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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/4305/2020

ACPR/330/2023 du 09.05.2023 sur OCL/222/2023 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : CLASSEMENT DE LA PROCÉDURE;ABUS D'AUTORITÉ;POLICE;PROPORTIONNALITÉ
Normes : CPP.319; CP.125; CP.312

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/4305/2020 ACPR/330/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mardi 9 mai 2023

 

Entre

A______, domicilié c/o B______, ______, comparant par Me C______, avocate,

recourant,

contre l'ordonnance de classement rendue le 17 février 2023 par le Ministère public,

et

D______, c/o Me Marc-Alec BRUTTIN, avocat, rue du Mont-de-Sion 8, 1206 Genève,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. Par acte expédié le 2 mars 2023, A______ recourt contre l'ordonnance du 17 février 2023, notifiée le 20 suivant, par laquelle le Ministère public a classé sa plainte.

Le recourant conclut, sous suite de frais et dépens, préalablement, à l'octroi de l'assistance judiciaire et, principalement, à l'annulation de l'ordonnance querellée, au constat d'une "violation des art. 3 CEDH, 319 al. 1 CP, 123 et 125 CP et 312 CP", ainsi qu'au renvoi de la cause au Ministère public avec injonction de rendre une ordonnance pénale contre D______ pour lésions corporelles simples et abus d'autorité; subsidiairement, pour poursuite de l'instruction.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Le 28 février 2020, A______ a déposé plainte contre des "agents de police inconnus" pour lésions corporelles simples (art. 123 CP), omission de prêter secours (art. 128 CP) et abus d'autorité (art. 312 CP).

Alors qu'il se trouvait au café-bar E______ dans la soirée du 23 janvier 2020, il avait assisté à une altercation entre l'agent de sécurité des lieux, dénommé "F______", et un tiers qui se voyait refuser l'entrée. Il avait cherché à les séparer mais avait été pris "dans le tourbillon". À l'arrivée de la police, il avait été plaqué à terre, son visage heurtant violemment le sol. Le verre gauche de ses lunettes s'était brisé et les éclats de verre l'avaient blessé. Le, ou les, policier(s) l'avai(en)t immobilisé au sol, en tirant violemment son coude en arrière. Il avait alors indiqué aux agents que son bras était cassé. Son ami G______ avait assisté à la scène. Les agents l'avaient alors lâché, puis avaient pris son identité sans pour autant lui prêter secours. G______ avait dû appeler un [service de taxis privés] "H______" pour le conduire à l'hôpital. Il avait pu connaître le matricule des deux agents de police intervenus le soir en question, correspondant à I______ et D______.

À l'appui de sa plainte, A______ a produit des photographies de son visage présentant des lésions et un constat médical du 24 janvier 2020 faisant état d'une "fracture tiers moyen / tiers distal de la diaphyse humérale G". Dans la section "faits rapportés", il est stipulé: "Patient est intervenu dans une bagarre en voulant s'interposer, se serait fait prendre par la police et propulsé en avant avec TC sans PC et réception sur le membre supérieur gauche".

b. À teneur du Journal de police, D______ et I______ ont entendu des bruits d'altercation devant ledit café-bar. En se dirigeant sur les lieux, ils avaient constaté, à distance, qu'un homme, identifié comme étant J______, se trouvait couché à terre et recevait des coups de pied de A______. Lorsqu'ils étaient arrivés sur place, F______, responsable de la sécurité du bar, se trouvait penché au-dessus des deux autres protagonistes. I______ avait séparé F______ de la mêlée en le repoussant, tout en maintenant J______ au sol. D______ avait saisi l'anse du sac à dos porté par A______ pour l'écarter, en le tirant sur le côté. Ce dernier se trouvait déjà à quatre pattes.

L'inscription au Journal en question a été saisie par D______.

c. Entendu par l'Inspection générale des services (ci-après: IGS) le 12 novembre 2020, I______ a confirmé la teneur de la main-courante.

Au moment d'arriver sur les lieux avec D______, le "trio" était pris dans une mêlée au sol. Après l'intervention, la situation s'était rapidement calmée. Son collègue avait saisi A______ par le sac à dos pour l'éloigner des autres. Ne connaissant pas l'origine du conflit, leur première action avait été de séparer les trois hommes. À la suite de quoi, A______ s'était montré hautain et agressif envers eux. En raison de cette attitude, il n'avait pas vraiment échangé avec ce dernier. Il avait cru comprendre que celui-ci se plaignait d'avoir mal au bras mais le voyant débout et ne semblant pas souffrir, il n'avait pas imaginé que A______ eut pu avoir le bras cassé. Il lui avait proposé de faire appel à une ambulance, ce que l'intéressé avait refusé "sèchement". Il n'avait pas insisté, compte tenu du fait que A______ ne semblait pas blessé.

