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Décisions | Chambre pénale de recours

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PS/17/2023

ACPR/211/2023 du 22.03.2023 ( PSPECI ) , REJETE

Descripteurs : ALLÉGEMENT;SORTIE;RISQUE DE FUITE;RISQUE DE RÉCIDIVE;PRONOSTIC
Normes : CP.90; CP.75a; RASPCA.10

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

PS/17/2023 ACPR/211/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mercredi 22 mars 2023

 

Entre

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

recourant,

contre la décision d'octroi de sorties non accompagnées rendue le 20 janvier 2023 par le Service de l'application des peines et mesures,

et

A______, actuellement à la clinique de D______, unité E______, ______, comparant par Mes B______ et C______, avocats,

LE SERVICE DE L'APPLICATION DES PEINES ET MESURES, route
des Acacias 82, case postale 1629, 1211 Genève 26.

intimés.


EN FAIT :

A. a. Par acte expédié par messagerie sécurisée le 3 février 2023, le Ministère public recourt contre la décision du 20 janvier 2023, notifiée le 24 suivant, par laquelle le Service de l'application des peines et mesures (ci-après, SAPEM) a mis A______ au bénéfice d'un régime de sorties non accompagnées, à certaines conditions.

Le recourant conclut, préalablement, à l'octroi de l'effet suspensif et, principalement, à l'annulation de la décision querellée, l'allègement précité devant être refusé. Subsidiairement, il conclut au renvoi de la cause au SAPEM pour nouvelle décision, après avoir requis un préavis de la Commission d'évaluation de la dangerosité (ci-après, CED).

b. Par ordonnance du même jour (OCPR/6/2023), la Chambre de céans a accordé l'effet suspensif.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a.a. Par jugement du Tribunal correctionnel du 23 août 2021, A______, ressortissant russe et estonien né en 1991, a été reconnu coupable de tentative de meurtre avec désistement (art. 23 al. 1 cum 111 CP) et de contravention à la loi fédérale sur les stupéfiants (art. 19a ch. 1 LStup). Il a été condamné à une peine privative de liberté de quinze mois, sous déduction de 521 jours de détention avant jugement, dont 418 jours en exécution anticipée de la mesure, ainsi qu'à une amende de CHF 100.-. Le tribunal a également ordonné qu'il soit soumis à un traitement institutionnel (art. 59 al. 1 CP). Son expulsion du territoire suisse au sens de l'art. 66a bis CP a en outre été prononcée pour une durée de cinq ans.

Il lui était reproché d'avoir, le 21 mars 2020, asséné trois coups de marteau sur la tempe de sa compagne de l'époque, alors endormie. Après avoir constaté qu'il ne parviendrait pas à la tuer de cette façon, il l'avait étranglée des deux mains mais avait mis fin à ses actes lorsqu'elle l'avait "supplié" d'arrêter. Il avait appelé la police et les secours.

a.b. A______ n'a pas formé appel de ce jugement, qui est aujourd'hui définitif et exécutoire.

b. Cette condamnation était notamment fondée sur une expertise psychiatrique rendue le 19 juin 2020 par le Centre universitaire romand de médecine légale (ci-après, CURML), à teneur de laquelle A______ souffre d'un trouble schizo-affectif de type mixte et d'un syndrome de dépendance à l'alcool et au cannabis.

Selon l'expert, sa responsabilité était très fortement restreinte au moment des faits, en raison d'une décompensation délirante de son trouble schizo-affectif.

Au moment de l'expertise, A______ était par ailleurs sujet à des hallucinations auditives "avec des injonctions violentes telles que celles qu'il avait présentées le jour des faits commis, mais aussi au début de son incarcération", qui avaient conduit à un passage à l'acte auto-agressif. Aussi, le traitement suivi en détention ne s'avérait pas d'une "efficacité totale", dans la mesure où il présentait toujours une instabilité psychique et un état anxio-dépressif.

Le risque de récidive "d'actes violents" était considéré comme moyen à élevé, tandis que celui d'infractions à la LStup était qualifié d'élevé en dehors d'un milieu protégé.

Un traitement institutionnel en milieu fermé, sous la forme d'une prise en charge psychiatrique avec adaptation du traitement médicamenteux, était préconisé, de même qu'un travail thérapeutique sur la consommation de toxiques. Aussi, en cas d'administration d'un traitement "efficace", il était attendu une diminution du risque de récidive "avant" cinq ans.

Lors de son audition par le Ministère public, le 25 août 2020, l'expert a confirmé la nécessité pour A______ de suivre un traitement lui permettant de stabiliser son état mental sur une période assez longue, d'au minimum une année, avant de pouvoir envisager un placement en milieu ouvert.

c. Selon l'extrait de son casier judiciaire suisse (dans sa teneur au 19 janvier 2023), A______ n'a pas d'antécédents.

d. Le précité a été incarcéré à la prison de F______ du 22 mars au 21 septembre 2020, date à laquelle il a été transféré à l'Établissement fermé de G______; le 21 février 2022, il a intégré l'Unité E______ de la Clinique de D______.

e. Selon le courriel de l'Office cantonal de la population et des migrations (ci-après, OCPM) du 16 février 2021, l'intéressé est au bénéfice d'un permis de séjour B, avec activité lucrative, valable jusqu'au 31 août 2024, lequel était susceptible d'être révoqué en cas de condamnation.

f. Par décision du 2 mars 2021, le SAPEM a ordonné le placement de A______ en milieu fermé, en application de l'art. 59 al. 3 CP.

g. Un plan d'exécution de la sanction à titre anticipé (ci-après, PES) a été signé par le prénommé le 4 juin 2021 et validé par le SAPEM le 7 suivant.

