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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/14495/2022

ACPR/194/2023 du 16.03.2023 sur ONMMP/3784/2022 ( MP ) , ADMIS/PARTIEL

Descripteurs : ORDONNANCE DE NON-ENTRÉE EN MATIÈRE;APPROPRIATION ILLÉGITIME;VOL(DROIT PÉNAL);DOMMAGES À LA PROPRIÉTÉ(DROIT PÉNAL);SOUSTRACTION D'UNE CHOSE MOBILIÈRE;INFRACTIONS CONTRE L'HONNEUR
Normes : CP.137; CP.139; CP.141; CP.144; CPP.310; CP.173; CP.174

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/14495/2022 ACPR/194/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du jeudi 16 mars 2023

 

Entre

A______, domiciliée ______, comparant par Me I______, avocat,

recourante,

contre l'ordonnance de non-entrée en matière rendue le 31 octobre 2022 par le Ministère public,

 

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. Par acte déposé le 11 novembre 2022, A______ recourt contre l'ordonnance du 31 octobre 2022, communiquée par pli simple, par laquelle le Ministère public a refusé d'entrer en matière sur sa plainte.

La recourante conclut, sous suite de frais et dépens chiffrés à CHF 3'271.38, à l'annulation de l'ordonnance querellée et à ce qu'il soit ordonné au Ministère public de déclarer B______ coupable de vol, subsidiairement d'appropriation illégitime, de dommage à la propriété et de calomnie, ou à tout le moins de diffamation; subsidiairement, à ce que la cause soit renvoyée au Ministère public afin qu'il ouvre une instruction pénale contre B______ et procède à l'audition de plusieurs personnes qu'elle énumère; plus subsidiairement, à ce que le Ministère public soit invité à renvoyer B______ en jugement.

b. La recourante a versé les sûretés en CHF 1'000.- qui lui étaient réclamées par la Direction de la procédure.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a.C______ est une fondation inscrite au Registre du commerce de Genève, dont le but social est d'offrir un enseignement ______. B______ en est le président du conseil depuis le mois de janvier 2022.

b.A______ y a été engagée comme enseignante de langue française à compter du 17 août 2015.

c. Le 29 mars 2022, elle a résilié le contrat avec effet au 31 mai 2022, invoquant des problèmes de santé suite à des atteintes à sa personnalité dans le cadre du travail.

d. Selon un témoignage écrit de D______ – enseignante à C______ –, daté du 9 mai 2022 et établi à la demande de E______ [ancienne directrice de l'école], B______ avait, lors d'une séance pédagogique regroupant les enseignants, "révélé que Madame E______ risquait des poursuites pénale et civile [ ]. Il a aussi laissé entendre que des membres du personnel ont été les complices involontaires de Madame E______ dans ses démarches nuisibles à l'Ecole". Durant les séances suivantes, le précité "n'a eu de cesse d'être soupçonneux à l'égard de certains employés quant à leur lien avec Mesdames E______ et A______. Il a aussi dit que Madame E______ encourait entre trois et six années de prison pour faux et usage de faux [ ]. Il a sciemment accablé, devant les employés, Mesdames E______ et A______ d'avoir accusé à tor[t], une employée de dégradation volontaire de matériel [ ]. Lors des dernières réunions pédagogiques, B______ avait "accusé [le comptable] de ne pas avoir travaillé correctement. Il a indiqué qu'il manque un tiers du chiffre d'affaires de l'Ecole et a questionné sur la cause de ce manque. Est-ce un problème de factures non envoyées, d'impayés ou d'argent volé (par les personnes ayant accès aux comptes: [le comptable], E______ et A______)?" (sic).

e. Il ressort d'un courriel de B______, du 2 juin 2022, adressé aux parents des élèves de C______ ce qui suit: "notre École a été victime d'une personne malhonnête. Nous avons embauché notre précédente directrice, Madame E______, sur la base d'un faux CV avec de faux certificats de travail. En plus d'avoir mis la pédagogie du 6-11 sens dessus dessous avec la complicité de Madame A______, elle a donné de fausses informations à notre organe de révision [ ]".

f. Par courriers des 31 mai et 7 juin 2022, A______, sous la plume de son conseil, a informé B______ de son souhait de récupérer l'ensemble de ses affaires personnelles, dont notamment "le marché de [N]oël qui comprend des pièces de collection" (ci-après: maquette de Noël).

