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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/6275/2022

ACPR/579/2022 du 23.08.2022 sur OMP/10301/2022 ( MP ) , REJETE

Recours TF déposé le 28.09.2022, rendu le 16.12.2022, REJETE, 1B_510/2022
Descripteurs : DÉFENSE D'OFFICE;COMPLEXITÉ DE LA PROCÉDURE
Normes : CPP.132

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/6275/2022 ACPR/579/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mardi 23 août 2022

 

Entre

A______, sans domicile connu, comparant par Me B______, avocat, Etude ______, Genève,

recourant,

contre l'ordonnance de refus de nomination d'avocat d'office rendue le 16 juin 2022 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. Par acte expédié le 4 juillet 2022, A______ recourt contre l'ordonnance du 16 juin 2022, communiquée par pli simple, par laquelle le Ministère public a refusé d'ordonner une défense d'office en sa faveur.

Le recourant conclut, sous suite de frais et dépens, à ce que la jonction des P/1______/2022 et P/6275/2022 soit ordonnée, à l'annulation de l'ordonnance querellée et à la nomination de Me B______ en qualité de défenseur d'office à compter du 12 mai 2022.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Par ordonnance pénale du 23 février 2022, rendue dans la P/2______/2022, A______ a été condamné à une peine pécuniaire de 30 jours-amende à CHF 30.-, avec sursis, pour empêchement d'accomplir un acte officiel (art. 286 al. 1 CP). Il y a fait opposition, sous la plume de son conseil.

b. Par ordonnance pénale du 18 mars 2022, rendue dans la P/6275/2022, il a été condamné à une peine pécuniaire de 30 jours-amende à CHF 30.-, avec sursis, et une amende de CHF 300.-, pour infractions aux art. 19 al. 1 let. c et 19a ch. 1 LStup.

Il y a formé opposition le 23 suivant et demandé la jonction de la procédure à la P/2______/2022.

c. Le 18 mars 2022, une interdiction de pénétrer dans le canton de Genève pour une durée de six mois a été prononcée à son encontre par le Commissaire de police.

d. Le 21 avril 2022, le Ministère public a convoqué deux audiences au 10 mai 2022 à 9 heures dans la P/3______/2022 [anciennement P/2______/2022] et la P/6275/2022.

À cette occasion, le Ministère public a délivré un sauf-conduit en faveur d'A______, valable du 9 mai 2022 à 14h30 au 10 mai 2022 à midi.

e. Lors de l'audience, le Ministère public a informé A______ de son intention de joindre lesdites procédures.

En présence d'un interprète en langue anglaise, A______ a expliqué que, s'agissant des faits de la P/3______/2022, il ignorait qu'il avait affaire à des policiers en civil et n'avait pas tenté de fuir.

Il contestait la vente de stupéfiants reprochée dans la P/6275/2022.

Il possédait des économies de l'ordre d'EUR 1'400.-, précisant avoir gagné cet argent grâce à un emploi saisonnier en Italie. Il sollicitait la restitution de cette somme, séquestrée, et demandait la diminution du montant du jour-amende ainsi que de l'amende, compte tenu de sa situation financière.

Bien que dûment convoqué, C______, lequel avait identifié A______ comme étant son vendeur de stupéfiants, ne s'est pas présenté à l'audience.

f. Le 12 mai 2022, le Ministère public a ordonné la jonction de la P/3______/2022 et de la P/6275/2022, sous ce dernier numéro.

Ladite ordonnance a été communiquée au conseil d' A______ par pli simple.

g. Par ordonnance pénale du même jour, A______ a été condamné à une peine pécuniaire de 60 jours-amende à CHF 30.-, avec sursis, et une amende de CHF 100.-, pour empêchement d'accomplir un acte officiel (art. 286 al. 1 CP) et infractions aux art. 19 al. 1 let. c et 19a ch. 1 LStup.

Dans le cadre de cette décision, le Ministère public a aussi ordonné le séquestre et la confiscation de la somme de CHF 1'490.- ainsi que la restitution d'EUR 130.- au précité.

A______ y a formé opposition le 30 suivant.

h. Dans l'intervalle, par ordonnance du 11 mai 2022, rendue dans la P/1______/2022, A______ a été condamné à une peine privative de liberté de 90 jours et une amende de CHF 100.- pour infraction aux art. 115 al. 1 let. b et 119 al. 1 LEI et 19a ch. 1 LStup.

Il y a formé opposition le 12 mai 2022 et a demandé la jonction de ladite procédure à la P/6275/2022. Il a aussi sollicité "sous réserve de la jonction des procédures susmentionnées", la désignation de son conseil comme défenseur d'office.

C. Dans l'ordonnance querellée, le Ministère public a considéré que la cause faisant l'objet de la P/1______/2022 était de peu de gravité et n'exigeait pas la désignation d'un défenseur d'office, dès lors que le prévenu n'avait pas été condamné à une peine privative de liberté supérieure à quatre mois ou à une peine pécuniaire supérieure à 120 jours-amende.