À teneur de ce document, A______ évoluait favorablement depuis son transfert à G______. Se montrant compliant au traitement médicamenteux ainsi qu'au suivi psychothérapeutique, il présentait une stabilité psychique. Selon le personnel soignant, il avait pris conscience de son trouble mental, parvenait davantage à en identifier les symptômes et participait de manière assidue aux groupes thérapeutiques qui lui étaient proposés. En outre, il adoptait un bon comportement en détention, n'avait fait l'objet d'aucune sanction et se montrait poli et respectueux à l'égard du personnel de G______.

Il était prévu trois phases de progression dans l'exécution de la sanction : le milieu fermé (phase 1), l'octroi de conduites (phase 2), ayant pour objectif une reprise progressive de contact avec le monde extérieur, et le milieu ouvert (phase 3), afin de permettre à l'intéressé d'évoluer dans un environnement plus responsabilisant et de bénéficier à la fois d'un accompagnement thérapeutique.

Les conditions générales à respecter en vue de la progression étaient les suivantes : éviter les comportements transgressifs au sens du règlement de l'établissement et du droit disciplinaire applicable aux personnes détenues pénalement, et se soumettre aux contrôles matériels et toxicologiques (1), maintenir une abstinence à l'alcool et aux stupéfiants (2), faire preuve de régularité dans le suivi psychiatrique ainsi que dans la participation aux groupes thérapeutiques (3), prendre le traitement prescrit (4), ne pas entrer en contact avec la victime (5) et collaborer avec les autorités compétentes en cas de renvoi de Suisse (6).

Au vu des infractions commises par le détenu, toute progression pourrait faire l'objet d'un avis de la CED.

h.   Par décision du 2 septembre 2021, le SAPEM a octroyé une conduite de quatre heures à A______, que celui-ci a effectuée sur le site de la clinique [psychiatrique] de D______ le 14 septembre suivant. Selon le rapport de conduite du même jour, il avait adopté une attitude appropriée et positive et avait fait preuve de respect dans ses échanges avec autrui.

i. Lors de la réunion du réseau interdisciplinaire du 16 septembre 2021 au sein de G______, l'ensemble des intervenants professionnels ont souligné l'évolution positive de A______. Ce dernier adhérait à son programme de soins et était prêt, d'un point de vue médical, à passer en milieu ouvert. Il adoptait un comportement respectueux en détention et ses prestations de travail en atelier et aux formations étaient bonnes. Conscient de la gravité de ses actes, il éprouvait de la culpabilité et avait appris à gérer ses émotions. Souhaitant se réinsérer socialement et professionnellement, il acceptait son renvoi, sans pour autant se projeter en Estonie.

j. À teneur de l'évaluation criminologique du Service de probation et d'insertion (ci-après, SPI) du 28 octobre 2021, A______ présentait un risque de récidive violente faible dans le cadre d'un passage en milieu ouvert. En effet, la violence dont il avait fait preuve se limitait aux faits à l'origine de sa condamnation et était intimement liée à son trouble mental. Aussi, il présentait actuellement un état psychique stable, aucune "symptomatologie psychique" n'ayant été observée depuis la prise régulière de son traitement. L'alliance thérapeutique et la compliance médicamenteuse étaient bonnes. L'intéressé s'était montré régulier dans son suivi et avait instauré une relation de confiance avec le personnel soignant, n'hésitant pas à faire appel à ses répondants en cas de besoin. De plus, ses hallucinations auditives semblaient avoir complètement disparu.

En dehors des divers groupes thérapeutiques auxquels il participait avec intérêt, A______ donnait des cours de ______ et de russe à des soignants, prenait des cours de guitare, se rendait à la salle de sport, jouait aux cartes avec des codétenus, lisait des articles sur son ordinateur et en rédigeait. Son comportement en détention était bon, dès lors qu'il n'avait fait l'objet d'aucune sanction. Il témoignait en outre d'une bonne maîtrise de soi et avait clairement identifié la prise de substances psychoactives et l'arrêt de son traitement médicamenteux comme des facteurs susceptibles d'aggraver sa pathologie.

En ce qui concernait les faits reprochés, il les reconnaissait, précisant avoir agi sur les injonctions "de voix", lui ayant fait perdre le contrôle de la situation. Bien qu'il admettait avoir tenté de tuer son ex-compagne, il insistait sur l'absence d'intention. S'il tendait à minimiser les conséquences physiques de ses actes sur la victime, il se disait préoccupé par les répercussions psychologiques subies par celle-ci.

En ce qui concernait le risque de fuite, il avait fait part de sa volonté d'être placé en milieu ouvert dans les plus brefs délais, afin de pouvoir poursuivre ses travaux de recherches en ______ et trouver un emploi. Aussi, selon le SPI, une fugue irait à l'encontre de ses objectifs de vie. Son discours semblait authentique et cohérent, eu égard aux efforts professionnels fournis. Son comportement était bon et il ne faisait preuve d'aucune impulsivité. Certes, il faisait l'objet d'une décision d'expulsion du territoire suisse et ne semblait pas se projeter en Estonie. Cela étant, le risque de fuite ne semblait pas préoccupant au point d'empêcher une progression dans l'exécution de la mesure, tel qu'un passage en milieu ouvert.

En définitive, la situation de A______ évoluait de manière favorable. Outre le fait que son état clinique était stable sous traitement, il s'investissait dans son suivi, adoptait un bon comportement et participait à des activités "enrichissantes et satisfaisantes". Il bénéficiait de facteurs protecteurs importants et rien n'indiquait qu'il pourrait faire preuve de violence. La poursuite de son traitement médicamenteux était néanmoins indispensable, afin de maintenir la stabilité de son état psychique.

k. Le 7 décembre 2021, A______ a demandé son passage en milieu ouvert.

