Décisions | Chambre pénale de recours
ACPR/877/2022 du 15.12.2022 sur ONMMP/3231/2022 ( MP ) , REJETE
république et | canton de Genève | |
POUVOIR JUDICIAIRE P/21239/2021 ACPR/877/2022 COUR DE JUSTICE Chambre pénale de recours Arrêt du jeudi 15 décembre 2022 |
Entre
A______, domicilié ______ [GE], comparant par Me Sébastien VOEGELI, avocat, Keppeler Avocats, rue Ferdinand-Hodler 15, case postale 6090, 1211 Genève 6,
recourant,
contre l'ordonnance de non-entrée en matière rendue le 21 septembre 2022 par le Ministère public,
et
LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,
intimé.
EN FAIT :
A. a. Par acte expédié le 3 octobre 2022, A______ recourt contre l'ordonnance du 21 septembre 2022, communiquée par pli simple, par laquelle le Ministère public a refusé d'entrer en matière sur sa plainte du 28 décembre 2021.
Le recourant conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de l'ordonnance querellée et au renvoi de la cause au Ministère public pour l'ouverture d'une instruction.
b. Le recourant a versé les sûretés en CHF 1'000.- qui lui étaient réclamées par la Direction de la procédure.
B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :
a. Le 9 octobre 2021, vers 11h23, au guidon de son cycle de marque B______, A______ circulait sur le chemin jouxtant la route de Suisse en direction de Versoix.
b. À la hauteur du n° 8 de ladite route, pour une raison inconnue, il a perdu la maitrise de son véhicule et est parti en embardée. Il a fini sa course contre le banc d'un abribus des Transports publics genevois. Grièvement blessé à la tête, il a été héliporté aux Hôpitaux universitaires de Genève. Son pronostic vital a été engagé (rapport de renseignements du 9 octobre 2021).
c. Il ressort des différents documents médicaux au dossier que A______ avait été transféré au bloc opératoire pour suturer une plaie du scalp pariétal droit, avant d'être admis aux soins intensifs, où il avait été intubé et sédaté. Il avait subi de nombreuses lésions, dont un traumatisme crânien avec de multiples lésions axonales diffuses, une lésion axonale paramédiane droite du splénium du corps calleux et une fracture de l'omoplate gauche. Hospitalisé le jour de l'accident, il était sorti de l'hôpital le 19 novembre suivant.
d. Dans sa plainte pénale, déposée contre inconnu pour lésions corporelles par négligence (art. 125 CP), A______ explique que le jour des faits, les conditions météorologiques étaient bonnes: il n'y avait ni pluie ni brouillard. Il portait son casque et son vélo était en parfait état. À la hauteur de l'arrêt de bus "Versoix, La Scie", il avait eu un accident lors duquel il avait perdu connaissance. Il n'était donc pas en mesure d'en décrire les circonstances. Il prétendait tout de même avoir été violemment projeté contre l'abribus à cause d'un effet de "tremplin" provoqué par la "surélévation oblique" du trottoir, quelques mètres avant le mobilier urbain. L'abribus et la surélévation du trottoir ne faisaient l'objet d'aucune signalisation.
Plusieurs accidents avaient déjà eu lieu à cet endroit et la dangerosité de l'aménagement avait été signalé, à de nombreuses reprises, à l'Office cantonal des transports (ci-après: OCT). Ce n'était qu'après son accident que les autorités avaient placé un cône à l'angle de la surélévation du trottoir et effacé le marquage au sol à l'attention des cyclistes et des piétons.
Indépendamment de la question de savoir si l'aménagement en cause et son défaut de signalisation respectaient les prescriptions techniques, cette situation créait un danger reconnaissable pour l'intégrité corporelle. Les autorités, qui occupaient une position de garant et dont l'attention avait déjà été attirée sur l'état des lieux, n'avaient rien fait pour empêcher que ce risque se réalise.
Depuis l'accident, il souffrait de fatigue, de troubles de l'attention et de douleurs articulaires. Il ne savait pas quelles seraient ses séquelles à long terme. Il poursuivait ses suivis de physiothérapie, ergothérapie, neuropsychologie et psychologie.