Il était peu probable que l'intervention de D______ eût causé la blessure au bras de A______, son collègue ne l'ayant pas immobilisé au sol.

d. Le 17 novembre 2020, l'IGS a entendu D______.

Dans ses souvenirs, A______ était déjà au sol, avec les deux autres personnes, lorsqu'il était arrivé à leur hauteur. Il avait saisi l'anse du sac à dos du précité pour le dégager de la mêlée, en le déplaçant d'un mètre environ. Cela s'était fait facilement et sans résistance. Il avait dû le maintenir "un instant" au sol, toujours en tenant l'anse du sac mais sans "l'écraser pour autant" et sans utiliser de clé de bras. Après l'intervention, la bagarre s'était immédiatement arrêtée. À aucun moment ils n'avaient su, avec son collègue, que A______ avait le bras cassé. Autrement, ils auraient immédiatement fait appel à une ambulance. Pour lui, la fracture était survenue durant l'altercation préalable. Le responsable de la sécurité avait parlé d'une chute dans les escaliers.

e. Le 24 novembre 2020, G______ a expliqué à l'IGS être un ami proche de A______.

Le soir en question, F______ s'était empoigné avec J______ et les deux étaient tombés, ensemble, en bas des marches de la terrasse. A______ était alors intervenu pour les séparer mais avait été pris dans la mêlée, se retrouvant par terre, à plat ventre. Au moment d'aller vers son ami pour l'aider à se relever, il avait été dépassé par "trois ou quatre policiers" qui couraient vers le trio. Un des agents avait "plaqué" A______ alors que celui-ci se relevait. Il avait vu la violence du "plaquage" et l'épaule de son ami heurter le sol. La fracture avait dû intervenir à ce moment car il avait entendu A______ "crier de douleur". Le policier n'avait toutefois ni saisi le bras du précité, ni effectué une clé. Avant, son ami avait été projeté au sol en tentant de séparer F______ et J______ mais n'était pas tombé dans les escaliers. Après la fin de l'altercation, il avait informé les policiers que A______ avait mal au bras. Ceux-ci avaient proposé de faire appel à une ambulance mais s'étaient ensuite "vexés" du fait qu'il avait remis en cause la virulence de leur intervention et n'avaient donc pas contacté les secours.

f. L'IGS a contacté par téléphone F______, lequel vit dorénavant au Portugal. Il n'a donc pas pu être auditionné.

g. Le 2 février 2021, le Ministère public a ouvert une instruction pour lésions corporelles simples, abus d'autorité et omission de prêter secours, et mis A______ au bénéfice de l'assistance juridique gratuite, nommant Me C______ à ce titre.

g. Le 18 octobre 2021, le Ministère public a tenu une audience de confrontation.

A______ a précisé qu'au moment où il était intervenu, F______ et J______ se trouvaient en haut des escaliers. Il s'était interposé et ils s'étaient tous retrouvés en bas, mais lui-même avait descendu les marches pour ne pas perdre l'équilibre. Alors qu'il se trouvait à genoux, il avait été bousculé vers l'avant et avait atterri sur les mains. Il avait voulu se relever mais s'était retrouvé immobilisé au sol, en sentant une main qui appuyait son visage contre terre. Son bras gauche, qui était dans son dos, "ne répondait plus".

Il pensait que son bras s'était cassé au moment de "la bousculade" et non lorsqu'il avait été tiré en arrière. Il se souvenait d'avoir hurlé pour que son bras soit lâché.

I______ et D______ ont confirmé leurs précédentes déclarations.

h. Le 16 mai 2022, le Ministère public a entendu G______, en présence de D______ et de son conseil.

Selon ses déclarations, A______ avait descendu les escaliers après les deux autres protagonistes, pour se retrouver derrière F______, où il s'était fait repousser. Son ami ne s'était pas retrouvé au sol et revenait vers lui au moment d'être "plaqué" par un policier, lequel lui avait mis la main gauche dans le dos.