D. a. Dans son recours, A______ reproche au Ministère public un déni de justice pour ne pas s'être prononcé sur sa demande de jonction de la P/1______/2022 à la P/6275/2022. Cette absence de décision lui causait un préjudice, dès lors qu'il était désormais en droit de prétendre à l'octroi de l'assistance judiciaire, les peines requises par le Ministère public étant supérieures au seuil de quatre mois fixé par l'art. 132 al. 3 CPP. De plus, le fait qu'il ne dispose pas des moyens nécessaires n'avait pas été contesté et la cause présentait des difficultés de fait et de droit qu'il ne pouvait surmonter seul. En effet, il n'avait pas eu l'occasion d'être confronté aux policiers ni à la personne l'ayant mis en cause et ce, alors qu'il avait, lors de l'audience du 10 mai 2022, contesté tant avoir tenté de fuir que vendre des stupéfiants. En outre, aucune infraction ne justifiait le séquestre de l'argent et cette décision le privait de toutes ressources, sa situation financière étant déjà précaire. Enfin, il était nécessaire que les démarches relatives à la délivrance d'un sauf-conduit soient entreprises afin qu'il évite une arrestation à l'occasion d'une prochaine audience sur opposition. Sa situation personnelle exigeait aussi la nomination d'un défenseur d'office. Jeune migrant, sans formation et ne parlant que l'anglais – qui n'était pas sa langue maternelle –, il était incapable de rédiger un courrier et de se défendre efficacement seul.

b. Le 12 juillet 2022, le recourant a transmis spontanément à la Chambre de céans le procès-verbal d'audience du jour-même par-devant le Ministère public dans le cadre des P/6275/2022 et P/1______/2022, lors de laquelle il a confirmé ses oppositions des 12 et 30 mai 2022. À cette occasion, il a réitéré sa demande de jonction des procédures et d'octroi de l'assistance judiciaire. Il a également sollicité l'audition des policiers ayant participé à son arrestation ainsi que du "toxicomane" l'ayant mis en cause.

c. Le Ministère public conclut au rejet du recours.

Il n'avait pas jugé utile de joindre les P/6275 et P/1______/2022 avant l'audience fixée au 12 juillet 2022 dès lors que si A______ n'y avait pas comparu, son défaut aurait été constaté et ses oppositions réputées retirées. L'intéressé ayant comparu, la jonction desdites procédures serait ordonnée et une nouvelle ordonnance pénale rendue.

L'octroi de la défense d'office devait s'apprécier en regard des conditions de l'art. 132 CPP uniquement et non en fonction de la jonction des procédures. Or, la cause était de peu de gravité. Quoiqu'il en soit, il était peu probable que, dans le cadre de la nouvelle ordonnance pénale qui serait rendue après la jonction des procédures, la limite maximale posée par l'art. 132 al. 3 CPP soit "dépassée" au vu des faits reprochés, "sans toutefois préjuger". Enfin, le recourant, qui percevait des revenus, n'avait pas produit de pièces permettant d'établir son indigence.

d. Dans ses observations complémentaires du 18 juillet 2022, le Ministère public a transmis à la Chambre de céans l'ordonnance du 20 juillet 2022, ordonnant la jonction des procédures P/1______/2022 et P/6275/2022 sous ce dernier numéro.

EN DROIT :

1.             1.1. Le recours, formé pour déni de justice et retard injustifié à statuer, soit des griefs invocables en tout temps (art. 396 al. 2 CPP), a été déposé selon la forme prescrite (art. 393 et 396 al. 1 CPP), par le prévenu, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP) qui dispose d’un intérêt juridiquement protégé à ce qu’il soit statué sur ses prétentions, et ce dans un délai raisonnable (art. 382 CPP).

Ce point est toutefois devenu sans objet, le Ministère ayant rendu, le 20 juillet 2022, soit postérieurement au dépôt du recours, la décision de jonction sollicitée (ATF 142 I 135 consid. 1.3.1; ACPR/130/2021 du 2 mars 2021, consid. 2; ACPR/745/2018 du 12 décembre 2018 consid. 2.1; Y. JEANNERET/ A. KUHN/ C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 16 ad art. 396).

1.2. Le recours, en tant qu'il vise le refus d'ordonner une défense d'office, est recevable, car interjeté selon la forme et dans le délai prescrits – la décision querellée ayant été communiquée par pli simple – (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), à l'encontre d'une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émane du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de ladite décision (art. 382 al. 1 CPP).

2.             Le recourant reproche au Ministère public d'avoir refusé de le mettre au bénéfice d'une défense d'office dès le 12 mai 2022.

