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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/19306/2020

ACPR/408/2023 du 31.05.2023 sur OCL/1317/2022 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : CLASSEMENT DE LA PROCÉDURE;ESCROQUERIE;ASTUCE;ABUS DE CONFIANCE
Normes : CPP.319; CP.146; CP.138

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/19306/2020 ACPR/408/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mercredi 31 mai 2023

 

Entre

A______, domiciliée ______, France,

B______, domicilié ______, France,

tous deux comparants par Me Maxime STAUB, avocat, Budin & Associés, rue De-Candolle 17, case postale 166, 1211 Genève 12,

recourants,

 

contre l'ordonnance de classement partiel rendue le 17 octobre 2022 par le Ministère public,

 

et

C______, domicilié ______, France, comparant par Me Z______, avocat,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. a. Par acte expédié le 28 octobre 2022, A______ et B______ recourent contre l'ordonnance du 17 octobre 2022, notifiée le lendemain, par laquelle le Ministère public a classé partiellement la procédure P/19306/2022 ouverte à l'encontre de C______, en tant qu'elle concernait les faits dénoncés dans leur plainte.

Les recourants concluent, sous suite de frais, à l'annulation de la décision querellée et au renvoi de la cause au Ministère public pour complément d'instruction.

b. Les recourants ont versé les sûretés en CHF 1'500.- qui leur étaient réclamées par la Direction de la procédure.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. D______ SÀRL était une société à responsabilité limitée inscrite au Registre du commerce de Genève en 2018, dont le but était le transport, ______, ______, ______, la menuiserie, l'agencement sur mesure ainsi que la réalisation de plans en 2D et 3D. C______ en était l'associé-gérant et E______ la directrice, tous deux avec signature individuelle. Son capital social, entièrement libéré, était de CHF 20'000.-.

La société, en liquidation dès le 17 décembre 2020, a été radiée d'office du Registre du commerce le ______ 2021, à la suite de la clôture de la procédure de faillite.

b.a. Par courrier du 14 octobre 2020, A______ et son concubin, B______, ont déposé plainte contre C______, domicilié en France, du chef d'abus de confiance (art. 138 CP) et toute autre infraction pertinente.

En substance, ils exposaient entretenir depuis plusieurs années une relation proche avec C______, lequel leur avait "toujours" indiqué les considérer comme ses parents. Entre septembre 2019 et janvier 2020, "profitant" du lien de confiance qui les unissait, ce dernier les avait incités à verser plus de EUR 1'045'517.89 sur le compte de la société D______ SÀRL, dans le but d'entrer au capital social de cette entité et ainsi en devenir associés. Il leur avait par ailleurs promis un rendement de l'ordre de 5 à 10% sur leur investissement et leur avait déclaré – à une date non précisée – avoir pris rendez-vous auprès d'un notaire pour "formaliser" leur entrée au capital social de la société. Les 15 et 19 janvier 2020, d'autres fonds lui avaient également été remis en espèces [EUR 7'000.- au total], moyennant la remise de reçus, avec les libellés suivants : "Appt Capital" et "Capital Appt Société".

Or, ils ignoraient ce qu'il était advenu de leurs fonds, en particulier s'ils détenaient des parts sociales de D______ SÀRL.

De plus, le 17 août 2020, C______ leur avait annoncé, à leur grande surprise – en présence de leur amie F______ –, que les liquidités de D______ SÀRL s'élevaient à EUR 3'000.- seulement, et leur avait demandé EUR 600'000.- afin de "recapitaliser" la société et EUR 50'000.- pour créer une menuiserie.

Par ailleurs, entre 2019 et 2020, ils avaient mandaté C______ pour réaliser des travaux de rénovation de leur villa située à G______, en France. Dans ce cadre, EUR 67'050.- avaient été crédités entre avril et octobre 2019 par A______ sur le compte personnel de l'intéressé. Des fonds, à hauteur de EUR 60'000.- environ, lui avaient également été remis – en partie en espèces – par B______. Ils avaient en outre convenu avec C______ qu'une partie des montants versés serait destinée à payer les sous-traitants. Ainsi, certains travaux, dont la supervision était de la responsabilité de l'intéressé, avaient été réglés en espèces, à hauteur de EUR 300'000.- environ. Pourtant, des rappels de paiements leur avaient récemment été adressés par des sociétés sous-traitantes, qui n'avaient pas été payées par le prénommé.

Au vu de l'ensemble de ces circonstances, il semblait que C______ avait utilisé les fonds qu'ils lui avaient confiés à d'autres fins que celles convenues, se rendant ainsi coupable d'abus de confiance (art. 138 CP).

b.b. À l'appui de leur plainte, A______ et B______ ont produit diverses pièces, parmi lesquelles :

i. les relevés du compte bancaire de A______ auprès de [la banque] H______, laissant apparaître des versements totalisant EUR 1'045'517.89 en faveur du compte de D______ SÀRL, entre septembre 2019 et janvier 2020.

Cinq versements, le 25 octobre 2019, totalisant EUR 29'800.-, ont été opérés depuis ledit compte de A______ en faveur de celui de C______.