l. Dans un rapport médical du 10 décembre suivant, le Service des mesures institutionnelles (ci-après, SMI) a préavisé favorablement cette demande. L'évolution de l'intéressé était positive et se maintenait dans le temps. Ce dernier entretenait de bons rapports avec ses pairs et bénéficiait d'un suivi psychiatrique régulier, dans le cadre duquel l'alliance thérapeutique était bonne. Une compliance médicamenteuse était par ailleurs observée, dès lors qu'il n'avait plus présenté de symptomatologie psychotique. Par ailleurs, il avait manifesté son intérêt à participer "au processus de justice restaurative" proposé par l'association H______. Au vu de son "potentiel de réinsertion élevé", il était ainsi préférable, selon le SMI, de ne pas prolonger son placement en milieu fermé, étant précisé que le risque de récidive devrait rester faible grâce à un suivi psychiatrique régulier, la poursuite du traitement neuroleptique et une abstinence aux toxiques.

m. Faisant suite à la réunion du 16 septembre 2021, un avenant au PES a été signé par A______ le 26 décembre 2021 et validé par le SAPEM le 24 janvier 2022. La même progression que celle mentionnée dans le PES à titre anticipé y était inscrite.

n. Par décision du 14 février 2022, le SAPEM a ordonné le passage de A______ en milieu ouvert, retenant que les conditions générales figurant dans le PES et son avenant étaient réunies.

L'intéressé évoluait positivement, dès lors qu'il respectait le cadre institutionnel, était abstinent aux substances psychoactives et témoignait d'une bonne maîtrise de soi. Il adhérait à son programme de soins, s'investissait dans son suivi thérapeutique et se montrait compliant à la médication prescrite, dont il reconnaissait les bienfaits. De plus, il souhaitait se réinsérer et acceptait son expulsion. Les risques de récidive et de fuite étaient faibles. L'avis de la CED n'avait pas été sollicité, le SAPEM n'éprouvant aucun doute quant à l'absence de dangerosité de A______.

o. Le 21 février 2022, ce dernier a été transféré à l'unité E______ de la clinique de D______, où il demeure encore à ce jour.

p. Selon le rapport médical du SMI du 10 juin 2022, A______ bénéficiait d'un traitement psychiatrique et psychothérapeutique intégré. Il était demandeur de soins et assidu aux entretiens. Son adhésion au suivi thérapeutique était bonne, dès lors qu'il participait de manière régulière à l'ensemble des activités thérapeutiques. De plus, les examens toxicologiques auxquels il s'était soumis s'étaient révélés négatifs. Il se montrait collaborant et entretenait des relations cordiales avec le personnel soignant et ses pairs. Il effectuait régulièrement des sorties sur le domaine de D______, seul ou en compagnie d'autres patients. De manière générale, il se montrait soucieux du respect du cadre et des règles imposées par l'institution.

Par ailleurs, il exprimait des regrets quant aux infractions commises et faisait le lien entre ses agissements et sa maladie. Il reconnaissait en outre l'importance de se soigner, ce qui était objectivé par sa compliance au traitement et son adhésion aux différents espaces thérapeutiques.

Pour le surplus, il avait repris contact avec d'anciens collègues-doctorants et des professeurs universitaires, avec lesquels il avait collaboré dans le cadre de son cursus académique. En tant que ______ [profession], il souhaitait travailler dans le domaine de la recherche et dispenser des cours en ligne. Il exprimait enfin le désir de renouer avec sa famille, qui résidait en Russie.

q. Par jugement du 18 août 2022, le Tribunal d'application des peines et des mesures (ci-après, TAPEM) a ordonné la poursuite du traitement institutionnel jusqu'au prochain contrôle annuel, étant rappelé que la mesure était valable jusqu'au 23 août 2026.

Le traitement en cours était parfaitement adapté à la situation de A______, lequel avait connu une évolution favorable de son état de santé. Compliant au traitement médicamenteux, il se projetait positivement dans l'avenir. Son transfert de G______ à la clinique de D______ s'était effectué sereinement et il n'avait présenté aucun épisode de décompensation. De plus, il ne consommait plus d'alcool ni de cannabis. Cependant, il devait encore faire ses preuves lors de sorties accompagnées et non accompagnées.

Les objectifs thérapeutiques étaient donc le maintien d'une stabilité psychique durable, la poursuite d'un travail sur la pertinence de la mesure et la gravité du passage à l'acte, la prévention des risques de rechute, notamment en lien avec la consommation de toxiques, ainsi que la poursuite des élargissements de régime, lesquels devaient être mis en œuvre rapidement. Le projet de vie futur de A______ devait être préparé en collaboration avec les professionnels chargés de sa situation. Dans l'intervalle, la mesure en milieu institutionnel dont il bénéficiait était adéquate et nécessaire au vu de sa pathologie et du risque de récidive, qu'il présentait toujours.

r. Par lettres des 19 septembre et 11 octobre 2022, A______ a demandé à pouvoir bénéficier d'un régime de sorties non accompagnées de 60 heures au moins par mois, afin de pouvoir faire du sport, prendre des cours de danse, participer à des séances de méditation, réaliser des recherches ______ collaboratives, se rendre au cinéma et rencontrer des amis.

s. Un bilan de phase et progression de l'exécution de la sanction a été validé par le SAPEM le 4 novembre 2022.

À teneur de ce document, A______ s'était rapidement adapté à son nouvel environnement et poursuivait son traitement médicamenteux, lequel semblait parfaitement adapté. Respectueux du cadre institutionnel, il avait su mettre à profit son temps pour comprendre son fonctionnement, prendre soin de lui et se montrer proactif sur le plan professionnel. Avec l'aide d'anciens collègues, il était parvenu à obtenir une promesse d'embauche en qualité de post-doctorant au sein d'une université à I______, en Bulgarie. Aussi, dès réception de son contrat, il disait avoir l'intention d'entreprendre les démarches nécessaires en vue d'obtenir un visa. D'après ses dires, ses futurs employeurs, qui étaient au courant de sa situation carcérale et de ses problèmes psychiatriques, s'étaient montrés tolérants et compréhensifs. S'il se réjouissait de ces nouvelles perspectives de vie, il n'était pas pour autant pressé de quitter la clinique de D______, puisqu'il était conscient du travail thérapeutique qui lui restait encore à réaliser. Selon le SPI, le risque de fuite n'était pas préoccupant, puisque l'intéressé n'avait aucun intérêt à s'évader à ce stade. De plus, il avait toujours fait preuve d'un comportement exemplaire et son état psychique était stable.

