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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/3588/2022

ACPR/192/2023 du 16.03.2023 sur ONMMP/4229/2022 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : ORDONNANCE DE NON-ENTRÉE EN MATIÈRE;INFRACTIONS CONTRE L'HONNEUR;CONTRAINTE(DROIT PÉNAL);APPAREIL DE PRISE DE VUE ET/OU D'ENREGISTREMENT SONORE
Normes : CPP.310; CP.173; CP.179quater; CP.179novies; CP.181

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/3588/2022 ACPR/192/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du jeudi 16 mars 2023

 

Entre

A______, domicilié ______,

B______, domiciliée ______,

comparant tous deux par Me Romain JORDAN, avocat, Merkt & Associés, rue Général-Dufour 15, case postale , 1211 Genève 4,

recourants,

 

contre l'ordonnance de non-entrée en matière rendue le 2 décembre 2022 par le Ministère public,

 

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. Par acte expédié le 15 décembre 2022, A______ et B______ recourent contre l'ordonnance du 2 décembre 2022, communiquée par pli simple, par laquelle le Ministère public a refusé d'entrer en matière sur leur plainte du 14 février 2022.

Les recourants concluent, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de l'ordonnance querellée et au renvoi de la cause au Ministère public pour l'ouverture d'une instruction et qu'il procède à divers actes d'instruction.

b. Les recourants ont versé les sûretés en CHF 1'200.- qui leur étaient réclamées par la Direction de la procédure.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Feu C______, père de A______, est décédé le ______ 2021. Il était locataire d'un appartement sis rue 1______ no.______ à Genève, dont l'immeuble était géré par la société D______ (ci-après: la régie).

b. Par pli du 14 février 2022, A______ et B______ ont déposé plainte contre la régie, ses responsables ainsi que son personnel, pour diffamation (art. 173 CP), violation du domaine privé au moyen d'un appareil de prise de vue (art. 179quater CP), contrainte (art. 181 CP) et soustraction de données personnelles (art. 179novies CP).

En substance, il en ressort que A______ était domicilié rue 1______ no.______, selon l'attestation de résidence établie le 5 octobre 2021 par l'Office cantonal de la population et des migrations (ci-après: OCPM), qu'ils produisent. Fin septembre 2021, B______, ex-épouse du prénommé, résidant à l'avenue 2______ no.______, avait surpris un inconnu photographier sa boîte aux lettres. Cette personne lui avait dit avoir été chargée par la régie d'effectuer des investigations sur A______. Effrayée, elle n'avait pas eu le temps d'appeler la police. Elle en avait fait part à son ex-époux par pli du 1er décembre 2021.

Le 6 décembre 2021, lors de l'audience de conciliation dans le cadre de la contestation du congé ordinaire du bail de l'appartement sis rue 1______ no.______, l'avocat de la régie avait mentionné la visite d'une femme au domicile de A______. Ce dernier avait alors interpellé ledit conseil sur l'utilisation des enregistrements des caméras de surveillance, dès lors qu'une telle observation n'était possible que par ce biais, cette personne ayant pour habitude de lui rendre visite "tard" le soir. Cependant, ni la régie ni l'entreprise externe n'avaient été en mesure de confirmer que les enregistrements n'étaient pas utilisés à d'autres fins que pour assurer la sécurité des habitants. Il apparaissait que la régie utilisait les enregistrements des caméras dans le but de le surveiller ainsi que des personnes lui rendant visite, ce qui attentait à leur sphère privée. La régie s'était aussi rendue au domicile de son ex-épouse pour collecter ses données personnelles.

c. À l'appui de leur plainte, ils ont produit les documents issus de la procédure de divorce, le bail relatif à l'appartement sis à la rue 1______ no.______ établi au nom de C______, et la lettre du 1er décembre 2021 de B______.