Les relevés bancaires ne mentionnent aucun libellé justificatif, hormis deux virements d'un montant respectif de EUR 59'480.- et EUR 61'640.-, effectués une première fois le 31 décembre 2019, avec pour libellés "REMISE DU 171219 VIR MME A______ SOLDE TRAVAUX RDV" et "VIR MME A______ SOLDE ETAGE N1 POS". Rejetés par la banque, ces ordres ont été effectués une seconde fois le 3 janvier 2020, sans libellé cette fois.

ii. les relevés du compte de A______ auprès de la banque I______, selon lesquels cinq versements totalisant EUR 32'250.- ont été effectués entre avril et juin 2019 en faveur de C______, avec des libellés "TRAVAUX" ou "TRAVAUX MME A______" ;

iii. quatre reçus manuscrits datés des 15 mars, 30 avril, 20 et 29 mai 2019, signés par C______, confirmant le versement, en espèces, par A______ des sommes de EUR 6'000.-, EUR 3'000.-, EUR 3'000.- et EUR 800.-, en France. Les reçus n'indiquent pas de motif de versement, à l'exception du dernier, qui porte comme libellé "SOLDE PLATEAU TABLE VERRE CUISINE" ;

iv. un rappel de paiement du 10 septembre 2019 (sic) envoyé par la société J______ SAS à B______, relatif à une facture impayée du 11 décembre 2019, d'un montant de EUR 6'863.31.

v. une procuration signée le 26 septembre 2019 par B______, en faveur de C______, lui donnant "tous pouvoirs pour le règlement des devis et factures concernant les travaux en cours ou effectués sur [s]a maison" ;

vi. un récépissé du 3 novembre 2019, signé par C______, attestant de la remise par A______ d'une somme de EUR 4'000.- "pour le solde de la société les compagnons du feu", avec pour mention "D______ SÀRL s'engage à solder les factures en cours";

vii. trois reçus manuscrits datés des 15, 16 et 19 janvier 2020, signés par C______, confirmant la réception, en espèces en France, le 15 janvier 2020, de B______ d'une somme de EUR 4'500.- (EUR 2'000.- à titre "d'Appt Capital" et EUR 2'500.- pour le solde travaux), le 16 janvier 2020 de CHF 250.-, ainsi que d'un montant, le 19 suivant, de EUR 5'000.- de A______ et B______ "pour Capital Appt Société".

c.a. Les 15 et 26 octobre 2020, le Ministère public a ordonné le dépôt par les banques K______, L______ et M______ de la documentation bancaire relative à toute relation dont C______ et la société D______ SÀRL seraient titulaires.

c.b. Il ressort de la documentation fournie par les établissements bancaires précités ce qui suit :

i. entre février et novembre 2019, des sommes totalisant EUR 677'445.- ont été créditées par A______ sur le compte courant en euro de D______ SÀRL auprès de [la banque] K______, avec des mentions faisant référence à des paiements de factures de travaux, auxquelles s'ajoute un versement de EUR 7'900.-, le 14 juin 2019, avec pour libellé "VIREMENT A______".

ii. Entre les 16 avril et 28 octobre 2019, A______ a effectué plusieurs versements, totalisant EUR 52'731.76, sans libellé, sur les deux comptes de C______ auprès de [la banque] L______. Elle a également versé environ EUR 10'000.- sur le compte de D______ SÀRL les 1er et 3 septembre 2020.

iii. Le 17 janvier 2020, trois virements d'un montant total de EUR 239'480.- ont été effectués par A______ sur le compte de D______ SÀRL auprès de [la banque] M______, sans libellé. Le 24 janvier suivant, EUR 136'372.88 au total ont été crédités sur ledit compte par A______, sans mention des motifs des versements.

Ainsi, EUR 1'123'929.64.- au total ont été crédités sur les comptes de D______ SÀRL et/ou de C______ par A______.

d.a. Entendu le 12 avril 2021 par la police en qualité de prévenu, C______, ébéniste de profession, a déclaré être un ami de N______, l'ex-épouse de B______, et ne pas entretenir de relation particulière avec la nouvelle compagne de ce dernier, A______. Il contestait les faits qui lui étaient reprochés. Initialement mandaté par la prénommée et B______ pour rénover une chambre à coucher de leur villa, il avait finalement procédé à une restauration complète de leur logement. Il s'agissait d'une bâtisse datant de 1939, de sorte que d'importantes rénovations avaient été nécessaires. Il lui avait été difficile de travailler sur le projet, car ses mandants, très indécis, changeaient constamment d'avis.

L'intégralité des fonds versés par ces derniers avait été destinée à la réalisation des travaux de rénovation. Leur coût total s'était élevé à EUR 1'200'000.- environ, dont une partie (8 à 10%) avait été versée en liquide par les plaignants.

Certains montants avaient été crédités sur ses comptes personnels, à l'initiative des plaignants, pour se soustraire à la TVA, mais également pour qu'il puisse procéder à l'achat de biens pour leur maison à prix réduits grâce à sa profession.

L'entrée de A______ et B______ au capital social de D______ SÀRL avait certes été discutée à une occasion, mais le projet ne s'était pas concrétisé et aucun paiement n'avait été réalisé à cette fin. Les plaignants confondaient sans doute les versements liés aux factures des travaux avec le projet d'investissement qui n'avait jamais vu le jour. Ces derniers n'avaient jamais investi dans la société D______ SÀRL; tout au plus avaient-ils payé EUR 20'000.- pour qu'il puisse acquérir une nouvelle camionnette pour sa société. Cette somme avait néanmoins été déduite des factures liées aux travaux.

La pandémie de Covid-19 et l'absence de tenue de la comptabilité depuis février 2020 avaient conduit à la faillite de D______ SÀRL.

d.b. C______ a remis à la police vingt-et-une factures émises par D______ SÀRL – comportant la mention "payé" –, relatives aux travaux réalisés pour le compte des plaignants, d'un montant total de EUR 1'072'798.- ; des photographies prises desdits travaux et un décompte des paiements réalisés par A______ et B______, d'un montant de EUR 1'113'864.88.

e. Dans son rapport de renseignements du 4 mai 2021, la police a constaté que la société D______ SÀRL avait été gérée de "façon plus que légère", le manque de contrôle et l'accumulation de charges inutiles ayant mené à sa liquidation.

En revanche, des travaux semblaient bel et bien avoir été réalisés dans le logement de A______ et B______. Si les montant facturés par D______ SÀRL paraissaient élevés, les prénommés s'étaient néanmoins acquittés de toutes les factures qui leur avaient été adressées. Ils avaient en outre systématiquement indiqué en référence de leurs paiements les travaux de rénovation, de sorte qu'ils connaissaient la destination de leurs fonds.

f. Le 27 mai 2021, A______ et B______, sous la plume de leur conseil, ont, en référence aux pièces produites par C______, contesté avoir affecté EUR 1'113'864.88 aux travaux de rénovation. En effet, selon l'expertise immobilière réalisée le 9 février 2019 – annexée au courrier –, la valeur vénale de leur villa était estimée, avant travaux, à EUR 477'000.-. Ils voyaient dès lors mal comment ils auraient pu "accepter" de débourser trois fois le prix de leur logement pour de "menus" travaux de rénovation.