Il sollicitait la production de l'ensemble des signalements reçus par l'OCT.
e. A______ a annexé à sa plainte trois photographies des lieux, toutes prises de jour. L'une aurait été prise "avant l'accident", sans plus de précision; les autres dateraient de "quelques jours après l'accident" et du 17 novembre 2021. Sur ces dernières photographies, l'on remarque que des cônes et un triangle avec feu lumineux ont été posés autour de l'arrêt de bus et que les pictogrammes "cycles" et "piétons" figurant précédemment au sol ont été effacés.
Il joint aussi :
- Un article paru le 30 novembre 2021 dans le mensuel "C______", mettant en évidence la multiplication des accidents en raison de la conception jugée "dangereuse" de la route de Suisse. Ainsi, le 7 septembre 2021 vers 22h00, alors qu'il faisait nuit, un cycliste, passant entre la route et l'abri de l'arrêt de bus "Versoix, La Scie", s'était vu projeté sur le mobilier urbain en raison du sol en forme de tremplin, prévu pour protéger les passagers attendant le bus. Selon les ambulanciers, c'était la troisième fois qu'ils venaient "ramasser" un blessé à cet endroit.![endif]>![if>
- Un échange de courriels entre un membre de l'association D______ et le Département des infrastructures datant des 19 et 26 novembre et 2 décembre 2020, au sujet de la visibilité de l'abribus à l'entrée de Versoix. Selon ledit membre, il semblait nécessaire d'améliorer la visibilité de cet "obstacle" sur le chemin des cyclistes, notamment en ajoutant un élément réfléchissant sur le poteau de l'abribus, dès lors que la bordure marquant le quai du bus ne se "remarqua[it] pas forcément de nuit, avec en plus les feuilles mortes". De même, "le soir, avec une mauvaise visibilité et les feuilles qui potentiellement recouvr[aient] le pictogramme vélo, des cyclistes pass[aient] devant l'abribus et risqu[aient] de heurter le banc qui dépassait sur l'avant". ![endif]>![if>
f. Entendu le 13 décembre 2021, A______ a expliqué ne pas se souvenir des circonstances de l'accident mais uniquement que, le jour des faits, il se rendait au Musée Olympique à Lausanne pour faire un selfie. Sa perte de mémoire remontait à l'été 2021. Il précisait faire du vélo à titre sportif, ne se considérant pas comme un novice.
g. Entendu le jour des faits par la police, un automobiliste, E______ a expliqué qu'il circulait sur le chemin de l'Ancien-Péage. Arrivé au rond-point, il avait vu un cycliste venant de la route de Lausanne. Ce dernier, qui circulait sur la "piste cyclable", roulait "rapidement". Puis, il l'avait perdu de vue. Arrivé à la hauteur de l'arrêt de bus, il l'avait trouvé à terre et avait appelé les secours.
h. Selon le rapport de renseignements du 21 janvier 2022, l'analyse toxicologique de A______ n'avait révélé aucun élément pertinent quant à une éventuelle incapacité de conduire.
En outre, l'expertise technique du cycle effectuée par l'Office cantonal des véhicules n'avait démontré aucune défectuosité susceptible d'être à l'origine de l'accident.
i. Selon le rapport de renseignements du 17 janvier 2022 établi par le Groupe audio-visuel accident (ci-après: GAVA) de la police, la déformation des tubes métalliques formant l'assise du banc de l'abribus et les dégâts constatés sur le casque tendaient à indiquer que le cycliste avait percuté le banc avec la tête. En l'absence de traces de freinage ou de frottement précédant la collision, il n'était toutefois pas possible de déterminer à quel endroit le cycliste avait dévié de sa piste. À la suite de la collision, le cycle s'était immobilisé sur le trottoir; les traces de sang situées sous le banc indiquaient le point d'arrêt après le choc.
Ledit rapport est accompagné de photographies prises le jour de l'accident. Sur le cliché "vue générale de l'accident dans le sens de marche du cycliste" (p. 2), on distingue sur la route, à gauche, le marquage au sol en zigzag annonçant l'arrêt de bus et, sur la droite, les pictogrammes "cycles" et "piétons". L'on perçoit aussi la démarcation entre la bordure de la zone d'attente de l'arrêt de bus et le trottoir. La piste est dégagée.
j. Selon le rapport de renseignements du 27 juillet 2022 de la Brigade législation et circulation de la police (ci-après: BLC), l'accident s'était déroulé sur une parcelle appartenant à la commune de Versoix. L'"aménagement" respectait les normes en vigueur, en particulier les normes "VSS" servant de références techniques pour toute construction, modification et aménagement de la chaussée.
