Décisions | Chambre pénale de recours
ACPR/893/2022 du 22.12.2022 sur OTMC/3793/2022 ( TMC ) , REFUS
république et | canton de Genève | |
POUVOIR JUDICIAIRE P/25245/2022 ACPR/893/2022 COUR DE JUSTICE Chambre pénale de recours Arrêt du jeudi 22 décembre 2022 |
Entre
A______, actuellement détenu à la prison de B______, comparant par Me C______, avocate,
recourant,
contre l'ordonnance de mise en détention provisoire rendue le 30 novembre 2022 par le Tribunal des mesures de contrainte,
et
LE TRIBUNAL DES MESURES DE CONTRAINTE, rue des Chaudronniers 9,
1204 Genève,
LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,
intimés.
EN FAIT :
A. Par acte déposé le 7 décembre 2022, A______ recourt contre l'ordonnance du 30 novembre 2022, notifiée le jour même, par laquelle le Tribunal des mesures de contrainte (ci-après, TMC) a ordonné sa mise en détention provisoire jusqu'au 28 janvier 2023.![endif]>![if>
Le recourant conclut, sous suite de frais, préalablement, au constat du caractère abusif de sa détention et à la violation du principe de célérité; principalement, à l'annulation de l'ordonnance précitée et à sa mise en liberté immédiate.
B. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :![endif]>![if>
a. A______, ressortissant chilien, né le ______ 1974, a été interpellé le 28 novembre 2022 vers 19h30, à la route 1______ no. ______, à D______ [GE], alors qu'il circulait sur un vélo d'origine douteuse. Il était démuni de tout document d'identité et sous le coup d'une décision d'interdiction d'entrée en Suisse. Il était porteur d'une cagoule, d'une paire de gants et d'une lampe de poche. Il faisait en outre l'objet d'un mandat d'arrêt genevois inscrit au RIPOL pour infractions aux art. 139, 144 et 186 CP en lien avec un cambriolage commis à D______ le 28 octobre 2010 (recte le 31 décembre 2008), étant précisé que son ADN avait été retrouvé au niveau des stores de la porte-fenêtre forcée.
Il était accompagné d'un compatriote, E______, lequel s'était légitimé avec un passeport au nom d'un tiers et circulait sur un vélo déclaré volé, en possession d'une cagoule, de gants, d'une lampe de poche et d'une carte [bancaire] F______ de provenance douteuse.
b. Selon le rapport de renseignements du 29 novembre 2022, des recherches étaient en cours en vue de déterminer si les intéressés étaient impliqués dans la recrudescence de cambriolages commis, en soirée, depuis le début du mois de novembre 2022, notamment dans les secteurs du G______/H______ [GE] et de I______ [GE], étant souligné que ce genre de cambriolages était souvent commis par des ressortissants d'Amérique latine.
Il était relevé que le 26 novembre 2022, deux individus de type "latino" avaient été vus en train d'observer des appartements dans la région du G______/H______, sans qu'ils aient toutefois pu être interpellés. Lors de leur interpellation, les prévenus se trouvaient dans le secteur de I______. En outre, l'enquête avait permis de déterminer que trois ressortissants chiliens étaient arrivés, le 23 novembre 2022, à l'hôtel J______ à K______ [France] et avaient, le 28 novembre 2022, repoussé leur départ en payant deux nuits supplémentaires.
c. Par ordonnances des 29 novembre 2022, le Ministère public a ordonné la perquisition et la mise sous séquestre des téléphones des prévenus.
d. Par mandats d'actes d'enquête des 29 novembre 2022, le Ministère public a chargé la police de procéder à l'extraction des données des téléphones précités, à l'analyse des données rétroactives et à la comparaison de l'ADN des prévenus avec les traces retrouvées sur les lieux des cambriolages.
e. Par commissions rogatoires des 5 décembre 2022, le Ministère public a sollicité des autorités françaises de procéder notamment à la perquisition de la chambre no 2______ de l'hôtel J______, enregistrée au nom de A______, ainsi qu'au contrôle du contenu d'un colis qu'il avait envoyé le 28 novembre 2022 au Chili, depuis la poste de K______.
f. Entendu à la police, A______ a admis qu'il n'avait pas le droit de séjourner en Suisse. Il était venu pour la première fois en Suisse en 2008 et avait été extradé au Luxembourg en 2015, puis expulsé au Chili. C'était la première fois qu'il revenait en Suisse. Il avait déjà été condamné en 2012 dans le canton de Vaud pour séjour illégal et 17 cambriolages.