Par ailleurs, ils sollicitaient l'audition de F______, laquelle avait assisté à l'entretien du 17 août 2020, lors duquel C______ leur avait demandé EUR 600'000.- pour "recapitaliser" la société D______ SÀRL et EUR 50'000.- pour créer une menuiserie.

À l'appui de leur courrier, les plaignants ont notamment produit deux factures émises le 12 avril 2020 par D______ SÀRL, relatives aux travaux effectués chez eux, totalisant un montant de EUR 1'221'867.27 (EUR 559'867.68 + EUR 661'999.59). Ils ont apposé leur signature sur ces deux factures, avec la mention "bon pour accord", le 14 avril 2020.

g. Le 12 octobre 2021, une instruction a été ouverte contre C______ du chef d'abus de confiance (art. 138 CP).

h. Le 2 décembre 2021, le Ministère public a tenu une audience de confrontation des parties.

h.a. B______ a expliqué avoir mandaté C______ pour "remettre en état" la villa dont il était propriétaire et dans laquelle il vivait avec A______. Aucun montant forfaitaire n'avait été fixé, étant précisé que sa compagne, "qui avait de l'argent", lui avait dit qu'ils allaient "se faire plaisir". Les travaux, qui avaient débuté en mars 2019, avaient été réalisés "pièce après pièce" par C______, qui leur avait adressé les factures y afférent "au fur et à mesure". Il avait lui-même participé aux coûts des travaux – dont le montant total s'était élevé à EUR 139'000.- environ – à la hauteur de ses moyens et A______ avait payé la différence.

À la question de savoir pour quelle raison sa compagne et lui avaient approuvé le 14 avril 2020 deux factures émises par D______ SÀRL le 12 avril 2020, portant le montant des travaux à EUR 1'221'867.27, il a répondu avoir signé ces documents – qu'ils n'avaient pas lus – sur demande de C______, qui en avait besoin pour sa comptabilité, précisant lui avoir fait confiance.

Dans le courant du mois d'août ou septembre 2019, il avait été convenu avec le prénommé que A______ et lui-même entrent au capital social de D______ SÀRL. Dans ce cadre, il avait investi entre EUR 12'000.- et 15'000.- et sa compagne EUR 800'000.- environ. Aucun document ni contrat n'avait été signé. Sa compagne et lui n'avaient pas non plus demandé à prendre connaissance des comptes de la société concernée, dès lors qu'ils faisaient confiance à C______.

h.b. A______ a déclaré que leur logement avait fait l'objet d'une rénovation complète – système électrique compris –, qui avait été financée par la vente d'un immeuble dont elle était propriétaire. À chaque fois que C______ lui avait adressé une facture, elle s'en était acquittée. Si les libellés des versements effectués étaient tous en lien avec les travaux, c'était parce que C______ l'accompagnait à la banque et lui disait ce qu'elle devait mentionner.

À la question de savoir ce que B______ et elle-même espéraient obtenir en investissant EUR 800'000.- dans le capital social de D______ SÀRL, elle est revenue sur ses déclarations, expliquant qu'il était prévu qu'ils entrent au capital-actions d'une société dénommée O______ que C______ devait créer. Ce dernier devait également investir EUR 80'000.- dans cette entité. Elle ne se souvenait plus du montant exact de ses investissements, ni en faveur de quelle société ceux-ci avaient été réalisés, mais "supposait" que c'était dans le but d'entrer dans le capital des deux sociétés susvisées.

h.c. C______ a maintenu ses précédentes déclarations, précisant que les deux récépissés des 15 et 19 janvier 2020, portant les mentions "Appt Capital" et "Capital Appt Société", concernaient son propre investissement dans une société dénommée P______, mais en aucun cas A______ et B______. Il avait effectivement évoqué avec ces derniers leur éventuelle entrée au capital-actions d'une future société – dont le nom n'avait pas encore été arrêté mais aurait pu être O______ –, mais le projet ne s'était pas concrétisé.

En ce qui concernait les travaux de rénovation, A______ et B______ n'avaient jamais été contraints de payer les factures y relatives, étant précisé qu'il avait indiqué à l'ex-épouse de B______ que les travaux entrepris par sa société, basée en Suisse, seraient plus onéreux qu'en France. De plus, à chaque fois que des travaux avaient été exécutés, les plaignants, indécis, avaient demandé des modifications et l'emploi de matériaux particuliers. Ils ne s'étaient toutefois jamais plaints de malfaçons. Ses factures reflétaient donc le travail qui avait été nécessaire. Pour le surplus, il avait effectivement accompagné A______ à la banque à deux ou trois reprises pour qu'elle puisse régler certaines factures liées aux travaux, dans la mesure où elle ne savait pas sur quel compte les sommes devaient être versées. Cela étant, elle ne pouvait pas ignorer la destination des fonds, puisque les prestations qu'il avait réalisées étaient toujours détaillées dans les factures envoyées aux plaignants.

i. Par courrier du 3 décembre 2021 au Ministère public, A______ et B______ ont affirmé que le coût total des travaux s'était élevé à EUR 139'275.77, en se référant à une facture émise le 6 janvier 2020 par D______ SÀRL, qui était libellée "facture solde intégral" "travaux tous postes confondus sur l'ensemble de la maison".

j. Par missive du 17 décembre suivant, les prénommés ont sollicité l'audition de Q______ ([entreprise] R______), S______ ([entreprise] T______) et U______ (artisan), qui étaient intervenus sur le chantier de leur villa et pouvaient s'exprimer sur l'étendue et le coût réel des travaux.