L'accident était survenu sur un "chemin pour piétons", avec autorisation pour les cycles d'y circuler (signal OSR 2.61), de sorte que les piétons étaient prioritaires sur le tronçon. La cohérence du réseau, à savoir une organisation homogène du trafic sur de longs tronçons – les cycles circulant sur un trottoir avec cycles autorisés depuis Bellevue –, avait été privilégiée au détriment de la sécurité, étant précisé qu'en 2021, six accidents avaient eu lieu au même endroit. Après les faits, la mention "cycles autorisés" avait été supprimée, garantissant ainsi un maximum de sécurité aux piétons. Ce faisant, les cycles devaient se réinsérer dans le trafic et circuler sur la partie droite de la route, dès le rond-point.
Malgré la cohérence de l'itinéraire cyclable depuis Bellevue et les pictogrammes au sol ayant pour but le guidage optique des cyclistes, "l'insuffisance de contraste de la bordure basse a[vait] clairement influencé les circonstances et les conséquences de l'accident".
k. La BLC a joint à son rapport l'analyse de la sécurité routière de la mobilité douce sur la traversée de Versoix, établie le 18 février 2022 par F______ [entreprise de planification et de conseil dans le domaine de la sécurité routière notamment] sur mandat de l'OCT et la commune de Versoix, ensuite de l'accroissement du nombre d'accidents de cyclistes, notamment au niveau de l'arrêt de bus "Versoix, La Scie".
Il en ressort notamment que les cyclistes étaient censés passer derrière l'abribus et ensuite revenir rapidement sur le bord de la chaussée. Or, certains cyclistes, afin d'éviter cette "chicane", passaient directement devant l'abribus, mettant ainsi en danger les voyageurs en attente. De plus, le quai de l'arrêt était légèrement surélevé au-dessus du trottoir, à l'aide d'une bordure biaise. Celle-ci, difficilement visible par "mauvais temps ou la nuit", pouvait les amener à faire des mouvements brusques ou à des pertes de maîtrise (p.14).
Le risque d'accident, en raison de la "lecture du tracé difficile" et du "contraste insuffisant pour reconnaitre le quai de l'arrêt de bus" était considéré comme élevé à cet endroit (p.18).
Des mesures d'urgence avaient été prises, soit la pose de balises au quai de bus et de réflecteurs sur l'abribus. L'admission des vélos sur le trottoir avait été supprimée, "afin d'éviter les conflits" (p. 14). Cette dernière mesure devait être
pérennisée (p. 45).
C. Dans l'ordonnance querellée, le Ministère public retient que le trottoir emprunté par A______ était une "piste cyclable mixte", ce qui signifiait que l'espace devait être partagé entre les cyclistes et les piétons. Compte tenu de la présence d'un arrêt de bus, une zone d'attente pour les passagers des transports publics avait été aménagée, laquelle était délimitée sur le trottoir par une bordure basse dont les contrastes étaient légers. Cet élément pouvait avoir eu une incidence sur la survenance de l'accident.
Même s'il ressortait des rapports de F______ et de la BLC que d'autres accidents avaient eu lieu à cet endroit et que "ledit tronçon n'était pas adapté aux circonstances", il avait été démontré que l'aménagement du trottoir et de la piste cyclable mixte respectaient les normes et directives en la matière. Ainsi, "bien que la dangerosité de cet aménagement ne soit pas contestée, la commune ayant d'ailleurs adopté des mesures pour prévenir d'autres accidents sur la traversée de Versoix", aucune faute ou erreur ne pouvait être imputée à un tiers. Les éléments constitutifs de l'infraction de lésions corporelles par négligence faisaient défaut de sorte qu'une non-entrée en matière était justifiée (art. 310 al. 1 let. a CPP).
En revanche, il était établi que A______ avait perdu la maîtrise de son cycle après avoir circulé "très rapidement" et sans droit, sur la zone d'attente de l'arrêt de bus au lieu d'emprunter la "piste cyclable". Il était toutefois décidé de ne pas entrer en matière sur les faits reprochés à A______ (art. 90 al. 1 LCR) dès lors que ce dernier avait directement été atteint par les conséquences de son acte, vu les lésions subies (art. 8 al. 1 et 310 al. 1 let c CPP et 54 CP).