Ils ont aussi joint une lettre adressée à une date indéterminée par A______ à la régie, demandant des explications sur la visite effectuée au domicile de son ex-épouse ainsi que l'utilisation des enregistrements des caméras de surveillance, placées notamment à l'entrée de l'immeuble et au niveau de son parking. Dans sa réponse du 25 janvier 2022, la régie, par le biais de son conseil, conteste qu'un de ses représentants se soit rendu au domicile de B______. Les seules personnes envoyées par la régie au no. ______ rue 1______ étaient des artisans et le concierge en raison d'une fuite d'eau dans la pharmacie située en dessous de l'appartement. Le but de cette visite n'était donc pas de savoir si A______ "habitait ou non" dans l'appartement en question mais de remédier à un problème sanitaire. S'agissant des caméras de surveillance installées à l'adresse précitée, dont le but était de protéger les habitants de l'immeuble, elles étaient gérées par une entreprise externe qui respectait les "normes en vigueur".

d. Entendu le 31 août 2022 par la police, E______, responsable d'immeuble au sein de D______, a expliqué que A______ s'était présenté à la régie en sa qualité d'héritier, après le décès de son père, afin de reprendre le bail relatif à l'appartement dont ce dernier était titulaire. Or, cette requête lui avait été refusée dans la mesure où il n'était pas domicilié à cette adresse et ne figurait pas sur le bail.

Dans le cadre de ce litige, des contrôles d'"usage" avaient été effectués. Il avait lui-même vérifié la boîte aux lettres de feu C______. Dans un premier temps, le nom de A______ n'y figurait pas. Ultérieurement, il avait constaté qu'un autocollant portant le nom du prénommé y avait été apposé. Selon l'OCPM, A______ résidait au chemin 5______ no.______, à I______ [GE]. Puis, ce dernier leur avait transmis une attestation de résidence mentionnant le changement d'adresse. La régie avait alors demandé à F______, concierge, de contrôler les boîtes aux lettres extérieures de l'avenue 2______ no.______ – autre adresse connue du prénommé –; ce dernier avait confirmé que le nom du plaignant figurait sur ladite boîte. Sur place, le concierge avait rencontré un membre de la famille de A______, étant précisé qu'ils n'avaient obtenu cette information qu'après le dépôt de plainte. La régie chargée de l'immeuble sis avenue 2______ no. ______ leur avait en outre confirmé qu'un bail au nom de A______ et B______ était "en cours". Enfin, deux voisins de palier de feu C______ avaient dit ne pas connaitre le fils de ce dernier. La régie avait donc résilié le bail à loyer, étant précisé que s'il s'était avéré que A______ habitait effectivement dans l'appartement de feu son père, elle aurait procédé au transfert du bail en sa faveur.

A______ avait contesté le congé par-devant le Tribunal des baux et loyers. Avant l'audience de conciliation du 6 décembre 2021 – à laquelle E______ n'avait pas assisté –, la régie avait demandé à G______, concierge, de "surveiller" le box et de "contrôler" la boîte aux lettres. Ce dernier avait informé la régie qu'une voiture s'était parquée dans ledit box et qu'une dame en était sorti. Il n'avait pas d'indication s'agissant de la fréquence.

H______ SA, soit l'entreprise en charge de la gestion et la maintenance des caméras de surveillance, n'avait pas effectué de sauvegarde d'images dans le cadre de ce conflit. Les images n'étaient demandées qu'en cas de plainte, étant précisé que la police les récupérait directement.

À l'appui de ses déclarations, E______ a produit un plan du parking avec mention de l'emplacement des caméras. Il en ressort que la caméra posée à l'entrée du parking se situe en face du box n° 3______, lequel se trouve deux box à gauche du n° 4______. Il joint aussi des photographies du parking et de la caméra installée à l'entrée du no. ______ rue 1______. Enfin, il ressort de la lettre adressée le 4 octobre 2021 à A______ que la régie l'informe ne pas pouvoir donner suite à sa demande de reprise de bail dès lors qu'il réside, selon l'OCPM, au chemin 5______ no.______ à I______.

e. Par pli du 19 mai 2022 adressé au Ministère public, le conseil de la régie a transmis plusieurs documents au Ministère public.

Il ressort des courriers adressés les 18 juillet 2016 et 5 juillet 2021 à l'ensemble des habitants de "J______" que des caméras avaient été posées dans le local à vélo, puis aux entrées des immeubles et des parkings, ensuite d'incivilités constatées dans le groupe d'immeuble et ce afin de le sécuriser.

À teneur de l'attestation du 10 mai 2022, H______ SA confirmait être la seule à avoir accès et être responsable du contrôle des enregistrements et effacements des images selon la loi "en vigueur". La transmission des événements se faisait uniquement à la police en cas de plainte écrite du propriétaire.