k. Par lettre du même jour à l'attention du Ministère public, C______ a produit une copie du contrat qu'il avait conclu avec V______ le 3 juillet 2020, prévoyant la cession de 4'900 actions de la société P______ pour un prix de EUR 18'130.-, ainsi qu'une copie de la déclaration fiscale de cette société du 29 juillet 2020. Ces documents permettaient, selon lui, "d'expliquer" les reçus manuscrits datés des 15 et 19 janvier 2020.

l. Par avis de prochaine clôture du 11 janvier 2022, le Ministère public a informé les parties de son intention de rendre une ordonnance de classement en ce qui concernait les faits dénoncés par A______ et B______ à l'encontre de C______. S'agissant des faits susceptibles d'être constitutifs de gestion fautive (art. 165 CP) et de violation de l'obligation de tenir une comptabilité (art. 166 CP), une ordonnance pénale serait prochainement rendue. Il leur a imparti un délai pour présenter d'éventuelles réquisitions de preuves et/ou solliciter une indemnisation.

m. Par lettre du 28 janvier suivant, A______ et B______ ont réitéré leurs précédentes réquisitions de preuves et demandé en outre le témoignage de W______, X______ et Y______, lesquels auraient également été victimes des agissements de C______. W______ avait d'ailleurs déposé plainte contre ce dernier.

À l'appui, A______ et B______ ont notamment produit deux certificats médicaux établis le 17 janvier 2022, attestant qu'ils présentaient tous deux un état d'anxiété généralisé.

A également été versée à la procédure une copie d'un témoignage écrit de X______ du 17 janvier 2022, qui expliquait avoir versé EUR 4'308.- à C______ pour des travaux dans sa maison en France, qui n'avaient toutefois jamais été réalisés par l'intéressé.

n. Par pli du 30 juin 2022 au Ministère public, les plaignants ont encore produit deux certificats médicaux établis le 13 juin 2022, selon lesquels ils souffraient toujours d'un état général d'anxiété. Ils ont également produit une copie des messages échangés avec C______ entre les mois de juin et août 2020, dont la teneur était notamment la suivante :

- "Bonjour A______, comment vas-tu ? [ ] désolé de prendre du temps seulement maintenant pour t'écrire mais je n'ai pas touché terre depuis plus de 15 jours [ ] Concernant les affaires, elles se portent bien. [ ] D'ailleurs à ce sujet, on croise les doigts, car il y a beaucoup de dossiers très intéressants dans la coupelle "projet en attente de validation client". Je vous montrerai les slides dès que l'on se voit [ ]" [Message envoyé par C______ à A______ le 1er juin 2020] ;

- "Bonjour C______, [ ] J'aimerais que tu me présente tes projets, tu me dois bien cela en tant qu'actionnaire majoritaire et voilà bien longtemps que je t'ai rencontré." [Message de A______ à C______ du 5 juin 2020] ;

- "Bonjour C______, j'espère que tu arrives à t'apaiser un peu. En tant qu'actionnaire principal (sic) nous aimerions connaître les projets qui ont été réalisés en 2019 et le bénéfice que cela aurait dû dégager pour l'entreprise. Combien de salaires fixes avais-tu à rémunérer ? Excuse-nous, mais nous aimerions avoir une vue claire et précise sur les mouvements de fonds par rapport aux travaux réalisés". [Message de B______ à C______ du 20 août 2020].

C. i. Dans sa décision querellée, le Ministère public retient que les déclarations de A______ et B______ étaient contradictoires. Ces derniers avaient en effet allégué dans leur plainte avoir versé EUR 1'045'517.89 sur le compte de la société D______ SÀRL afin d'entrer dans son capital social. Or, devant le Ministère public, ils étaient revenus sur leurs explications, affirmant avoir investi une somme de EUR 800'000.- au total dans le but de fonder une société dénommée O______. De plus, alors qu'ils avaient initialement soutenu avoir payé environ EUR 367'050.- (EUR 300'000.- + EUR 67'050.-) pour la rénovation de leur villa, ils avaient finalement affirmé que le montant total des travaux s'était élevé à EUR 139'000.-.

En tout état, aucune pièce au dossier ne permettait d'établir l'existence d'un accord entre les parties prévoyant l'entrée des plaignants au capital d'une quelconque société. À cet égard, il était surprenant qu'aucun contrat écrit n'eut été établi, au vu des sommes conséquentes déboursées par les plaignants, et ce même en présence d'un rapport de confiance.

Quant au prévenu, il était demeuré constant dans ses explications, affirmant que les fonds versés par les plaignants étaient uniquement destinés aux travaux de rénovation de leur villa et à financer une nouvelle camionnette pour sa société.

Par ailleurs, il résultait des libellés des versements effectués par A______ que les paiements concernaient effectivement les travaux de rénovation. Aucun élément ne permettait donc de retenir que le prévenu aurait utilisé l'argent versé par les plaignants contrairement à leurs instructions et pour d'autres fins que celles convenues.

Quant aux deux reçus manuscrits, datés des 15 et 19 janvier 2020, portant les mentions "Appt Capital" et "Capital Appt Société", ils ne suffisaient pas, à eux seuls, à fonder une prévention pénale suffisante à l'encontre de C______, au vu des explications données par ce dernier et de l'absence d'éléments de preuve permettant de les remettre en cause.

En définitive, les agissements de C______ et le coût des travaux ne permettaient pas de fonder des soupçons suffisants de la commission d'un abus de confiance, le litige revêtant manifestement un caractère civil. Le classement de la procédure était donc ordonné pour ces faits (art. 319 al. 1 let. b CPP).

ii. S'agissant des réquisitions de preuves, les actes d'instruction sollicités n'étaient pas susceptibles d'apporter des éléments inédits et décisifs lui permettant de modifier sa conviction.

