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Décisions | Chambre pénale de recours

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PM/761/2022

ACPR/43/2023 du 18.01.2023 sur JTPM/788/2022 ( TPM ) , REJETE

Descripteurs : LIBÉRATION CONDITIONNELLE;PRONOSTIC;RISQUE DE RÉCIDIVE
Normes : CP.86

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

PM/761/2022 ACPR/43/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mercredi 18 janvier 2023

 

Entre

 

A______, actuellement détenu à l'établissement fermé B______, comparant par Me C______, avocat,

recourant,

 

contre le jugement rendu le 15 novembre 2022 par le Tribunal d'application des peines et des mesures,

 

et

 

LE TRIBUNAL D'APPLICATION DES PEINES ET DES MESURES, rue des Chaudronniers 9 - case postale 3715, 1211 Genève 3,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. Par acte expédié par messagerie sécurisée le 28 novembre 2022, A______ recourt contre le jugement du 15 novembre 2022, notifié le 17 suivant, par lequel le Tribunal d'application des peines et des mesures (ci-après : TAPEM) a refusé sa libération conditionnelle.

Le recourant conclut, sous suite de frais et dépens chiffrés, préalablement, à l'octroi de l'assistance juridique et à la nomination de Me C______ en qualité de défenseur d'office, et principalement, à l'annulation du jugement entrepris et à sa libération conditionnelle.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a.             Par jugement du 2 septembre 2016, le Tribunal criminel a condamné A______, né le ______ 1982, ressortissant brésilien, à la peine privative de liberté de 11 ans pour lésions corporelles simples, vols, dommages à la propriété, séquestrations, tentative de contrainte sexuelle, contraintes sexuelles, viols avec cruauté, violation d'une obligation d'entretien, violence et/ou menace contre les autorités et les fonctionnaires, conduite sans autorisation et consommation de stupéfiants. Le Tribunal a en outre ordonné un traitement ambulatoire au sens de l'art. 63 CP sans suspension de l'exécution de la peine.

Les faits ont, notamment, portés sur des lésions corporelles simples, contrainte sexuelle et tentative de cette infraction, en 2012 et 2013, au préjudice de D______, sa compagne; ainsi que sur un viol avec cruauté ainsi qu'un viol et une séquestration, en 2014, au préjudice de E______, sa nouvelle compagne au moment des faits.

b.             A______, qui avait été détenu provisoirement du 20 octobre au 21 décembre 2012, à la suite de la plainte de D______, date à laquelle il a été mis en liberté provisoire avec des mesures de substitution, a ensuite été détenu une seconde fois provisoirement dès le 10 juin 2014 et pour des motifs de sûreté jusqu'au 22 septembre 2016, date du jugement. Il a par la suite bénéficié d'une exécution anticipée des peines et mesures, ayant fait appel de la décision avant de retirer sa déclaration le 6 décembre 2016.

c.              L'expertise psychiatrique de A______ du 31 octobre 2013 et son complément du 15 janvier 2015, qui tient compte de l'ensemble des comportements reprochés, posent le diagnostic de trouble de la personnalité labile, de type impulsif, ainsi que d'un trouble du comportement lié à la consommation de cannabis. L'expert relève la banalisation dont fait preuve l'expertisé et le rejet de sa propre responsabilité sur les autres. L'intéressé présente des traits de personnalité de type psychopathique, lesquels constituent un facteur de pronostic défavorable concernant le risque de récidive et "l'adhérence" aux soins. Son trouble de la personnalité est difficilement curable en raison de l'absence d'une conscience de son trouble. Les traits de psychopathie que l'expertisé présente ne sont que très peu sensibles à des approches de type psychothérapeutique et/ou pharmacologique et en général à la prise en soins en milieu psychiatrique. Aucun traitement n'est dès lors préconisé, une expérience en détention étant parfois la mesure la plus appropriée dans ces situations.