C. Dans l'ordonnance querellée, le Ministère public retient factuellement que A______ avait dévalé l'escalier avec les deux autres protagonistes de l'altercation. Une fois sur place, D______ avait saisi l'anse du sac à dos porté par A______ pour l'écarter de la mêlée et l'avait maintenu quelques instants avant de le relâcher. Il n'était pas établi que D______ avait plaqué au sol A______, ni qu'il lui avait fait une clé de bras. Il ne pouvait également pas être retenu que le policier avait conscience de la blessure du plaignant. Dans ces circonstances, la fracture subie par le plaignant ne pouvait pas être imputée aux policiers mais découlait plutôt de l'altercation dans laquelle il s'était volontairement impliqué et qui l'avait vu dévaler les escaliers. Les lésions fussent-elles causées par D______, celui-ci avait été contraint, vu l'altercation, de faire usage de la force pour séparer les protagonistes. Son action était ainsi couverte par la mission de la police. Dès lors que D______ n'avait pas conscience de la blessure de A______ et qu'il avait, néanmoins, proposé de faire appel à une ambulance, il ne pouvait lui être reproché d'avoir omis de prêter secours. Pour l'abus d'autorité, D______ n'était pas à l'origine des blessures présentées par A______ et, dans tous les cas, son intervention était justifiée et proportionnée.

D. a. Dans son recours, A______ se plaint d'un établissement arbitraire des faits. Le Ministère public se fondait sur les seules déclarations des policiers pour établir le déroulement des faits sans tenir compte des photographies et du constat médical versés à la procédure, ainsi que du témoignage de G______ à teneur duquel il avait été violemment plaqué au sol. Ce dernier avait même affirmé qu'il considérait l'intervention policière comme "disproportionnée". En violation de l'art. 3 CEDH, le Ministère public persistait à privilégier de manière inadmissible la version des agents de police au détriment de la sienne. Il apparaissait que les conditions des infractions de dommage à la propriété, de lésions corporelles simples – par dol éventuel ou par négligence ainsi que d'abus d'autorité étaient réalisées. Il renonçait toutefois à recourir s'agissant de l'omission de prêter secours. Le témoignage de G______ permettait d'affirmer que la lésion subie était la conséquence du plaquage au sol effectué par D______. Il n'avait, par ailleurs, aucune raison "d'accabler" ce dernier au vu "du taux de classement élevé s'agissant d'infraction[s] pénales reprochées à des agents de police dans l'accomplissement de leur fonction". Par ailleurs, les actes de D______ ne pouvaient pas être couverts par la mission de la police dès lors que l'altercation n'avait causé aucune lésion importante aux participants, ce qui ne justifiait donc pas un "brutal plaquage" ayant engendré une fracture du bras.

b. Par ses observations, D______ conteste un établissement arbitraire des faits et la réalisation des infractions concernées.

c. Dans ses observations, le Ministère public conclut au rejet du recours. Son appréciation des preuves se fondait sur l'ensemble du dossier et ne présentait aucun trait arbitraire. Les déclarations de G______ s'étaient avérées fluctuantes au fil de la procédure. Les photographies et le constat médical attestaient certes de lésions, sans pour autant établir leur origine. Il n'avait pas ordonné le classement de la procédure au bénéfice du doute; les éléments mis en évidence durant l'instruction avaient corroboré la version des policiers, à savoir qu'ils n'avaient pas plaqué A______ au sol, ni effectué une clé de bras à ce dernier.

d. Dans sa réplique, A______ soutient que les "quelques imprécisions ou lacunes" dans le discours de G______ pouvaient s'expliquer par l'écoulement du temps. Pour le surplus, il appartenait à un tribunal d'examiner l'éventuel lien de connexité entre sa fracture et l'intervention de D______. Le Ministère public pouvait, à titre subsidiaire, entendre F______ ou J______.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du plaignant qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             Il n'y a pas place pour des conclusions constatatoires là où, comme en l'espèce, des conclusions formatrices sont possibles (ATF 135 I 119 consid. 4 p. 122). Il n’y a donc pas à "constater" une violation de l'art. 3 CEDH et des autres normes invoquées par le recourant.

3.             Le recourant conteste le classement de sa plainte, à l'exception de l'infraction d'omission de prêter secours.

3.1. Conformément à l'art. 319 al. 1 let. a CPP, le ministère public ordonne le classement de tout ou partie de la procédure lorsqu'aucun soupçon justifiant une mise en accusation n'est établi.

