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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/2921/2017

ACPR/189/2023 du 15.03.2023 sur OCL/153/2021 ( MP ) , ADMIS/PARTIEL

Descripteurs : DÉCISION DE RENVOI;ENQUÊTE PÉNALE;COMPLÉMENT;ORDONNANCE DE NON-ENTRÉE EN MATIÈRE;CLASSEMENT DE LA PROCÉDURE
Normes : CPP.310; CPP.397

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/2921/2017 ACPR/189/20023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mercredi 15 mars 2023

 

Entre

A______, comparant par Me Marc HASSBERGER, avocat, Chabrier Avocats S.A., rue
du Rhône 40, case postale 1363, 1211 Genève 1,

B______, C______ Inc., D______ et E______ Inc., comparant par Me Giorgio CAMPÁ, avocat, avenue Pictet-de-Rochemont 7, 1207 Genève,

recourants,

 

contre la décision de classement et de refus de jonction et d’administration de preuves, rendue le 11 février 2021 par le Ministère public (renvoi par le Tribunal fédéral),

 

et

F______, ayant son siège ______ [ZH], comparant par Me Clara POGLIA, avocate, Étude Schellenberg Wittmer SA, rue des Alpes 15bis, case postale 2088, 1211 Genève 1,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B,
1213 Petit-Lancy – case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.

 


EN FAIT :

A. a. Par acte expédié le 22 février 2021, A______ a recouru contre la décision du 11 février 2021, par laquelle le Ministère public a, principalement, refusé de joindre la procédure à une procédure séparée, en cours contre [la banque] F______ (ch. 1) ; classé ses plaintes pénales (ch. 2) ; et rejeté toutes ses réquisitions de preuve (ch. 3).

b. La recourante concluait à l'annulation et à la mise à néant de la décision attaquée et à la poursuite de l’instruction par « toutes investigations utiles ».

c. Elle a payé les sûretés, en CHF 1'000.-, qui lui étaient réclamées par la Direction de la procédure.

B. a. Par acte expédié le 1er mars 2021, B______, C______ Inc., D______, G______, E______ Inc. et la S.C.I. H______ ont recouru contre la même décision, qui ordonne aussi, en ce qui les concerne, la destruction de documents et de relevés bancaires (ch. 6 du dispositif).

b. Les recourants concluaient à l'annulation et à la mise à néant dans son intégralité de la décision attaquée et à la poursuite de l’instruction, notamment contre F______ pour entrave à l’action pénale.

c. Ils ont payé les sûretés, en CHF 2'000.-, qui leur étaient réclamées par la Direction de la procédure.

C. Les faits suivants ressortent du dossier :

a. Le Ministère public instruit depuis 2015 le complexe de faits entourant les détournements commis par I______, ancien employé de F______ en qualité de chargé des relations clientèle (« relationship manager ») pour le comptoir Russie/Ukraine/Asie centrale, avec en dernier lieu le titre de directeur, au détriment de son employeur et de ses clients, dont A______, titulaire d’un compte intitulé « J______ », et de B______ et de D______, clients sous leurs noms respectifs et (pour celui-ci) sous les noms de E______ Inc. et (pour celui-là) de C______ Inc. .

b. Dans le cadre de la procédure initialement ouverte sous le numéro P/2______/2015, le Ministère public a créé, par disjonction, le 7 juin 2017, une nouvelle procédure (P/1______/2017), considérant qu'une éventuelle responsabilité pénale de F______ pour des faits constitutifs de blanchiment d'argent devait être instruite séparément. Cette décision n’a pas été attaquée.

Puis, par acte d'accusation du 26 juin 2017 rédigé dans la procédure P/2______/2015, il a renvoyé I______ en jugement, pour, notamment, escroquerie par métier, gestion déloyale aggravée et faux dans les titres. Étaient retenus à charge de l’accusé un dessein personnel d’enrichissement illégitime, ainsi que celui d’enrichir illégitimement (p. 6), selon les cas, notamment B______ et C______ Inc., D______ et E______ Inc., et A______ (via sa société K______ Ltd), après être parvenu à déjouer le contrôle interne et la surveillance mis en place par F______.

c. D______, B______, leurs sociétés et A______ ont interjeté recours, estimant que l’acte d'accusation emportait classement implicite de certains faits. Ils ont obtenu gain de cause par-devant la Chambre de céans (ACPR/357/2018 du 26 juin 2018) ou au Tribunal fédéral (arrêt 6B_819/2018 du 25 janvier 2019). La cause a été renvoyée au Ministère public pour instruction dans le sens des différents considérants (cf. not. ACPR/127/2019 du 14 février 2019).

d. Le 15 février 2019, le Ministère public a rendu une ordonnance de jonction de causes.

Sont cités :

d.a. une plainte de A______, du 3 février 2017, pour deux faux présumés dans les titres, fondée sur des expertises privées de la signature de la prénommée sur deux pièces annexées à sa plainte pénale du 4 août 2016.

A______ suggérait d’entendre au moins l’assistante de I______, qui travaillait auprès de celui-ci à la date inscrite sur les documents.

Dans un premier temps, le Ministère public lui a répondu, le 9 février 2017, que rien ne permettait de soupçonner I______ d’avoir participé à l’infraction, puis, le 8 décembre 2017, il a demandé des précisions à F______. La banque a répondu que le seul employé (dont le nom n’est pas celui de l’assistante) ayant travaillé – sur une fiche terminologique (« term sheet ») du produit financier concerné – avec I______ n'avait pas eu de contact avec A______.