Le vélo sur lequel il circulait lors de son interpellation lui avait été prêté par son ami L______ qui habitait en France. Il avait acheté la cagoule, les gants et la lampe de poche chez M______ [magasin de sport] en France pour faire du vélo. Il ne faisait plus de cambriolage. Son passeport se trouvait en France, à une adresse inconnue.
g. Au Ministère public, il a été mis en prévention pour infractions aux art. 115 al. 1 let. a et b LEI et 160 CP.
Il a confirmé ses précédentes déclarations, expliquant être venu comme touriste à K______ parce qu'il connaissait un ami. Il logeait à l'hôtel avec E______ et un autre individu, âgé de 22 ans et avait prolongé son séjour car il voulait attendre la neige. C'était la première fois qu'il revenait en Suisse depuis son expulsion. Ses documents d'identité et ses habits se trouvaient dans la chambre d'hôtel.
Il a remis le code de déverrouillage de son téléphone portable au Procureur, lequel l'a informé que les analyses ADN devraient être effectuées dans un délai de trois semaines à un mois.
h. A______, est célibataire et n'a aucune attache avec la Suisse. À teneur de son casier judiciaire suisse, il a été condamné le 18 janvier 2013, par le Tribunal criminel de N______, à O______ [VD], à une peine privative de liberté de 7 ans, pour vol par métier et en bande, dommages à la propriété, dommages à la propriété d'importance considérable, violation de domicile et séjour illégal, pour des faits commis entre le 1er janvier 2008 et le 31 décembre 2010. Il a bénéficié d'une libération conditionnelle le 12 août 2015, avec un délai d'épreuve au 11 décembre 2017 (peine restante : 2 ans, 3 mois et 29 jours).
i. Lors de l'audience devant le TMC, A______ a exposé avoir quitté le Chili dernièrement et être revenu en Europe autour du 5 novembre 2022, avec un peu d'argent. Sa famille lui avait également envoyé de l’argent à deux reprises. Il était arrivé à K______ une semaine auparavant. Il s'était rendu à Genève en vélo, seulement pour se promener et n'avait pas commis d'autres cambriolages après ceux qui avaient fait l'objet de sa condamnation.
C. Dans son ordonnance, le TMC a retenu l'existence de charges suffisantes en lien avec l'entrée illégale pour justifier la mise en détention provisoire de A______, eu égard au lieu de son interpellation. Elles étaient toutefois insuffisantes s'agissant de l'infraction de recel, en l’absence d'éléments indiquant que le vélo était volé. En ce qui concernait les cambriolages pour lesquels il n'avait pas été mis en prévention, les soupçons – certes légers – étaient suffisants pour permettre à la police de procéder à une enquête. Il existait un risque de fuite élevé, au vu de la nationalité étrangère du prévenu, dépourvu de documents d'identité, sans domicile fixe et sans aucune attache avec la Suisse, pays dans lequel il faisait l'objet d'une interdiction d'entrée. Il y avait aussi un risque de collusion vis-à-vis de son co-prévenu et de l'autre occupant de la chambre d'hôtel, non encore identifié ni interpellé. Le risque de réitération était tangible, considérant la situation personnelle et financière précaire du prévenu et son antécédent spécifique.![endif]>![if>
D. a. À l'appui de son recours, A______ ne conteste pas les charges en lien avec l'entrée illégale en Suisse. Celles concernant le recel étaient insuffisantes. Il en était de même pour les charges en lien avec des cambriolages commis en novembre 2022, raison pour laquelle il n'avait pas été mis en prévention pour ces faits. Sa mise en détention provisoire était dès lors abusive et procédait de la méthode dite de "fishing expedition" dans le but de "partir à la pêche au soupçon, respectivement aux indices permettant de construire un soupçon et de justifier par après la mesures de contrainte". Il fallait en outre retenir une violation du principe de célérité, dès lors qu'en raison des actes d'enquête, il devait rester en détention alors que la cause était en état d'être jugée s'agissant de l’entrée illégale.
b. Le TMC maintient les termes de son ordonnance et renonce à formuler des observations.
c. Le Ministère public conclut au rejet du recours, sous suite de frais, se référant à l'ordonnance querellée.
d. A______ maintient les termes et conclusions de son recours.