En outre, il ressortait du courriel du 10 mai 2022 de E______ que, après le décès de C______, "ils" avaient appris de l'OCPM que A______ n'habitait pas à la rue 1______ no. ______. "Ils" avaient donc demandé à G______, concierge de l'immeuble, de leur dire si le nom de A______ figurait sur la boîte aux lettres de son père et s'il utilisait le box n° 4______, étant précisé que le local où le concierge entreposait son matériel se situait en face dudit box. C'est ainsi que ce dernier les avait informés avoir croisé une dame avec un chien qui rentrait ou sortait dudit box et non au moyen des enregistrements des caméras, étant précisé qu'ils n'avaient aucun accès aux images enregistrées, lesquelles étaient réservées à la police en cas de plainte.

Enfin, le conseil de la régie relevait que la boîte aux lettres de B______ se situait à l'extérieur de l'immeuble de sorte qu'elle était accessible à tout un chacun.

f. À teneur du rapport de renseignements du 21 septembre 2022, H______ SA a confirmé n'avoir effectué aucune sauvegarde d'images pour le compte de la régie dans le cadre de ce litige.

C. Dans l'ordonnance querellée, le Ministère public retient que les faits capturés à l'adresse de B______ et à la rue 1______ no. ______ échappaient à la définition de sphère privée protégée par l'art. 179quater CP, puisque les photographies avaient été prises sur le domaine public. Les éléments dénoncés ne remplissaient pas non plus les éléments constitutifs de l'infraction de soustraction de données personnelles, ni d'une quelconque infraction.

Les caméras de surveillance avaient été installées dans l'immeuble sis rue 1______ no. ______ et placées aux entrées de l'immeuble et du parking en raison d'incivilités. En outre, H______ SA avait confirmé être la seule responsable du contrôle des enregistrements et de l'effacement des images et n'avoir effectué aucune sauvegarde pour le compte de la régie de sorte que les éléments constitutifs de l'infraction à l'art. 179quater CP n'étaient pas réunis.

Faute de "données personnelles sensibles", les éléments constitutifs de l'art. 179novies CP n'étaient pas non plus réunis.

Enfin, les éléments constitutifs de l'infraction de contrainte n'étaient "manifestement pas remplis".

D. a. Dans leur recours, B______ et A______ invoquent une violation de leur droit d'être entendus, le Ministère public ne s'étant pas déterminé sur l'infraction de diffamation et n'ayant pas suffisamment motivé sa décision s'agissant de l'infraction de contrainte. Ils allèguent aussi une violation du principe in dubio pro duriore et de leur droit à une enquête effective, le Ministère public ayant refusé d'entrer en matière sans procéder aux actes d'enquêtes nécessaires.

Au fond, contrairement à ce qu'avait retenu le Ministère public, le Tribunal fédéral admettait que la protection de l'art. 179quater CP ne se limitait pas à tout local fermé mais s'étendait aux environs immédiats du domicile. Ainsi, la recourante considérait que les abords de son domicile faisaient partie de sa sphère privée. Il convenait donc d'examiner les photographies prises par F______ avant de conclure à l'absence d'une infraction.

En outre, le Tribunal fédéral avait considéré qu'une vidéosurveillance des parties communes d'un immeuble locatif était susceptible de porter atteinte à la sphère privée des locataires de sorte que l'argumentation du Ministère public tombait à faux. A______ avait fait l'objet d'une surveillance systématisée. Il était certain, tout comme son amie, de n'avoir jamais vu un concierge ou un employé de l'immeuble, de sorte que les informations obtenues provenaient nécessairement des images de la vidéosurveillance. Il convenait donc de procéder à l'audition du concierge.

Dès lors qu'une procédure civile était pendante et qu'il avait fourni toutes les informations permettant de conclure à l'existence d'un domicile effectif à la rue 1______ no. ______, les démarches de la régie et de E______, avaient pour but de l'intimider et le contraindre à renoncer à ses démarches judiciaires.