Le 30 janvier 2018, A______ a étendu sa plainte à un troisième faux présumé, une demande à son nom de souscrire des actions « P______ », en 2017 (recte : 2007).

d.b. une plainte de D______, de date inconnue, pour deux faux présumés dans les titres que le prénommé avait annexés à sa plainte pénale du 23 février 2016 (octroi d’un crédit lombard à B______ et, pour le garantir, nantissement d’avoirs de D______).

Dans ce cadre, le Ministère public a, le 8 décembre 2017, demandé des précisions à F______, qui lui a notamment répondu que l’employée (dont elle donnait le nom) ayant préparé l’un des documents – un accord-cadre type (« standard framework agreement ») – n'avait pas eu de contact avec D______ et que l’employé qui avait eu à connaître du second document – l’acte de nantissement général (« General Deed of Pledge ») – s’était borné à le réceptionner et à le faire suivre « au(x) services(s) compétent(s) ».

d.c. des plaintes de B______, D______ et leurs sociétés (des 18 et 21 janvier 2019) pour faux dans les titres, gestion déloyale aggravée et abus de confiance aggravés, ainsi que pour entrave à l’action pénale, voire tentative d’escroquerie au procès, de la part de F______, après la découverte par celle-ci, en décembre 2018, dans l'ordinateur – qu’il importerait de saisir – de I______, de faux relevés de compte, susceptibles d'étayer a posteriori leurs allégations selon lesquelles les agissements frauduleux du prénommé étaient antérieurs à octobre 2011.

Selon les plaignants, les faits décrits sous ch. B.III.3) de l’acte d’accusation du 26 juin 2017 comme constitutifs de gestion déloyale aggravée s’avéraient inexacts et reposaient sur des performances financières théoriques, issues d’une expertise privée demandée par la banque et adoptées telles quelles par le tribunal de première instance. Il convenait d’entendre toute personne ayant participé aux enquêtes internes demandées par F______ et toute personne ayant été chargée, au sein de la banque, de l’informatique, de la comptabilité et de la sécurité.

La première de ces plaintes est dirigée contre I______ et contre tout complice au sein de la banque.

La seconde demande l’extension de l’instruction à l’acquisition de titres « L______ », après l’arrêt de la Chambre de céans du 26 juin 2018 (cf. let. c. supra), ainsi qu’à l’acquisition de titres « M______ », dès lors que toutes ces opérations avaient été conçues et exécutées dans l’intérêt d’un client tiers, à l’insu des plaignants. Un expert judiciaire, à désigner, confirmerait le mécanisme et l’identité du bénéficiaire, lequel devait être d’ores et déjà auditionné sous le statut de l’art. 178 let. d CPP. Enfin, un million d’actions avait été détourné du portefeuille de D______ le 24 mars 2010, échappant aux investigations propres de F______.

d.d. les faits pour lesquels tant la Chambre de céans que le Tribunal fédéral ont exigé un complément d’instruction :

·           les circonstances de l’acquisition, susmentionnée (let. d.c. ci-dessus), de titres « L______ » par B______ et D______, à élucider par exemple par la production des notes de la banque, des relevés remis aux collaborateurs de B______ par le bureau de la banque à N______ [Russie], éventuellement par des relevés fiscaux relatifs aux années 2006 à 2008, voire par l'audition de l’un de ces collaborateurs (ACPR/357/2018) ;

·           l’étendue des pouvoirs et devoirs de I______ sur les avoirs de A______ ; l’analyse des investissements que celle-ci pourrait avoir décidés sur la base d’éventuels faux ; la recherche d’éventuels investissements qu’il pourrait lui avoir conseillés postérieurement, le cas échéant sous l’angle d’une tromperie astucieuse ; la recherche d’éventuelles obligations de celui-ci de recommander à sa cliente des investissements que la banque ne conseillait pas ; l’éventuel enrichissement de la banque (arrêt du Tribunal fédéral 6B_819/2018).

e. Le 24 avril 2019, le Ministère public a versé au dossier une copie numérique du dossier de la procédure P/2______/2015. Dans le cadre de celle-ci, le Tribunal correctionnel a condamné I______, le 9 février 2018, à une peine privative de liberté de cinq ans (confirmée en appel le 26 juin 2019 et annulée par le Tribunal fédéral le 19 février 2020).

f. Le 31 janvier 2020, A______ s’est référée à la demande d’instruction complémentaire voulue par le Tribunal fédéral et a insisté sur la nécessité de se pencher sur l’enrichissement illégitime de tiers, que ce soient d’autres employés de la banque, p. ex. des supérieurs de I______, ou la banque elle-même. Ses pertes via son compte « J______ » ne s’étaient pas limitées au placement « L______ », mais aussi à un fonds d’investissement spéculatif (« O______ »), qu’elle soupçonnait avoir été créé et dirigé par I______ et F______, et qui avait englouti la totalité de l’argent qu’elle y avait consacré. Une commission rogatoire internationale, notamment, était impérative dans ce contexte. Il existait encore vingt fonds dans lesquels I______ avait investi, sans que ces placements eussent été recommandés par la banque.

g. Le 18 février 2020, B______, D______ et leurs sociétés ont déposé une plainte complémentaire contre I______ pour abus de confiance aggravé, à raison de quatre investissements qu’ils n’avaient pas autorisés et qui pourraient avoir bénéficié, en proportion de leurs propres pertes, à la banque, voire à un client tiers, le cas échéant par blanchiment d’argent.