Selon la jurisprudence, cette disposition doit être appliquée conformément à l'adage "in dubio pro duriore". Celui-ci découle du principe de la légalité (art. 5 al. 1 Cst. et 2 al. 1 CPP en relation avec les art. 309 al. 1, 319 al. 1 et 324 CPP; ATF 138 IV 86 consid. 4.2 p. 91) et signifie qu'en principe, un classement ou une non-entrée en matière ne peuvent être prononcés par le ministère public que lorsqu'il apparaît clairement que les faits ne sont pas punissables ou que les conditions à la poursuite pénale ne sont pas remplies. Le ministère public et l'autorité de recours disposent, dans ce cadre, d'un pouvoir d'appréciation.

La procédure doit se poursuivre lorsqu'une condamnation apparaît plus vraisemblable qu'un acquittement ou lorsque les probabilités d'acquittement et de condamnation apparaissent équivalentes, en particulier en présence d'une infraction grave. En effet, en cas de doute s'agissant de la situation factuelle ou juridique, ce n'est pas à l'autorité d'instruction ou d'accusation mais au juge matériellement compétent qu'il appartient de se prononcer (ATF 143 IV 241 consid. 2.2.1 p. 243; 138 IV 86 consid. 4.1.2 p. 91 et les références citées).

3.2. Se rend coupable de lésions corporelles simples celui qui, intentionnellement, aura fait subir à une personne une atteinte à l'intégrité corporelle ou à la santé (art. 123 ch. 1 CP). Sous l'effet d'un choc ou au moyen d'un objet, l'auteur dégrade le corps humain d'autrui, que la lésion soit interne ou externe ; il provoque une fracture, une foulure, une coupure ou toute autre altération constatable du corps humain (arrêt du Tribunal fédéral 6B_187/2015 du 28 avril 2015 consid. 2.1).

L'art. 125 CP réprime le comportement de celui qui, par négligence, aura fait subir à une personne une atteinte à l'intégrité corporelle ou à la santé. Elle suppose la réalisation de trois conditions: une négligence, une atteinte à l'intégrité physique et un lien de causalité naturelle et adéquate entre ces deux éléments.

3.3. L'art. 144 al. 1 CP réprime – sur plainte préalable – l'infraction de dommages à la propriété, soit celui qui aura endommagé, détruit ou mis hors d'usage une chose appartenant à autrui ou frappé d'un droit d'usage ou d'usufruit au bénéfice d'autrui.

3.4. L'art. 312 CP réprime les membres d'une autorité et les fonctionnaires qui, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un avantage illicite, ou dans le dessein de nuire à autrui, auront abusé des pouvoirs de leur charge.

Cette disposition protège, d'une part, l'intérêt de l'État à disposer de fonctionnaires loyaux qui utilisent les pouvoirs qui leur ont été conférés en ayant conscience de leur devoir et, d'autre part, l'intérêt des citoyens à ne pas être exposés à un déploiement de puissance étatique incontrôlé et arbitraire. L'incrimination pénale doit être interprétée restrictivement, compte tenu de la formule très générale qui définit l'acte litigieux. L'auteur n'abuse ainsi de son autorité que lorsqu'il use de manière illicite des pouvoirs qu'il détient de sa charge, c'est-à-dire lorsqu'il décide ou contraint en vertu de sa charge officielle dans un cas où il ne lui était pas permis de le faire. L'infraction peut aussi être réalisée lorsque l'auteur poursuit un but légitime, mais recourt pour l'atteindre à des moyens disproportionnés (ATF 127 IV 209 consid. 1a/aa p. 211 et b et les arrêts cités; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1351/2017 du 18 avril 2018 consid. 4.2).

3.5.1. Aux termes de l'art. 14 CP, quiconque agit comme la loi l'ordonne ou l'autorise se comporte de manière licite, même si l'acte est punissable en vertu du présent code ou d'une autre loi. En ce qui concerne le devoir de fonction, c'est le droit cantonal qui détermine, pour les agents publics cantonaux, s'il existe un devoir de fonction et quelle en est l'étendue (ATF 121 IV 207 consid. 2a p. 212).