d.             L'expertise psychiatrique ultérieure du 28 janvier 2016, réalisée sur la base des éléments figurant au dossier – A______ ayant refusé de rencontrer l'expert –, conclut que l'expertisé souffre de trouble mixte de la personnalité avec prédominance de traits émotionnellement labiles et antisociaux et de troubles mentaux et du comportement liés à l'utilisation de dérivés de cannabis. Le trouble de la personnalité dont souffre l'expertisé est présent en permanence; il peut traverser des périodes de stabilité et des périodes de décompensation en fonction des facteurs de stress. Il alterne en outre des attitudes agressives menaçantes avec des attitudes conciliantes, cherchant probablement à reprendre le contrôle de la situation et décider lui-même du sort de la relation. Le risque de récidive est plutôt élevé à long terme si aucune mesure d'accompagnement n'est mise en place pour aider l'intéressé à prendre conscience des facteurs de risque et diminuer leurs effets. Le risque de récidive en matière d'infractions sexuelles est lié à des situations similaires, à savoir des passages à l'acte impulsifs cantonnés dans le couple lors de périodes d'instabilités relationnelles et de violences générales, plutôt qu'à une violence purement sexuelle scénarisée et fantasmée.

e.              A______ a été incarcéré à la prison de F______ du 11 juin 2014 au 17 novembre 2016, date de son transfert à l'établissement B______. Le 3 août 2017, il a intégré l'établissement [pénitentiaire] de G______ avant d'être retransféré, le 12 décembre 2017, à B______, après un séjour d'un mois à F______.

f.              Les deux tiers de la peine que A______ exécute actuellement sont intervenus le 7 août 2021, tandis que la fin de la peine est fixée au 8 avril 2025.

g.             Dans l'évaluation criminologique du Service de probation et d'insertion (ci-après, SPI) du 25 avril 2017, les experts ont rappelé au moins quatre autres situations de violences conjugales parmi les antécédents de l'intéressé: soit à l'encontre de la mère du fils de l'intéressé (en 2006 et 2009) et d'une autre ex-compagne (en 2012).


À l'heure actuelle, la capacité d'empathie de l'intéressé demeurait absente et le sentiment de culpabilité restait très superficiel, voire égocentrique.

L'évaluation avait été réalisée dans le cadre de l'élaboration du plan d'exécution de la sanction (ci-après, PES). Dès lors qu'aucun élargissement n'était prévu à moyen terme, l'objectif se limitait à évaluer le risque de récidive violente en milieu fermé et à donner des recommandations d'intervention.

Une récidive violente intramuros ne pouvait être exclue. En effet, les difficultés à gérer les frustrations et le caractère impulsif du condamné le rendaient imprévisible et les sanctions reçues à F______ en témoignaient.

L'intéressé devait mettre à profit sa longue peine pour se remettre en question, par un travail psychothérapeutique centré notamment sur les violences domestiques, et développer des objectifs de vie réalistes, par exemple en développant un projet de formation, afin de modifier le pronostic défavorable.

h.             Le PES, validé le 28 août 2017 par le Service de l'application des peines et mesures (ci-après, SAPEM), prévoit, moyennant le respect des conditions, une seule seconde phase, envisageable dès février 2019, consistant au passage en milieu ouvert.

Ce PES énonce les conditions générales que A______ doit remplir lors de la première phase: éviter les comportements transgressifs, adopter une attitude positive et une régularité au travail, collaborer dans le cadre du suivi thérapeutique, se soumettre à des contrôles d'abstinence à l'alcool et aux stupéfiants, effectuer un plan de désendettement incluant les indemnités victimes et les frais de justice et s'y tenir et, finalement, déposer ses documents d'identité au greffe de l'établissement.

Par ailleurs, s'agissant des conditions spécifiques, il doit s'engager par écrit à ne pas entrer en contact avec les victimes et leurs familles, entreprendre des démarches en vue d'une formation et collaborer à l'élaboration du bilan de phase et d'une évaluation criminologique.

i.               Par décision du 11 février 2021, le SAPEM a refusé l'octroi de congés et la demande de passage en milieu ouvert formulée par A______ le 6 octobre 2020. Le risque de récidive devait être considéré comme élevé dans un milieu ouvert. L'intéressé avait plusieurs antécédents judiciaires pour des faits qui avaient gagné en gravité et en intensité au fil des années et qui étaient, pour la plupart, en lien avec des conflits dans le cadre de relations affectives et avait été condamné à une peine privative de liberté de 20 jours, le 26 février 2018, pour menaces alors même qu'il se trouvait en détention. Il ne retirait aucun enseignement de son long séjour carcéral, qu'il considérait comme une perte de temps. Il persistait à minimiser les faits pour lesquels il avait été condamné. Sa volonté de retourner au Brésil n'avait que peu d'influence sur le risque de récidive, surtout concernant les infractions contre l'intégrité sexuelle. Son comportement en détention montrait des difficultés à respecter les règles imposées. Un passage en milieu ouvert présentait un risque trop important pour la sécurité de la société.