D______ précisait, en référence à sa plainte du 18 janvier 2019, que deux mille cent soixante-huit opérations illicites, dissimulées sous des faux, étaient désormais dénombrées. En raison de la sophistication des faux, I______ ne pouvait avoir été leur seul auteur.

h. Le 21 février 2020, D______ a dénoncé soixante-neuf ventes de titres opérées en 2009 à son insu, c’est-à-dire non apparentes dans les relevés de compte qui lui furent remis à l’époque.

i. Le 26 février 2020, le Ministère public a tenu une audience contradictoire, au cours de laquelle il a entendu I______ en qualité de prévenu de faux dans les titres, gestion déloyale, voire abus de confiance ou escroquerie.

I______ a nié avoir créé, été incité à créer ou demandé à un tiers de créer les faux reprochés par A______ (cf. let. d.a. supra) et par D______ (cf. let. d.b. supra).

Il a reconnu la falsification, en une seule fois, de relevés bancaires remis à ce dernier portant sur les deux ou trois années précédant 2012, soutenant avoir agi seul et pour dissimuler les transferts frauduleux provenant d’un autre client qui avaient servi à masquer les pertes éprouvées sur « L______ ». Il avait utilisé des logiciels bureautiques usuels.

Il a donné le nom de l’employé de F______ qui l’accompagnait lorsqu’il avait proposé l’investissement « L______ » aux parties plaignantes, lesquelles s’étaient ensuite décidées par oral. Il leur avait tu la chute du cours, en 2007 ou en 2008, chute qui l’avait paniqué et décidé à vendre le titre à leur insu, marquant le début de son activité délictueuse.

Il a précisé que la banque percevait des rétrocessions si l’investissement « L______ » était choisi, mais qu’elle ne l’avait pas incité à le promouvoir, pas plus que ses supérieurs. Elle ne lui avait pas non plus versé d’intéressement sur un des produits structurés proposés à A______.

Il a refusé de répondre à la plupart des questions des parties plaignantes et, pour le surplus, a renvoyé à ses déclarations dans la procédure P/2______/2015.

j. Le même jour, le Ministère public a sollicité de F______ divers documents et informations sur les titres « L______ » et sur les produits structurés proposés à A______. La banque a répondu le 15 mai 2020, communiquant les coordonnées de l’employé susévoqué (let. i.) et remettant trois originaux d’actes : la lettre d’investissement (« Investor Letter ») apparemment signée par A______ pour l’acquisition de titres « P______ » (cf. let. d.a. in fine) et les deux actes signés par B______ et D______ en 2010 et 2013 (cf. let. d.b. supra).

k. Le 13 juillet 2020, B______ et D______ ont réagi, dénonçant des faux supplémentaires, jusqu’alors dissimulés par F______ et participant de l’entrave à l’action pénale déjà suspectée.

Ils ont pointé des relevés de compte faux, qui remontaient à 2009 et mettraient à mal l’assertion de I______ selon laquelle leurs investissements, notamment dans « L______ », s’étaient faits avec leur accord verbal.

Ils ont d’autre part soutenu que leurs signatures sur un prospectus de F______ à l’appui de certificats « L______ » avaient été falsifiées. Les certificats acquis par la suite et déposés sur leurs comptes en avaient été retirés, permettant à la banque et, par son bonus, à I______ de s’enrichir d’un montant équivalant à la différence entre le prix de souscription et la valeur inscrite en compte après leur retrait.

Ils ont réclamé une nouvelle fois la saisie de l'ordinateur de I______, ainsi que, si nécessaire, l’expertise graphologique des contrefaçons de leurs signatures.

l. Le 28 juillet 2020, le Ministère public s’est enquis des disponibilités de B______ et D______ pour être auditionnés. Leur réponse n’est pas connue.

m. Le 19 août 2020, le Ministère public a informé les parties de son intention de classer la poursuite en raison de la mort de I______, survenue le 27 juillet précédent.

A______ s'y est opposée, considérant que toute la lumière devrait encore être faite sur une éventuelle responsabilité pénale d'autres individus avec lesquels I______ aurait pu agir, notamment des employés de F______, comme l’accréditeraient divers indices dans le placement des produits financiers « L______ » et « O______ ». Elle a, par conséquent, maintenu, respectivement réitéré, ses demandes d'actes d'enquêtes, portant notamment sur l'audition de témoins et la remise par la banque de documents liés à ces placements.

D______ et B______ ont persisté dans toutes leurs réquisitions de preuve antérieures et ont sollicité l’apport, voire la jonction, de la procédure P/1______/2017 (cf. let. b. supra), au motif que les documents et plaintes réunis au dossier de la présente procédure attesteraient d'innombrables actes de blanchiment imputables à la banque. Ils ont aussi requis la confiscation de l’ordinateur du défunt, des faux qu’ils dénonçaient et de certificats de titres, notamment ceux qui avaient été retirés de leurs comptes.

n. Dans l’intervalle, le Ministère public s’était procuré, pour les besoins de la procédure P/1______/2017, un rapport demandé par l’Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (FINMA) sur d’éventuels manquements de F______ dans la lutte contre le blanchiment d’argent.