3.5.2. Selon l'art. 45 de la loi sur la police du 9 septembre 2014 (F 1 05; LPol), la police exerce ses tâches dans le respect des droits fondamentaux et des principes de légalité, de proportionnalité et d'intérêt public (al. 1). En cas de troubles ou pour écarter des dangers menaçant directement la sécurité et l'ordre public, elle prend les mesures d'urgence indispensables (al. 2).

3.6. En l'espèce, il n'est pas contesté que le recourant a été blessé au cours des événements du 23 janvier 2020, subissant notamment une fracture de l'humérus. Ce dernier allègue également que ses lunettes se seraient brisées à cette occasion.

Le recourant estime que le prévenu serait l'auteur de ces atteintes, tandis que le Ministère public rejette ce constat, au motif qu'il ne peut pas être établi, et retient plutôt que l'intéressé se serait blessé en dévalant les escaliers.

L'examen des éléments au dossier conduit à suivre partiellement l'appréciation du Ministère public. En effet, force est de constater que la version défendue par le recourant présente de nombreuses contradictions et incohérences.

Tout d'abord, il a soutenu, dans sa plainte, que la fracture avait succédé à la clé de bras effectuée par le prévenu. Néanmoins, à teneur de l'attestation médicale, il n'a pas mentionné un tel geste au médecin pour expliquer ses lésions, lesquelles sont plutôt mises en relation avec une "réception sur le membre supérieur gauche". De surcroît, par-devant le Ministère public, il a déclaré que, selon lui, la blessure était intervenue durant "la bousculade" et non lorsque son bras avait été tiré en arrière.

Par ailleurs, l'ami présent au moment des faits a, dans un premier temps, déclaré que le prévenu n'avait pas tenu le bras du recourant, ni effectué de clé pour maîtriser ce dernier, avant de soutenir l'inverse lors de sa seconde audition. En outre, selon ses dires, le recourant était tantôt au sol, tantôt debout, au moment d'être "plaqué" à terre durant l'intervention des policiers, lesquels étaient "trois ou quatre".

À l'inverse, les déclarations du prévenu et de son collègue sur le déroulement des évènements sont restées constantes et complémentaires au fil de la procédure. Elles trouvent, de surcroît, écho avec leur description de l'incident dans le Journal de la police.

Ainsi, le Ministère public n'a pas versé dans l'arbitraire en retenant que le prévenu était intervenu pour mettre un terme à l'altercation et qu'à cette fin, il avait saisi l'anse du sac à dos du recourant – qui était sur les genoux, comme l'intéressé l'a confirmé dans ses dernières déclarations – pour l'écarter de la mêlée, en le maintenant quelques instants avant de le relâcher.

En revanche, le Ministère public ne saurait être suivi lorsqu'il considère que le recourant se serait blessé en dévalant les escaliers, dans la mesure où les différentes déclarations recueillies par les protagonistes n'ont pas permis d'établir si celui-ci a effectivement chuté dans les marches avec les deux autres individus impliqués dans l'empoignade.

Cela étant, ce qui précède ne suffit pas à fonder une prévention pénale à l'encontre du prévenu.

3.7. Le recourant est intervenu dans l'altercation initiale et a dit avoir été pris dans "le tourbillon" de la mêlée. Dans ce contexte, il a allégué avoir été bousculé et avoir atterri sur les mains, après l'épisode de l'escalier. Il en découle qu'il s'est retrouvé au sol avant l'arrivée de la police sur les lieux.

Ainsi, dans la mesure où la fracture du bras découle vraisemblablement d'une "réception sur le membre supérieur gauche", il est parfaitement possible que la blessure – et le bris des lunettes – soient étrangers à l'intervention policière.

Par conséquent, on ne saurait admettre avec certitude que l'intervention du prévenu serait la cause des atteintes subies par le recourant.

G______ a, certes, évoqué ensuite un violent placage de son ami par le prévenu, ce que ce dernier conteste.

Or, il ressort du dossier que, sans connaître les origines de l'altercation et les protagonistes, les policiers se sont retrouvés face à trois personnes en train d'en découdre au sol. Pour y mettre un terme, le prévenu a allégué avoir saisi l'anse du sac à dos du recourant pour l'éloigner de la mêlée, sans faire un usage excessif de la force, ceci pour protéger tant l'intéressé que les deux autres personnes impliquées, ce que son collègue a confirmé.

Les déclarations des protagonistes sont ainsi contradictoires et le témoignage de G______ sujet à caution, vu ses liens d'amitié avec le recourant.