Le bilan de phase prévoyait une quatrième phase de progression, à savoir un régime de sorties non accompagnées, ayant pour objectif de favoriser la réinsertion socio-professionnelle de A______, en lui permettant de prendre contact avec l'extérieur et de normaliser son quotidien. Ces sorties lui permettraient en outre de montrer sa capacité à respecter le cadre posé par l'institution.

À terme, comme cinquième phase, il pourrait bénéficier d'une libération conditionnelle de la mesure.

Le document prévoyait les six mêmes conditions générales à respecter par A______ en vue de la progression, auxquelles s'ajoutait une septième, soit de rembourser de manière régulière les "indemnités-victime", selon ses capacités financières.

t. Le 30 novembre 2022, le SMI a préavisé favorablement l'octroi de sorties non accompagnées.

Preneur des soins qui lui étaient proposés depuis son arrivée au sein de D______, A______ était toujours compliant à son traitement et faisait preuve d'abstinence aux toxiques. Il n'avait jamais fugué ni n'avait présenté de passage à l'acte hétéro-agressif. Il adoptait une attitude appropriée et engagée afin de développer son autonomie. N'hésitant pas à solliciter l'aide des soignants en cas de besoin, son comportement demeurait adéquat en situation de stress. Par ailleurs, il avait pu bénéficier de trois sorties accompagnées d'un soignant, qui s'étaient déroulées sans incident. Les sorties non accompagnées "hors domaine" semblaient dès lors opportunes à ce stade.

u. Le 20 décembre 2022, le SMI a émis un nouveau rapport, selon lequel l'adhésion thérapeutique de A______ était excellente. Durant, ses entretiens, ce dernier était de bon contact, ouvert à la discussion et avait parfaitement intégré la nécessité de son suivi psychiatrique. Dans ce contexte, il avait organisé de façon autonome son suivi médical en Bulgarie, malgré le fait qu'il fût conscient de la possibilité de prolongation de son séjour à D______, auquel il ne s'opposerait pas. De plus, il s'investissait activement dans sa prise en charge thérapeutique, en participant aux diverses activités proposées. Aussi, l'ensemble des conditions de son PES étaient atteintes.

Par ailleurs, il bénéficiait d'un suivi psychologique régulier. Son comportement demeurait approprié et son attitude, ouverte, favorisait le maintien d'une bonne alliance thérapeutique. Affirmant avoir pris davantage conscience du lien entre sa pathologie et la consommation de substances psychoactives, il réalisait l'importance de poursuivre le travail thérapeutique pour éviter une rechute.

À cela s'ajoutait qu'il avait reçu une promesse d'embauche de la part d'un institut de recherches en Bulgarie. Il effectuait ainsi des démarches pour trouver un logement dans ce pays ainsi qu'un suivi psychiatrique et psychothérapeutique ambulatoire adapté à ses besoins. Sur le plan social, il avait renoué avec des collègues, amis, ainsi qu'avec sa famille.

Enfin, il faisait preuve d'un comportement exemplaire au sein de son unité et entretenait de bonnes relations avec le personnel soignant et ses pairs. Il reconnaissait toujours la gravité des faits qui lui étaient reprochés et verbalisait un fort sentiment de culpabilité.

C. Dans sa décision querellée, le SAPEM relève que les sorties non accompagnées étaient prévues dans le bilan de phase et progression de l'exécution de la sanction et que les conditions de celui-ci étaient réalisées, in casu. A______ se présentait à tous les entretiens, participait régulièrement aux activités thérapeutiques et se montrait assidu dans son suivi psychiatrique et psychothérapeutique intégré. Preneur de soins, il faisait également preuve d'abstinence aux toxiques. De plus, il adoptait un comportement adéquat, n'avait jamais eu de comportement hétéro agressif ni n'avait fugué. Trois sorties accompagnées par un soignant s'étaient bien déroulées. Par ailleurs, s'il ne disposait pas de travail dans le cadre de son placement à l'hôpital, il souhaitait "à tout prix" rembourser les indemnités-victime. Pour le surplus, il s'était engagé à ne pas entrer en contact avec son ex-compagne et acceptait son renvoi de Suisse.

Le risque de récidive semblait contenu et compatible avec l'octroi de sorties non accompagnées. A______ présentait un état psychique stable, adhérait au traitement et prenait les médicaments prescrits. Il faisait également preuve d'un comportement exemplaire au sein de son unité.

Le risque de fuite apparaissait également maîtrisé et compatible avec l'allègement envisagé. L'intéressé n'avait jamais fugué, ou exprimé de telles velléités, depuis son placement en milieu thérapeutique institutionnel ouvert, le 21 février 2022. Selon le bilan de phase validé par le SAPEM le 4 novembre 2022, le risque de fuite n'était "pas inquiétant", l'intéressé étant bien entouré et investi dans son projet d'avenir. Pour le surplus, il acceptait son renvoi de Suisse et s'impliquait dans la préparation de sa sortie, ayant notamment réalisé des démarches en vue de récupérer son passeport estonien, consigné à l'accueil de l'hôpital.

Dans ces circonstances, un régime de sorties non accompagnées à raison de 60 heures par mois, fractionnables, comprenant les week-ends mais sans nuit à l'extérieur, lui était octroyé afin qu'il puisse s'adonner à des loisirs, participer à des recherches ______ collaboratives et rencontrer des amis.

Lesdites sorties étaient subordonnées aux règles suivantes :

- adopter un comportement adéquat et respecter le cadre institutionnel de l'établissement ;

- adhérer au suivi thérapeutique ;

- prendre le traitement médicamenteux prescrit ;

- ne pas faire l'objet de contre-indication médicale thérapeutique ;

- convenir d'un programme de sortie compatible avec le programme de soins (date, horaire, but de la sortie et conditions à respecter durant celle-ci) en accord avec le personnel de l'établissement d'exécution ;

- maintenir une abstinence aux stupéfiants et à l'alcool ; et

- se soumettre aux contrôles d'abstinence.