D. a. Dans son recours, A______ reproche au Ministère public une violation du principe in dubio pro duriore.
Le Ministère public ne pouvait déduire du respect des normes techniques une absence de défaut. L'ouvrage considéré – soit le trottoir cyclable et l'abribus spécialement aménagé dans le cadre des travaux de la transformation de la traversée de Versoix –, n'offrait pas un niveau de sécurité suffisant, ainsi qu'en attestaient tant les six accidents survenus en 2021 que les conclusions de F______ et de la BLC.
La sécurisation de cet aménagement, qui menaçait directement l'intégrité corporelle des usagers, aurait pu être effectuée au moyen d'un guidage optique au niveau de la bordure biaise ou encore de la pose d'un panneau d'interdiction de la circulation cyclable sur le trottoir, ce qui aurait soustrait le trafic cycliste au danger.
En n'éliminant pas le défaut de signalisation d'un ouvrage dont il se trouvait garant, et dans la mesure où ledit défaut avait entraîné des lésions corporelles graves, l'État, soit pour lui le Département des Infrastructures et ses agents, répondaient des lésions causées (arrêt du Tribunal fédéral 6B_15/2007 du 9 mai 2007, appliqué mutadis mutandis). Les éléments constitutifs de l'infraction à l'art. 125 CP étaient a priori réunis sous l'angle du principe in dubio pro duriore, de sorte qu'une non-entrée en matière était exclue.
b. À réception des sûretés, la cause a été gardée à juger, sans échange d'écritures ni débats.
EN DROIT :
1. Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et – faute de notification conforme à l'art. 85 al. 2 CPP – dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let a CPP) et émaner du plaignant qui, partie à la procédure
(art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).![endif]>![if>
2. À titre liminaire, la Chambre de céans constate que le recourant ne remet pas en cause l'ordonnance querellée en tant qu'il a été décidé de ne pas entrer en matière sur les faits potentiellement constitutifs de violation simple des règles de la circulation (art. 90 al. 1 LCR) qui lui était reprochée. Ce point n'est plus litigieux de sorte qu'il ne sera pas examiné ici (art. 385 al. 1 let. a CPP).![endif]>![if>
3. Le recourant affirme que les conditions d'une non-entrée en matière n'étaient pas réunies s'agissant des faits dénoncés dans sa plainte. ![endif]>![if>
3.1. Selon l'art. 310 CPP, le ministère public rend immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière s'il ressort de la dénonciation ou du rapport de police que les éléments constitutifs de l'infraction ou les conditions à l'ouverture de l'action pénale ne sont manifestement pas réunis (let. a). Le ministère public doit être certain que les faits ne sont pas punissables (ATF 137 IV 285 consid. 2.3 p. 287 et les références citées).![endif]>![if>
Le principe "in dubio pro duriore" découle du principe de la légalité (art. 5 al. 1 Cst. et 2 al. 2 CPP en relation avec les art. 19 al. 1 et 324 CPP; ATF 138 IV 86 consid. 4.2 p. 91; arrêt du Tribunal fédéral 6B_185/2016 du 30 novembre 2016 consid. 2.1.2 et les références). Il signifie qu'en principe, un classement ou une non-entrée en matière ne peuvent être prononcés par le ministère public que lorsqu'il apparaît clairement que les faits ne sont pas punissables ou que les conditions à la poursuite pénale ne sont pas remplies. Le ministère public et l'autorité de recours disposent, dans ce cadre, d'un certain pouvoir d'appréciation. La procédure doit se poursuivre lorsqu'une condamnation apparaît plus vraisemblable qu'un acquittement ou lorsque les probabilités d'acquittement et de condamnation apparaissent équivalentes, en particulier en présence d'infraction grave (ATF 143 IV 241 consid. 2.2.1 p. 243; ATF 138 IV 86 consid. 4.1.2 p. 91; ATF 137 IV 285 consid. 2.5 p. 288; arrêts du Tribunal fédéral 6B_417/2017 du 10 janvier 2018 consid. 2.1.2; 6B_185/2016 du 30 novembre 2016 consid. 2.1.2 et les références). En cas de doute, il appartient donc au juge matériellement compétent de se prononcer (arrêt du Tribunal fédéral 6B_185/2016 du 20 novembre 2016 consid. 2.1.2 et les références).