EN DROIT :
1. Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 222 et 393 al. 1 let. c CPP) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).![endif]>![if>
2. Le prévenu semble alléguer une violation des art. 158 et 224 CPP.![endif]>![if>
2.1. Selon l'art. 158 al. 1 CPP, au début de la première audition, la police ou le ministère public informe le prévenu de ses droits, et notamment du fait qu'une procédure préliminaire est ouverte contre lui et pour quelles infractions (let. a).
A teneur de l'art. 224 al. 1 CPP, le ministère public interroge le prévenu sans retard et lui donne l'occasion de s'exprimer sur les soupçons et les motifs de détention retenus contre lui. Il procède immédiatement à l'administration des preuves aisément disponibles susceptibles de confirmer ou d'écarter les soupçons et les motifs de détention.
2.2. En l'espèce, le recourant n'a pas été formellement prévenu de cambriolage, mais seulement d'infractions à la LEI et de recel. Dans la mesure où le Procureur l'a informé, au cours de son interrogatoire et avant de demander sa mise en détention, du fait qu'il était soupçonné de cambriolage, celui-ci a pu s'exprimer à ce sujet et l'art. 224 CPP n'a pas été violé.
3. Le recourant estime que les charges retenues par le TMC ne seraient pas suffisantes pour justifier son placement en détention provisoire.![endif]>![if>
3.1. Selon l'art. 221 al. 1 CPP, la détention provisoire ne peut être ordonnée que lorsque le prévenu est fortement soupçonné d’avoir commis un crime ou un délit et qu’il y a sérieusement lieu de craindre qu’il se soustraie à la procédure pénale ou à la sanction prévisible en prenant la fuite (let. a), qu'il compromette la recherche de la vérité en exerçant une influence sur des personnes ou en altérant des moyens de preuve (let. b) ou qu'il compromette sérieusement la sécurité d’autrui par des crimes ou des délits graves après avoir déjà commis des infractions du même genre (let. c).
3.2. Pour qu'une personne soit placée en détention provisoire ou pour des motifs de sûreté, il doit exister à son égard des charges suffisantes ou des indices sérieux de culpabilité, susceptibles de fonder de forts soupçons d'avoir commis une infraction (art. 221 al. 1 CPP). L'intensité de ces charges n'est pas la même aux divers stades de l'instruction pénale; si des soupçons, même encore peu précis, peuvent être suffisants dans les premiers temps de l'enquête, la perspective d'une condamnation doit apparaître avec une certaine vraisemblance après l'accomplissement des actes d'instruction envisageables. Au contraire du juge du fond, le juge de la détention n'a pas à procéder à une pesée complète des éléments à charge et à décharge ni à apprécier la crédibilité des personnes qui mettent en cause le prévenu. Il doit uniquement examiner s'il existe des indices sérieux de culpabilité justifiant une telle mesure (ATF 143 IV 330 consid. 2.1; 143 IV 316 consid. 3.1 et 3.2).
3.3. En l'espèce, les charges sont à l'évidence suffisantes en lien avec l'entrée illégale en Suisse, infraction permettant déjà, en soi, de justifier le maintien en détention provisoire du recourant.
Il est en outre soupçonné d'être impliqué dans la commission de cambriolages.
La présence de son ADN sur les lieux du cambriolage du 31 décembre 2008 constitue de sérieux soupçons à son encontre, étant souligné que celui-ci a eu lieu pendant la période pénale de sa condamnation du 18 janvier 2013 pour 17 cambriolages. Dans ce contexte, son interpellation peu après son retour en Suisse, dans une zone marquée par la recrudescence de cambriolages, alors qu'il était en possession d'objets pouvant servir à la commission de tels délits est également suffisante, à ce stade, pour justifier une détention provisoire, s'agissant d'une enquête qui débute.
Les conditions de l'art. 221 al. 1 CPP sont donc remplies.
4. Le recourant ne conteste pas les risques retenus par le TMC. Le risque de fuite (art. 221 al. 1 let. a CPP) est à l'évidence réalisé, dès lors qu'il est ressortissant chilien, en situation illégale et sans aucune attache avec la Suisse. L'admission du risque de fuite dispense d'examiner ce qu'il en serait des risques de réitération et de collusion. En outre, on ne voit pas quelle mesure de substitution pallierait efficacement le risque de se soustraire aux actes ultérieurs de la procédure. Le recourant n'en propose d'ailleurs aucune.