Les auditions de Q______, S______ et U______ permettraient uniquement d'établir le coût des travaux exécutés par ces derniers, ce qui n'était pas décisif pour déterminer si les agissements de C______ étaient constitutifs d'une infraction pénale. Quant aux auditions de W______, X______ et Y______, celles-ci n'étaient pas utiles pour trancher le cas d'espèce. L'audition de F______ n'était pas non plus pertinente, dans la mesure où les versements litigieux – portant pratiquement tous un libellé mentionnant les travaux – étaient antérieurs au rendez-vous du 17 août 2020, auquel l'intéressée aurait assisté.

D. a. Dans leur recours, A______ et B______ reprochent au Ministère public d'avoir violé l'art. 319 CPP et constaté les faits de manière inexacte, en retenant : 1) que les auditions sollicitées n'étaient pas utiles, 2) qu'aucune pièce ne permettait de corroborer l'existence d'un accord stipulant qu'il était prévu qu'ils entrent dans le capital de l'une ou l'autre des sociétés concernées, 3) qu'aucun élément du dossier ne permettait de retenir que le prévenu aurait utilisé l'argent versé contrairement à leurs instructions et pour d'autres raisons que pour les travaux, et 4) qu'aucun élément ne permettait d'établir qu'ils auraient été trompés par le prévenu ou que celui-ci aurait utilisé des fonds confiés à d'autres fins que celles convenues.

Il était pourtant "indéniable" que C______ s'était rendu coupable d'abus de confiance ou d'escroquerie. En effet, la valeur vénale de leur villa avait été évaluée, avant travaux, à EUR 477'000.-, de sorte qu'il n'était pas vraisemblable qu'ils eussent accepté d'investir près de EUR 1'200'000.- pour la rénovation de leur logement. Ils avaient également expliqué que C______ avait accompagné A______ à la banque pour procéder aux versements litigieux et lui avait donné pour instruction de libeller les virements "travaux". À cela s'ajoutait que l'intéressé s'était enrichit à leur dépens, en leur facturant systématiquement la TVA (à 7.7%), qui n'était pas due. En outre, les messages produits confirmaient la thèse selon laquelle le prévenu leur avait fait croire que leurs apports leur permettraient de devenir actionnaires de la société D______ SÀRL. À cela s'ajoutait que d'autres personnes avaient été victimes de ses agissements, dont W______, qui avait également déposé plainte.

En conclusion, les faits n'étaient pas suffisamment établis, de sorte qu'il appartenait au Ministère public de compléter l'instruction, en procédant notamment aux auditions sollicitées.

À l'appui de leur recours, A______ et B______ produisent notamment une copie de la plainte déposée par W______ contre C______ et D______ SÀRL le 27 janvier 2022. Il en ressort qu'il reprochait au prévenu d'avoir encaissé un acompte pour des travaux de rénovation de son bureau de tabac, alors qu'il n'aurait jamais eu l'intention de les réaliser et qu'il était en train d'organiser l'insolvabilité de sa société. Cette plainte a donné lieu à une ordonnance de non-entrée en matière le 23 juin 2022, qui n'a pas été contestée.

b. Dans ses observations, le Ministère public conclut au rejet du recours et à la confirmation de son ordonnance.

Les auditions requises par les recourants n'étaient pas utiles, puisque les faits dénoncés ne remplissaient aucun élément constitutif d'une quelconque infraction. La légèreté dont les recourants avaient fait preuve excluait celle d'escroquerie (art. 146 CP) et les conditions de l'abus de confiance n'étaient pas réunies. Les actes d'instruction sollicités n'apporteraient aucune information permettant de modifier cette conclusion. Les témoins pourraient tout au plus se déterminer sur les agissements qu'ils reprochaient eux-mêmes à C______ mais non sur les faits de la cause.

c. C______ conclut au rejet du recours et à l'octroi d'un montant de CHF 2'200.- à titre d'indemnité pour la procédure de recours, à la charge des recourants.

Les déclarations de ces derniers étaient contradictoires et n'étaient corroborées par aucun élément au dossier. À cela s'ajoutait que leurs explications entraient en contradiction avec les éléments objectifs du dossier. Il n'existait dès lors aucun soupçon justifiant sa mise en accusation. Les actes d'instruction ordonnés par le Ministère public avaient au demeurant démontré que la plainte des recourants était infondée.

d. Les recourants n'ont pas répliqué.

 

EN DROIT :

1.             1.1. Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner des plaignants qui, parties à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), ont qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

1.2.  La pièce nouvelle est également recevable (arrêt du Tribunal fédéral 1B_550/2022 du 17 novembre 2022 consid. 2.1).

2.             Les recourants reprochent au Ministère public d'avoir constaté les faits de manière incomplète et/ou erronée. Les passages litigieux ne concernent toutefois pas l'établissement des faits, le Ministère public s'y livrant à une appréciation des éléments de preuve et de la situation juridique. Quoi qu'il en soit, dès lors que la Chambre de céans jouit d'un plein pouvoir de cognition en droit et en fait (art. 391 al. 2 CPP) (ATF 137 I 195 consid. 2.3.2 p. 197; arrêt du Tribunal fédéral 1B_524/2012 du 15 novembre 2012 consid. 2.1), les éventuelles constatations incomplètes ou inexactes auront été corrigées dans l'état de fait établi ci-devant.

Partant, ce grief sera rejeté.

3.             Les recourants estiment qu'il existe contre l'intimé une prévention suffisante d'abus de confiance ou d'escroquerie.

3.1.  Conformément à l'art. 319 al. 1 let. a CPP, le ministère public ordonne le classement de tout ou partie de la procédure lorsqu'aucun soupçon justifiant une mise en accusation n'est établi. Selon la jurisprudence, cette disposition doit être appliquée conformément à l'adage "in dubio pro duriore". Celui-ci découle du principe de la légalité (art. 5 al. 1 Cst. et 2 al. 1 CPP en relation avec les art. 309 al. 1, 319 al. 1 et 324 CPP; ATF 138 IV 86 consid. 4.2 p. 91) et signifie qu'en principe, un classement ou une non-entrée en matière ne peuvent être prononcés par le ministère public que lorsqu'il apparaît clairement que les faits ne sont pas punissables ou que les conditions à la poursuite pénale ne sont pas remplies. Le ministère public et l'autorité de recours disposent, dans ce cadre, d'un pouvoir d'appréciation.