Par arrêt du 23 avril 2021 (ACPR/263/2021), la Chambre de céans a rejeté le recours de A______ contre cette décision.

j.               Par jugement du 25 août 2021, le TAPEM a refusé la libération conditionnelle de A______, en raison de l'importance du risque de récidive. Il était à craindre que l'amélioration récente du comportement du précité fût directement et artificiellement liée à la possibilité de bénéficier d'allègements, sans travail de fond authentique. Ce point était confirmé par ses réticences affichées envers le traitement ambulatoire auquel il n’adhérait pas, convaincu de son inutilité pour lui, ce qui tendait à démontrer une absence de prise de conscience de ses limites, qui l'avaient conduit à commettre les infractions particulièrement graves pour lesquelles il se trouvait en détention, avec pour conséquence directe un risque élevé de récidive impulsive, non maîtrisée, dans toute relation de couple qui viendrait à lui déplaire.

Outre le fait que, nonobstant les démarches du SPI, il n’avait entrepris aucune formation ni n’avait tenté, en plus de sept ans de détention, de concrétiser un projet professionnel un tant soit peu sérieux, il était pleinement responsable de ce qu’il n'avait pu être observé et suivi en régime progressif, qui eût permis de mieux juger sa capacité à sincèrement s’amender.

k.             Le rapport de suivi médico-psychologique du Service de médecine pénitentiaire (ci-après, SMP) du 1er septembre 2021 rappelle que A______ avait débuté un suivi psychothérapeutique dès avril 2018 lequel était passé à quinzaine en janvier 2020. Depuis début 2021, il se présentait de manière irrégulière aux entretiens mais s'y montrait investi. Il avait cessé les consommations de cannabis depuis plus d'un an, ce qui avait été confirmé à plusieurs reprises par les prises urinaires.

Les objectifs thérapeutiques restaient essentiellement les mêmes, à savoir : un travail sur la mise en mots de ses ressentis et une meilleure gestion de ses émotions; un travail sur son positionnement face aux femmes et un travail d'élaboration sur les déterminants psychiques du délit, lesquels avaient été peu travaillés jusque-là du fait de l'état psychique du patient; son rôle de père et les liens avec son fils.

l.               Le rapport de suivi médico-psychologique du SMP du 3 février 2022 précise que, depuis le précédent rapport de septembre 2021, l'intéressé s'était présenté à deux entretiens sur les six proposés. Après une pause convenue, A______ s'était présenté le 2 février 2022, l'objectif étant la reprise du suivi à quinzaine, voire de façon plus espacée si nécessaire, la priorité étant que l'intéressé puisse de nouveau investir l'espace proposé. Aussi, malgré les refus constatés, le SMP estime que A______ se montre investi à chacune des consultations à laquelle il se présente et adopte un comportement adéquat. L'alliance thérapeutique était dès lors toujours qualifiée de bonne et les objectifs thérapeutiques restaient essentiellement similaires, à savoir un travail sur la mise en mots de ses ressentis, une meilleure gestion de ses émotions, un travail sur son rôle parental et les liens entretenus avec son fils et un travail autour de la préparation à sa sortie et sa vie future dans son pays d'origine.

Les objectifs thérapeutiques restaient essentiellement les mêmes, à savoir: un travail sur la mise en mots de ses ressentis et une meilleure gestion de ses émotions; son rôle de père et les liens avec son fils; un travail autour de sa préparation à la sortie et sa vie future au Brésil.

m.           Par jugement du 25 avril 2022, le TAPEM a ordonné la poursuite du traitement ambulatoire. Le suivi thérapeutique restait nécessaire compte tenu des fragilités du condamné et la prise de conscience fluctuante qui se traduisait par une réduction puis une suppression du suivi en 2021. Il a relevé l'attitude positive du condamné depuis quelque temps, qu'il encourageait à préparer un projet concret de vie au Brésil.