5. Le recourant invoque une violation du principe de la proportionnalité.
5.1. À teneur des art. 197 al. 1 et 212 al. 3 CPP, les autorités pénales doivent respecter le principe de la proportionnalité lorsqu'elles appliquent des mesures de contrainte, afin que la détention provisoire ne dure pas plus longtemps que la peine privative de liberté prévisible. Selon une jurisprudence constante, la possibilité d'un sursis, voire d'un sursis partiel, n'a en principe pas à être prise en considération dans l'examen de la proportionnalité de la détention préventive (ATF 133 I 270 consid. 3.4.2 p. 281-282 ; 125 I 60 ; arrêts du Tribunal fédéral 1B_750/2012 du 16 janvier 2013 consid. 2, 1B_624/2011 du 29 novembre 2011 consid. 3.1 et 1B_9/2011 du 7 février 2011 consid. 7.2).
5.2. En l'espèce, l'enquête en cours doit permettre de confronter le prévenu aux éléments de preuve (présence de son ADN) en lien avec le cambriolage du 31 décembre 2008, voire, en fonction du résultat des autres analyses, avec ceux commis en novembre 2022. L'analyse de la téléphonie est également en cours. Ces actes d'enquête sont indispensables à l’établissement des faits et la durée de la détention prononcée, soit jusqu'au 28 janvier 2023, est largement proportionnée à la peine concrètement encourue, si le recourant devait être reconnu coupable des infractions reprochées.
Il appartiendra toutefois, au Ministère public, en cas de résultats négatifs, de renvoyer rapidement le recourant en jugement.
6. Le recours s'avère ainsi infondé et doit être rejeté.
7. Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, qui comprendront un émolument de CHF 900.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03). En effet, l'autorité de recours est tenue de dresser un état de frais pour la procédure de deuxième instance, sans égard à l'obtention de l'assistance judiciaire (arrêts du Tribunal fédéral 1B_372/2014 du 8 avril 2015 consid. 4.6 et 1B_203/2011 du 18 mai 2011 consid. 4).
8. Le recourant plaide au bénéfice d'une défense d'office.
8.1. Selon la jurisprudence, le mandat de défense d'office conféré à l'avocat du prévenu pour la procédure principale ne s'étend pas aux procédures de recours contre les décisions prises par la direction de la procédure en matière de détention avant jugement, dans la mesure où l'exigence des chances de succès de telles démarches peut être opposée au détenu dans ce cadre, même si cette question ne peut être examinée qu'avec une certaine retenue. La désignation d'un conseil d'office pour la procédure pénale principale n'est pas un blanc-seing pour introduire des recours aux frais de l'État, notamment contre des décisions de détention provisoire (arrêt du Tribunal fédéral 1B_516/2020 du 3 novembre 2020 consid. 5.1).
8.2. En l'occurrence, quand bien même le recourant succombe, on peut admettre que l'exercice du présent recours ne procède pas d'un abus.
L'indemnité du défenseur d'office sera fixée à la fin de la procédure (art. 135 al. 2 CPP).
* * * * *
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Rejette le recours.
Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, qui comprennent un émolument de CHF 900.-.
Notifie le présent arrêt ce jour, en copie, au recourant (soit, pour lui, son défenseur), au Ministère public et au Tribunal des mesures de contrainte.
Siégeant :
Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Mesdames Daniela CHIABUDINI et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.
La greffière : Arbenita VESELI |
| La présidente : Corinne CHAPPUIS BUGNON |
Voie de recours :
Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.
P/25245/2022 | ÉTAT DE FRAIS | ACPR/ |
COUR DE JUSTICE
Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).
Débours (art. 2) | | |
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- frais postaux | CHF | 10.00 |
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Émoluments généraux (art. 4) | | |
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- délivrance de copies (let. a) | CHF |
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- délivrance de copies (let. b) | CHF |
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- état de frais (let. h) | CHF | 75.00 |
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Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13) | | |
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- décision sur recours (let. c) | CHF | 900.00 |
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- | CHF |
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| Total | CHF | 985.00 |