Enfin, la régie l'avait accusé d'avoir menti sur son domicile effectif, et ce dès le moment où il s'était présenté dans ses locaux en sa qualité d'héritier dans le but de reprendre le bail de feu son père. Puis, après avoir interpellé la régie sur l'utilisation des images des caméras de surveillance, celle-ci discrédité à ses propos. Dans la "procédure subséquente" au dépôt de plainte, elle avait avancé qu'il avait tenté d'ajouter son nom au bail à loyer ou demandé une suspension de la procédure dans l'attente de l'issue de la procédure pénale dans le seul but de lui causer du tort, s'évertuant à dépeindre une attitude procédurière et malhonnête, mais nullement conforme à la réalité, dans le seul but de justifier ses actes.

B______ et A______ sollicitent leur audition, une audience de confrontation entre les parties, l'audition de E______, de H______ SA – s'agissant notamment des modalités d'accès, de transmission et la sécurité des données enregistrées –, des concierges, des voisins de palier ainsi que la production des pièces transmises à la régie par l'OCMP.

b. À réception des sûretés, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

EN DROIT :

1.             Le recours a été déposé selon la forme et – faute de respect des réquisits de l'art. 85 al. 2 CPP – dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerne une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émane des plaignants qui, parties la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), ont en principe qualité pour agir.

2.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement irrecevables ou mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

3.             Les recourants reprochent au Ministère public une violation de leur droit d'être entendu pour n'avoir pas traité de l'infraction de diffamation et avoir insuffisamment motivé sa décision s'agissant de la contrainte.

3.1. L'autorité qui ne traite pas un grief relevant de sa compétence, motivé de façon suffisante et pertinent pour l'issue du litige, commet un déni de justice formel proscrit par l'art. 29 al. 1 Cst féd. De même, la jurisprudence a déduit du droit d'être entendu ancré à l'art. 29 al. 2 Cst féd. l'obligation pour l'autorité de motiver sa décision, afin que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et exercer son droit de recours à bon escient (arrêt du Tribunal fédéral 1B_539/2019 du 19 mars 2020 consid. 3.1 et les références citées).

Une violation de ces droits peut toutefois être réparée. En effet, le Tribunal fédéral admet la guérison – devant l'autorité supérieure qui dispose d'un plein pouvoir d'examen – de l'absence de motivation, pour autant que l'autorité intimée ait justifié et expliqué sa décision dans un mémoire de réponse et que le recourant ait eu la possibilité de s’exprimer sur ces points dans une écriture complémentaire; il ne doit toutefois en résulter aucun préjudice pour ce dernier (ATF 125 I 209 consid. 9a et 107 Ia 1 consid. 1; arrêt du Tribunal pénal fédéral R.R.2019.70 du 3 septembre 2019, consid. 3.1 in fine). La Haute Cour admet également la réparation d’une violation du droit d’être entendu, y compris en présence d'un vice grave, lorsqu’un renvoi à l'instance inférieure constituerait une vaine formalité, respectivement aboutirait à un allongement inutile de la procédure, incompatible avec l'intérêt de la partie concernée à ce que sa cause soit tranchée dans un délai raisonnable (ATF 145 I 167 consid. 4.4; arrêt du Tribunal fédéral 1B_539/2019 précité).

3.2. En l'espèce, l'on peut tout d'abord se demander si la seule mention de l'infraction de diffamation valait dépôt de plainte pour celle-ci.

Cela étant, même à considérer que le Ministère public, en ne traitant pas le grief énoncé, aurait commis un déni de justice formel, un renvoi de la cause à cette autorité constituerait une vaine formalité, dès lors que l'autorité saisie est à même de statuer pleinement sur la cause (cf. 4.4.2.).

3.3. Il en va de même de l'infraction de contrainte, dont la motivation contenue dans l'ordonnance querellée est très succincte (cf. 4.3.2.).

4.             Les recourants reprochent au Ministère public de n'être pas entré en matière sur leur plainte du 14 février 2022.

4.1.1. Selon l'art. 310 al. 1 let. a CPP, le ministère public rend immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière s'il ressort de la dénonciation ou du rapport de police que les éléments constitutifs de l'infraction ou les conditions à l'ouverture de l'action pénale ne sont manifestement pas réunis.