n.             Le 4 mai 2022, A______ a adressé au SAPEM une demande de libération conditionnelle dans laquelle il écrit ne pas savoir dans quel pays il comptait se rendre à sa libération, ni à quelle adresse il résiderait, ni pouvoir bénéficier d'un logement, ni même quelle activité professionnelle il exercerait précisant qu'il n'avait appris aucun métier. Il ajoute finalement qu'il a comme projet de réinsertion, pour ne pas récidiver, de prendre soin de sa famille.

o.             Le casier judiciaire suisse de A______ du 7 juillet 2022 mentionne, en outre :

·               la condamnation, le 25 juin 2012, à une peine pécuniaire de 120 jours-amende avec sursis pour injure, calomnie, vol, violation de domicile, dommages à la propriété, lésions corporelles simples et contrainte ;

·               celle du 26 février 2018, à 20 jours de peine privative de liberté pour menaces.

À teneur du jugement du Tribunal criminel, il a été condamné à six reprises, par le Ministère public genevois, de 2005 à 2009, principalement pour lésions corporelles simples, menaces, vols, violation de domicile et délit contre la loi fédérale sur les armes.

p.             Selon le préavis favorable de la direction de B______ du 30 juin 2022, depuis son incarcération dans l'établissement, le 12 décembre 2017, A______ avait fait l'objet de 26 sanctions (20 en 2018-2019; 4 en 2020 notamment consommation de stupéfiants et tentative de falsification de test toxicologique; 3 en 2022 pour consommation de stupéfiants) et de deux avertissements (en 2018 et 2021). L'attitude du condamné en ateliers qui avait d'abord été qualifiée de désintéressée et provocatrice, mettant en péril le bon fonctionnement de l'atelier, s'était améliorée, étant même qualifié d'exemplaire. Depuis le 26 mai 2020, il remboursait mensuellement les frais de justice et des indemnités aux victimes à raison de CHF 25.-.

La direction de la prison considère que les conditions du PES étaient globalement respectées. Après un début difficile, l'intéressé semblait avoir pris conscience des enjeux et des répercussions sur sa situation pénale. Elle estime qu'il serait bénéfique qu'il poursuive le travail de réflexion autour de sa problématique liée aux consommations de stupéfiants, vu les tests toxicologiques positifs. Ce nonobstant, elle retient qu'il adopte une attitude positive tant au quartier cellulaire qu'aux ateliers. Les frais de justice et d'indemnisation aux victimes étaient versés et il avait déposé une copie de son passeport brésilien au greffe.

q.             Le rapport socio-judiciaire du 5 juillet 2022 du SPI conclut que A______ avait eu beaucoup de difficultés à traverser sa détention mais qu'une amélioration de son comportement avait été constatée au fil du temps, avec l'arrêt de sa consommation de cannabis et sa tentative de réinvestir son rôle de père. Il avait su faire preuve de patience notamment pour éviter les agressions physiques. Il devait encore effectuer un important travail sur lui-même, sur son rôle de père, sur les interactions de couple, sur son regard vis-à-vis de la hiérarchie ou le respect de l'autorité. Il préavise favorablement la libération conditionnelle dans le cadre d'un renvoi du territoire helvétique en encourageant le concerné à poursuivre un suivi thérapeutique volontaire.

r.              À teneur du courriel de l’Office cantonal de la population et des migrations (ci-après, OCPM) du 4 mai 2022, A______ fait l'objet d'une décision définitive et exécutoire de révocation de son permis C et son renvoi vers le Brésil sera organisé lors de sa libération.

s.              Dans son préavis du 21 juillet 2022, le SAPEM relève le parcours carcéral chaotique de A______. En raison des risques de fuite et de récidive, il n'avait pas pu bénéficier d'allègements et n'avait ainsi pas pu être observé dans le cadre du régime progressif. Il n'avait entrepris aucune formation et n'avait conçu aucun projet professionnel, en plus de 8 ans de détention. Sa situation personnelle n'avait globalement pas évolué et sa mère et son frère, qui le soutenaient et lui rendaient visite, ne le faisaient plus désormais.