A______ et B______, D______ et leurs sociétés ont sollicité divers actes d'instruction en lien avec ce rapport, sur lequel les scellés demandés par F______ ont été définitivement levés (cf. arrêt du Tribunal fédéral 1B_59/2020 du 19 juin 2020).

Le 11 février 2021, le Ministère public leur a répondu qu'il ne verserait pas le rapport à la procédure tant qu'aucune décision au fond n'aurait été rendue par la Chambre de céans dans la procédure P/1______/2017.

Le 24 janvier 2022 (ACPR/38/2022), la Chambre de céans a confirmé la décision du Ministère public versant une version caviardée du rapport dans la procédure susmentionnée. Cette décision est en force (cf. arrêt du Tribunal fédéral 1B_53/2022-1B_55/2022-1B_63/2022-1B_90/2022 du 14 juillet 2022).

D. a. Dans l’ordonnance attaquée, le Ministère public refuse de joindre la cause à la procédure P/1______/2017, au motif que cette instruction-là, en cours du chef de blanchiment d’argent, n’était pas en état d’être jugée, à l’inverse des infractions visées dans la présente.

Aucun élément du dossier n'avait mis en évidence d'éventuelle participation de tiers aux faits reprochés à I______, qui avait toujours affirmé avoir agi seul. Dès lors, en tant que la procédure était ouverte contre inconnu, un empêchement de procéder devait être constaté au sens « de l’art. 319 al. 1 let. d CPP ». Même si l'on pouvait douter de la véracité de certaines des déclarations de I______, au vu des décisions rendues dans la procédure P/2______/2015, les suppositions des plaignants concernant l'implication d'autres employés de la banque n'avaient pas été étayées par l'instruction, et rien ne laissait supposer que d'éventuels actes d'enquêtes permettraient l'identification de tiers impliqués, la mort du principal suspect constituant un obstacle important à l'établissement des faits. Les versions demeuraient donc contradictoires. La responsabilité pénale de F______ faisait déjà l’objet de la procédure séparée.

Quant au grief d'entrave à l'action pénale, l'auto-favorisation n'était pas punissable, et rien ne permettait de soupçonner que F______ eût agi volontairement pour protéger son ancien employé, dont les agissements l'avaient elle-même lésée.

Les allégations d’escroquerie au procès n’étaient pas corroborées par le dossier. Dès lors qu’une volonté de dissimulation ne pouvait pas être imputée à la banque, pareille accusation tombait.

Les mesures d'enquêtes sollicitées avaient pour but d'obtenir des documents et informations sur les investissements effectués par I______, dans l’espoir de réunir des éléments à l’appui d’une implication de F______ ou d'autres employés que le prénommé. Or, l'examen d'une éventuelle responsabilité de la banque faisait déjà l'objet de la procédure P/1______/2017 et rien ne montrait la participation d’autres individus que I______. Les parties plaignantes se plaçaient dans une démarche assimilable à une recherche indéterminée de moyens de preuve, pour asseoir une action civile. Le client soupçonné de s’être enrichi à leurs dépens s’était déjà expliqué dans la procédure jugée en 2018. Des investigations suggérées (expertises judiciaires de la comptabilité de F______ et de l'ordinateur de I______ dans la banque) seraient longues et fastidieuses, alors qu’une décision pouvait être rapidement rendue.

L’ordinateur de I______ abritant les fichiers informatiques ayant permis la falsification de relevés ne compromettait pas l’ordre public ni n’était dangereux, de sorte qu’il n’avait pas à être confisqué. Il en allait de même des papiers que le prévenu avait contesté avoir falsifiés et qui présentaient une « incertitude » sur leur authenticité. En revanche, les fichiers informatiques en possession de la banque devaient être détruits.

b. Frappée de recours par les parties plaignantes, cette ordonnance a été maintenue par la Chambre de céans, le 11 novembre 2021 (ACPR/761/2021 ; ACPR/767/2021).

c. Statuant le 12 janvier 2023 (arrêts 6B_1453/2021 et 6B_1480/2021), le Tribunal fédéral a annulé ces deux décisions. La Chambre de céans n’avait pas statué sur les griefs des recourants portant sur le classement de la procédure en tant qu’elle était dirigée contre inconnu. Il lui incombait en conséquence d’examiner si l’ensemble des faits, en tant qu’ils auraient été commis par des tiers, ont effectivement été traités par l’ordonnance de classement. Dans l’affirmative, il lui faudrait statuer sur les griefs des recourants ; dans la négative, il lui reviendrait de renvoyer la cause au Ministère public pour qu’il statue sur cet aspect, au besoin après instruction et examen des réquisitions de preuve (consid. 2 in fine des deux arrêts).

d. Les 10 février et 8 mars 2023, A______ a prié la Chambre de céans de renvoyer immédiatement la cause au Ministère public, dès lors que la prescription de l’action pénale menaçait.

E. a. À l'appui de son recours, A______ se plaignait que le Ministère public se fût refusé à verser au dossier le rapport destiné à la FINMA, alors que, trois jours plus tard, il rendait l'ordonnance attaquée. Si nécessaire, le recours s'étendait au refus d'intégrer ledit rapport au dossier.

Sur le fond, le motif du classement était erroné et injustifié. Le dossier comportait des soupçons graves et fondés que des tiers, liés ou non à la banque, avaient participé aux actes délictueux de I______ et en avaient retiré un avantage. Le rapport susmentionné allait dans le même sens.