Selon la jurisprudence, cette disposition doit être appliquée conformément à l'adage "in dubio pro duriore" (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1456/2017 du 14 mai 2018 consid. 4.1 et les références citées). Celui-ci découle du principe de la légalité (art. 5 al. 1 Cst. et 2 al. 1 CPP en relation avec les art. 309 al. 1, 319 al. 1 et 324 CPP; ATF 138 IV 86 consid. 4.2 p. 91) et signifie qu'en principe, un classement ou une non-entrée en matière ne peuvent être prononcés par le ministère public que lorsqu'il apparaît clairement que les faits ne sont pas punissables ou que les conditions à la poursuite pénale ne sont pas remplies. Le ministère public et l'autorité de recours disposent, dans ce cadre, d'un pouvoir d'appréciation. La procédure doit se poursuivre lorsqu'une condamnation apparaît plus vraisemblable qu'un acquittement ou lorsque les probabilités d'acquittement et de condamnation apparaissent équivalentes, en particulier en présence d'une infraction grave. En effet, en cas de doute s'agissant de la situation factuelle ou juridique, ce n'est pas à l'autorité d'instruction ou d'accusation mais au juge matériellement compétent qu'il appartient de se prononcer (ATF 143 IV 241 consid. 2.2.1 p. 243; 138 IV 86 consid. 4.1.2 p. 91).

4.1.2. Une ordonnance de non-entrée en matière doit également être rendue lorsqu'il existe des empêchements de procéder (art. 310 al. 1 let. b CPP), par exemple lorsque le délai pour déposer plainte prévu par l'art. 31 CP n'a pas été respecté (arrêt du Tribunal fédéral 6B_848/2018 du 4 décembre 2018 consid. 1.5).

4.2.1. L'art. 179quater al. 1 CP punit sur plainte, celui qui, sans le consentement de la personne intéressée, aura observé avec un appareil de prise de vues ou fixé sur un porteur d'images un fait qui relève du domaine secret de cette personne ou un fait ne pouvant être perçu sans autre par chacun et qui relève du domaine privé de celle-ci.

Le Tribunal fédéral a admis que le domaine protégé par la disposition pénale ne comprend pas seulement les évènements se déroulant dans une maison, mais également ce qui se passe dans les environs immédiats, qui sont considérés et reconnus sans autre par les occupants et par les tiers comme faisant encore pratiquement partie de l'espace appartenant à la maison (ATF 118 IV 41 consid. 4 et suivants p. 44 et suivantes, JdT 1994 IV 79; A. MACALUSO / L. MOREILLON / N. QUELOZ (éds), op. cit., n. 7 ad art. 179quater CP). Il a toutefois nuancé cette position de principe, considérant que la licéité du comportement dépendait essentiellement de la question de savoir si le lieu était publiquement observable par tout un chacun, ce qui est le cas dans le contexte d’une maison partagée par plusieurs familles (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1149/2013 du 13 novembre 2014, consid. 1.2-1.3; A. MACALUSO / L. MOREILLON / N. QUELOZ (éds), op. cit., n. 7 ad art. 179quater).

S’il faut outrepasser des limites physiques, juridiques ou morales pour observer des faits de la sphère privée au sens étroit, ceux-ci ne sont plus perceptibles "sans autre" par chacun. La limite morale est celle qui n’est pas franchie sans le consentement de la personne concernée d’après les mœurs et les usages généralement reconnus dans le pays (ATF 118 IV 41 c. 4e, JdT 1994 IV 79).

4.2.2. L'art. 179novies CP punit, sur plainte, celui qui aura soustrait d'un fichier des données personnelles sensibles ou des profils de la personnalité qui ne sont pas librement accessibles.

Par données personnelles, on entend toutes les informations qui se rapportent à une personne identifiée ou identifiable (art. 3 let. a LPD). Les données sensibles concernent les opinions ou les activités religieuses, philosophiques, politiques ou syndicales, la santé, la sphère intime, l'appartenance à une race, les mesures d'aide sociale, les poursuites ainsi que les sanctions pénales ou administratives (art. 3 let. c LPD) (M. DUPUIS / L. MOREILLON / C. PIGUET / S. BERGER / M. MAZOU / V. RODIGARI (éds), Petit commentaire du CP, Bâle 2017, N. 5 et 7 ad art. 179novies et les références citées). L'auteur ne doit pas avoir le droit d'accéder à ces données, qui doivent être protégées contre un accès indu (B. CORBOZ, op. cit., n. 8 ad
art. 179novies). La notion de soustraction est la même qu'à l'art. 143 CP, auquel il peut être renvoyé, en précisant qu'une simple vision suffit, pour autant qu'elle permette effectivement "d'emporter la donnée avec soi", autrement dit une utilisation ultérieure (M. DUPUIS / L. MOREILLON / C. PIGUET / S. BERGER / M. MAZOU / V. RODIGARI (éds), op. cit., Bâle 2017, N. 11 ad art. 179novies et les références citées).