En réponse, B______ lui a demandé de produire une liste de ses affaires personnelles en se référant à un règlement interne de C______ aux termes duquel "[t]oute personne qui souhaiterait apporter à l'Ecole du matériel ou livres personnels, doit en demander l'autorisation à la Direction et en faire une liste écrite qui sera remise à l'Administration pour la conserver dans son dossier personnel. En cas de départ, avant de remettre ce matériel ou livres à l'employé(e), ladite liste sera contrôlée par la Direction [ ]. [N]ous n'encourageons pas cette pratique et que le Conseil de Fondation préfère acquérir tout matériel ou livres qui constitueraient un atout pour les élèves dans l'Ecole".

g. Le 7 juin 2022, A______ a transmis à B______ un inventaire contenant, selon elle, toutes ses affaires personnelles, dont notamment du matériel scolaire et "[d]écos de Noël (maisons [de la marque] F______, personnages, accessoires etc.)".

Par courrier du même jour, le second a refusé de lui remettre le matériel revendiqué au motif que "la liste n'a jamais été ni transmise ni approuvée par l'administration avant de faire entrer les objets cités dans notre école".

h. Il ressort d'un courriel daté du 12 juin 2022 – que A______ dit avoir reçu de la part de G______, collaboratrice de C______ – que "B______ aurait demandé au parascolaire de se débarrasser [de la maquette de Noël]".

i. Par courriel du 22 juin 2022, H______, membre de l'équipe du parascolaire et chargé de l'enseignement de la musique à C______, a expliqué à A______ que B______ lui avait demandé de l'aider à se débarrasser des affaires personnelles de la précitée, soit de décorations de Noël et "un magnifique village de noël miniature (comprenant plus ou moins 200 pièces (maisons, figurines)" (sic). Celles-ci avaient été mises dans des sacs poubelle, puis amenées dans la voiture du directeur, lequel était parti à la décharge.

j. Le 5 juillet 2022, A______ a déposé plainte contre B______ pour vol – subsidiairement appropriation illégitime –, dommage à la propriété et calomnie, subsidiairement diffamation.

Elle lui reproche d'avoir refusé de lui restituer ses affaires personnelles – notamment sa maquette de Noël comprenant des pièces de collection de grande valeur – et de s'en être personnellement débarrassé, en les jetant à la poubelle. Par ailleurs, lors de séances pédagogiques, B______ avait tenu des propos totalement faux et "extrêmement graves" auprès de l'ensemble des collaborateurs, en laissant sous-entendre qu'elle avait été l'auteure d'une soustraction d'une partie du chiffre d'affaires de C______ et en lui reprochant d'avoir accusé une employée de dégradation volontaire du matériel appartenant à l'école. Enfin, dans le courriel adressé aux parents des élèves de C______, le précité l'avait, à nouveau, accusée, à tort, d'avoir mal exécuté sa profession d'enseignante.

À l'appui de sa plainte, A______ produit notamment des photographies du matériel scolaire et des images vidéo montrant la maquette de Noël – composée notamment de figurines, maisons illuminées et articles décoratifs animés – entreposée dans le hall d'entrée de l'école.

k. Entendu par la police le 26 août 2022, B______ a contesté l'intégralité des faits reprochés. Il avait aperçu la maquette de Noël à l'entrée de l'école à son arrivée mais, entretemps, une personne l'avait rangée sans qu'il sache le lieu exact. Selon le règlement interne de l'école, les enseignants, voulant apporter leur propre matériel, devaient en faire part à la hiérarchie au moyen d'un inventaire afin de le récupérer le jour de leur départ, ce que A______ n'avait pas fait. Elle n'avait donc pas prouvé que ce matériel lui appartenait. Il ne s'était débarrassé ni de la maquette de Noël ni des affaires personnelles de la précitée. Il l'avait effectivement "mise en cause" dans le courriel adressé aux parents des élèves mais c'était à juste titre, dans la mesure où les parents et les enseignants lui avaient rapporté que sa classe était "catastrophique" et un "bazar pédagogique". En revanche, il ne l'avait jamais accusée de dégradation de matériel ni d'avoir soustrait une partie du chiffre d'affaires de l'établissement, étant donné qu'elle n'était pas impliquée dans les questions financières.