La procédure doit se poursuivre lorsqu'une condamnation apparaît plus vraisemblable qu'un acquittement ou lorsque les probabilités d'acquittement et de condamnation apparaissent équivalentes, en particulier en présence d'une infraction grave. En effet, en cas de doute s'agissant de la situation factuelle ou juridique, ce n'est pas à l'autorité d'instruction ou d'accusation mais au juge matériellement compétent qu'il appartient de se prononcer (ATF 143 IV 241 consid. 2.2.1 p. 243; 138 IV 86 consid. 4.1.2 p. 91 et les références citées).

3.2.1. Commet un abus de confiance au sens de l'art. 138 ch. 1 al. 2 CP, celui qui, sans droit, aura employé à son profit ou au profit d'un tiers, des valeurs patrimoniales qui lui avaient été confiées.

Cette infraction suppose qu'une valeur ait été confiée, autrement dit que l'auteur ait acquis la possibilité d'en disposer, mais que, conformément à un accord (exprès ou tacite) ou un autre rapport juridique, il ne puisse en faire qu'un usage déterminé, en d'autres termes, qu'il l'ait reçue à charge pour lui d'en disposer au gré d'un tiers, notamment de la conserver, de la gérer ou de la remettre (ATF 143 IV 297 consid. 1.3 p. 300 ; 133 IV 21 consid. 6.2 p. 27). Le comportement délictueux consiste à utiliser la valeur patrimoniale contrairement aux instructions reçues, en s'écartant de la destination fixée (ATF 129 IV 257 consid. 2.2.1 p. 259 et les références citées).

3.2.2. Pour savoir si l’on est en présence de valeurs patrimoniales confiées, il faut analyser l’accord qui lie les parties selon les règles de la bonne foi et conformément aux us et coutumes du domaine concerné (A. MACALUSO / L. MOREILLON / N. QUELOZ (éds), Commentaire romand, Code pénal II, Partie spéciale: art. 111-392 CP, Bâle 2017, n. 38 ad art. 138 CP).

3.3.  En vertu de l'art. 146 CP, se rend coupable d'escroquerie celui qui, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, aura astucieusement induit en erreur une personne par des affirmations fallacieuses ou par la dissimulation de faits vrais ou l'aura astucieusement confortée dans son erreur et aura de la sorte déterminé la victime à des actes préjudiciables à ses intérêts pécuniaires ou à ceux d'un tiers.

Pour qu'il y ait escroquerie, une simple tromperie ne suffit pas. Il faut encore qu'elle soit astucieuse. Il y a tromperie astucieuse, au sens de l'art. 146 CP, lorsque l'auteur recourt à un édifice de mensonges, à des manœuvres frauduleuses ou à une mise en scène, mais aussi lorsqu'il donne simplement de fausses informations, si leur vérification n'est pas possible, ne l'est que difficilement ou ne peut raisonnablement être exigée, de même que si l'auteur dissuade la dupe de vérifier ou prévoit, en fonction des circonstances, qu'elle renoncera à le faire en raison d'un rapport de confiance particulier (ATF 147 IV 73 consid. 3.2).

L'astuce n'est toutefois pas réalisée si la dupe pouvait se protéger avec un minimum d'attention ou éviter l'erreur avec le minimum de prudence que l'on pouvait attendre d'elle. Il n'est pas nécessaire, pour qu'il y ait escroquerie, que la dupe ait fait preuve de la plus grande diligence et qu'elle ait recouru à toutes les mesures de prudence possibles; la question n'est donc pas de savoir si elle a fait tout ce qu'elle pouvait pour éviter d'être trompée. L'astuce n'est exclue que lorsque la dupe est coresponsable du dommage parce qu'elle n'a pas observé les mesures de prudence élémentaires qui s'imposaient (ATF 128 IV 18 consid. 3a et les références citées).

3.4.1. En l'espèce, il est établi et non contesté que les recourants ont versé, de leur plein gré, des sommes d'argent – totalisant près de EUR 1'200'000.- – à l'intimé et/ou à la société D______ SÀRL entre les mois de février 2019 et janvier 2020. Les déclarations des parties ne concordent toutefois pas en ce qui concerne la destination convenue des fonds en question.

En effet, les recourants ont allégué dans leur plainte avoir versé EUR 1'045'517.89 sur le compte de D______ SÀRL dans l'unique but d'entrer au capital social de cette société. Leurs déclarations ont néanmoins fluctué en cours d'instruction. Devant le Ministère public, A______ est en effet revenue sur ses allégations, expliquant avoir en réalité versé EUR 800'000.- au total sur le compte de D______ SÀRL dans le but de fonder une nouvelle société dénommée O______.

L'intimé, quant à lui, le conteste, affirmant que les fonds litigieux étaient uniquement destinés à la réalisation d'importants travaux de rénovation du logement des recourants, dont le coût total s'était chiffré à EUR 1'200'000.-.

On pourrait tout d'abord se demander si des fonds libérés et apportés à une société dans le cadre d'une augmentation de capital constituent des valeurs patrimoniales confiées au sens de l'art. 138 CP (cf. ACPR/39/2014 du 17 janvier 2014 consid. 3.3, niant une telle qualification). Cette question peut toutefois demeurer indécise, dans la mesure où les allégations des recourants ne trouvent pas d'assise suffisante dans le dossier.

En effet, aucun contrat n'a été signé et le dossier ne comporte aucune pièce permettant de retenir une volonté claire et univoque des parties de faire entrer les recourants dans le capital social de D______ SÀRL ou d'une quelconque autre société. Rien ne permet non plus de retenir que les fonds versés par les recourants devaient être expressément affectés à cette fin.

