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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/10856/2022

ACPR/333/2023 du 09.05.2023 sur ONMMP/3488/2022 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : ORDONNANCE DE NON-ENTRÉE EN MATIÈRE;APPROPRIATION ILLÉGITIME;VOL(DROIT PÉNAL);ABUS DE CONFIANCE
Normes : CPP.310; CP.138; CP.137; CP.139

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/10856/2022 ACPR/333/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mardi 9 mai 2023

 

Entre

A______, domicilié ______, comparant par Me Romain JORDAN, avocat, Merkt & Associés, rue Général-Dufour 15, case postale, 1211 Genève 4,

recourant,

 

contre l'ordonnance de non-entrée en matière rendue le 10 octobre 2022 par le Ministère public,

 

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. Par acte expédié le 21 octobre 2022, A______ recourt contre l'ordonnance du 10 précédent, communiquée par pli simple, par laquelle le Ministère public a refusé d'entrer en matière sur sa plainte.

Le recourant conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de l'ordonnance querellée et au renvoi de la cause au Ministère public pour qu'il ouvre une instruction pour vol, abus de confiance – voire appropriation illégitime –; cela fait, à ce que le Ministère public procède à une audience de confrontation entre les parties, à l'audition de plusieurs personnes qu'il énumère et à la saisie des objets litigieux.

b. Le recourant a versé les sûretés en CHF 900.- qui lui étaient réclamées par la Direction de la procédure.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a.B______ est décédé le ______ 2021 à Genève, laissant pour seul héritier son fils adoptif, A______. Selon le certificat d'héritier du 10 septembre 2021, la succession du premier a été entièrement dévolue au second.

b. Par courrier du 25 avril 2022, A______ a déposé plainte pénale à l'encontre de C______, ancienne amie de feu son père, pour abus de confiance, subsidiairement vol.

B______ avait confié à C______ plusieurs bibelots égyptiens, des étagères achetées en Italie, ainsi qu'une chaîne avec pendentif en or aux motifs égyptiens. Après avoir tenté à plusieurs reprises – en vain – de récupérer ces objets, son père l'avait de son vivant mandaté d'en demander à la prénommée la restitution, ce qu'il avait fait par courriers des 10 mars et 4 avril (recte : 28 mars) 2022. Par réponse du 12 avril 2022, C______ avait refusé de donner suite à sa demande, prétendant n'avoir jamais été en possession d'objets appartenant à feu son père.

c. À l'appui de sa plainte, A______ produit l'échange de courriels avec C______ et une attestation de D______ [sa mère biologique], aux termes de laquelle, cette dernière avait aperçu dans l'appartement de C______ les objets susmentionnés, lesquels appartenaient à B______.

d. Entendue par la police, le 15 juin 2022, C______, née en 1933, a déclaré qu'elle voyait presque tous les jours B______, qui était son compagnon. Ce dernier lui avait donné deux étagères en métal – déménagés dans son appartement par le concierge de l'époque – et une dizaine d'objets de décoration orientaux en laiton, mais pas de chaîne en or. Elle n'avait aucune relation avec A______ et n'était pas disposée à lui rendre les objets que B______ lui avait offerts. D______ était déjà venue dans son appartement.

e. À teneur du rapport de renseignements du 30 août 2022, la police a procédé, moyennant un accord préalable de C______, à une perquisition du domicile de la prénommée qui a conduit à la découverte de deux étagères contenant des objets de décoration et de six bibelots aux motifs orientaux. Des photos de ces objets ont été jointes.

C. Dans son ordonnance querellée, le Ministère public considère qu'au vu des déclarations contradictoires des parties et en l'absence d'élément de preuve objectif permettant de privilégier l'une ou l'autre des versions, il n'était pas établi que C______ avait dérobé les biens litigieux, ni que ceux-ci lui avaient été confiés. Les éléments constitutifs des infractions dénoncées n'étaient dès lors pas réalisés.

D. a. À l'appui de son recours, A______ reproche au Ministère public d'avoir violé le principe "in dubio pro duriore" et les art. 310 al. 1 let. a CPP et 3  CEDH, dans la mesure où il n'avait pas procédé aux actes d'enquête susceptibles d'éclaircir les faits dénoncés. C______ s'était rendue coupable de vol, subsidiairement d'abus de confiance et d'appropriation illégitime, dès lors qu'elle avait refusé à tort de lui restituer des objets qui lui appartenaient par l'effet de la dévolution successorale.

b. À réception des sûretés, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et – les formalités de notification (art. 85 al. 2 CPP) n'ayant pas été observées – dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du plaignant qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement irrecevables ou mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

3.             Le recourant reproche au Ministère public de ne pas être entré en matière sur sa plainte.

3.1.       Conformément à l'art. 310 al. 1 let. a CPP, le ministère public rend immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière s'il ressort de la dénonciation ou du rapport de police que les éléments constitutifs de l'infraction ou les conditions à l'ouverture de l'action pénale ne sont manifestement pas réunis.