Malgré l'amélioration récemment constatée par le SPI et la direction de B______, il était toujours à craindre que cette récente prise de conscience ne soit étroitement liée à la possibilité de bénéficier d'allègements, sans que l'intéressé n'ait initié avec authenticité un travail de fond. Il se projetait dans un retour vers son pays d’origine, mais n'avait fait aucun progrès depuis le précèdent examen de la libération conditionnelle, sa demande contenant uniquement la mention "je ne sais pas" ainsi que la volonté de prendre soin de sa famille. Enfin, il avait fait l'objet d'une troisième sanction en 2022 portant à 26 l'ensemble des sanctions infligées.

t.               Par requête du 29 juillet 2022, le Ministère public a conclu au refus de la libération conditionnelle de A______.

u.             Lors de l'audience du 6 septembre 2022 devant le TAPEM, A______ a déclaré éprouver un sentiment de honte face à son casier judiciaire, être conscient d'avoir détruit la vie de beaucoup de gens et assumer l'intégralité des faits reprochés depuis 2020-2021. Confronté au fait qu'il ne s'était présenté qu'à deux séances de psychothérapie sur six en août 2021 et février 2022, il a expliqué avoir déjà beaucoup construit grâce à la psychothérapie et souhaitait montrer qu'il n'avait plus besoin qu'on lui tienne la main, bien qu'estimant avoir besoin de psychothérapie. Face à l'évaluation du risque de récidive, il a répondu ne pas se reconnaître dans les rapports de l'année passée. Il consommait du cannabis depuis l'âge de 16 ans, de sorte qu'il lui était compliqué de se débarrasser de cette addiction. Son projet était de retourner au Brésil et y trouver un emploi dans le tourisme; il souhaitait prendre soin de sa famille. Il avait compris les motifs de son passage à l'acte et les moyens pour éviter une récidive.

v.             Dans son rapport du 28 septembre 2022, la Commission d'évaluation de la dangerosité (ci-après: CED) – saisie par le TAPEM – considère que malgré le refus de l'intéressé de comparaître devant elle, elle disposait de suffisamment d'éléments lui permettant d'émettre son préavis. A______ présentait un danger pour la collectivité dans le cadre d'une libération conditionnelle de la peine. Si l'intéressé avait amélioré son attitude en détention, il n'avait pas du tout investi le suivi thérapeutique de l'art. 63 CP. Aucun renseignement médical ne ressortait au sujet du travail sur le délit, sur sa capacité de remise en question, sa gestion des émotions, de l'impulsivité et de la frustration et son estime de soi, pourtant relevés comme devant faire l'objet d'une mesure thérapeutique par les experts psychiatres et par le juge du fond. A______ n'était pas encore prêt pour obtenir une libération conditionnelle de la peine, ce d'autant moins qu'il n'avait pas élaboré de projet concret de réinsertion.

w.           Par courrier du 13 octobre 2022, le Ministère public s'est référé à son préavis négatif, à sa plaidoirie lors de l'audience par-devant le TAPEM du 6 septembre 2022 et à la détermination de la CED.

x.             Dans son rapport de suivi médico-psychologique du 13 octobre 2022, le SMP précise que, depuis février 2022, le suivi thérapeutique était passé à un rythme mensuel et que A______ avait honoré quatre rendez-vous sur cinq et s'était montré investi dans son suivi. Il était capable désormais de nommer ses émotions, de les identifier et de mieux les gérer ainsi que de prendre du recul sur les comportements passés et sur les conséquences pour ses victimes, sa famille et lui-même. Il souhaitait rentrer au Brésil le plus rapidement possible pour passer du temps avec sa famille, trouver sa place dans la société et prendre soin de sa santé. Au cours du travail thérapeutique sur son retour au Brésil, la question de son rapport aux femmes ainsi que de ses projections et appréhensions sur une éventuelle nouvelle histoire d'amour étaient travaillés.

y.             Dans ses observations, le SAPEM persiste dans les conclusions de son préavis et joint copie de deux sanctions disciplinaires dont A______ a fait l'objet, les 29 juin et 9 août 2022, pour consommation de stupéfiants.

z.              Par courrier du 27 octobre 2022, A______ relève que la majorité des sanctions dont il avait fait l'objet avaient été prononcées entre 2018 et 2020, ce qui démontrait que ses difficultés relatives à l'autorité et l'impulsivité s'étaient définitivement résorbées depuis près de deux ans. L'évolution positive que le TAPEM souhaitait voir en 2021 dans son comportement ne faisait ainsi aucun doute. Les rapports du SMP, du SPI et du SMI étaient le fruit d'un examen collégial de spécialistes qui devaient bénéficier d'une force probante accrue. Le rapport de la CED n'amenait ni n'abordait aucun élément nouveau de nature à remettre en cause les préavis favorables du SMP et de l'établissement de détention, se limitant à reprendre des rapports d'expertise établis entre 9 et 5 ans auparavant.

