Aller au contenu principal

Décisions | Chambre pénale de recours

1 resultats
PS/6/2023

ACPR/268/2023 du 12.04.2023 ( PSPECI ) , ADMIS

Descripteurs : EXÉCUTION DES PEINES ET DES MESURES;BRACELET ÉLECTRONIQUE;DEVOIR DE COLLABORER
Normes : CP.79.letb; RSE.4.letg

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

PS/6/2023 ACPR/268/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mercredi 12 avril 2023

 

Entre

A______, domicilié ______, comparant par Me B______, avocat, ______,

recourant,

 

contre la décision rendue le 6 janvier 2023 par le Service de l'application des peines et mesures,

 

et

LE SERVICE DE L'APPLICATION DES PEINES ET MESURES, case postale 1629, 1211 Genève 26,

intimé.


EN FAIT :

A. a. Par acte expédié le 19 janvier 2023, A______ recourt contre la décision du 6 janvier 2023, communiquée par courrier A+, par laquelle le Service de l'application des peines et mesures (ci-après, SAPEM) lui a refusé l'autorisation d'exécuter ses peines sous une forme alternative.

Le recourant conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de la décision entreprise et à ce qu'il soit autorisé à exécuter ses peines sous la forme de la surveillance électronique.

Il sollicite également l'octroi de l'assistance judiciaire pour la procédure de recours.

b. Par ordonnance OCPR/2/2023 du 23 janvier 2023, l'effet suspensif a été accordé au recours et un délai imparti au SAPEM pour s'exprimer.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a.a. A______ a été condamné, par ordonnance pénale du 14 janvier 2019, à une peine pécuniaire de 60 jours-amende à CHF 110.- ainsi qu'à une amende de CHF 400.- – laquelle est à présent prescrite – pour injure et menaces.

a.b. Précédemment, par ordonnance pénale du 5 octobre 2018, il avait été condamné à une peine pécuniaire de 100 jours-amende à CHF 110.- pour injure, contrainte et menace. Cette peine, assortie d'un sursis de trois ans, a été révoquée par le Ministère public le 14 janvier 2019.

b. Le 26 mars 2021, A______ a demandé à pouvoir exécuter les peines précitées sous la forme d'une surveillance électronique.

c. Le 25 janvier 2022, le SAPEM a refusé sa demande au motif qu'il n'avait pas respecté l'obligation de communiquer et de coopérer avec le Service de probation et d'insertion (ci-après; SPI).

d. Par pli du 7 mars 2022, A______, sous la plume de son conseil, a expliqué qu'ensuite d'un accident survenu le 15 janvier 2021, il avait "perdu pied" et, notamment, cessé d'ouvrir son courrier et d'effectuer certaines démarches administratives, ce qui expliquait son absence aux entretiens qui lui avaient été fixés. Bien qu'il soit encore en incapacité totale de travail et soumis à une saisie sur les indemnités journalières perçues en raison de ses dettes, il sollicitait un plan de paiement ou l'autorisation d'exécuter ses peines sous une forme alternative.

À l'appui, il a notamment produit des documents attestant de sa situation médicale.

e. À réception, le SAPEM a révoqué l'inscription de l'intéressé au bulletin RIPOL de la police.

f. Le 29 mars 2022, A______ a, à nouveau, demandé à pouvoir exécuter ses peines sous la forme d'une surveillance électronique.

g. Par pli du 8 novembre 2022, le SPI a invité A______ à se présenter en ses locaux le 18 suivant afin d'évaluer la situation.

h. Le 8 décembre 2022, ledit service a adressé à A______ un avertissement formel pour absence de coopération, précisant que lors de l'entretien, il s'était engagé à transmettre les documents nécessaires à l'évaluation de sa situation; or, il n'avait pas fourni l'ensemble des documents requis. Un ultime délai au 19 décembre 2022 lui était imparti pour les remettre.

i. Le 20 décembre 2022, le SPI a préavisé défavorablement l'exécution des peines sous les formes de la semi-détention et de la surveillance électronique au motif que A______ n'avait pas remis l'intégralité des documents demandés.

j. Par pli du même jour, le conseil de A______ a informé le SPI que son mandant lui avait dit être malade et alité depuis plusieurs jours. A______ entendait transmettre un certificat médical rapidement et faire parvenir les documents demandés aussitôt que son état de santé le lui permettrait.

Il sollicitait une prolongation du délai au 3 janvier 2023.

C. Dans la décision querellée, le SAPEM a refusé l'exécution de la peine privative de liberté sous une forme alternative au motif que A______ n'avait "de nouveau" pas respecté l'obligation de communiquer et de coopérer. Les documents remis étaient incomplets "et/ou" il n'avait pas respecté les délais prescrits malgré les demandes réitérées du SPI.

D. a. Dans son recours, A______ soutient remplir les conditions pour être autorisé à exécuter ses peines sous la forme d'une surveillance électronique, ayant fourni, à l'appui du recours, toutes les garanties nécessaires.