Selon la jurisprudence, cette disposition doit être appliquée conformément à l'adage "in dubio pro duriore" (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1456/2017 du 14 mai 2018 consid. 4.1 et les références citées). Celui-ci découle du principe de la légalité (art. 5 al. 1 Cst. et 2 al. 1 CPP en relation avec les art. 309 al. 1, 319 al. 1 et 324 CPP; ATF 138 IV 86 consid. 4.2) et signifie qu'en principe, un classement ou une non-entrée en matière ne peuvent être prononcés par le ministère public que lorsqu'il apparaît clairement que les faits ne sont pas punissables ou que les conditions à la poursuite pénale ne sont pas remplies. Le ministère public et l'autorité de recours disposent, dans ce cadre, d'un certain pouvoir d'appréciation. La procédure doit se poursuivre lorsqu'une condamnation apparaît plus vraisemblable qu'un acquittement ou lorsque les probabilités d'un acquittement et de condamnation apparaissent équivalentes, en particulier en présence d'une infraction grave. En effet, en cas de doute s'agissant de la situation factuelle ou juridique, ce n'est pas à l'autorité d'instruction ou d'accusation mais au juge matériellement compétent qu'il appartient de se prononcer (ATF 143 IV 241 consid. 2.2.1; 138 IV 86 consid. 4.1.2 et les références citées).

Des motifs de fait peuvent justifier la non-entrée en matière. Il s'agit des cas où la preuve d'une infraction, soit de la réalisation en fait de ses éléments constitutifs, n'est pas apportée par les pièces dont dispose le ministère public. Il faut que l'insuffisance de charges soit manifeste. Le procureur doit examiner si une enquête, sous une forme ou sous une autre, serait en mesure d'apporter des éléments susceptibles de renforcer les charges contre la personne visée. Ce n'est que si aucun acte d'enquête ne paraît pouvoir amener des éléments susceptibles de renforcer les charges contre la personne visée que le ministère public peut rendre une ordonnance de non-entrée en matière (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suise, 2ème éd., Bâle 2019, n. 9 ad art. 310).

Une non-entrée en matière s'impose également lorsque le litige est de nature purement civile (ATF 137 IV 285 consid. 2.3 p. 287 s.).

3.2.1. L'art. 139 ch. 1 CP punit, du chef de vol, celui qui, pour se procurer ou procurer à un tiers un enrichissement illégitime, aura soustrait une chose mobilière appartenant à autrui dans le but de se l'approprier.

L'infraction suppose l'existence d'une chose mobilière appartenant à autrui: une autre personne que l'auteur doit avoir un droit de propriété sur la chose volée (ATF 124 IV 102 consid. 2 p. 104).

Le comportement délictueux consiste à soustraire la chose. Autrement dit, une autre personne avait la possession de la chose (même non exclusive), l'auteur la lui enlève contre sa volonté et prend ainsi sa place. Le lésé devait être possesseur de la chose et l'auteur, par la soustraction, a acquis une possession qu'il n'avait pas auparavant (B. CORBOZ, Les infractions en droit suisse, vol. I, Berne 2010, n. 2 ad art. 139  CP).

Du point de vue subjectif, pour que l'infraction de vol soit réalisée, il faut que l'auteur ait agi intentionnellement, dans le dessein de s'approprier la chose mobilière appartenant à autrui et dans celui de se procurer ainsi, ou de procurer à autrui, un enrichissement illégitime (arrêt du Tribunal fédéral 6B_311/2013 du 28 mai 2013 consid. 2.4).

3.2.2. Selon l'art. 138 ch. 1 al. 1 CP, commet un abus de confiance celui qui, pour se procurer ou procurer à un tiers un enrichissement illégitime, se sera approprié une chose appartenant à autrui et qui lui avait été confiée.

Sur le plan objectif, cette infraction suppose la réalisation de trois conditions, à savoir l'existence d'une chose mobilière, que cette chose ait été confiée à l'auteur et que ce dernier se soit approprié la chose en violation du rapport de confiance (ATF 120 IV 276 consid. 2 p. 278).