C. Dans son jugement querellé, le TAPEM rappelle que la condition temporelle pour l'octroi de la libération conditionnelle est réalisée depuis le 7 août 2021, et se réfère au préavis positif de B______, et à ceux, négatifs, du SAPEM et du Ministère public.

Il retient que la CED a relevé que A______ avait certes amélioré son attitude en détention, mais n'avait pas du tout investi le suivi thérapeutique de l'art. 63 CP et qu'aucun renseignement ne ressortait du point de vue médical au sujet du travail sur le délit, sur la capacité de remise en question de l'intéressé, sa gestion des émotions, de l'impulsivité et de la frustration et son estime de soi, pourtant relevés comme points devant faire l'objet d'une mesure thérapeutique par les experts psychiatres et par le juge du fond. La CED estimait que A______ n'était pas encore prêt pour obtenir une libération conditionnelle de la peine, ce d'autant moins qu'il n'avait pas élaboré de projet concret de réinsertion.

Le pronostic se présentait sous un jour fort défavorable au vu des éléments figurant au dossier; le risque de récidive violente avait été jugé comme élevé, dans les expertises et dans l’évaluation criminologique.

Les intervenants médico-sociaux avaient relevé chez A______ une absence de prise de conscience de ses limites, une non-adhésion au traitement ambulatoire, auquel il ne trouvait aucune utilité, et l’absence de démarches en vue de sa réinsertion (notamment absence de formation). Certes, des améliorations du comportement avaient été constatées à l’approche des deux tiers de la peine, sans convaincre. L'intéressé n’avait jamais cessé d’être sanctionné pour consommation de cannabis, laquelle était un facteur de risque.

L’évolution du condamné était insuffisante pour permettre une réévaluation franche du risque de récidive, qui était toujours élevé; les progrès rapportés par le SMP dans son rapport du 13 octobre 2022 n'apparaissaient pas suffisamment significatifs pour renverser cette appréciation.

En l’état, rien n’indique que l'intéressé pourrait mettre davantage à profit une libération conditionnelle et le risque qu'il commette de nouvelles infractions apparaît très élevé.

D. a. À l'appui de son recours, A______ reproche au TAPEM de ne pas avoir tenu compte des préavis favorables du SPI, du SMP et de B______; la majorité des sanctions avaient été prononcées entre 2018 et 2020 et il n'avait fait l'objet que de trois sanctions en 2022, toutes liées à la consommation de cannabis; il se montrait investi aux consultations; il était parvenu à se maîtriser et avait fait des progrès quant à la gestion de ses émotions et de son impulsivité et avait pris conscience de la nécessité de travailler sur l'expression de ses ressentis et leur gestion, il poursuivait son projet de formation en anglais et se montrait assidu au travail. Le constat de la CED selon lequel il n'aurait pas investi le suivi thérapeutique était contraire aux différents rapports. Il avait demandé pardon aux victimes et commencé le remboursement à celles-ci depuis mai 2020, ce qui démontrait sa prise de conscience. Depuis 2020, il faisait preuve de plus de patience et évitait, à sa manière et selon ses moyens, les conflits internes, avait fait des progrès quant à la gestion de ses émotions et de son impulsivité et était conscient qu'il lui faudrait être plus vigilant en cas de relation sentimentale investie. Ainsi, du point de vue du travail thérapeutique, il ne pouvait qu'être constaté que le pronostic était désormais favorable et que la libération conditionnelle ne présenterait pas de risque de récidive. Concernant ses projets, ils avaient été évoqués par le SMP et le SPI, puis explicités dans sa première demande de libération et exposés lors de l'audience du 6 septembre 2022.