Pour le surplus, chaque sortie devait faire l'objet d'une demande de validation au SAPEM, lequel devrait s'assurer du respect des conditions susmentionnées.

D. a. Dans son recours, le Ministère public fait grief au SAPEM d'avoir violé l'art. 75a al.1 CP, en ne sollicitant pas le préavis de la CED.

Le risque de fuite n'était pas suffisamment contenu et ne semblait pas compatible avec l'allègement envisagé, puisque l'intéressé était de nationalité étrangère et sans attaches particulières avec la Suisse. Il existait un risque qu'il profite de cet allègement pour se soustraire à sa mesure, étant rappelé qu'il avait entrepris des démarches en vue de récupérer son passeport estonien, qu'il envisageait de postuler à l'étranger et qu'il faisait l'objet d'une expulsion judiciaire.

Quant au risque de récidive, A______ avait été diagnostiqué comme souffrant d'un trouble psychiatrique sévère et le risque de récidive violente avait été qualifié de moyen à élevé. Une diminution de ce risque pouvait être envisagée grâce à un traitement adapté durant une période de stabilisation longue, ce qui n'était manifestement pas le cas en l'espèce, au vu du caractère récent des faits et de la condamnation. De plus, lors de l'évaluation criminologique du 28 octobre 2021, l'intéressé avait minimisé les faits et les conséquences de ses actes. Partant, le risque de récidive n'était pas suffisamment contenu ni compatible avec un régime de sorties non accompagnées.

Accorder l'allègement sollicité, sans avoir obtenu au préalable un préavis de la CED, était prématuré. Pouvoir trancher de manière catégorique revenait à considérer que la dangerosité du détenu était insignifiante, ou à tout le moins, devrait ressortir comme telle du dossier mis à la disposition du SAPEM pour son appréciation. Or, A______ avait été condamné pour tentative de meurtre avec désistement sur son ex-compagne moins de deux ans auparavant. Ces éléments, mis en lien avec son absence complète d'attache avec la Suisse, ainsi que la gravité de son trouble mental démontraient que sa dangerosité pour la collectivité subsistait.

b. Dans ses observations, A______ conclut préalablement à ce qu'il soit mis au bénéfice de l'assistance juridique pour la procédure de recours et à ce que Me B______ soit désigné comme défenseur d'office. Principalement, il conclut au rejet du recours, sous suite de frais.

Sa nationalité étrangère ne suffisait pas pour retenir un risque de fuite, étant précisé qu'il bénéficiait d'un placement en milieu ouvert depuis près d'une année, de sorte qu'il lui aurait été loisible de s'évader à tout moment, si telle en avait été son intention. De plus, il avait bénéficié d'une dizaine de sorties accompagnées – et non trois – lesquelles s'étaient toutes déroulées sans difficulté aucune. En outre, son respect du cadre et son attitude exemplaire avaient été soulignés par l'ensemble des professionnels le côtoyant au quotidien.

L'avis de la CED était d'autant plus superflu dans le cadre du présent allègement qu'une évaluation criminologique avait été réalisée le 28 octobre 2021, laquelle avait retenu que le risque de fuite n'était pas préoccupant. Depuis, il n'avait cessé de démontrer qu'il était digne de confiance et n'avait enfreint aucune règle, de sorte que cette évaluation demeurait actuelle. D'ailleurs, le Ministère public n'avait pas recouru contre la décision de placement en milieu ouvert du 14 février 2022, et ce malgré le fait que la commission susvisée n'avait pas été saisie par le SAPEM.

Le Ministère public retenait un risque de fuite, en se fondant sur les démarches réalisées en toute transparence vis-à-vis des autorités, dans le but d'exécuter son expulsion et de se réinsérer socialement et professionnellement à l'étranger, une fois sa libération conditionnelle accordée. La position du Ministère public confinait dès lors à l'abus de droit, puisqu'il lui reprochait d'avoir respecté les exigences de l'autorité d'exécution et "blâmait" sa volonté de se conformer à la décision d'expulsion.

Pour retenir enfin l'existence d'un risque de récidive, le Ministère public s'appuyait sur l'expertise psychiatrique du 19 juin 2020, qui n'était plus actuelle, puisqu'il avait, depuis lors, passé près de deux années en milieu fermé, puis une en milieu ouvert, au cours desquelles aucun incident n'avait été déploré. De plus, l'expertise en question avait retenu que son traitement de l'époque n'était pas totalement efficace, alors que le TAPEM avait considéré, dans son jugement du 18 août 2022, qu'il était désormais parfaitement adapté. À cela s'ajoutait qu'il n'était plus sujet à des hallucinations auditives depuis près de trois ans. En définitive, en dehors des faits à l'origine de sa condamnation, il n'avait jamais connu d'épisode de violence et n'avait plus consommé de substances psychoactives. L'ensemble du corps médical avait également attesté, de manière constante, de son excellente évolution. Enfin, la durée d'exécution de la mesure était sans pertinence, puisque le SAPEM s'était fondé sur le dossier, en particulier sur l'avis des divers intervenants professionnels l'ayant côtoyé au quotidien.