4.2.3. En l'espèce, s'agissant des photographies des boîtes aux lettres du domicile de B______, bien que la recourante considère que ce lieu, situé aux "environs immédiats" de son domicile, fasse partie de sa sphère privée, il n'est pas contesté que ledit emplacement est accessible pour tout un chacun, ni qu'il serait nécessaire de franchir une barrière physique ou psychologique pour observer les faits qui s'y déroulent.

En tout état, la recourante n'explique pas en quoi les faits qui y seraient observés touchent à sa vie personnelle à tel point qu'ils ne pourraient être observés que par des intimes. On peine ainsi à distinguer en quoi ceux-ci relèveraient du domaine privé.

La décision de non-entrée en matière sera donc confirmée sur ce point.

4.2.4. S'agissant des caméras de surveillance sise rue 1______ no. ______, il ressort du dossier, en particulier des déclarations des mis en cause, du plan produit et de la lettre du 5 juillet 2021, qu'elles ont été installées aux entrées de l'immeuble et du garage ensuite d'incivilités, et ce afin de sécuriser le périmètre, ce qui n'est pas contesté par les recourants.

Ainsi, l'on ne voit pas en quoi la jurisprudence qu'ils citent (arrêt du Tribunal fédéral 4A_576/2015 du 29 mars 2016) serait applicable in casu, dès lors que le Tribunal fédéral, pour conclure à une atteinte disproportionnée à la personnalité des habitants, avait mis en évidence le nombre limité de locataires résidant dans l'immeuble en question et l'absence de danger concret de déprédation dans les lieux où les caméras avaient été installées.

En tout état, la société chargée de la gestion et de la maintenance desdites caméras a confirmé être la seule responsable du contrôle des enregistrements et de l'effacement des images et n'avoir effectué aucune sauvegarde pour le compte de la régie. Rien ne permet de douter de la crédibilité de ces affirmations.

Ainsi, les soupçons des recourants ne reposent ici que sur des suppositions, voire leur conviction, et on ne voit pas en quoi les actes d'instruction sollicités pourraient permettre de les étayer. En particulier, une ré-audition voire une confrontation entre les parties ne parait pas susceptible d'apporter d'élément probant supplémentaire car chacun persisterait vraisemblablement dans sa propre version. L'on ne voit pas non plus en quoi l'obtention d'informations complémentaires de H______ SA sur les modalités d'accès ou la sécurité des données modifierait le raisonnement qui précède. Enfin, l'audition du concierge n'apparait pas pertinente s'agissant de la gestion des images issues des caméras de surveillance.

Pour le surplus, force est de constater qu'il n'est pas allégué que les images concernées contiendraient des "données personnelles sensibles" ou "des profils de la personnalité", au sens de la jurisprudence précitée, et il n'est pas non plus établi qu'elles auraient été obtenues au moyen d'une intrusion illicite dans un système informatique.

4.3.1. En vertu de l'art. 181 CP, se rend coupable de contrainte celui qui, en usant de violence envers une personne ou en la menaçant d'un dommage sérieux, ou en l'entravant de quelque autre manière dans sa liberté d'action, l'aura obligée à faire, à ne pas faire ou à laisser faire un acte.

La contrainte n'est contraire au droit que si elle est illicite (ATF 120 IV 17 consid. 2a p. 19 et les arrêts cités), soit parce que le moyen utilisé ou le but poursuivi est illicite, soit parce que le moyen est disproportionné pour atteindre le but visé, soit encore parce qu'un moyen conforme au droit utilisé pour atteindre un but légitime constitue, au vu des circonstances, un moyen de pression abusif ou contraire aux mœurs (ATF 141 IV 437 consid. 3.2.1; 137 IV 326 consid. 3.3.1). Réclamer le paiement d'une créance ou menacer de déposer une plainte pénale (lorsque l'on est victime d'une infraction) constitue en principe des actes licites; ils ne le sont plus lorsque le moyen utilisé n'est pas dans un rapport raisonnable avec le but visé et constitue un moyen de pression abusif (arrêt du Tribunal fédéral 6B_415/2018 du 20 septembre 2018 consid. 2.1.3; ATF 120 IV 17 consid. 2a/bb p. 20). Lorsque la victime ne se laisse pas intimider et n'adopte pas le comportement voulu par l'auteur, ce dernier est punissable de tentative de contrainte (art. 22 al. 1 CP; ATF 129 IV 262106 IV 125 consid. 2b).