EN DROIT :

1.             1.1. Le recours au sens de l'art. 393 CPP est la voie de droit ouverte contre les prononcés rendus en matière de libération conditionnelle par le TAPEM (art. 42 al. 1 let. b LaCP cum ATF 141 IV 187 consid. 1.1), dont le jugement constitue une "autre décision ultérieure" indépendante au sens de l'art. 363 al. 3 CPP (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1136/2015 du 18 juillet 2016 consid. 4.3 et 6B_158/2013 du 25 avril 2013 consid. 2.1; Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 30 ad art. 363).

1.2. La procédure devant la Chambre de céans est régie par le CPP, applicable au titre de droit cantonal supplétif (art. 42 al. 2 LaCP).

1.3. Le recours est recevable, pour avoir été déposé selon la forme (art. 384 let. b, 385 al. 1, 390 al. 1 et 396 al. 1 CPP) et dans le délai (art. 396 al. 1 CPP) prescrits, par le condamné, qui a un intérêt juridiquement protégé à l'annulation ou à la modification de la décision attaquée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 "a contrario" CPP).

Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

3.             Le recourant conteste le refus de sa libération conditionnelle.

3.1.1. En vertu de l'art. 86 al. 1 CP, l'autorité compétente libère conditionnellement le détenu qui a subi les deux tiers de sa peine si son comportement durant l'exécution de celle-ci ne s'y oppose pas et s'il n'y a pas lieu de craindre qu'il ne commette de nouveaux crimes ou délits.

3.1.2. Dite libération constitue la règle et son refus l'exception. Il n'est pas nécessaire, pour son octroi, qu'un pronostic positif puisse être posé; il suffit qu’il ne soit pas défavorable. Doivent être pris en considération, pour émettre ce pronostic, les antécédents de l'intéressé, sa personnalité, son comportement en général et dans le cadre des délits qui sont à l'origine de sa condamnation, le degré de son éventuel amendement ainsi que les conditions dans lesquelles il est à prévoir qu'il vivra (ATF 133 IV 201 consid. 2.2 et 2.3 p. 203; arrêt du Tribunal fédéral 6B_387/2021 du 13 août 2021 consid. 4.1).

Pour déterminer si l'on peut courir le risque de récidive, inhérent à toute libération qu'elle soit conditionnelle ou définitive (ATF 119 IV 5 consid. 1b p. 7; arrêt du Tribunal fédéral 6B_387/2021 précité), il faut non seulement tenir compte du degré de probabilité qu'une nouvelle infraction soit commise, mais également de l'importance du bien qui serait alors menacé. Ainsi, le risque de récidive que l'on peut admettre est moindre si l'auteur s'en est pris à la vie ou à l'intégrité corporelle de ses victimes que s'il a commis par exemple des infractions contre le patrimoine (ATF 125 IV 113 consid. 2a p. 115; arrêt du Tribunal fédéral 6B_387/2021 précité).

Il sied de comparer les avantages et inconvénients de l'exécution du solde de la peine avec la libération conditionnelle (ATF 124 IV 193 consid. 4a et consid. 5b/bb; arrêt du Tribunal fédéral 6B_387/2021 précité).

Dans l'émission du pronostic, les juridictions cantonales disposent d'un large pouvoir d'appréciation (ATF 133 IV 201 précité, consid. 2.3; arrêt du Tribunal fédéral 6B_387/2021 précité).

3.1.3. Lorsque le détenu qui requiert sa libération conditionnelle a commis un crime visé à l’art. 64 al. 1 CP, parmi lesquels figure l'infraction à l'art. 190 CP, et que l’autorité d’exécution n’est pas en mesure de se prononcer de manière catégorique sur son caractère dangereux pour la collectivité (art. 75a al. 1 let. b CP), une commission spécialisée (art. 62d al. 2 CP) est tenue d’apprécier ce même caractère (art. 75a al. 1 CP), soit à Genève la CED (art. 4 LaCP).