Cette thèse semble au contraire contredite par les pièces versées au dossier, en particulier par la documentation bancaire. En effet, si certains paiements effectués par A______ ne portent aucun libellé, la majeure partie des versements opérés en faveur de D______ SÀRL ou de l'intimé mentionne comme motif de paiement les travaux de rénovation de la villa des recourants.

Les explications de ces derniers, selon lesquelles les travaux auraient été mentionnés comme cause de paiement sur demande de l'intimé ne sont pas convaincantes. En effet, on ne voit pas pour quel motif ils auraient accepté de ne pas indiquer le but réel des versements opérés, ce d'autant plus au vu de l'importance des montants concernés. Ils ne le précisent d'ailleurs pas, se limitant à exposer avoir "fait confiance" à l'intimé.

De plus, alors qu'ils ont allégué dans leur plainte avoir payé EUR 427'050.- pour la rénovation de leur villa, ils ont finalement déclaré que le coût total des travaux s'était chiffré à EUR 139'000.-. Or, ces allégations entrent en contradiction avec les diverses factures versées au dossier. Les recourants ont d'ailleurs eux-mêmes produit deux factures datées du 12 avril 2020, relatives aux travaux – revêtues de leur signature, avec la mention "bon pour accord" –, totalisant EUR 1'221'867.27. Leurs explications, selon lesquelles ces documents – qu'ils n'auraient pas lu – auraient été signés sur demande de l'intimé ne sont nullement étayées et apparaissent douteuses. Au surplus, leur argument, selon lequel la valeur vénale de leur maison a été évaluée, avant travaux, à EUR 477'000.-, n'apparaît pas pertinent. En effet, il n'est pas insolite que, compte tenu de l'état d'une propriété – datant de 1939 – au moment de son estimation, et de l'ampleur des travaux envisagés, le prix de ceux-ci soit supérieur à la valeur vénale du bien-fond. À cela s'ajoute que les recourants ont eux-mêmes déclaré devant le Ministère public avoir procédé à une rénovation complète de leur villa – y compris de son système électrique – et "s'être fait plaisir" dans ce cadre-là. B______ a en outre précisé que les travaux avaient été réalisés "pièce après pièce" et que les factures y afférentes leur avaient été adressées "au fur et à mesure", ce qui explique le nombre de virements opérés par A______ en faveur de l'intimé et/ou de sa société.

Ainsi, aucun élément au dossier ne permet d'établir que les versements litigieux auraient dû être affectés à d'autres fins que celles de financer les travaux de rénovation. Rien ne permet non plus de retenir que les fonds payés à l'intimé auraient été utilisés contrairement à la destination convenue, puisque les recourants ne soutiennent pas que les travaux n'auraient pas été exécutés par l'intéressé.

Les deux quittances datées des 15 et 19 janvier 2020, de respectivement EUR 2'000.- et EUR 5'000.-, portant les indications "Appt Capital" et "pour Capital Appt Société", ne permettent pas de parvenir à une autre conclusion. Malgré le fait que les explications données à leur propos par l'intimé suscitent des interrogations, la nature et la destination des valeurs concernées demeurent, quoi qu'il en soit, incertaines. En effet, ces documents, sur lesquels ne figure pas le nom de la société D______ SÀRL – ou celui d'une quelconque autre entité –, ne comportent aucune instruction précise, de sorte que l'affectation des fonds n'est pas clairement définie.

Il en va de même des messages échangés entre les parties aux mois de juin et août 2020, puisque ni les sommes versées par les recourants à l'intimé ni leur montant ni le nom de la société D______ SÀRL n'y sont expressément mentionnés.

Ainsi, à défaut d'indices objectifs, il n'est pas possible d'établir une prévention pénale suffisante d'abus de confiance à l'encontre de l'intimé, de sorte qu'un acquittement apparaît plus probable qu'une condamnation. Exempte de critique, la décision entreprise sera donc confirmée sur ce point.

3.4.2. Enfin, les recourants ne développent aucun argument de nature à démontrer qu'ils auraient été victimes d'une escroquerie de la part de l'intimé. En tout état, les éléments constitutifs de cette infraction n'apparaissent pas réalisés. En effet, même à supposer que l'intimé eût trompé les recourants sur l'usage auquel étaient destinées les sommes d'argent versées – ce qui, au vu des considérations précédentes, n'est pas démontré –, la condition de l'astuce ferait manifestement défaut. En effet, on ne distingue pas de quelle manœuvre frauduleuse, édifice de mensonges ou mise en scène subtile les recourants auraient fait l'objet. Ils n'en invoquent d'ailleurs pas, puisqu'ils exposent avoir versé des sommes conséquentes à l'intimé, sans avoir signé un quelconque contrat ni s'être enquis de la situation économique – obérée – de la société, dans laquelle ils auraient prétendument investi. Par ailleurs, ils se sont acquittés de toutes les factures – relatives aux travaux de rénovation – qui leur ont été adressées, sans jamais les contester.

À cela s'ajoute qu'ils ne démontrent pas qu'un lien de confiance particulièrement fort les unissait à l'intimé au point de les dispenser de toutes vérifications préalables. L'existence d'une relation de nature presque familiale entre les parties n'est pas établie, étant précisé que l'intimé le conteste. Pour le surplus, s'il ressort des certificats médicaux établis les 17 janvier et 13 juin 2022 – soit à des périodes postérieures aux faits dénoncés – que les recourants souffrent d'un état d'anxiété, ces derniers ne soutiennent pas que leur état de santé les aurait empêchés de faire preuve du minimum d'attention et de prudence que l'on pouvait raisonnablement exiger d'eux, ni que l'intimé aurait abusé de leur éventuel état de faiblesse.