C. Dans son ordonnance querellée, le Ministère public soulève le contexte particulièrement conflictuel qui opposait les parties, imposant de considérer avec prudence les allégations des protagonistes et de ne les retenir que si elles étaient corroborées par d'autres éléments objectifs. Les éléments constitutifs des infractions de vol et d'appropriation illégitime n'étaient pas réalisés, faute de soustraction et de dessein d'enrichissement illégitime. S'agissant de l'infraction à l'art. 144 CP, quand bien même les éléments constitutifs seraient réunis, il s'imposait de ne pas procéder en application des art. 52 CP et 310 al. 1 let. c CPP, au vu du règlement adopté par C______ concernant le matériel apporté par les enseignants. Les infractions de calomnie et de diffamation n'entraient pas non plus en considération, dès lors que les accusations d'avoir "dégradé volontairement le matériel de C______" et "mis la pédagogie du 6-11 sens dessus dessous" visaient l'honneur professionnel. Par ailleurs, le fait d'avoir – dans le cadre d'un questionnement sur la cause d'une perte de chiffre d'affaires de l'école – "notamment évoqué" le nom de la plaignante n'était pas constitutif d'une infraction contre l'honneur.

D. a. Dans son recours, A______ reproche au Ministère public d'avoir constaté de manière erronée les faits et violé les art. 309 al. 1 let. a et 310 al. 1 let. c CPP. Les éléments constitutifs des art. 137 et 139 CP étaient réunis, dès lors que B______ avait refusé de lui rendre ses affaires personnelles dans le but de procurer à C______ un enrichissement illégitime. En ayant décidé de les conserver à l'école, ce dernier s'était par ailleurs rendu coupable, à tout le moins, d'une infraction à l'art. 141 CP. De surcroît, les accusations proférées à son encontre, et communiquées à plusieurs tiers, étaient, en soi, attentatoires à son honneur et suffisaient pour retenir une infraction aux art. 173 et 174 CP. Sous l'angle de l'art.  144 CP, le Ministère public avait considéré à tort que la culpabilité et les conséquences des actes du mis en cause étaient de peu d'importance, dès lors que certaines de ses affaires jetées à la poubelle, dont notamment la maquette de Noël, avaient une grande valeur vénale et affective. En définitive, l'ordonnance querellée était arbitraire.

b. Dans ses observations, le Ministère public conclut au rejet du recours. La recourante n'ayant pas communiqué à ses employeurs une liste sur laquelle figurait la maquette de Noël, il était impossible pour B______ de s'assurer qu'elle en était la propriétaire. Par ailleurs – même à considérer que le mis en cause aurait donné comme instruction à ses employés de se débarrasser de la maquette – il pouvait légitimement partir du principe que celle-ci appartenait à l'école et en disposer à sa guise.

c. Dans sa réplique, la recourante persiste dans les termes de son recours et précise que le mis en cause savait pertinemment que la maquette de Noël lui appartenait.

 

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et – faute de notification conforme à l'art. 85 al. 2 CPP – dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner de la plaignante qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2. La recourante reproche au Ministère public une constatation erronée des faits. Dès lors que la Chambre de céans jouit d'un plein pouvoir de cognition en droit et en fait (art. 393 al. 2 CPP; ATF 137 I 195 consid. 2.3.2 p. 198; arrêt du Tribunal fédéral 1B_524/2012 du 15 novembre 2012 consid. 2.1), les éventuelles constatations incomplètes ou inexactes du Ministère public auront été corrigées dans l'état de fait établi ci-devant.