À l'appui de son écriture, A______ produit notamment :

- une copie de son diplôme de "Docteur ès science, Mention ______" délivré par l'Université de Genève en juin 2017 ;

- une liste de ses publications scientifiques, dont certaines ont été rédigées en détention ;

- une promesse d'embauche datée du 10 août 2022 et signée par le Professeur J______ de l'"International Center for ______ Sciences" à I______, en Bulgarie ;

- un rapport médical du SMI du 13 février 2023, selon lequel la situation de l'intéressé demeurait favorable. De plus, ce dernier avait pu bénéficier de dix sorties accompagnées d'un soignant en dehors du cadre de D______, qui s'étaient toutes déroulées sans difficulté. En définitive, le SMI considérait que les "acquis obtenus à travers le travail thérapeutique devaient se consolider" lors de sorties non accompagnées ; et

- une attestation médicale de la Dresse K______ du 16 février 2023, confirmant qu'il avait pu bénéficier de dix sorties accompagnées d'un soignant, entre les 31 mai 2022 et 31 janvier 2023, qui s'était bien déroulées et avaient eu un impact positif sur sa prise en charge "psycho-sociale".

c. Invité à se déterminer sur le recours, le SAPEM persiste dans sa décision, laquelle était fondée sur l'analyse de l'ensemble du dossier, et en particulier des préavis des professionnels en charge de la situation de l'intéressé.

Le risque de récidive n'était pas le même depuis l'expertise psychiatrique du 19 juin 2020. Quant à l'argument selon lequel A______ minimiserait les conséquences de ses agissements, il était infondé. En effet, il résultait du dossier, en particulier du rapport du SMI du 20 décembre 2022, que l'intéressé était parfaitement conscient de la gravité de ses actes et qu'il présentait une capacité d'introspection évidente. Pour le surplus, le régime de sorties non accompagnées était subordonné à plusieurs conditions. Ainsi, en cas de péjoration de l'état clinique de l'intéressé, l'établissement avait la possibilité de surseoir aux sorties, ce qui permettrait d'assurer la sécurité publique.

Par ailleurs, faire l'objet d'un renvoi à la libération ne constituait pas un obstacle rédhibitoire à la progression dans l'exécution d'une sanction pénale. Même si ce critère était important dans l'évaluation du risque de fuite, il devait être pondéré avec d'autres critères et ne pas être le seul motif justifiant un refus d'allégement. La collaboration au renvoi constituait par ailleurs, dans le cas d'espèce, une condition du PES au régime de sorties non accompagnées.

En définitive, il avait procédé à une analyse minutieuse des risques concrets de fuite et de commission d'une nouvelle infraction, en prenant en considération l'ensemble des avis des professionnels concernés par la situation du détenu. Il avait ainsi déterminé que ce dernier ne présentait pas de dangerosité dans le cadre de l'allègement envisagé, raison pour laquelle il n'avait pas jugé nécessaire de saisir la CED.

d. A______ se rallie à la motivation du SAPEM, sans plus de développements.

e. Par pli du 3 mars 2023, reçu le 7 suivant par la Chambre de céans, le prénommé produit une attestation datée du 24 février 2023, signée par la Professeure L______, directrice adjointe de l'"Institute of ______ and ______" à I______, confirmant son engagement au sein de cet institut dès le 1er mars 2023. Selon ce document, son salaire mensuel net était fixé à BGN 3'500.- [équivalent à environ CHF 1'747.-]. Il était en outre mentionné qu'il exercerait son activité dans un premier temps en télétravail, puis en présentiel, dès le 1er juin 2023, avec la précision que cette dernière date pouvait être adaptée si besoin.

f. Le Ministère public n'a pas répliqué.

EN DROIT :

1.             1.1.  En vertu de l'art. 42 al. 1 let. a LaCP, la Chambre de céans connaît des recours dirigés contre les décisions rendues par le département de la sécurité, ses offices et ses services conformément à l'article 40 LaCP (art. 439 al. 1 CPP), les articles 379 à 397 CPP s'appliquant par analogie. Pour le surplus, la loi sur la procédure administrative (LPA; RS E 5 10) est applicable (art. 40 al. 4 LaCP).

1.2. Le recours est donc recevable pour être dirigé contre une décision rendue par le SAPEM, dans une matière pour laquelle il est compétent (art. 40 al. 1 et 5 al. 1 let. d LaCP; art. 11 al. 3 let. b du Règlement sur l'exécution des peines et mesures - REPM), avoir été déposé dans le délai de dix jours (art. 396 al. 1 CPP), et émaner du Ministère public qui est légitimé (art. 381 al. 1 CPP) à contester l’octroi d’allègements en matière d’exécution des sanctions (ACPR/571/2018 du 4 octobre 2018 consid. 1.3).

1.3. Les pièces nouvelles produites devant la Chambre de céans sont également recevables, la jurisprudence admettant la production de faits et de moyens de preuve nouveaux en deuxième instance (arrêt du Tribunal fédéral 1B_550/2022 du 17 novembre 2022 consid. 2.2).

2.             Le recourant reproche au SAPEM d'avoir accordé à A______ le bénéfice de sorties non accompagnées.

2.1. Les art. 75 à 89 CP régissent l'exécution des peines, l'art. 90 CP l'exécution des mesures et les art. 74, 91 et 92 CP l'exécution des peines et mesures (M. DUPUIS / L. MOREILLON / C. PIGUET / S. BERGER / M. MAZOU / V. RODIGARI (éds), Petit commentaire du Code pénal, Bâle 2017, n. 3 ad remarques préliminaires aux art. 74 à 92a CP).

2.2. Selon l'art. 90 CP, au début de l'exécution de la mesure, un plan est établi avec la personne concernée ou avec son représentant légal. Ce plan porte notamment sur le traitement du trouble mental, de la dépendance ou du trouble du développement de la personnalité et sur les moyens d'éviter la mise en danger de tiers (al. 2 CP). L'art. 84 CP est applicable par analogie aux relations de la personne concernée avec le monde extérieur, pour autant que les exigences du traitement intentionnel n'entraînent pas de restrictions complémentaires (al. 4 CP). L'art. 75a CP est applicable par analogie au placement dans un établissement ouvert et à l'octroi d'allégements dans l'exécution (al. 4bis CP).