Dès lors, on peine à voir un quelconque lien de causalité entre lesdites lésions et l'intervention policière, ce qui permet d'exclure les infractions visées aux art. 123 et 125 CP.

L'attitude du prévenu, consistant à séparer les protagonistes et à écarter le recourant de la mêlée, apparaît en outre justifiée et proportionnée aux circonstances.

En conséquence, les conditions pour un abus d'autorité ne sont également pas remplies.

Compte tenu de ce qui précède, c'est à bon droit que le Ministère public a classé la procédure.

4.             Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée.

5.             Le recourant, déjà au bénéfice de l'assistance judiciaire gratuite, sera exemptée des frais de la procédure (art. 136 al. 2 let. b CPP).

6.             La procédure étant terminée (art. 135 al. 2 cum 138 CPP), il convient de rétribuer le conseil juridique gratuit pour son activité en deuxième instance.

6.1. Les art. 135 al. 1 cum 138 al. 1 CPP prévoient que le conseil juridique gratuit est indemnisé conformément au tarif des avocats de la Confédération ou du canton du for du procès. À Genève, ce tarif est édicté à l'art. 16 RAJ et s'élève à CHF 200.- de l'heure pour un chef d'étude (al. 1 let. c).

Seules les prestations nécessaires sont retenues; elles sont appréciées en fonction, notamment, de la nature, l'importance et les difficultés de la cause, de la qualité du travail fourni et du résultat obtenu (art. 16 al. 2 RAJ).

6.2. En l'occurrence, le conseil du recourant sollicite une indemnité de CHF 1'200.-, correspondant à six heures d'activité pour une cheffe d'étude. Cette durée apparaît excessive pour la rédaction d'un recours de huit pages (page de garde et conclusions incluses et une entière consacrée inutilement à l'octroi de l'assistance judiciaire pour la procédure de recours), auquel il faut ajouter trois pages d'observations.

L'indemnité allouée sera ainsi ramenée à CHF 861.60.-, correspondant à quatre heures d'activité pour l'ensemble des écritures, au tarif horaire de CHF 200.-, TVA à 7.7% incluse.

7.             L'intimé, prévenu, qui obtient gain de cause, doit être indemnisé pour les frais encourus par le dépôt d'observations (art. 429 al. 1 let. a CPP).

7.1. L'autorité pénale amenée à fixer une indemnité sur le fondement de l'art. 429 al. 1 let. a CPP n'a pas à avaliser purement et simplement les notes d'honoraires d'avocats qui lui sont soumises : elle doit, au contraire, examiner, tout d'abord, si l'assistance d'un conseil était nécessaire, puis, dans l'affirmative, apprécier objectivement la pertinence et l'adéquation des activités facturées, par rapport à la complexité juridique et factuelle de l'affaire, et, enfin, dire si le montant des honoraires réclamés, même conformes au tarif pratiqué à Genève, est proportionné à la difficulté et à l'importance de la cause, c'est-à-dire raisonnable au sens de la loi (ACPR/232/2023 du 29 mars 2023 consid. 7.1).

7.2. En l'espèce, l'intimé conclut au versement d'une indemnité de CHF 1'453.95 TTC, correspondant à 4 heures 30 d'activité pour un collaborateur, au tarif horaire de CHF 300.-, qui se décompose par: 1h pour la prise de connaissance du recours, 0h30 pour des discussions entre client et avocat, 1h30 pour la "reprise du dossier pénal" et 1h30 pour la rédaction des observations d'à peine trois pages.

Ce temps parait excessif, d'autant plus que son conseil est déjà intervenu devant l'autorité précédente et que le dossier lui était donc connu.

L'indemnité sera ramenée à CHF 646.20 (TVA à 7.7% incluse), correspondant à deux heures d'activité au total, au tarif demandé de CHF 300.- de l'heure.

Cette indemnité sera laissée à la charge de l'État.

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Rejette le recours.

Laisse les frais de la procédure de recours à la charge de l'État.

Alloue à Me C______, à la charge de l'État, une indemnité de CHF 861.60, TVA (7.7%) incluse, pour la procédure de recours.

Alloue à D______, à la charge de l'État, une indemnité de CHF 646.20, TVA (7.7%) incluse, pour les dépenses occasionnées par l’exercice raisonnable de ses droits de procédure.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant et à D______, soit pour eux leurs conseils respectifs, et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Alix FRANCOTTE CONUS, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).