3. La recourante reproche au Ministère public de ne pas être entré en matière sur les faits potentiellement constitutifs de vol, appropriation illégitime, soustraction d'une chose mobilière et dommage à la propriété.

3.1. Conformément à l'art. 310 al. 1 let. a CPP, le ministère public rend immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière s'il ressort de la dénonciation ou du rapport de police que les éléments constitutifs de l'infraction ou les conditions à l'ouverture de l'action pénale ne sont manifestement pas réunis.

Selon la jurisprudence, cette disposition doit être appliquée conformément à l'adage "in dubio pro duriore" (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1456/2017 du 14 mai 2018 consid. 4.1 et les références citées). Celui-ci découle du principe de la légalité (art.  5  al. 1 Cst. et 2 al. 1 CPP en relation avec les art. 309 al. 1, 319 al. 1 et 324  CPP; ATF 138 IV 86 consid. 4.2) et signifie qu'en principe, un classement ou une non-entrée en matière ne peuvent être prononcés par le ministère public que lorsqu'il apparaît clairement que les faits ne sont pas punissables ou que les conditions à la poursuite pénale ne sont pas remplies. Le ministère public et l'autorité de recours disposent, dans ce cadre, d'un certain pouvoir d'appréciation. La procédure doit se poursuivre lorsqu'une condamnation apparaît plus vraisemblable qu'un acquittement ou lorsque les probabilités d'un acquittement et de condamnation apparaissent équivalentes, en particulier en présence d'une infraction grave. En effet, en cas de doute s'agissant de la situation factuelle ou juridique, ce n'est pas à l'autorité d'instruction ou d'accusation mais au juge matériellement compétent qu'il appartient de se prononcer (ATF 143 IV 241 consid. 2.2.1; 138 IV 86 consid. 4.1.2 et les références citées).

Une non-entrée en matière s'impose également lorsque le litige est de nature purement civile (ATF 137 IV 285 consid. 2.3 p. 287 s.).

3.2. Selon l'art. 137 ch. 1 CP, se rend coupable d'appropriation illégitime celui qui, pour se procurer ou procurer à un tiers un enrichissement illégitime, se sera approprié une chose mobilière appartenant à autrui.

L'art. 139 ch. 1 punit, du chef de vol, celui qui, pour se procurer ou procurer à un tiers un enrichissement illégitime, aura soustrait une chose mobilière appartenant à autrui dans le but de se l'approprier.

L'art. 141 CP réprime, sur plainte, celui qui, sans dessein d'appropriation, aura soustrait une chose mobilière à l'ayant droit et lui aura causé par là un préjudice considérable.

L'art. 144 CP punit quant à lui celui qui aura endommagé, détruit ou mis hors d'usage une chose appartenant à autrui ou frappée d'un droit d'usage ou d'usufruit au bénéfice d'autrui.

La réalisation de ces infractions suppose que la chose appartienne au lésé (droit de propriété), ou à tout le moins que ce dernier puisse se prévaloir d'un droit réel ou d'un droit personnel (ATF 132 IV 108 consid. 2.1 p. 110; ACPR/317/2014 du 25 juin 2014 consid. 3.3; B. CORBOZ, Les infractions en droit suisse, vol. I, 3ème éd., Berne 2010, n. 6 ad art. 137; n. 1-5 ad art. 139; n. 5 ad art. 141; n. 25 ad art. 144).

3.3. En l'espèce, A______ dit être la propriétaire de la maquette de Noël entreposée dans le hall de C______ par ses soins, ce que B______ semble contester au motif qu'il n'en n'avait pas la preuve, la première nommée n'ayant pas fourni à la hiérarchie la liste de son propre matériel. Qu'elle n'ait pas sollicité l'autorisation de la direction pour apporter ce matériel à l'école ne la prive pas de son droit de propriété sur celui-ci, sous l'angle du droit pénal. Le mis en cause conteste s'être débarrassé de la maquette de Noël, quelqu'un l'ayant rangée sans qu'il ne sache où. Il ne s'était pas non plus débarrassé des affaires personnelles de la recourante. Or, les déclarations de la recourante sont corroborées par celles de G______ et H______.