Une non-entrée en matière vise aussi des cas où la preuve d'une infraction, soit de la réalisation en fait de ses éléments constitutifs, n'est pas apportée par les pièces dont dispose le ministère public. Il faut que l'insuffisance de charges soit manifeste. De plus, le procureur doit examiner si une enquête, sous une forme ou sous une autre, serait en mesure d'apporter des éléments susceptibles de renforcer les charges contre la personne visée. Ce n'est que si aucun acte d'enquête ne paraît pouvoir amener des éléments susceptibles de renforcer les charges contre la personne visée que le ministère public peut rendre une ordonnance de non-entrée en matière. En cas de doute sur la possibilité d'apporter ultérieurement la preuve des faits en question, la non-entrée en matière est exclue (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 9 ad art. 310; R. PFISTER-LIECHTI (éd.), La procédure pénale fédérale, Fondation pour la formation continue des juges suisses, Berne 2010, p. 62; DCPR/85/2011 du 27 avril 2011).
3.2. L'art. 125 CP réprime le comportement de celui qui, par négligence, aura causé une atteinte à l'intégrité corporelle ou à la santé d'une personne. La réalisation de cette infraction suppose ainsi la réunion de trois conditions: l'existence de lésions corporelles, une négligence et un lien de causalité entre la négligence et les lésions. Conformément à l'art. 12 al. 3 CP, il y a négligence si, par une imprévoyance coupable, l'auteur a agi sans se rendre compte ou sans tenir compte des conséquences de son acte. La négligence suppose, tout d'abord, que l'auteur ait violé les règles de prudence que les circonstances lui imposaient pour ne pas excéder les limites du risque admissible. En second lieu, la violation du devoir de prudence doit être fautive, c'est-à-dire qu'il faut pouvoir reprocher à l'auteur une inattention ou un manque d'effort blâmable (ATF 135 IV 56 consid. 2.1 p. 64; 134 IV 255 consid. 4.2.3 p. 262 et les références citées). Pour déterminer plus précisément les devoirs imposés par la prudence, on peut se référer à des normes édictées par l'ordre juridique pour assurer la sécurité et éviter les accidents. Dans le domaine du trafic routier, il convient de se référer aux règles de la circulation routière (ATF 122 IV 133 consid. 2a p. 135). Lorsque des prescriptions légales ou administratives ont été édictées dans un but de prévention des accidents, ou lorsque des règles analogues émanant d'associations spécialisées sont généralement reconnues, leur violation fait présumer la violation du devoir général de prudence (ATF 143 IV 138 consid. 2.1 p. 140).![endif]>![if>
3.3. Une infraction de résultat, qui suppose en général une action, peut aussi être commise par omission si l'auteur est resté passif au mépris d'une obligation juridique qui lui commandait impérieusement d'agir pour éviter le résultat (cf. art. 11 CP). N'importe quelle obligation juridique ne suffit pas. Il faut qu'elle ait découlé d'une position de garant, c'est-à-dire que l'auteur se soit trouvé dans une situation qui l'obligeait à ce point à protéger un bien déterminé contre des dangers indéterminés (devoir de protection), ou à empêcher la réalisation de risques connus auxquels des biens indéterminés étaient exposés (devoir de surveillance), que son omission peut être assimilée au fait de provoquer le résultat par un comportement actif (cf. art. 11 al. 2 et 3 CP; ATF 134 IV 255 consid. 4.2.1. p. 259).![endif]>![if>
3.4. Selon l'art. 12 al. 3 CP, agit par négligence quiconque, par une imprévoyance coupable, commet un crime ou un délit sans se rendre compte des conséquences de son acte ou sans en tenir compte. L'imprévoyance est coupable quand l'auteur n'a pas usé des précautions commandées par les circonstances et par sa situation personnelle. Deux conditions doivent être remplies pour qu'il y ait négligence. En premier lieu, il faut que l'auteur viole les règles de la prudence, c'est-à-dire le devoir général de diligence institué par la loi pénale, qui interdit de mettre en danger les biens d'autrui pénalement protégés contre les atteintes involontaires. Un comportement dépassant les limites du risque admissible viole le devoir de prudence s'il apparaît qu'au moment des faits, son auteur aurait dû, compte tenu de ses connaissances et de ses capacités, se rendre compte de la mise en danger d'autrui (ATF 136 IV 76