Une chose est confiée au sens de cette disposition lorsqu'elle est remise ou laissée à l'auteur pour qu'il l'utilise de manière déterminée dans l'intérêt d'autrui, en particulier pour la garder, l'administrer, la livrer ou la vendre selon des instructions qui peuvent être expresses ou tacites (ATF 120 IV 117 consid. 2b p. 115; 118 IV 32 consid. 2a p. 33). L'appropriation implique que l'auteur veut, d'une part, la dépossession durable du propriétaire et, d'autre part, qu'il entend s'attribuer la chose, au moins pour un temps; cette volonté doit se manifester par des signes extérieurs : l'auteur doit se comporter d'une manière qu'il montre qu'il incorpore la chose à son patrimoine, que ce soit pour la conserver, la consommer ou l'aliéner, et se considère comme propriétaire, sans pour autant en avoir la qualité (ATF 121 IV 23 consid. 1c p. 25; 118 IV 148 consid. 2a p. 151 et les arrêts cités), et ce, dans un dessein d'enrichissement illégitime (ATF 133 IV 21 consid. 6.1.2 p. 27; arrêt du Tribunal fédéral 6B_61/2015 du 14 mars 2016 consid. 4.1).

Du point de vue subjectif, l'auteur doit agir intentionnellement, avec le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, qui peut être réalisé par dol éventuel (ATF 118 IV 32 consid. 2 p. 33).

3.2.3. Selon l'art. 137 al. 1 CP, est coupable d'appropriation illégitime celui qui, pour se procurer ou procurer à un tiers un enrichissement illégitime, se sera approprié une chose mobilière appartenant à autrui.

3.3. En l'espèce, dans la mesure où le recourant allègue que feu son père aurait volontairement remis à la mise en cause les objets litigieux, l'application des art. 137 et 139 CP doit, d'emblée, être écartée.

Quant à l'abus de confiance, il est non contesté que feu B______ a remis à la mise en cause deux étagères et une dizaine d'objets de décoration orientaux. Les parties divergent quant à la question de savoir à quel titre lesdits objets ont été reçus – prêt selon le recourant et donation selon la mise en cause –, chacune estimant revêtir la qualité de propriétaire.

Force est de constater qu'il n'existe à la procédure aucun élément probant apte à établir la propriété de l'une ou de l'autre des parties sur les objets litigieux. Rien ne permet de contredire les affirmations de la mise en cause selon lesquelles feu B______ les lui aurait donnés ou offerts, eu égard aux liens étroits les unissant. Le recourant n'a nullement établi le contraire. Il n'a produit qu'une attestation de sa mère biologique aux termes de laquelle cette dernière aurait aperçu les objets litigieux dans l'appartement de la mise en cause, document impropre à établir si ceux-ci avaient été confiés ou offerts à la précitée.

S'agissant de la chaine avec pendentif en or – dont le recourant n'a produit aucune photographie –, la mise en cause conteste l'avoir reçue et la perquisition de son logement n'a pas permis la découverte de cet objet.

Les actes d'instruction sollicités n'apparaissent pas susceptibles d'apporter d'élément complémentaire probant. En effet, rien n'indique qu'une confrontation permettrait de faire avancer l'instruction, car il y a tout lieu de penser que les parties maintiendraient leur version en audience contradictoire devant le Ministère public. L'audition de la mère biologique du recourant, à supposer qu'elle confirme la version des faits de ce dernier, devrait être retenue avec circonspection, eu égard aux liens les unissant, de sorte que ce témoignage ne saurait ainsi constituer, à lui seul, un élément de preuve à charge suffisant. De même, l'audition du concierge de l'époque ne porterait que sur des faits indirects, comme l'existence de deux étagères – ce qui ressort également des photos versées au dossier par la police – sans nécessairement révéler quoi que ce soit sur la propriété des bien litigieux, ni sur l'existence de la chaîne avec pendentif en or. Finalement, la saisie des objets découverts lors de la perquisition est une mesure impropre à étayer la prévention.

Il ressort de ce qui précède que rien ne permet de fonder un soupçon suffisant d'abus de confiance. Partant, c'est à juste titre que le Ministère public n'est pas entré en matière sur les faits dénoncés.

4. Justifiée, l'ordonnance querellée sera confirmée.

5. Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, qui seront fixés en totalité à CHF 900.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP; E 4 10.03).

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, fixés en totalité à CHF 900.-.

Dit que ce montant sera prélevé sur les sûretés versées.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Mesdames Daniela CHIABUDINI et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Monsieur Julien CASEYS, greffier.

 

Le greffier :

Julien CASEYS

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/10856/2022

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

815.00

- demande sur récusation (let. b)

CHF

Total

CHF

900.00