Par ailleurs, le Ministère public mettait en doute pour la première fois dans la décision attaquée la force probante des expertises graphologiques qu'elle avait produites à l'appui de falsifications répétées de sa signature sur des ordres bancaires. Il n'était pas acceptable que le Ministère public fît primer les dénégations de I______ à ce sujet.

Toutes les preuves dont l'administration avait été requise étaient pertinentes et ne relevaient pas d'une recherche indéterminée de moyens de preuve. Or, le Ministère public les avait rejetées, quand il ne les avait pas purement et simplement ignorées. Une partie plaignante ne supportait toutefois pas le fardeau de la preuve. S'en suivait une violation du droit d'être entendu.

L'arrêt du Tribunal fédéral du 25 janvier 2019 (6B_/819/2018) était particulièrement clair sur les actes d'instruction à entreprendre.

b. Le Ministère public observait que ledit arrêt était, certes, limpide, mais portait sur les éventuels actes illicites commis par I______ lui-même. Or, la mort de celui-ci mettait un terme aux poursuites. Si le rapport destiné à la FINMA, une fois devenu accessible, montrait la participation de tiers, ces poursuites pourraient être rouvertes (art. 323 CPP).

c. F______ affirmait que la procédure avait eu pour finalité d'instruire des pans de la procédure initiale contre I______ qui n'avaient « pas pu » être traités.

A______ cherchait abusivement à contourner l'interdiction d'accéder au rapport demandé par la FINMA en se fondant sur ses propres lettres au Ministère public qui s'en prévalaient. Toute participation de tiers aux actes reprochés à I______ avait été exclue par suite d'une instruction « extensive » et fouillée, jusques et y compris aux débats devant l'autorité de jugement, puis à l'occasion de recours exercés au Tribunal fédéral. Les chances d'identifier d'éventuels autres participants étaient aujourd'hui nulles.

Seuls, deux pans concernaient encore A______, soit d'éventuels faux dans les titres et des infractions contre le patrimoine. Sur le premier chef, des recherches internes avaient, certes, montré que des employés avaient eu en main des documents allégués de faux, mais aussi qu'aucun d'eux ne les avait établis ; ce qui correspondait aux affirmations de I______.

Quant aux infractions contre le patrimoine, elles concernaient exclusivement les faits « revus » par le Tribunal fédéral et visaient donc uniquement le prénommé. Partant, l'administration de preuves supplémentaires serait inutile.

d. A______ a répliqué.

e. F______ a dupliqué.

F. a. À l'appui de leur recours, B______, C______ Inc., D______ et E______ Inc. mettaient, eux aussi, en exergue le rapport produit par la FINMA, que le Ministère public aurait refusé illégalement de verser au dossier, alors qu'il établirait l'implication de nombreuses personnes au sein de la banque, qui avaient connaissance des agissements criminels de I______. L'escroquerie au procès devait également être instruite. La motivation du classement reposait sur des faits contraires à la réalité du dossier et violait le principe « in dubio pro duriore ». Il eût fallu encore confisquer trois faux documents, ainsi que l'ordinateur de I______.

b. Le Ministère public estimait significatif que les recourants eussent détaillé à l'envi toutes les infractions qu'ils reprochaient à I______, sans rien apporter à l'appui de l'implication de tiers. Le responsable de l’unité de la banque chargée de la clientèle d’Europe de l’Est avait été entendu dans la procédure P/2______/2015, tout comme le responsable de l’équipe dans laquelle travaillait I______. La destruction de faux devait être confirmée, sauf à ce que « les parties » voulussent les conserver. Aucun soupçon n'avait été mis en évidence sur une éventuelle dissimulation, par la banque, de preuves aux fins de protéger I______.

c. F______ fournissait, en substance, les mêmes déterminations que celles présentées sur le recours de A______.

I______ avait agi seul, y compris pour l'établissement de faux relevés de compte. Pour ce qui était d'autres documents (acte de nantissement, de crédit lombard), elle ne se prononçait pas sur leur fausseté, sauf à relever le caractère diffamatoire des assertions des recourants sur la participation de ses employés.

Le grief d'escroquerie n'était pas compréhensible et présentait un caractère « désespéré ».

d. B______, C______ Inc., D______ et E______ Inc. ont répliqué.

e. F______ a dupliqué.

EN DROIT :

1.             Au vu de l’identité des questions à traiter par suite de l’arrêt de renvoi, la Chambre de céans joindra les causes et statuera par une unique décision.

2.             La recevabilité des recours n’est pas litigieuse. Tout au plus convient-il de prendre acte de l’exclusion de la S.C.I. H______ (cf. ACPR/767/2021 consid. 4), qui n’a pas été attaquée au Tribunal fédéral et est donc définitive. Par ailleurs, D______ (fils), dont la substitution à son père avait été laissée ouverte dans la décision annulée (arrêt ACPR/767/2021, précité, consid. 2), a été admis comme partie dans l’intervalle (ACPR/38/2022, précité, consid. 2 et arrêt du Tribunal fédéral 6B_1480/2021, précité, consid. 1.3).

3.             Est aussi définitif, faute d’avoir été attaqué par-devant le Tribunal fédéral, le défaut de qualité pour recourir de B______, C______ Inc., D______ et E______ Inc. au sujet de la prétendue entrave à l’action pénale reprochée à la banque (cf. ACPR/767/2021, précité, consid. 3).