consid. 2.3.1 p. 79). Pour déterminer le contenu du devoir de prudence, il faut donc se demander si une personne raisonnable, dans la même situation et avec les mêmes aptitudes que l'auteur, aurait pu prévoir, dans les grandes lignes, le déroulement des événements et, le cas échéant, quelles mesures elle pouvait prendre pour éviter la survenance du résultat dommageable (ATF 134 IV 255 consid. 4.2.3 p. 262 et les références citées). Lorsque des prescriptions légales ou administratives ont été édictées dans un but de prévention des accidents, ou lorsque des règles analogues émanant d'associations spécialisées sont généralement reconnues, leur violation fait
présumer la violation du devoir général de prudence (ATF 143 IV 138 consid. 2.1
p. 140; 135 IV 56 consid. 2.1 p. 64; 134 IV 255 consid. 4.2.3 p. 262). En second lieu, la violation du devoir de prudence doit être fautive, c'est-à-dire qu'il faut pouvoir reprocher à l'auteur une inattention ou un manque d'effort blâmable (ATF 135 IV 56 consid. 2.1 p. 64; 134 IV 255 consid. 4.2.3 p. 262 et les références citées).![endif]>![if>
3.5. Conformément à un principe général de l'ordre juridique, celui qui a créé, entretenu ou accru un état de choses susceptible de mettre autrui en danger est tenu de prendre toutes les mesures commandées par les circonstances pour éviter la survenance d'un dommage ou, le cas échéant, l'aggravation de l'atteinte déjà causée; sont exigées les mesures propres à prévenir les conséquences prévisibles de l'abstention, soit les effets que l'on peut attribuer à l'acte préalable en appliquant la théorie de la causalité adéquate (ATF 134 IV 255 consid. 4.2.2. p. 260). Dès lors, même celui qui a créé le risque en accomplissant un acte en soi licite et qui s'est conformé, pour ce faire, aux prescriptions de sécurité légales, administratives ou associatives édictées en la matière doit prendre les mesures nécessaires au regard des circonstances pour prévenir les dommages prévisibles que son acte pourrait causer; il ne saurait exciper des lacunes des prescriptions de sécurité légales, administratives ou associatives applicables (ibid.). ![endif]>![if>
3.6. Aux termes de l'art. 5 al. 1 de la loi sur la circulation routière (LCR; RS 741.01), les limitations et prescriptions relatives à la circulation des véhicules automobiles et des cycles doivent être indiquées par des signaux ou des marques, lorsqu'elles ne s'appliquent pas à l'ensemble du territoire suisse. Selon l'art. 101 al. 3 de l'ordonnance sur la signalisation routière (OSR; RS741.21), les signaux et les marques ne doivent pas être ordonnés et placés sans nécessité ni faire défaut là où ils sont indispensables. Il convient de se demander si l'installation d'une signalisation routière était nécessaire ou indispensable, compte tenu de la configuration des lieux (cf. ATF 99 II 195 consid. 4a).
3.7. En premier lieu, il est incontesté que l'aménagement et la signalisation des lieux étaient en tout point conformes aux normes en vigueur le jour de l'accident. Par ailleurs, le recourant a expliqué n'avoir aucun souvenir des circonstances dans lesquelles l'accident s'était produit puisqu'il avait perdu connaissance. Ainsi, l'existence d'un lien de causalité adéquate entre l'aménagement litigieux et les lésions subies par ce dernier n'est pas établi.
Même à considérer un tel lien comme établi, il convient d'examiner si, en l'absence de tout autre marquage et toute signalisation – en particulier un guidage optique ou un signal indiquant une interdiction de circuler, comme le prône le recourant – l'état et la configuration des lieux suffisaient à créer un danger pour les usagers de la route (arrêt du Tribunal fédéral 6B_896/2018 du 7 février 2019 consid. 3.5.).
Tel n'est pas le cas en l'occurrence.
D'après les photographies au dossier, prises le jour des faits (rapport du 17 janvier 2022, p. 2), il apparait que, depuis le trottoir mixte, l'aménagement litigieux ne pouvait guère s'interpréter comme étant le prolongement de ce tronçon. En effet, en s'en approchant, le recourant ne pouvait qu'apercevoir, au sol, sur sa gauche, le marquage en zigzag annonçant la présence d'un arrêt de bus, mais encore, sur sa droite, le pictogramme "cycles" peint en jaune, lequel indiquait clairement la direction à suivre. Cette signalisation était d'autant plus visible que l'accident a eu lieu en plein jour, alors que les conditions météorologiques étaient bonnes, et qu'aucune feuille morte, par exemple, ne se trouvait sur le chemin. Ainsi, le fait que les contrastes de couleur de la bordure basse par rapport au trottoir puissent avoir été insuffisants importe peu, dès lors que cet emplacement apparaissait comme une zone reconnaissable d'attente pour l'accès aux transports publics et ne pouvait être confondu avec la continuité du trottoir mixte.