4.3.2. En l'espèce, il appert que les investigations litigieuses ont eu lieu après que le recourant eut sollicité le transfert de bail, respectivement qu'il entame des démarches judiciaires visant à la contestation du congé ordinaire. Ainsi, rien ne permet de retenir que lesdits contrôles auraient été effectués par les mis en cause dans un autre but que celui de déterminer le domicile du recourant, ce d'autant que E______ a affirmé que, s'il s'était avéré que le recourant avait effectivement été domicilié à l'adresse de feu son père, le bail lui aurait été transféré.

Ainsi, on ne peut considérer que les mis en cause aient fait usage d'un moyen de pression abusif.

4.4.1. L'art. 173 ch. 1 CP réprime le comportement de celui qui, en s'adressant à un tiers, aura accusé une personne ou jeté sur elle le soupçon de tenir une conduite contraire à l'honneur, ou de tout autre fait propre à porter atteinte à sa considération, de même que celui qui aura propagé une telle accusation ou un tel soupçon.

Cette disposition protège la réputation d'être une personne honorable, c'est-à-dire de se comporter comme une personne digne a coutume de le faire selon les conceptions généralement reçues. L'honneur protégé par le droit pénal est conçu de façon générale comme un droit au respect, qui est lésé par toute assertion propre à exposer la personne visée au mépris en sa qualité d'être humain (ATF 137 IV 313 consid. 2.1.1.). Le fait d'accuser une personne d'avoir commis un crime ou un délit intentionnel entre dans les prévisions de l'art. 173 ch. 1 CP (ATF 132 IV 112 consid. 2.2.).

Pour qu'il y ait diffamation, il faut que l'auteur s'adresse à un tiers. Est en principe considéré comme tiers toute personne autre que l'auteur et l'objet des propos qui portent atteinte à l'honneur (ATF 86 IV 209).

L'infraction précité n'est poursuivie que sur plainte.

4.4.2. En l'espèce, selon le recourant, la régie l'aurait accusé d'avoir menti sur son domicile effectif au moment où il se serait présenté pour reprendre les baux dont feu son père était titulaire. Force est de constater qu'il existe un empêchement de procéder. En effet, cet évènement ne peut avoir eu lieu qu'avant le 4 octobre 2021, date à laquelle la régie lui a refusé sa requête. La plainte déposée le 14 février 2022 apparait donc tardive (art. 31 CP).

En tout état, de tels propos sont impropres aussi bien à ternir sa réputation qu'à l'exposer au mépris d'autrui. De plus, ces assertions n'ont pas été tenues auprès de tiers, puisque les échanges en cause sont intervenus entre la mise en cause, respectivement ses employés, et lui-même.

Enfin, s'agissant des évènements qui auraient eu lieu après le dépôt de la plainte pénale, soit dans le cadre de la "procédure subséquente", la Chambre de céans ne saurait entrer en matière, faute de plainte et a fortiori de décision préalable sur ce point (art. 393 al. 1 let. a CPP).

4.5. Ce qui précède permet enfin de rejeter l'ultime grief des recourants, tiré d'une violation du devoir d'instruction et du droit à une enquête effective, faute de prévention suffisante justifiant l'ouverture d'une instruction.

5.             Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée.

6.             Les recourants, qui succombent, supporteront les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 1'200.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Condamne A______ et B______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 1'200.-.

Dit que ce montant sera prélevé sur les sûretés versées.

Notifie le présent arrêt, en copie, aux recourants, soit pour eux leur conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Monsieur Julien CASEYS, greffier.

 

Le greffier :

Julien CASEYS

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/3588/2022

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

1'115.00

-

CHF

Total

CHF

1'200.00