4.             Pour ce qui a trait aux griefs d’atteinte illicite aux intérêts patrimoniaux des recourants, il convient de relever, à titre liminaire, que l’instruction a été ouverte contre I______ seul (par lettre du Ministère public du 17 janvier 2019), sans avoir été étendue (art. 311 al. 2 CPP) à des inconnus ou à des tiers, pas même dans l’accusé de réception, le 9 février 2017, de la plainte de la recourante du 3 février 2017.

Dès lors, la décision attaquée équivaut, pour tout autre éventuel participant que le prénommé, à un refus d’engager des poursuites, d’autant plus que l’avis de prochaine clôture et l’annonce du classement sont motivés exclusivement par la mort du prévenu. Cet aspect de la décision querellée relève ainsi de la non-entrée en matière (art. 310 CPP) plutôt que du classement (arrêt du Tribunal fédéral 6B_666/2021 du 13 janvier 2023 consid. 2.1. ; ACPR/306/2015 du 3 juin 2015 consid. 1.1.).

Partant, le grief de violation du droit d’être entendu peut être écarté (arrêt du Tribunal fédéral 6B_382/2022 du 12 septembre 2022 consid. 2.1.2, parmi d’autres).

5.             Conformément à l'art. 310 al. 1 let. a CPP, le ministère public rend immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière s'il ressort de la dénonciation ou du rapport de police que les éléments constitutifs de l'infraction ou les conditions à l'ouverture de l'action pénale ne sont manifestement pas réunis. Les conditions d’un refus d’entrer en matière sont soumises à l'adage « in dubio pro duriore », selon lequel, en principe, une telle décision ne peut être prononcée que lorsqu'il apparaît clairement que les faits ne sont pas punissables ou que les conditions d’une poursuite pénale ne sont pas remplies (ATF 146 IV 68 consid. 2.1).

Des motifs de fait peuvent justifier la non-entrée en matière. Il en va ainsi lorsqu'aucun élément concret ne permet d'identifier l'auteur (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2e éd., Bâle 2019, n.9a ad art. 310). Lorsque l'identité de l'auteur ne peut être découverte, le ministère public peut suspendre la procédure (art. 314 CPP) ou refuser d'entrer en matière (art. 310 CPP). Il ne s’agit toutefois pas d’un empêchement de procéder au sens des art. 310 al. 1 let. b ou 319 al. 1 let. d CPP. Des difficultés matérielles liées à l'instruction pourraient tout au plus justifier une absence de soupçon en vue de l’ouverture d’une poursuite, au sens de l’art. 310 al. 1 let. a CPP, ou la mise en accusation selon l'art. 319 al. 1 let. a CPP, mais non constituer des empêchements de procéder au sens de l'art. 319 al. 1 let. d CPP (ACPR/811/2019 du 21 octobre 2019 consid. 2.2.). Empêchements de procéder et soupçons insuffisants ne sauraient être confondus : les premiers (« Prozess-voraussetzungen ») visent uniquement des obstacles – définitifs, dans le cas de la non-entrée en matière – à l'exercice de l'action publique, alors que des soupçons peuvent renaître en cas de faits nouveaux, au sens de l'art. 323 CPP, applicable à la non-entrée en matière, en vertu de l’art. 310 al. 2 CPP (ACPR/160/2018 du 16 mars 2018 consid. 3.1.). Dans son résultat, la non-entrée en matière ne se distingue pas fondamentalement d'une suspension de la procédure, puisque selon l'art. 323 al. 1 CPP (applicable par renvoi de l'art. 310 al. 2 CPP), la procédure pourra être reprise en cas de moyens de preuve ou de faits nouveaux (arrêt du Tribunal fédéral 6B_638/2021 du 17 août 2022 consid. 2.1.1 s.).

5.1.       En l’espèce, le Tribunal fédéral, dans son arrêt du 25 janvier 2019, a retenu une violation du principe « in dubio pro duriore », au motif que le classement implicite dont se plaignait A______ se fondait principalement sur la version du prévenu, aujourd’hui défunt.

Or, c’est ce que fait le Ministère public dans l’ordonnance attaquée : il a mis hors de cause tout éventuel tiers en se fondant exclusivement sur la déposition du prévenu, le 26 février 2020.

Pour autant, on ne saurait dire qu’aucune mesure d’instruction, indépendante de la mort du principal prévenu, n’était plus possible. La coopération de celui-ci s’est épuisée par son interrogatoire susmentionné, puisqu’il a pris la responsabilité exclusive des faux qu’il avouait, de sorte qu’on ne voit pas ce qu’il pourrait apporter de plus à l’instruction, s’il vivait aujourd’hui. Pour autant, on ne sait pas lesquelles de ses déclarations du 26 février 2020 seraient démenties par les décisions rendues dans la procédure P/2______/2015, comme le concède le Ministère public, alors même que cette autorité a ordonné l’apport de ce dossier.

Par ailleurs, le Ministère public a pris certaines initiatives avant la mort du prévenu, comme de s’enquérir des disponibilités des recourants B______ et D______ en vue de leur audition et de demander à la banque de livrer – ce qu’elle fit – des noms de collaborateurs qui avaient côtoyé, voire secondé, le prévenu lors d’investissements conseillés à l’un ou l’autre des recourants. Le Ministère public n’explique pas son revirement, alors que les noms de ces personnes ne correspondent pas à ceux des responsables de la banque déjà auditionnés dans la procédure P/2______/2015, tels qu’on les lit dans ses observations sur le recours des deux prénommés. Que la banque ait précisé que les collaborateurs dont elle a donné les noms, en 2020, n’avaient jamais eu aucun contact avec les recourants n’est pas décisif : ces derniers ont, précisément, mis en cause des participants inconnus d’eux, mais à identifier.