Force est donc de constater que si le dessein d'appropriation et d'enrichissement illégitime semble faire défaut, il existe des soupçons suffisants d'infraction à l'art. 144 CP à l'encontre du mis en cause. La cause sera dès lors retournée au Ministère public afin qu'il procède aux auditions de G______ et H______.

Le recours sera donc admis sur ce point.

4. La recourante reproche également au Ministère public de ne pas être entré en matière sur les faits dénoncés de calomnie (art. 174 CP), subsidiairement de diffamation (art.  173 CP).

4.1. Se rend coupable de diffamation au sens de l'art. 173 CP celui qui, en s'adressant à un tiers, aura accusé une personne ou jeté sur elle le soupçon de tenir une conduite contraire à l'honneur ou de tout autre fait propre à porter atteinte à sa considération et celui qui aura propagé une telle accusation ou un tel soupçon (ch. 1). Se rend coupable de calomnie au sens de l'art. 174 CP celui qui, connaissant la fausseté de ses allégations, aura, en s'adressant à un tiers, accusé une personne ou jeté sur elle le soupçon de tenir une conduite contraire à l'honneur, ou de tout autre fait propre à porter atteinte à sa considération (ch. 1).

L'honneur protégé par ces dispositions est conçu de façon générale comme un droit au respect, qui est lésé par toute assertion propre à exposer la personne visée au mépris en sa qualité d'homme. La réputation relative à l'activité professionnelle n'est pas pénalement protégée; il en va ainsi des critiques qui visent la personne de métier, même si elles sont de nature à blesser ou à discréditer. En revanche, il y a atteinte à l'honneur, même dans ce domaine, si la commission d'une infraction pénale est évoquée (ATF 145 IV 462 consid. 4.2.2 p. 464).

Pour qu'il y ait diffamation ou calomnie, il faut encore que le prévenu s'adresse à un tiers. Est en principe considérée comme telle toute personne autre que l'auteur et l'individu visé par les propos litigieux (ATF 145 IV 462 consid. 4.3.3).

4.2. En l'espèce, la recourante estime que les propos du mis en cause lui reprochant d'avoir "mis la pédagogie du 6-11 sens dessus dessous" étaient attentatoires à son honneur. Si ces critiques, pour dépréciatives qu'elles soient, mettent certes en cause l'exercice de son activité et ses relations avec les autres employés, elles sont exclusivement dirigées contre la réputation professionnelle de la recourante, laquelle échappe à la notion d'honneur pénalement protégé.

La recourante considère également que le mis en cause l'avait à tort accusée d'avoir été la complice de l'ancienne directrice pour faux dans les titres et fourni de fausses informations à l'organe de révision. Il ressort certes des déclarations écrites de D______ que le mis en cause aurait dit, lors d'une séance pédagogique, que l'ancienne directrice "encourait entre trois et six années de prison pour faux et usage de faux". Or, le fait de laisser entendre – toujours selon le témoignage de la précitée – que "des membres du personnel ont été les complices involontaires de Madame E______ dans ses démarches nuisibles à l'Ecole" ne signifie pas encore que le mis en cause aurait accusé la recourante de complicité de faux dans les titres. Il ne ressort pas non plus du courriel du 2 juin 2022 adressé aux parents des élèves que B______ aurait reproché à l'intéressée d'avoir fourni des fausses informations à l'organe de révision, celui-ci évoquant seulement le nom de l'ancienne directrice.