En effet, il s'était présenté au rendez-vous du 18 novembre 2022 et avait signé les conditions d'exécution. Puis, un avertissement formel lui avait été adressé par l'intermédiaire de son conseil. Il n'avait toutefois pas pu y donner suite, étant alité en raison du Covid-19. Le 31 décembre 2022, soit dès que son état le lui avait permis, il avait adressé, par courrier simple, les documents demandés au SAPEM. Il ne pouvait donc être retenu qu'il n'avait pas collaboré, ayant été temporairement empêché de le faire, sans sa faute.

S'agissant de la première décision de refus, il s'agissait de la période directement consécutive à son accident, durant laquelle il était en incapacité totale de travail. Il n'avait donc pas trouvé les ressources lui permettant de remplir ses obligations vis-à-vis de l'autorité d'exécution. Depuis lors, il travaillait dans le cadre de missions temporaires, s'était présenté au rendez-vous, remboursait ses dettes, se soignait et avait réuni les documents nécessaires – qu'il produit –, à savoir un justificatif de logement, la preuve d'un raccordement téléphonique, une copie du contrat d'assurance responsabilité civile, une copie de son inscription à l'assurance chômage et ses dernières fiches de salaire.

Il produit en outre un certificat médical établi le 20 décembre 2022 par le Dr. C______, médecin au sein [du cabinet médical] D______, faisant état d'une "incapacité du 17.12.2022 au 22.12.2022 à 100%" ainsi que des analyses médicales effectuées le même jour, desquels il ressort qu'il était positif au Covid-19. Il joint aussi un procès-verbal de saisie de l'Office cantonal des poursuites.

b. Le SAPEM conclut à la confirmation de la décision querellée pour les mêmes motifs que ceux retenus.

c. A______ réplique. Il joint à ses écritures une promesse d'embauche pour un contrat de durée indéterminée à compter du mois de mars 2023 ainsi qu'une attestation de suivi psychothérapeutique.

Par pli séparé, dans le délai imparti, il a encore exposé que l'accident de chantier dont il avait été victime au mois de janvier 2021, soit avant la première convocation par le SPI, avait eu d'importantes conséquences sur son état de santé.

EN DROIT :

1.             1.1. Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP) – les formalités de notification (art. 85 al. 2 CPP) n'ayant pas été observées –, concerner une décision rendue par le SAPEM, dans une matière pour laquelle il est compétent (art. 40 al. 1 et art. 5 al. 2 let. e de la Loi d'application du code pénal suisse du 27 août 2009 [LaCP; E 4 10]), sujette à recours auprès de la Chambre de céans, les art. 379 à 397 CPP s'appliquant par analogie, et émaner du condamné visé par la décision querellée, qui a un intérêt juridiquement protégé à l'annulation de la décision entreprise (art. 382 CPP).

1.2. Les pièces nouvelles sont également recevables (arrêt du Tribunal fédéral 1B_550/2022 du 17 novembre 2022 consid. 2.1).

2.             2.1. Conformément à l'art. 79b al. 1 let. a et al. 2 CP, à la demande du condamné, l'autorité d'exécution peut ordonner l'utilisation d'un appareil électronique fixé au condamné (surveillance électronique), au titre de l'exécution d'une peine privative de liberté de 20 jours à 12 mois : s'il n'y a pas lieu de craindre que le condamné s'enfuie ou commette d'autres infractions; s'il dispose d'un logement; s'il exerce une activité régulière qu'il s'agisse d'un travail, d'une formation ou d'une occupation, pendant au moins 20 heures par semaine, ou s'il est possible de l'y assigner; si les personnes adultes faisant ménage commun avec lui y consentent et s'il approuve le plan d'exécution établi à son intention.

2.2. Pour bénéficier de la surveillance électronique, la personne condamnée doit remplir un certain nombre de conditions personnelles, telle qu'offrir des garanties de respect des conditions-cadre de l'exécution (art. 4 let. g du Règlement sur l'exécution des peines privatives de liberté sous surveillance électronique [RSE; E 4.55.11]).

2.3. La personne condamnée doit en outre remettre les documents suivants : attestation de travail ou de formation, preuve d'un logement fixe, preuve de raccordement à un réseau téléphonique fixe ou mobile et des frais de téléphone payés des deux derniers mois, consentement de toutes les personnes adultes vivant dans le même ménage y inclus leur accord que l'autorité d'exécution compétente puisse accéder en tout temps à toutes les pièces du logement, aussi sans s'annoncer au préalable (art. 6 RSE).

2.4. En l'espèce, le SAPEM a refusé l'exécution de la peine privative de liberté sous une forme alternative au motif que le recourant n'avait pas respecté l'obligation de communiquer et de coopérer avec le SPI.

L'art. 4 let g RSE fixe, comme condition personnelle dudit octroi, le fait que le condamné doive offrir des garanties de respect des conditions-cadre de l'exécution, ce qui comprend notamment le devoir de collaborer, dans la mesure où la surveillance électronique implique, par nature, que le condamné soit atteignable, respectivement qu'il donne suite aux demandes des services concernés.