En outre, la Chambre de céans, dans sa décision du 26 juin 2018 (ACPR/357/2018, précité, consid. 4.4.), avait esquissé quelques pistes à explorer, notamment l’interrogatoire d’autres témoins, dûment nommés.

Paraît devoir trouver sa place, dans ce chapitre, la recherche, voulue par le Tribunal fédéral, d’éventuelles obligations de I______ de recommander à sa cliente des investissements que la banque ne conseillait pas, en tant qu’elles pourraient avoir profité à des tiers. On ne sait pas quelles déclarations (dans la procédure P/2______/2015) du client apparemment visé répondraient déjà aux objections des recourants, à cet égard.

Ces investigations ne sont pas rendues impossibles par la mort du prévenu.

5.2.       Pour ce qui est des faux dénoncés, qui apparaissent de nature différente, à savoir les relevés de compte fallacieux, d’une part, et la contrefaçon des signatures des recourants sur des documents a priori contractuels, d’autre part, l’ordonnance attaquée n’a traité que des premiers. Le prévenu s’est défendu d’avoir reçu l’aide de quiconque pour masquer ses turpitudes et a affirmé s’être servi d’outils bureautiques courants. Il a été cru sur parole, alors que les recourants mettent en exergue un nombre très élevé de faux relevés bancaires, qui ne paraît pas pouvoir être atteint sans des ressources informatiques plus étendues, voire plus performantes, que celles à disposition individuellement. Le distinguo entre faux matériel et faux intellectuel (cf. ATF 146 IV 258 consid. 1.1. p. 261) mériterait attention. Quant aux signatures prétendues contrefaites, on ignore pourquoi les expertises privées produites par la recourante ont été ignorées (tout comme la suggestion d’entendre à ce sujet l’assistante du prévenu). Pour les documents dont les signatures n’ont pas été expertisées (cf. let. B.d.b. et B.k. supra), le Ministère public ne relève qu’une « incertitude » sur l’authenticité des documents eux-mêmes. Sur aucune de ces questions, la Chambre de céans ne saurait substituer d’office son appréciation à une motivation inexistante (ACPR/770/2022 du 8 novembre 2022 consid. 2.2., ACPR/321/2022 du 5 mai 2022 consid. 2.3. et ACPR/177/2022 du 10 mars 2022, consid. 9.2. et 9.3.).

En outre, si des faux sont prouvés, il conviendra d’examiner s’ils ont joué un rôle causal dans certains investissements litigieux, y compris sous l’angle d’une tromperie astucieuse (cf. arrêt du Tribunal fédéral 6B_819/2018 du 25 janvier 2019 consid. 3.9.2 s.) à laquelle auraient contribué d’autres que le prévenu – qui s’est formellement vu reprocher des escroqueries, le 26 février 2020 –.

5.3.       Quant à lui, le versement au dossier du rapport commandé par la FINMA était encore litigieux, au moment où l’ordonnance attaquée a été rendue. Il ne l’est plus aujourd’hui. Or, les recourants prétendent que le résultat des investigations demandées par l’Autorité de surveillance des marchés financiers montrerait l’implication d’autres personnes au sein de la banque et que, par conséquent, le rapport aurait sa place aussi dans la présente procédure.

Dans la mesure où le Tribunal fédéral estime (arrêt 1B_59/2020, déjà cité, consid. 5.2) que ce rapport était a priori pertinent pour l’instruction des faits examinés contre la banque dans la procédure séparée P/1______/2017 – ces faits étant proches de ceux ayant intéressé l’autorité administrative – et qu’une version caviardée du texte est admissible sans attenter aux droits procéduraux des recourants (arrêt 1B_53/2022-1B_55/2022-1B_63/2022-1B_90/2022 consid. 2), le Ministère public pourrait réexaminer leur requête d’apport à la lumière de ces décisions, puisqu’il déclarait rester dans l’attente de celles-ci. Dans la configuration née de l’arrêt de renvoi, il n’y a pas à soumettre ce réexamen aux conditions de l’art. 323 CPP, comme suggéré par le Ministère public dans ses observations sur le recours de A______, mais aux conditions de l’art. 139 CPP.

5.4.       Enfin, il n’est pas jusqu’à la question, retenue par le Tribunal fédéral, de l’enrichissement de la banque au moyen de la promotion des titres « L______ » et « P______ » (arrêt 6B_819/2018, déjà cité, consid. 3.10) qui ne puisse s’instruire en dépit de la coopération, désormais impossible, du prévenu. Le dessein, retenu dans l’acte d’accusation, d’enrichir illégitimement, dans certains cas, B______ et C______ Inc., D______ et E______ Inc., et A______ n’y change rien, pour le même motif. En outre, le refus d’instruire fondé sur l’existence de la procédure parallèle contre la banque est une position qui ne peut pas être approuvée, en l’état : cette procédure contre l’entreprise ne peut qu’avoir été ouverte sur le fondement de l’art. 102 al. 2 CP, même si l’ordonnance de disjonction du 7 juin 2017 n’en fait pas mention, dès lors qu’elle porte sur du blanchiment d’argent, et rien ne laisse deviner à ce stade que les éventuelles infractions couvertes par la non-entrée en matière querellée ne pourraient pas être imputées à une personne physique en raison du manque d’organisation de l’intimée (art. 102 al. 1 CP). Peu importe, par conséquent, de savoir si, au sens de l’art. 305bis ch. 2 let. c CP, l’enrichissement d’un auteur par hypothèse employé de celle-ci contribuerait à réaliser le gain important ou le bénéfice retiré du crime préalable (cf. ATF 122 IV 211 consid. 3b/bb p. 219).