En ce qui concerne les propos selon lesquels la recourante aurait volé l'argent des comptes de l'école, le mis en cause conteste les avoir tenus, dans la mesure où la recourante n'était pas impliquée dans les questions financières de l'établissement. Même à tenir pour avérées les déclarations écrites de D______, le mis en cause avait seulement évoqué le nom de la recourante, parmi d'autres personnes, dans le cadre d'un questionnement sur la cause de la perte de chiffre d'affaires, de sorte que la portée desdits propos doit être fortement relativisée. En tout état, les propos litigieux, d'ouï-dires, sont trop peu circonstanciés pour fonder une atteinte à l'honneur. De même, les propos selon lesquels la recourante aurait accusé à tort une autre employée de dégradation volontaire du matériel – eussent-ils été prononcés – ne sauraient jeter sur la recourante le soupçon de tenir une conduite contraire à l'honneur, faute d'être suffisamment étayés, notamment quant à l'identité de l'employée concernée et au matériel visé.

Enfin, la recourante se prévaut, pour la première fois dans son recours, du fait que le mis en cause l'avait accusée d'avoir tenu une conduite contraire à l'honneur dans un courriel adressé à son conseil. Ce nouvel allégué – exorbitant à la plainte – fait suite au refus du Ministère public d'ouvrir une instruction contre le mis en cause. Il n'a donc jamais été soumis au Procureur, qui n'a, de ce fait, pas rendu de décision à cet égard, susceptible d'être attaquée devant la Chambre de céans.

Sous ces aspects, l'ordonnance querellée est fondée.

5. En conclusion, le recours sera partiellement admis. Le refus d'entrer en matière sera annulé en tant qu'il vise l'infraction de dommages à la propriété, et la cause renvoyée au Ministère public pour qu'il entende G______ et H______.

6. La recourante, qui n'a pas entièrement gain de cause, supportera la moitié des frais envers l'État, qui seront fixés en totalité à CHF 1'000.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03), soit CHF 500.-.

7. 7.1. En vertu de l'art. 436 al. 1 CPP, les prétentions en indemnité dans les procédures de recours sont régies par les art. 429 à 434 CPP.

L'art. 433 CPP prévoit l'octroi d'une juste indemnité à la partie plaignante pour les dépenses occasionnées par la procédure, qu'elle doit chiffrer et justifier.

Les honoraires d'avocat se calculent selon le tarif usuel du barreau applicable dans le canton où la procédure se déroule (ATF 142 IV 163 consid. 3.1 p. 165 ss). À Genève, la Cour de justice retient un tarif horaire de CHF 450.- pour un chef d'étude, lorsque ce conseil chiffre sa rémunération à ce taux et CHF 150.- pour un avocat stagiaire (ACPR/223/2022 du 31 mars 2022 consid. 2.1 et les références citées).

7.2. En l'espèce, la recourante, partie plaignante, conclut à l'octroi d'une indemnité de CHF 3'271.38, correspondant à 2h45 d'activité au tarif horaire de chef d'Étude (CHF 450.-) et 9h d'activité au tarif horaire d'avocat-stagiaire à CHF 200.-. Ce montant apparaît toutefois excessif, au regard des développements topiques du recours, dont seule une partie a été retenue, et des observations. L'indemnité, à la charge de l'État, sera donc arrêtée à CHF 969.30, correspondant à 1h d'activité au tarif de CHF 450.- et 3h d'activité, au tarif de CHF 150.- [et non CHF 200.- comme facturé], TVA (7.7%) incluse.

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Admet partiellement le recours.

Annule l'ordonnance querellée en tant qu'elle concerne l'infraction à l'art. 144 CP et renvoie la cause au Ministère public afin qu'il procède dans le sens des considérants.

Rejette le recours pour le surplus.

Condamne A______ à la moitié des frais de la procédure, fixés en totalité à CHF 1'000.-, soit CHF 500.-, l'autre moitié étant laissée à la charge de l'État.

Dit que ce montant (CHF 500.-) sera prélevé sur les sûretés versées et le solde de CHF 500.- restitué à la recourante.

Alloue à A______, à la charge de l'État, une indemnité de CHF 969.30, TVA incluse, pour la procédure de recours.

Notifie le présent arrêt, en copie, à la recourante, soit pour elle son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Mesdames Daniela CHIABUDINI et Alix FRANCOTTE CONUS, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).

P/14495/2022

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

915.00

-

CHF

Total

CHF

1'000.00