Enfin, ils ne disposent pas d'un intérêt juridique propre pour se plaindre d'une éventuelle infraction à la LTVA (cf. art. 98 let. g LTVA). Celle-ci protège en effet l'intérêt collectif, si bien que les intérêts privés des recourants ne sont pas susceptibles d'être touchés. En tout état de cause, le fait pour l'intimé d'avoir facturé cette taxe, alors que celle-ci n'aurait pas été due, ne saurait constituer un édifice de mensonges, ni même de fausses informations suffisamment astucieuses pour tromper les recourants. En effet, il leur aurait été loisible de vérifier les différents postes des factures réceptionnées et, le cas échéant, d'en contester les montants, ce qu'ils n'ont pas fait.

En l'absence de dupe, c'est donc à juste titre que le Ministère public a retenu qu'il n'y avait pas de prévention pénale suffisante de la commission d'une escroquerie. L'ordonnance querellée ne prête dès lors pas le flanc à la critique, sur ce point non plus.

3.4.3. Aucun acte d'instruction ne serait de nature à modifier les conclusions qui précèdent.

Comme retenu par le Ministère public, les auditions de Q______, S______ et U______ permettraient uniquement d'établir le coût des travaux exécutés par ceux-ci. L'audition de E______, de même que celles de W______, X______ et Y______ ne semblent pas non plus susceptibles d'apporter des éléments probants au dossier, puisqu'ils n'ont pas été témoins directs des faits dénoncés. De plus, ces trois dernières personnes reprochent à l'intimé d'avoir encaissé des fonds destinés à des travaux de rénovation qui n'auraient pas été exécutés par l'intéressé, de sorte que les faits ne sont pas similaires aux griefs élevés par les recourants à son égard. Enfin, on ne voit pas ce que l'audition de F______ pourrait amener comme élément complémentaire probant. En effet, comme l'a relevé le Ministère public, les versements litigieux sont antérieurs au rendez-vous du 17 août 2020 auquel la prénommée aurait participé. Pour le surplus, si les recourants allèguent que l'intimé leur aurait demandé, à cette occasion, EUR 600'000.- pour recapitaliser la société D______ SÀRL et EUR 50'000.- pour créer une menuiserie, ils ne soutiennent pas avoir donné suite à ces demandes. En tout état, aucune de ces auditions ne permettrait de conclure qu'ils auraient confié des valeurs patrimoniales à l'intimé, qui auraient dû être affectées au capital social de D______ SÀRL ou à la création d'une société.

C'est donc, également, à juste titre, que le Ministère public a rejeté les réquisitions de preuve sollicitées par les recourants.

4.             Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée.

5.             Les recourants, qui succombent, supporteront conjointement et solidairement les frais envers l'État, qui seront fixés en totalité à CHF 1'500.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

6.             L'intimé, qui obtient gain de cause, conclut à ce que les recourants soient condamnés au paiement de ses dépens pour la procédure de recours.

6.1.  En vertu de l'art. 436 al. 1 CPP, les prétentions en indemnité dans les procédures de recours sont régies par les art. 429 à 434 CPP.

6.2.  L'art. 429 al. 1 let. a CPP prévoit que si le prévenu est acquitté totalement ou en partie ou s'il bénéficie d'une ordonnance de classement, il a droit à une indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure.

Dans tous les cas, l'indemnité n'est due qu'à concurrence des dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable des droits de procédure du prévenu (Message relatif à l'unification du droit de la procédure pénale du 21 décembre 2005, FF 2006 1303, p. 1313). Le juge ne doit ainsi pas avaliser purement et simplement les notes d'honoraires qui lui sont le cas échéant soumises, mais, au contraire, examiner si l'assistance d'un conseil était nécessaire puis, dans l'affirmative, apprécier objectivement la pertinence et l'adéquation des activités facturées, par rapport à la complexité juridique et factuelle de l'affaire et, enfin, dire si le montant des honoraires réclamés, même conforme au tarif pratiqué, est proportionné à la difficulté et à l'importance de la cause, c'est-à-dire raisonnable au sens de la loi (ACPR/140/2013 du 12 avril 2013).

6.3.  Enfin, l'indemnité de l'art. 429 al. 1 let. a CPP est en principe à la charge de l'État. La jurisprudence a certes admis que les frais de défense du prévenu pouvaient, dans certaines configurations, être mis à la charge de la partie plaignante. Cette jurisprudence doit toutefois être interprétée restrictivement ; elle ne s'applique pas au cas du recours interjeté par la partie plaignante à l'encontre d'une décision de classement ou de non-entrée en matière (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1267/2019 du 13 mars 2020 consid. 2.2.1 ; 6B_105/2018 du 22 août 2018 consid. 4).

6.4.  En l'espèce, l'intimé conclut à l'allocation d'une indemnité de CHF 2'200.-, correspondant à cinq heures d'activité au tarif horaire de CHF 350.- et une heure d'activité au taux de CHF 450.-.

Compte tenu de l'ampleur de son écriture (8 pages d'observations, dont 4,5 pages de discussion juridique), l'indemnité réclamée paraît excessive. Elle sera ramenée à CHF 1'150.-, correspondant à trois heures d'activité [deux heures au tarif horaire de CHF 350.- et une heure au taux de CHF 450.-].

La TVA n'est pas due, l'intimé étant domicilié à l'étranger (ATF 141 IV 344 consid. 4.1 p. 346). Cette indemnité sera mise à la charge de l'État, conformément à la jurisprudence précitée.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Condamne A______ et B______, conjointement et solidairement, aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 1'500.-.

Dit que ce montant sera prélevé sur les sûretés versées.

Alloue à C______, à la charge de l'État, une indemnité de CHF 1'150.- à titre de dépens pour la procédure de recours.

Notifie le présent arrêt, en copie, aux parties, soit pour elles leurs conseils, et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Mesdames Daniela CHIABUDINI et Alix FRANCOTTE CONUS, juges; Monsieur Julien CASEYS, greffier.

 

Le greffier :

Julien CASEYS

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/19306/2020

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

30.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

1'395.00

- demande sur récusation (let. b)

CHF

Total

CHF

1'500.00