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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/2825/2023

ACPR/204/2023 du 21.03.2023 sur OTMC/676/2023 ( TMC ) , REFUS

Recours TF déposé le 26.04.2023, rendu le 11.05.2023, ADMIS, 1B_211/2023
Descripteurs : RISQUE DE FUITE;DÉTENTION PROVISOIRE
Normes : CP.291; CPP.221; Directive 2008/115/CE

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/2825/2023 ACPR/204/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mardi 21 mars 2023

 

Entre

A______, actuellement détenu à la prison de B______, ______, comparant en personne,

recourant,

 

contre l'ordonnance rendue le 7 mars 2023 par le Tribunal des mesures de contrainte,

 

et

LE TRIBUNAL DES MESURES DE CONTRAINTE, rue des Chaudronniers 9, 1204 Genève - case postale 3715, 1211 Genève3,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.

 


EN FAIT :

A.           Par acte déposé au greffe de la prison le 8 mars 2023, A______ recourt contre l'ordonnance rendue la veille, par laquelle le Tribunal des mesures de contrainte (ci-après : TMC) a refusé de le mettre en liberté.

Le recourant ne prend pas de conclusions formelles, mais proteste de son innocence.

B.            Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a.        A______, ressortissant algérien né en 1988, sans titre de séjour en Suisse et sous le coup d’une expulsion judiciaire d’une durée de huit ans (prise en 2020), a été placé en détention provisoire par le TMC le 6 février 2023, pour avoir, muni d’un couteau et avec le concours d’un tiers, agressé à deux reprises la même personne à son domicile, à Genève, et lui avoir dérobé un téléphone portable, des espèces et de la cocaïne. Il conteste ces faits, mais admet la prévention de rupture de ban. L’échéance de sa détention est fixée au 4 mai 2023.

b.        Après qu’une confrontation des prévenus avec la victime et la femme de celui-ci n’eut rien donné, le Ministère public a rendu l’avis de prochaine clôture, le 8 mars 2023, annonçant que l’accusation serait engagée contre A______ exclusivement des chefs de rupture de ban et de consommation illicite de stupéfiants.

c.         A______ a vainement demandé sa libération au Ministère public.

d.        Selon les précisions obtenues par le Ministère public auprès de l’Office cantonal de la population et des migrations (ci-après, OCPM), A______ est démuni de documents d’identité et n’est pas formellement identifié. Dès lors, aucune décision n’avait été prise depuis le prononcé d’expulsion. Une demande de soutien en vue d’exécuter son expulsion serait présentée au Secrétariat d’État aux Migrations.

C.            Dans l'ordonnance attaquée, le TMC retient que (toutes) les charges sont suffisantes et graves, nonobstant l’issue de la confrontation. En particulier, le risque que A______ ne disparaisse dans la clandestinité, alors qu’une expulsion était en force, était concret, tout comme le risque de réitération, qui pouvait se fonder sur le casier judiciaire du prénommé, connu sous quatre alias et condamné à dix reprises depuis 2011 (notamment deux fois pour contravention à la LStup et deux fois pour rupture de ban, la dernière en janvier 2023).

D.           a. À l'appui de son recours, rédigé en personne, A______ se plaint de l’inanité des charges relatives aux deux agressions reprochées.

b. Le TMC déclare persister dans sa décision.

c. Le Ministère public propose le rejet du recours et fait valoir que, nonobstant ses allégations, le prévenu n’établissait pas avoir de fiancée ou d’enfant en Suisse.

d. En réplique, A______, par son défenseur d’office, s’étonne que le TMC s’en soit « rapporté à justice dans ses observations » (sic) et fait valoir que la Directive européenne sur le retour s’opposerait à son maintien en détention provisoire, faute de tentatives de mesures coercitives contre lui pour exécuter son renvoi de Suisse.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 384 let. a, 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 222 et 393 al. 1 let. c CPP) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP). On comprend de l’acte de recours et des lettres envoyées par le recourant au Ministère public qu’une libération est demandée.

2.             Le recourant ne conteste pas les charges finalement retenues contre lui, telles que le Ministère public les retient dans l’avis de prochaine clôture, c’est-à-dire les préventions de rupture de ban, séjour illégal et consommation illicite de stupéfiants. Il n’y a donc pas à s’y attarder.