3.2. En l'espèce, force est d'admettre que le pronostic, s'agissant du risque de récidive, est mauvais. Comme l'a relevé la CED, aucun rapport médical circonstancié n'est fourni au sujet du travail sur le délit, sur la capacité de remise en question du recourant, sa gestion des émotions, de l'impulsivité et de la frustration et son estime de soi, pourtant relevés comme points devant faire l'objet d'une mesure thérapeutique par les experts psychiatres et par le juge du fond. Le recourant, dont les faits les plus graves qui ont mené à son incarcération sont des infractions à l'intégrité physique de femmes avec lesquelles il entretenait une relation intime, n'a pas abordé sérieusement cet aspect lors des suivis thérapeutiques qu'il a de plus en plus désertés. On peut d'ailleurs s'étonner que cet objectif, retenu par le SMP dans son rapport du 1er septembre 2021, ait disparu dans celui du 3 février 2022, et que cette "question" ne réapparaisse qu'en octobre 2022 au cours du travail thérapeutique sur son retour au Brésil. Contrairement à l'appréciation de B______, le recourant n'a pas respecté les conditions du PES, vu le nombre impressionnant de sanctions, y compris jusqu'à 2022.

Par ailleurs, le recourant s'est vu refusé le passage en milieu ouvert de sorte qu'il n'a jamais été évalué dans un milieu moins coercitif.

Enfin, le recourant n'a élaboré aucun projet concret en vue de préparer sa vie en liberté; il ressort du formulaire de demande de mise en liberté qu'il n'a aucune idée de sa destination exacte, de son logement ni de l'activité professionnelle qu'il exercerait, s'il était libéré.

Au vu de ces circonstances, il est fort à craindre que le recourant se retrouve, à sa sortie de détention, dans la même situation personnelle qu'auparavant. Il ne bénéficierait ainsi pas, à l'extérieur, de facteurs de protection permettant de relativiser son risque de récidive en matière sexuelle, considéré comme élevé, mais serait, à nouveau, livré à lui-même, sans possibilité pratique de réinsertion. Le fait qu'il soit renvoyé à l'étranger ne doit pas occulter le risque de récidive d'infractions graves (cf. ACPR/216/2020 consid. 3.4 et 3.5).

4.             Justifié, le jugement querellé sera donc confirmé.

5.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, qui seront fixés en totalité à CHF 600.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

6.             6.1. À teneur de l'art. 135 al. 1 CPP, le défenseur d'office est indemnisé conformément au tarif des avocats de la Confédération ou du canton du for du procès. À Genève, le tarif des avocats est édicté à l'art. 16 du Règlement sur l'assistance juridique et l'indemnisation des conseils juridiques et défenseurs d'office en matière civile, administrative et pénale (RAJ; E 2 05.04).

Selon l’art. 16 al. 2 RAJ, seules les heures nécessaires sont retenues. Elles sont appréciées en fonction notamment de la nature, de l’importance et des difficultés de la cause, de la valeur litigieuse, de la qualité du travail fourni et du résultat obtenu. Les autorités cantonales jouissent d’une importante marge d’appréciation lorsqu’elles fixent, dans la procédure, la rémunération du défenseur d’office (ATF 141 I 124 consid. 3.2; arrêt du Tribunal fédéral 6B_856/2014 du 10 juillet 2015 consid. 2.3).

6.2. En l'occurrence, l'avocat d'office du recourant a conclu au versement de CHF 1'155.- d'indemnité pour la procédure de recours. Il lui sera alloué une indemnité de CHF 975.- plus 7.7% de TVA, le forfait de 20% n'étant pas applicable devant l'instance de recours.

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, fixés en totalité à CHF 600.-.

Alloue à Me C______ une indemnité de CHF 1'050.-, TVA incluse.

Notifie le présent arrêt ce jour, en copie, au Ministère public, à A______, soit pour lui son conseil, ainsi qu'au Tribunal d'application des peines et des mesures.

Le communique, pour information, au Service de l'application des peines et mesures, ainsi qu'à B______.

Siégeant :

Monsieur Christian COQUOZ, président; Mesdames Daniela CHIABUDINI et Alix FRANCOTTE CONUS, juges; Monsieur Xavier VALDES, greffier.

 

 

Le greffier :

Xavier VALDES

 

Le président :

Christian COQUOZ

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).

PM/761/2022

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

 

- délivrance de copies (let. b)

CHF

 

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- demande de récusation (let. b)

CHF

515.00

-

CHF

 

Total

CHF

600.00