2.3. Aux termes de l’art. 75a CP, la commission visée à l’art. 62d al. 2 CP – soit à Genève la CED (art. 4 LaCP) –, apprécie, lorsqu’il est question de l’octroi d’allégements dans l’exécution, le caractère dangereux du détenu pour la collectivité si le détenu a commis un crime visé à l’art. 64 al. 1 CP. Il est toutefois possible de renoncer à l'examen par cette commission lorsque l'autorité d'exécution peut d'ores et déjà trancher en toute clarté la question de la dangerosité de la personne (art. 75a al. 1 let. b CP). Le caractère dangereux du détenu pour la collectivité est admis s'il y a lieu de craindre que le détenu s'enfuie et commette une autre infraction par laquelle il porterait gravement atteinte à l'intégrité physique, psychique ou sexuelle d'autrui (al. 3).

2.4. Les autorisations de sortie, prévues par le règlement genevois concernant l'octroi d'autorisations de sortie aux personnes condamnées adultes et jeunes adultes (RASPCA – E 4 55.15), en son art. 4, sont des allégements dans l’exécution spécialement réglementés en tant qu’absences de l’établissement d’exécution autorisées et limitées dans le temps. Ils font partie intégrante des PES individuels (art. 75 al. 3 et art. 90 al. 2 CP) et servent a priori à atteindre l'objectif légal de l’exécution des peines, à savoir la future aptitude à vivre sans commettre d’infractions (art. 75 al. 1 CP). Les autorisations de sortie servent notamment à entretenir des relations avec le monde extérieur et structurer l’exécution (art. 4 al. 1 let. a RASPCA). À teneur de l'art. 10 al. 1 let. d RASPCA, pour obtenir une autorisation de sortie, respectivement un congé ou une permission, la personne détenue doit formuler une demande en ce sens et justifier qu'elle a pris une part active aux objectifs de resocialisation prévus dans le PES et que cette demande est inscrite dans ledit plan. L'art. 21 al. 1 RASPCA précise que la décision quant à l'opportunité d'autoriser un allègement dans l'exécution doit être prise sur la base d'une analyse des risques concrets de fuite ou de commission d'une nouvelle infraction, en tenant compte du but et des modalités concrètes de l'allègement envisagé, tout comme de la situation actuelle de la personne détenue.

L'autorité d'exécution dispose d'un large pouvoir d'appréciation. Elle doit procéder à une évaluation tenant compte du but de la mesure et de l'ensemble des circonstances (ATF 116 IV 277 consid. 3a = JdT 1992 IV 165; ACPR/544/2015 du 8 octobre 2015 consid. 3.1.).

3.             En l'espèce, l'allégement consiste dans l'octroi d'un régime de sorties non accompagnées à une personne réputée potentiellement dangereuse, car condamnée pour une infraction visée à l'art. 64 al. 1 CP. Dans ces circonstances, la CED doit en principe apprécier le caractère dangereux du détenu pour la collectivité, à moins que le SAPEM soit en mesure de trancher en toute clarté cette question. Le caractère dangereux du détenu s'apprécie au regard des risques de fuite et de réitération.

En l'occurrence, force est de constater que les avis des différents professionnels, sur lesquels le SAPEM – qui dispose d'un large pouvoir d'appréciation – s'est basé pour prononcer la décision querellée, sont unanimement positifs.

En effet, l'ensemble des intervenants concernés par la prise en charge de A______ (établissement de détention, personnel soignant, SPI et SMI) ont noté une évolution favorable de son état de santé, en particulier une stabilisation de son état psychique. Ils ont également relevé son excellente adhésion au suivi thérapeutique, sa compliance à la médication prescrite, sa participation active aux différentes activités thérapeutiques, sa reconnaissance des faits à l'origine de sa condamnation et son comportement exemplaire en détention.

L'évaluation criminologique du 28 octobre 2021 a ainsi qualifié de faible le risque de récidive violente dans le cadre d'un passage en milieu ouvert, aucune symptomatologie psychotique ni agressivité n'ayant été observée chez A______ depuis la prise régulière de son traitement. Assidu dans son suivi et faisant preuve d'une bonne compliance à son programme de soins, ce dernier a également démontré une abstinence durable aux substances psychoactives et n'est plus sujet à des hallucinations auditives depuis près de trois ans.

Selon les rapports médicaux du SMI des 10 juin, 30 novembre et 20 décembre 2022, l'intéressé entretient par ailleurs de bonnes relations avec ses pairs et le personnel soignant, n'a fait l'objet d'aucune sanction depuis son entrée en détention et n'a eu aucun passage à l'acte hétéro-agressif. De plus, l'ensemble des intervenants ont relevé qu'il exprimerait des regrets sincères, aurait conscience de son trouble mental et de la nécessité de suivre son traitement. Faisant l'objet d'une décision d'expulsion de Suisse, il collabore en outre avec les professionnels chargés de sa situation afin de préparer un projet de vie pour sa sortie, en accord avec sa situation administrative. À cet égard, grâce aux démarches concrètes effectuées, il est parvenu à trouver un emploi en qualité de post-doctorant au sein d'un institut de recherches en ______ en Bulgarie. Selon le SMI, il effectuerait également des démarches en vue de trouver un logement, de même qu'un suivi psychiatrique et psychothérapeutique ambulatoire dans ce pays. Enfin, sur le plan social, il aurait renoué avec d'anciens collègues, amis et sa famille en Russie.

En définitive, l'ensemble des intervenants qualifie de faible le risque de récidive violente dans le cadre de sorties non accompagnées et aucun facteur défavorable, soit de mauvais pronostic, ne permet de remettre en cause cette appréciation.

Pour le surplus, dans ses rapports des 30 novembre 2022 et 13 février 2023, le SMI appuie l'octroi d'un tel allègement, considérant que ces sorties permettraient à A______ de consolider ses acquis et de préparer sa réinsertion. Le TAPEM, dans son jugement du 18 août 2022, a également souligné l'importance de mettre en place rapidement les allègements prévus par le PES et de permettre au détenu de faire ses preuves, notamment lors de sorties non accompagnées.