3.             Le recourant estime que le droit européen empêcherait qu’il soit détenu plus longuement.

3.1.       La Directive 2008/115/CE pose le principe de la priorité des mesures de refoulement sur le prononcé d'une peine privative de liberté du ressortissant d'un pays tiers qui est en séjour illégal (ATF 147 IV 232 consid. 1.2; 143 IV 249 consid. 1.5 et 1.9). Un tel genre de peine ne peut entrer en ligne de compte que lorsque toutes les mesures raisonnables pour l'exécution de la décision de retour ont été entreprises (ATF 147 IV 232 consid. 1.2). Les principes dégagés de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, examinés sous l'angle de l'art. 115 al. 1 let. b LÉI, doivent être transposés à la rupture de ban, au sens de l'art. 291 CP. Ainsi, la Directive 2008/115/CE n’est pas applicable aux ressortissants des pays tiers qui ont commis, outre le séjour irrégulier, un ou plusieurs autres délits en dehors du droit pénal sur les étrangers (ATF 147 IV 232 consid. 1.1; arrêt du Tribunal fédéral 6B_275/2022 du 2 septembre 2022 consid. 1.1.2).

3.2.       En l’espèce, le recourant semble invoquer, puisqu’il les reprend tels quels, les griefs soumis au Tribunal fédéral dans la cause 6B_675/2022 susmentionnée (cf. consid. 1.2.2.), à savoir que, seule, une peine pécuniaire entrerait en considération dans son cas, faute de tentative d’exécution de l’expulsion judiciaire prononcée en 2020.

En premier lieu, il ne conteste pas que son identité et sa nationalité ne sont pas formellement établies pour l’autorité d’exécution. Du reste, son casier judiciaire révèle quatre alias. Dans ces conditions, on ne voit pas ce que, depuis le prononcé de l’expulsion, l’OCPM aurait pu et dû tenter auprès de la représentation d’Algérie en Suisse en vue de son renvoi vers un pays tiers, au sens de la Directive.

Peu importe, cependant.

L’arrêt 6B_675/2022 a été rendue dans une cause au fond, et non sur une question de de détention provisoire.

Or, ce type de détention est admissible aussi lorsque l’une des peines encourues est une peine pécuniaire (DCPR/101/2022 du 9 mai 2011 consid. 3a ; Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2e éd., Bâle 2019, n. 4 ad art. 221). Dans le cas de l’art. 291 CP, ce n’est en tout cas pas au juge de la détention d’empiéter sur les prérogatives du juge du fond en estimant que, dans l’alternative des sanctions prévues par cette disposition légale, la situation personnelle du recourant – en récidive, sur point – appellerait le choix d’une peine pécuniaire plutôt que d’une peine privative de liberté.

4.             Pour le surplus, le recourant ne revient pas sur son absence d’attache avec la Suisse.

Dès lors, un risque concret de fuite (art. 221 al. 1 let. a CPP) peut lui être opposé.

5.             Ce qui précède rend superflu l’examen du risque de réitération (arrêt du Tribunal fédéral 1B_51/2021 du 31 mars 2021 consid. 3.1. et les références).

6.             La durée de la détention ne paraît pas avoir déjà atteint la peine concrètement encourue par le recourant (art. 212 al. 3 CPP), s’il était reconnu coupable des préventions pour lesquelles le Ministère public compte engager l’accusation. Ni lui ni son conseil d’office ne prétendent le contraire.

7.             Le recours doit être rejeté.

8.             N’obtenant pas gain de cause, le recourant, bien qu'au bénéfice d'une défense d'office, assumera les frais de la procédure de recours (art. 428 al. 1 CPP; arrêts du Tribunal fédéral 1B_203/2011 du 18 mai 2011 consid. 4 et 1B_372/2014 du 8 avril 2015 consid. 4.6, qui rappellent que l'autorité de deuxième instance est tenue de dresser un état de frais pour la procédure de recours, sans égard à l'obtention de l'assistance judiciaire). Ces frais seront arrêtés à CHF 900.- (art. 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP; E 4 10.03).

9.             Le recourant a agi en personne, son avocat d'office n'étant intervenu qu'en phase de réplique. S’agissant d’un premier recours au sujet de sa détention, on peut admettre que le bénéfice de la défense d’office lui profite aussi en instance de recours (cf. ACPR/157/2023 du 3 mars 2023 consid. 7.1. et la référence). Il n'y a cependant pas lieu d'indemniser son défenseur à ce stade (art. 135 al. 2 CPP). Il n'y a d'ailleurs pas conclu.

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Rejette le recours.

Met à la charge de A______ les frais de l’instance, arrêtés à CHF 900.-.

Notifie le présent arrêt ce jour, en copie, au recourant, au Ministère public et au Tribunal des mesures de contrainte.

Le communique pour information à Me C______, défenseur d'office.

Siégeant :

Monsieur Christian COQUOZ, présidente; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Alix FRANCOTTE CONUS, juges; Monsieur Julien CASEYS, greffier.

 

Le greffier :

Julien CASEYS

 

Le président :

Christian COQUOZ

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

 

P/2825/2023

ÉTAT DE FRAIS

 

ACPR/

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

815.00

-

CHF

Total

CHF

900.00