deux évènements de l'été 2017 et février 2019, isolés et espacés de 18 mois (1 et 2), constituent une certaine habitude et remplissent la condition de la commission à "réitérées reprises". Les documents médicaux produits par la recourante ne modifient pas ce constat dans la mesure où ils ne retranscrivent que les déclarations de la recourante à ses médecins et sont vagues s'agissant des faits dénoncés, mentionnant uniquement des "violences conjugales", sans détail, ni précision, ni même une quelconque récurrence. Au contraire, l'attestation du 30 mars 2020 fait état d'"un épisode". Par ailleurs, ils attestent tous d'un suivi dans une période concomitante au dépôt de plainte voire ultérieure. Ils ne constituent dès lors pas une preuve objective permettant d'attester des faits dénoncés.

Ainsi, en l'absence du critère de répétition, l'infraction se poursuit sur plainte. Or, celle déposée par la recourante le 18 décembre 2019 est tardive s'agissant de faits de l'été 2017 et février 2019.

En toute hypothèse, aucune preuve objective ne permet de confirmer les faits dénoncés, notamment par des photographies ou des rapports médicaux attestant de l'existence d'éventuelles ecchymoses voire blessures présentées par la recourante, à la suite de ceux-là (gifle, chute).

La recourante conteste la réciprocité des injures et aucun élément objectif ne permet de confirmer une version plutôt que l'autre (3).

Cependant, dans un contexte conflictuel, tel que celui rencontré par les parties, avec notamment des reproches d'adultère et d'enfant illégitime de la part de la recourante, les déclarations de cette dernière apparaissent peu crédibles lorsqu'elle prétend être incapable de proférer des insultes. Le sentiment de peur qu'aurait ressenti la recourante, ne modifie pas ce qui précède. Ainsi, la décision du Ministère public à cet égard ne prête pas non plus le flanc à la critique. La non-entrée en matière est donc justifiée.

En ce qui concerne les faits du 5 octobre 2019 (4), soit d'une part, le "coup évité" susceptible d'être constitutif de tentative de lésions corporelles simples (art. 123 cum 22 CP). Les parties s'accordent sur le fait que le prévenu était énervé et gesticulait dans différentes directions atteignant plusieurs objets dans la pièce – porte, réfrigérateur – et que la recourante s'était baissée. Compte tenu des dénégations du prévenu quant à son intention de frapper son épouse, de l'absence tant de tout élément objectif permettant de privilégier une version plutôt qu'une autre que d'acte d'instruction susceptible d'apporter un élément complémentaire probant, il n'existe pas de soupçon suffisant justifiant une mise en accusation du prévenu. En effet, dans une telle configuration, c'est à raison qu'il a été retenu que le mouvement de la recourante consistant à se baisser n'établissait pas pour autant que le prévenu tentait de l'atteindre, ce d'autant plus qu'il semble, selon les déclarations de la concernée, que son mouvement était survenu avant que le coup de poing "parte" en direction de la porte; d'autre part, s'agissant du réfrigérateur, même à considérer que la recourante en serait seule propriétaire voire copropriétaire avec son époux – par application des art. 200 al. 2 et 202 al. 2 CC à défaut de tout élément quant à la propriété de l'objet dans le dossier –, aucun dommage n'est visible sur la photographie produite, ni, à défaut d'autre preuve, établi de sorte que l'infraction à l'art. 144 CP n'est pas réalisée.

Enfin, pour ce qui est des trois relations sexuelles en 2018 (5), les déclarations de la recourante, bien que peu détaillées, n'apparaissent pas moins crédibles que celles du prévenu, qui s'est contredit. En effet, ce dernier a, dans un premier temps – audience du 6 juillet 2020 –, admis avoir eu des rapports sexuels avec la recourante alors qu'elle dormait. Puis, dans un second temps – 13 avril 2021 –, il est revenu sur ses précédentes déclarations en expliquant qu'il ne l'avait jamais pénétré, ni caressé alors qu'elle dormait.

Compte tenu desdits "aveux" et au regard des principes jurisprudentiels sus-rappelés, il incombe au Ministère public d'organiser une audience de confrontation entre les parties, voire de renvoyer le prévenu en jugement pour ces faits.

Il s'ensuit que la procédure ne pouvait être classée sous l'angle de l'art. 191 CP.

4.             Le recours sera dès lors partiellement admis et la cause renvoyée au Ministère public pour qu'il procède au sens des considérants.

5.             La recourante étant déjà au bénéfice de l'assistance judiciaire gratuite et obtenant très partiellement gain de cause, les frais afférents au recours seront laissés à la charge de l'État (art. 428 al. 4 CPP).

6.             Il n'y a pas lieu d'indemniser, à ce stade (art. 135 al. 2 cum 138 CPP), le conseil juridique gratuit.

7.             L'intimé, prévenu, qui obtient gain de cause pour l'essentiel, a droit à une juste indemnité pour ses frais d'avocat, conformément à l'art. 429 al. 1 let. a CPP, applicable en instance de recours (art. 436 al. 1 CPP).

Il chiffre à CHF 1'301.40 TVA à 7.7% comprise l'indemnité requise, correspondant à 3h10 d'activité, facturées à CHF 350.- de l'heure.

Vu l'admission très partielle du recours, l'indemnité réclamée sera réduite en conséquence de sorte qu'un montant de CHF 1'041.10 TVA à 7.7% lui sera alloué.

Cette indemnité sera laissée à la charge de l'État.

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Admet très partiellement le recours.

Annule l'ordonnance querellée en tant qu'elle porte sur l'infraction de l'art. 191 CP.

Renvoie la cause au Ministère public pour qu'il poursuive la procédure dans le sens des considérants.

Rejette le recours pour le surplus.

Laisse les frais de la procédure de recours à la charge de l'État.

Alloue à C______, une indemnité de CHF 1'041.10 TVA (7.7%) incluse, pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure.

Notifie le présent arrêt, en copie, à la recourante et à C______, soit pour eux leurs conseils respectifs, et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Mesdames Alix FRANCOTTE CONUS et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).