Aucun pronostic défavorable ne peut, de surcroît, être formulé quant au risque de fuite, A______ n'ayant jamais fugué, bien qu'il en ait eu la possibilité, ni n'a exprimé de telles velléités. Il ressort de l'ensemble du dossier qu'il a toujours adopté un comportement exemplaire en détention, n'a fait l'objet d'aucune sanction et n'a fait preuve d'aucune impulsivité. De plus, selon le rapport du SMI du 13 février 2023, il a pu bénéficier de dix sorties accompagnées en dehors du cadre de D______, qui se sont toutes bien déroulées.

Certes, il a accepté la décision de renvoi de Suisse mais on ne peut y voir, contrairement au Ministère public, un indice de risque de fuite. Les intervenants professionnels ont, au demeurant, évalué ce risque comme faible, le SPI ayant plus particulièrement relevé qu'une fugue irait à l'encontre des objectifs de vie de l'intéressé. En tout état, on ne saurait à la fois exiger de ce dernier sa collaboration à son renvoi et la lui reprocher pour retenir un risque de fuite.

Finalement, l'octroi de sorties non accompagnées est inscrit dans le bilan de phase validé par le SAPEM le 4 novembre 2022 et a fait l'objet d'une demande de la part de A______, lequel a pris une part active aux objectifs de resocialisation prévus dans son PES. À cela s'ajoute que le SAPEM a fixé un cadre adéquat et suffisant à sa décision, à savoir un certain nombre de conditions à respecter par l'intéressé, lequel doit notamment poursuivre son adhérence au suivi thérapeutique, prendre la médication prescrite, convenir d'un programme de sortie compatible avec son programme de soins et faire preuve d'abstinence aux toxiques.

En conclusion, l'ensemble de ces éléments étaient suffisants pour permettre au SAPEM de se prononcer de manière catégorique sur la dangerosité du condamné pour la collectivité. Partant, un préavis de la CED ne s'avérait pas nécessaire à l'aune des conditions de l'art. 75a al. 1 let. b CP.

Forte des considérations qui précèdent, la Chambre de céans estime – à l'instar du SAPEM – que les conditions d'un régime de sorties non accompagnées sont remplies, un refus paraissant disproportionné. Le recours du Ministère public sera ainsi rejeté.

4.             Justifiée, la décision querellée sera dès lors confirmée.

5.             Les frais de l'instance de recours seront laissés à la charge de l'État.

6.             A______ sollicite l'assistance judiciaire et la désignation de son conseil en qualité de défenseur d'office pour la procédure de recours.

6.1. Conformément à l'art. 29 al. 3 Cst., toute personne qui ne dispose pas de ressources suffisantes a droit à l'assistance judiciaire gratuite, à moins que sa cause paraisse dépourvue de toute chance de succès; elle a droit en outre à l'assistance judiciaire gratuite d'un défenseur, dans la mesure où la sauvegarde de ses droits le requiert (arrêt du Tribunal fédéral 1B_74/2013 du 9 avril 2013 consid. 2.1 avec référence aux ATF 128 I 225 consid. 2.5.2 p. 232 s.
= JdT 2006 IV 47; 120 Ia 43 consid. 2a p. 44).

D'après la jurisprudence, un procès est dépourvu de chances de succès lorsque les perspectives de le gagner sont notablement plus faibles que les risques de le perdre, et qu'elles ne peuvent donc être considérées comme sérieuses, de sorte qu'une personne raisonnable et de condition aisée renoncerait à s'y engager en raison des frais qu'elle s'exposerait à devoir supporter; il ne l'est pas non plus lorsque les chances de succès et les risques d'échec s'équilibrent à peu près, ou que les premières ne sont que légèrement inférieures aux secondes (ATF 138 III 217 consid. 2.2.4 p. 218; 133 III 614 consid. 5).

Selon l'art. 16 al. 1 RAJ, l'indemnité due à l'avocat et au défenseur d'office en matière pénale est calculée selon le tarif horaire suivant, débours de l'étude inclus : avocat stagiaire CHF 65.- (let. a) ; collaborateur CHF 125.- (let. b) ; chef d'étude CHF 200.- (let. c). La TVA est versée en sus. Selon l'al. 2 de cette disposition, seules les heures nécessaires sont retenues. Elles sont appréciées en fonction notamment de la nature, de l'importance et des difficultés de la cause, de la valeur litigieuse, de la qualité du travail fourni et du résultat obtenu.

6.2.1. En l'occurrence, l'intimé, exécutant une mesure institutionnelle, est vraisemblablement indigent.

Se déterminer sur un recours interjeté par le Ministère public, dont l'enjeu était l'octroi ou non de sorties non accompagnées, constituait un exercice qu'il semblait pouvoir difficilement accomplir seul, sans l'assistance d'un avocat.

Il sera ainsi fait droit à sa conclusion visant à lui octroyer l'assistance juridique pour la procédure de recours. Me B______ sera désigné à cet effet.

6.2.2. Son conseil n'a pas produit d'état de frais (art. 17 RAJ) ni chiffré ses prétentions. Compte tenu de l'ampleur de ses écritures (20 pages d'observations, dont 7 pages de développements juridiques et deux répliques de 1 page chacune), 9 heures d'activité, au tarif horaire de CHF 200.- (art. 16 al. 2 RAJ) apparaissent en adéquation avec le travail accompli.

L'indemnité sera, partant, arrêtée à CHF 1'938.60 (TVA à 7.7% incluse). Cette somme sera mise à la charge de l’État.

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Rejette le recours.

Laisse les frais de la procédure de recours à la charge de l'État.

Alloue à Me B______, à la charge de l'État, une indemnité de CHF 1'938.60, TVA (à 7.7%) incluse, pour la procédure de recours.

Notifie le présent arrêt, en copie, au Ministère public, à A______, soit pour lui son défenseur d'office, et au SAPEM.

Le communique pour information à la Clinique psychiatrique de D______, Unité E______.

Siégeant :

Monsieur Christian COQUOZ, président; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

Le président :

Christian COQUOZ

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).