Même à supposer que le recourant eût imaginé que le trottoir mixte se prolongeait sur le bord de la chaussée, c’est-à-dire devant et non derrière l'abribus, le fait qu'il circulait, venant de Bellevue sur un trottoir avec cycles autorisés (art. 65 al. 8 OSR), impliquait qu'il devait s'attendre à la présence de piétons déambulant ou sortant des propriétés adjacentes, à qui il devait la priorité (art. 33 al. 4 OSR). Le recourant devait ainsi pouvoir stopper son cycle en arrivant dans ladite zone d'attente ou, à tout le moins, avant d'entrer en collision avec l'aménagement litigieux ou, pire, avec un piéton. Ainsi, l'aménagement litigieux ne créait pas, en lui-même, le danger de causer un accident à un cycliste diligent.
Que d'autres accidents aient pu survenir au même endroit n'y change rien, puisqu'il ressort des articles de presse et courriels produits à leur sujet que les circonstances concrètes dans lesquels ils se sont produits ne sont pas comparables ni entre elles ni avec celles régnant au moment de l'arrivée du recourant.
Le fait que des modifications aient été entreprises par la suite non plus, puisqu'il ressort du rapport de F______ que ces mesures s'imposaient pour améliorer la visibilité de la bordure par "mauvais temps ou la nuit".
Enfin, contrairement à ce que soutient le recourant, la jurisprudence citée dans ses écritures (arrêt du Tribunal fédéral 6B_15/2007 du 9 mai 2007) ne saurait s'appliquer mutatis mutandis en l'occurrence, dès lors qu'elle traite de la problématique spécifique de la signalisation d'un chantier, en l'occurrence de l'excavation d'une fouille sur une piste cyclable, ayant entraîné la chute d'un cycliste alcoolisé et sous l'empire de benzodiazépines.
Au vu de ce qui précède, l'autorité publique – chargée de la signalisation routière – ne pouvait prévoir que le recourant, en plein jour, circulerait par mégarde devant, et non derrière, l'abribus et ne stopperait pas son cycle avant de rentrer en collision avec le mobilier urbain. Elle n'était donc pas tenue de prendre des mesures de sécurité particulières, en tout cas pas dans la configuration diurne qui a vu le choc et la chute du recourant.
Partant, l'existence d'une négligence fautive doit être niée, de sorte que les éléments constitutifs de l'art. 125 CP ne sont pas réunis.
Au vu de ce qui précède, on ne voit pas ce que l'ouverture d'une instruction pourrait amener de différent. Le recourant ne l'explique pas, d'ailleurs.
4. Le recours doit donc être rejeté.![endif]>![if>
5. Dès lors, la Chambre de céans pouvait décider d'emblée de le traiter sans échange d'écritures ni débats (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP).![endif]>![if>
6. N'ayant pas gain de cause, le recourant supportera les frais envers l'État, qui seront fixés en totalité à CHF 1'000.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP; E 4 10.03)![endif]>![if>
* * * * *
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Rejette le recours.
Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, fixés en totalité à CHF 1'000.-.
Dit que ce montant sera prélevé sur les sûretés versées.
Notifie le présent arrêt ce jour, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, et au Ministère public.
Siégeant :
Monsieur Christian COQUOZ, président; Mesdames Alix FRANCOTTE CONUS et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Monsieur Xavier VALDES, greffier.
Le greffier : Xavier VALDES |
| Le président : Christian COQUOZ |
Voie de recours :
Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).
P/21239/2021 | ÉTAT DE FRAIS |
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COUR DE JUSTICE
Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).
Débours (art. 2) | | |
- frais postaux | CHF | 10.00 |
Émoluments généraux (art. 4) | | |
- délivrance de copies (let. a) | CHF | |
- délivrance de copies (let. b) | CHF | |
- état de frais (let. h) | CHF | 75.00 |
Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13) | | |
- décision sur recours (let. c) | CHF | 915.00 |
- | CHF | |
Total | CHF | 1'000.00 |