En l'occurrence, il ressort du dossier que le recourant a formulé une première demande d'exécution de ses peines privatives de liberté sous la forme alternative le 26 mars 2021, laquelle a été refusée par le SAPEM par décision du 25 janvier 2022 en raison de son manque de coopération avec le SPI. Ensuite des explications données par son conseil, notamment en lien avec l'accident dont il avait été victime et les conséquences de celui-ci sur son quotidien, le recourant a toutefois été autorisé à déposer une nouvelle demande, ce qu'il a fait le 29 mars 2022.

Le 18 novembre 2022, le recourant s'est rendu à l'entretien d'évaluation fixé par le SPI. À cette occasion, il s'est notamment engagé à remettre divers documents en vue de l'évaluation de sa situation, ce qu'il n'a fait que partiellement. Malgré l'avertissement formel du 8 décembre 2022, le recourant ne s'est pas exécuté dans le délai imparti au 19 décembre 2022 de sorte que, le lendemain, le SPI a préavisé défavorablement à l'exécution des peines sous la forme de la semi-détention et de surveillance électronique.

Simultanément, le 20 décembre 2022, le conseil du recourant a informé le SPI du fait que son mandant était malade et a sollicité un délai pour que ce dernier s'exécute. À teneur du dossier, aucune réponse n'a été donnée à ce pli et le SAPEM a rendu la décision querellée le 6 janvier 2023.

Le recourant allègue avoir été empêché de fournir les documents dans le délai échéant le 19 décembre 2022, car il était tombé malade, ce qu'il prouve par un certificat médical attestant d'une "incapacité" totale du 17 au 22 décembre 2022 ainsi qu'un test positif au Covid-19 du 20 décembre 2022. Il ajoute avoir transmis les documents demandés à l'issue de son empêchement par lettre du 31 décembre 2022.

Dans ses observations, l'intimé ne prétend pas que le recourant aurait été en mesure de donner suite à la demande du SPI dans les délais malgré sa maladie. Il ne remet pas non plus en cause les déclarations du recourant selon lesquels les documents demandés lui auraient été adressés le 31 décembre 2022.

La maladie du recourant s'étant déclarée deux jours avant l'échéance du délai imparti pour la remise des documents, il a pu être empêché, sans sa faute, d'agir dans ce délai. Dans ces circonstances, l'on ne saurait retenir qu'il n'offrirait pas les garanties nécessaires à l'exécution de la peine sous une forme alternative, en particulier sous la forme d'une surveillance électronique.

3.             Fondé, le recours doit être admis ; partant, la décision querellée sera annulée et le SAPEM invité à examiner la demande d'exécution de peine sous la forme d'une surveillance électronique, puis à statuer à nouveau.

4.             L'admission du recours ne donne pas lieu à la perception de frais (art. 428 al. 1 CPP).

5.             Le recourant sollicite l'assistance judiciaire pour le recours.

5.1. Après la condamnation, le droit de faire appel à un avocat est reconnu mais n’est pas conçu comme la base d’une reconnaissance pour des interventions systématiques d’un défenseur pendant l’application d’une peine ou d’une mesure privative de liberté.

Conformément à l'art. 29 al. 3 Cst., toute personne qui ne dispose pas de ressources suffisantes a droit à l'assistance judiciaire gratuite, à moins que sa cause paraisse dépourvue de toute chance de succès; elle a droit en outre à l'assistance judiciaire gratuite d'un défenseur, dans la mesure où la sauvegarde de ses droits le requiert (arrêt du Tribunal fédéral 1B_74/2013 du 9 avril 2013 consid. 2.1 avec référence aux ATF 128 I 225 consid. 2.5.2 p. 232 s. = JdT 2006 IV 47; 120 Ia 43 consid. 2a p. 44).

L'art. 16 al. 1 RAJ fixe les taux horaires applicables aux défenseurs d'office en fonction de la position qu'ils occupent dans leur étude. Un chef d'étude est rémunéré au tarif de CHF 200.-/heure, débours de l'étude inclus.

5.2. En l'espèce, le recourant, qui fait l'objet d'une saisie sur salaire, est vraisemblablement indigent. L'importance de la cause, compte tenu de l'enjeu d'une incarcération, commande qu'il soit assisté d'un avocat. Il sera ainsi fait droit à sa demande d'octroi de l'assistance juridique pour la procédure de recours. Me B______ sera désigné à cet effet.

L'état de frais produit par Me B______ détaille six heures d'activité comprenant une heure d'entretien avec le client, une heure d'étude du dossier, trois heures pour la rédaction du recours et une heure pour les observations, au tarif horaire de CHF 200.-/h. Cette durée apparait en adéquation avec le travail fourni.

Sa rémunération sera, partant, arrêtée à CHF 1'292.40, TVA à 7.7% incluse.

* * * * *

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Admet le recours.

Annule la décision querellée et renvoie la cause au SAPEM pour nouvelle décision au sens des considérants.

Laisse les frais de la procédure de recours à la charge de l'État.

Alloue à Me B______, à la charge de l'État, une indemnité de
CHF 1'292.40 (TVA à 7.7% incluse).

Notifie le présent arrêt ce jour, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, et au Service de l'application des peines et mesures.

Le communique, pour information, au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Monsieur Julien CASEYS, greffier.

 

Le greffier :

Julien CASEYS

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).