2.1. L'art. 132 al. 1 let. b CPP soumet le droit à l'assistance d'un défenseur d'office aux conditions que le prévenu soit indigent et que la sauvegarde de ses intérêts justifie une telle assistance. S'agissant de la seconde condition, elle s'interprète à l'aune des critères mentionnés à l'art. 132 al. 2 et 3 CPP.

Les intérêts du prévenu justifient une défense d'office lorsque la cause n'est pas de peu de gravité et qu'elle présente, sur le plan des faits ou du droit, des difficultés que le prévenu seul ne pourrait pas surmonter (art. 132 al. 2 CPP), ces deux conditions étant cumulatives (arrêt du Tribunal fédéral 1B_477/2011 du 4 janvier 2012 consid. 2.2 et 1B_138/2015 du 1er juillet 2015 consid. 2.1).

En tout état de cause, une affaire n'est pas de peu de gravité lorsque le prévenu est passible d'une peine privative de liberté de plus de 4 mois ou d'une peine pécuniaire de plus de 120 jours-amende (art. 132 al. 3 CPP).

2.2. L'octroi de l'assistance judiciaire rétroagit en principe au jour du dépôt de la demande, sous réserve de démarches urgentes entreprises peu de temps avant (ATF 122 I 203 consid. 2f p. 208; arrêts du Tribunal fédéral du 17 mars 2020 consid. 2.4.; 1B_205/2019 du 14 juin 2019 consid. 5 et les références citées). L'art. 5 al. 1 RAJ va dans le même sens (l'assistance juridique est en règle générale octroyée avec effet au jour du dépôt de la requête).

2.3. L'art. 29 al. 1 let. a CPP consacre le principe de l'unité de la procédure pénale, à savoir qu'il y a lieu de poursuivre et juger, en une seule et même procédure, l'ensemble des infractions reprochées à un même prévenu. En vertu de ce principe, les infractions commises en concours doivent - y compris lorsqu'elles sont de nature différente (ATF 138 IV 214 consid. 3.6 et 3.7 où il était question de violences domestiques et d'escroquerie) - être réprimées dans un même jugement, un seul magistrat devant statuer sur l'ensemble des faits imputés à un délinquant. Cette solution permet, en sus d'éviter tant la multitude de décisions rendues à l'encontre d'une même personne que les frais liés à toute nouvelle procédure (ATF 138 IV 29 consid. 3.2 et arrêt du Tribunal fédéral 1B_428/2018 du 7 novembre 2018 consid. 3.2), de prononcer une peine complémentaire ou d'ensemble. En ce sens les intérêts de l'auteur sont préservés (art. 49 CP; L. MOREILLON / A. PAREIN-REYMOND, Petit commentaire CPP, Bâle 2016, n. 3 ad art. 29).

2.4. En l'espèce, le recourant a été condamné le 11 mai 2022 à une peine privative de liberté de 90 jours et, le lendemain, à une peine pécuniaire de 60 jours-amende dans deux procédures différentes; il a fait opposition à ces ordonnances pénales. La jonction des deux causes, laquelle a été sollicitée le 12 mai 2022, a été prononcée le 20 juillet 2022, soit postérieurement à la décision de refus d'assistance judiciaire querellée.

Si les deux causes prises indépendamment ne dépassaient pas le seuil de gravité de l'art. 132 al. 3 CPP, elles auraient pu l'atteindre si les causes étaient jointes. Or, une telle jonction aurait pu intervenir à compter du 30 mai 2022, soit à réception de l'opposition à l'ordonnance pénale du 12 mai 2022 rendue dans la P/6275/2022. La simple application des règles sur le concours d'infractions (art. 49 CP) laissait objectivement augurer une peine supérieure à celle prononcée dans chacune des ordonnances précitées et pouvant dépasser le seuil légal caractérisant les cas de peu de gravité. Il importe peu que le Procureur n'ait formalisé la jonction qu'ultérieurement.

Encore faut-il cependant que la cause présente, après jonction, des difficultés de fait ou de droit que le prévenu ne pourrait pas surmonter seul.

Or, si le recourant est certes migrant, sans instruction et ne parle pas le français, il a pu, avec l'aide d'un interprète, s'expliquer sur les faits reprochés, qu'il a contestés. Ceux-ci ne présentent à l'évidence aucune difficulté de compréhension, même pour un profane.

Une des conditions posées à l'art. 132 al. 2 CPP n'étant déjà pas remplie, il n'y a pas lieu d'examiner la condition de l'indigence, même si celle-ci apparait plausible.

3.             Le recours, en tant qu'il conserve encore un objet, sera donc rejeté.

4.             Le présent arrêt sera rendu sans frais (art. 428 al. 1 CPP et 20 RAJ).

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Laisse les frais du recours à la charge de l'État.

Notifie le présent arrêt ce jour, en copie, au recourant, soit pour lui son défenseur, et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Alix FRANCOTTE CONUS, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

Le greffière :

Arbenita VESELI

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).