5.5.       Reste la question de la tentative d’escroquerie au procès, dont B______ et C______ Inc., D______ et E______ Inc. font grief à la banque, au motif que le tribunal de première instance avait rejeté « l’intégralité de leurs conclusions civiles » lors du procès de I______. Dans la mesure où cette motivation n’aurait pas été reprise, dans l’acte de recours, sous le seul chapitre de l’entrave à l’action pénale, elle devrait être rejetée. Ce n’est pas la banque qui a échappé aux prétentions civiles élevées par ces recourants, mais l’accusé, contre qui ceux-ci les avaient dirigées (jugement du 9 février 2018 consid. 12.2.3. ; ACPR/357/2018, déjà cité, let. D.f.). La banque n’était pas une prévenue : les recourants n’avaient contre elle aucune prétention directement déduite de l’infraction, au sens des art. 115 al. 1 et 122 al. 1 CPP.

5.6.       En résumé, force est de constater que le Ministère public a mis un terme à brûle-pourpoint ou pour des motifs infondés à toute investigation sur les autres pans de la procédure que ceux liés à la responsabilité pénale propre du prévenu décédé, soit sur les actes éventuellement imputables à d’autres individus, qu’ils aient ou non été actifs au sein de la banque (cf. art. 29 CP).

On se trouve dans le second terme de l’alternative posée par le Tribunal fédéral dans ses décisions du 12 janvier 2023 : il s’impose de renvoyer la cause au Ministère public pour qu’il statue sur les accusations des recourants, en tant qu’elles ne visaient pas uniquement le prévenu décédé, au besoin après instruction et examen des réquisitions de preuve.

6.             Dans la mesure où le risque de prescription est brandi, sans plus ample démonstration, la survenue de pareille échéance dépendra moins de la célérité du Ministère public que de la profusion et de l’étendue des réquisitions de preuve présentées par les recourants sur toutes les infractions dont ils demandent la poursuite.

À cet égard, on peut abonder dans le sens du Ministère public, qui a refusé la jonction avec la procédure séparément en cours contre la banque, qui plus est pour des motifs qui ne sont, à vrai dire, pas critiqués par les recourants (ni, par conséquent, abordés dans l’arrêt de renvoi).

Sur ce point, qui fait l’objet du ch. 1. du dispositif de l’ordonnance attaquée, les recours, en tant qu’ils concluent tous deux à l’annulation intégrale et à la mise à néant de cette décision, sont rejetés.

7.             Des investigations devant être menées, la destruction des faux relevés bancaires conservés par F______ ne saurait être ordonnée (ch. 6. du dispositif de l’ordonnance attaquée).

8.             Dès lors, les recours doivent être admis, sauf sur le refus de jonction, qui est maintenu.

9.             Les frais de l’instance seront laissés à la charge de l’État (art. 428 al. 4 CPP).

10.         Les recourants, parties plaignantes qui obtiennent très largement gain de cause, ont droit à l’indemnisation de leurs frais de défense par l’État (ATF 141 IV 476 consid. 1.2 p. 479).

10.1.        A______ n’a toutefois ni chiffré ni justifié pareille prétention, de sorte qu’il ne sera pas entré en matière (art. 433 al. 2, 2e phrase, CPP).

10.2.        Pour leur part, B______, C______ Inc., D______ et E______ Inc. ont demandé CHF 20'000.- pour les quarante heures d’activité revendiquées par leur avocat. Outre que le tarif appliqué s’écarte de celui admis par la Cour pénale (cf. ACPR/131/2022 du 25 février 2022 consid. 6.1.), la justification concrète du travail accompli manque (cf. art. 433 al. 2 CPP); et le mémoire de recours est plus factuel que juridique, sans qu’on puisse y voir le fruit d’une semaine usuelle de labeur, qui plus est après la prolifique correspondance au dossier déjà vouée à ces aspects. Aussi sera-t-il alloué CHF 4'500.- aux recourants. La TVA n'est pas due (ATF 141 IV 344 consid. 4.1 p. 346).

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Préalablement :

Joint les recours.

Cela fait :

Les admet partiellement, annule les ch. 2., 3. et 6. (en tant qu’y est ordonnée la destruction de faux relevés bancaires) du dispositif de la décision attaquée et renvoie la cause au Ministère public pour qu’il reprenne les investigations et statue à nouveau, au sens des considérants.

Les rejette pour le surplus.

Laisse les frais de l’instance à la charge de l’État.

Ordonne la restitution des sûretés versées.

Alloue à B______, C______ Inc., D______ et E______ Inc., créanciers solidaires, une indemnité de CHF 4'500.-, à la charge de l’État, pour leurs frais de défense dans la procédure de recours.

Notifie le présent arrêt, en copie, aux parties (soit pour elles leurs avocats) et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, juges; Monsieur Julien CASEYS, greffier.

 

Le greffier :

Julien CASEYS

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).